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Full text of "Bulletin de la Société archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure"

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SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE  DE  NANTKS 


1885.—  \"  Sem. 


BULLETIN 


DE  LA 


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SOCIETE  ARCHEOLOGIQUE 


DE  NANTES 


ET  DU  DÉPARTEMENT  DE  LA  LOIRE-INFÉRIEURE 


TOME  VINGT-QUATRIÈME 


Année  1885 


PREMIER  SEMESTRE 


NANTES 

IMPRIMERIE   DE  VINCENT    FOREST   ET   EMILE   GRIMAUD 

4,  Place  du  Commerce,  4 
1885 


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UBRARY 


EXTRAITS 


DES 


PROCÈS-VERBAUX   DES  SÉANCES 


SÉANCE  DU  MARDI   13  JANVIER  1885. 

Présidence  de  M.  le  marquis  de  Bremond  d'Ars  Migré, 

Etaient  présents  :  MM.  Emile  Alizon,  Charles  Bastard,  le  baron  Bertrand- 
Geslin,  René  Blanchard,  Bougoiïin,  G.  de  la  Brosse,  du  Champ-Renou,  l'abbé 
Chevillard,  Ludovic  Cormerais,  le  comte  Régis  de  l'Estourbeillon,  l'abbé 
Grégoire,  Emile  Grimaud,  Adolphe  Josso,  de  Lisle  du  Dreneuc,  Léon  Maître, 
Jules  Montfort,  Claude  de  Monti  de  Rezé,  de  la  Nicollière-Teijeiro,  Charles 
Perrion,  Louis  Petit,  Paul  Poirier,  Raymond  Pouvreau,  Jean  Résal  et 
Riardant. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté  sans  modification. 

M.  le  Président  fait,  en  quelques  paroles,  l'éloge  funèbre  de  notre  très 
regretté  confrère,  M.  le  docteur  Constant-Jacques  Merland,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur,  décédé  à  Nantes,  le  8  janvier,  à  l'âge  de  soixante-seize 
ans,  l'auteur  si  estimé  des  Biographies  vendéennes,  et  l'un  des  premiers  et 
plus  zélés  travailleurs  du  Bas-Poitou.  M.  Merland  avait  également  publié  une 
intéressante  brochure  sur  un  habitant  de  Fonlenay,  Narcisse  Pelletier,  qui 
vécut  dix-sept  ans  chez  les  sauvages. 

M.  le  président  dépose  ensuite  sur  le  bureau  les  ouvrages  suivants,  dont  il 
fait  verbalement  l'analyse  sommaire,  mais  seulement  pour  ce  qui  peut  inté- 
resser la  Bretagne  et  les  travaux  de  la  Société  : 

lo  Discours  prononcé  par  Mgr  Bouché,  évêque  de  Saint-Brieuc,  le  8  sep- 


—  VI  — 
tembre  1884,  à  la  messe  du  Saint-Esprit  qui  a  précédé  le  Congrès  breton  de 
Lannion  (offert  par  la  Société  des  Bibliophiles  bretons)  ; 

2o  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France.  —  2e  semestre  1884; 

3°  Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Finistère.  —  T.  X,  8e  livrai- 
son, 1883  ; 

4°  Bulletin  d'Archéologie  chrétienne,  de  M.  le  commandeur  J.-B.  de  Rossi. 
Edition  française,  par  M.  l'abbé  Duchesne.  4°  série,  IIe  année,  livres  3  et  4; 

5»  Mémoire  sur  les  clochers  du  Finistère,  par  M.  Bigot,  architecte  dio- 
césain; 

6°  Journal  des  Savants.  —  Novembre  1884. 

Il  est  ensuite  procédé  à  l'élection  de  deux  membres  du  Comité  central,  on 
remplacement  de  MM.  l'abbé  Cahour,  démissionnaire,  et  Riardant.  MM.  Riardant 
et  Jules  Montfort  sont  élus. 

M.  André  Lemut,  ingénieur  civil  à  Nantes,  est  présenté  par  MM.  Raymond 
Pouvreau  et  Emile  Alizon,  comme  membre  résident.  M.  Emile  Alizon,  l'un 
de  ses  parrains,  fait  ainsi  valoir  les  titres  de  ce  candidat  :  «  M.  André  Lemut, 
«  dit-il,  est  un  ancien  élève  de  l'École  centrale,  aujourd'hui  ingénieur  civil  ; 
«  il  a  constamment  témoigné  le  plus  vif  intérêt  pour  l'étude  et  la  conscr- 
it vation  des  antiquités  de  notre  pays,  et  sa  compétence  dans  tous  les  tra- 
<  vaux  d'art  ne  peut  manquer  d'êire  utile  à  la  Société  archéologique,  notam- 
«  ment  à  l'occasion  du  congrès  de  1886  où  les  hommes  spéciaux  nous 
a  apporteront  un  concours  précieux.  » 

MM.  Paul  Poirier  et  Léon  Maître  présentent  M.  Félix  Chaillou  comme 
membre  titulaire  :  «  M.  Félix  Chaillou,  dit  M.  Poirier,  n'est  point  un  étran- 
«  ger  ni  un  inconnu  :  propriétaire  aux  Cléons,  en  Haute-Goulaine,  fils  d'un 
«  ancien  député  de  Nantes,  il  s'est  déjà  fait  remarquer  par  son  zèle  de  cher- 
«  cheur  persévérant,  et  en  a  été  récompensé  par  la  découverte,  aux  Cléons 
«  même,  d'une  importante  villa  gallo-romaine.  M.  Félix  Chaillou  u'est  pas 
«  seulement  un  archéologue  érudit,  c'est  aussi  un  artiste  de  mérite,  un  peintre 
«  de  talent;  ses  œuvres  ont  eu  plusieurs  fois  les  honneurs  du  salon.  Nous 
«  serons  donc  heureux  de  voir  parmi  nous  un  nouveau  confrère  unissant  ces 
>«  conditions,  si  rarement  réunies  chez  un  candidat  :  artiste,  peintre,  archéo- 
«  logue  et  propriétaire  dune  villa  romaine  qui  semble  une  mine  iuépuisable 
«  de  trésors  de  tout  genre.  » 

M.  le  comte  Amédée  de  Bejarry,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  lieute- 
nant-colonel de  l'armée  territoriale,  au  château  de  la  Roche-Louherie,  près 
Sainte-Hermine,  est  présenté  en  qualité  de  mtmbre  correspondant  par 
MM.  de  Dremond  d'Ars  et  le  baron  de  la  Tour  du  Pin  Chambly  :  «  M.  le  comte 


_  vil  — 
«  de  Bejarry,  dit  M.  le  président,  sera  le  bienvenu  parmi  nous,  non-seule- 
«  ment  pour  son  propre  mérite,  mais  aussi  en  mémoire  de  son  excellent  et 
«  regretté  père,  que  nous  avons  tous  connu  comme  le  plus  courtois,  Je  plus 
«  bienveillant,  et,  en  même  temps,  le  plus  assidu  de  nos  anciens  confrères. 
«  M.  de  Bejarry,  —  m'écrit  à  l'instant  M.  de  la  Tour  du  Pin,  retenu  chez 
«  lui  par  une  réunion  de  famille,  —  est  connu  depuis  longtemps  par  les 
«  souvenirs  de  sa  valeur  personnelle  tt  de  ses  blessures  au  siège  de  Paris 
«  comme  commandant  des  mobiles  vendéens,  ce  qui  lui  a  mérité  dêtre 
«  légionnaire  et  actuellement  colonel  d'un  régiment  territorial.  De  nos  jours, 
c  en  Vendée,  il  est  le  digne  continuateur  des  traditions  de  son  père,  l'un 
«  des  membres  fondateurs  de  notre  Société,  et  qui  réunissait  à  l'amabilité 
«  des  relations  les  connaissances  les  plus  variées.  Le  concours  de  M.  Amédée 
«r  de  Bejarry  sera  celui  d'un  esprit  sérieux  dont  l'obligeance,  en  toute  occa- 
«  sion,  nous  deviendra  très  heureusement  acquise.  » 

MM.  de  Bremond  d'Ars  et  Emile  Grimaud  présentent  ensuite,  comme 
membre  correspondant,  M.  PaulEudel,  qui  avait  déjà  fait  partie  de  la  Société 
lorsqu'il  habitait  Nantes,  sa  ville  natale.  Aujourd'hui,  M.  Eudel  réside  à  Paris, 
où  il  occupe  une  position  distinguée  parmi  les  hommes  de  lettres  et  les 
publicistes.  Notre  compatriote  ne  nous  avait  pas  oubliés  et  il  nous  offrait 
ces  jours-ci  son  dernier  volume  :  Les  Locutions  nantaises.  En  priant  notre 
président  de  le  présenter  de  nouveau  aux  suffrages  des  membres  de  la 
Société,  il  évoquait  ainsi  des  souvenirs  que  M.  de  Bremond  d'Ars  demande 
la  permission  de  citer  : 

«  Je  me  suis  rappelé,  disait-il,  l'époque,  déjà  lointaine,  où  j'étais  des 
«  vôtres  s  je  me  vois  encore,  bien  jeune  alors,  car  je  n'avais  guère  que  vingt  ans, 
«  assister  à  vos  séances  dans  la  sacristie  de  l'Oratoire.  J'étais  heureux  et  fier 
«  d'être  le  collègue  d'homme»  aussi  distingués  que  M.  Nau,  l'architecte  de  goût, 
«  présidant  nos  réunions  ;  l'abbé  Fournier,  nous  lisant  son  Voyage  à  Rome  ; 
«  M.  Bizeul,  l'ami  des  ruines  et  des  voies  romaines  ;  Armand  Guéraud,  esprit 
«  d'élite,  très  grand  amateur  d'autographes;  Fortuné  Parenteau,  un  cher- 
«  cheur  infatigable,  qui  savait  si  bien  dans  quelles  poussières  se  rencontrent 
«  les  heureuses  trouvailles,  —  et  bien  d'autres,  aujourd'hui  disparus.  — 
«  Ces  souvenirs  sont  pour  moi  des  plus  précieux,  et  je  me  reporte  souvent 
«  vers  eux  avec  plaisir  !  Je  ne  puis  même  les  évoquer  en  ce  moment,  sans 
«  regretter  de  ne  point  être  resté  votre  collègue,  et,  si  vous  voulez  bien, 
«  Monsieur  le  Président,  me  faire  admettre  comme  membre  correspondant 
<(  dans  votre  savante  et  sympathique  compagnie,  j'en  serai  personnellement 
«  très  flatté.  » 


—   VIII   — 

M.  Emile  Grimaud,  l'un  des  parrains  de  M.  Paul  Eudel,  s'associe  aux  sen- 
timents de  M.  le  président  et  ajoute  que,  depuis  longtemps,  notre  compa- 
triote est  connu  de  tous  les  membres  de  la  Société  archéologique.  Ses  remar- 
quables publications  lui  ont  créé  un  rang  distingué  dans  le  monde  de  la 
littérature  et  des  collectionneurs.  Chacun  sait  que  le  journal  le  Figaro  a  été 
heureux  de  l'attacher  à  sa  rédaction. 

M.  de  Lisle  du  Dreneuc  demande  la  parole  pour  rappeler  que  dernièrement 
M.  Paul  Eudel  a  mis  la  plus  charmante  bonne  grâce  à  faciliter  l'acquisition 
de  la  belle  collection  Seidler,  destinée  à  notre  musée;  il  demande  que,  sans 
faire  passer  au  scrutin  le  nom  si  sympathique  de  notre  ancien  collègue, 
l'assemblée  se  prononce  à  haute  voix  sur  son  admission.  Cette  demande  est 
chaleureusement  accueillie  par  le  Bureau  et  par  tous  les  membres  présents, 
qui  admettent  M.  Paul  Eudel  et  successivement  MM.  André  Lemut,  Félix 
Chaillou  et  le  comte  Amédée  de  Bejarry,  à  l'unanimité  des  suffrages. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  Louis  Petit  sur  un  dessin 
inédit  du  pont  de  l'Echellerie,  à  Nantes,  en  1646. 

«  Pour  répondre,  dit  M.  Petit,  a  la  demande  de  quelques-uns  de  nos  col- 
lègues, je  vous  présente,  Messieurs,  un  dessin  du  pont  de  l'Echellerie  construit 
au  XHIe  siècle,  dessin  original  de  1646  et  inédit. 

Me  réservant  de  donner,  dans  une  autre  séance,  des  notes  plus  expli- 
cites sur  les  murailles  élevées  par  Pierre  Mauclerc  et  sur  toute  la  partie 
des  bords  de  l'Erdre  qu'il  adjoignit  à  l'ancienne  cité,  les  dix  lignes  que  je 
vais  lire,  ce  soir,  doivent  être  considérées  comme  la  légende  succincte  et 
obligée  qui,  suivant  l'usage  d'autrefois,  accompagnait  les  gravures  représen- 
tant les  panoramas  et  vues  de  villes.  » 

Le  pont  de  l'Echellerie.  —  En  1227,  le  duc  Pierre  de  Dreux,  voulant  éten- 
dre les  limites  de  la  ville  au  delà  de  l'ancienne  enceinte,  porta  la  construction 
de  ses  murailles,  de  la  porte  de  Saint-Pierre  jusqu'au  bord  de  l'Erdre,  vers 
le  bas  de  la  Motte  de  Saint-André. 

«  Suivant  la  courbe  de  la  rivière,  il  les  continua  sur  une  longueur  de  plus 
de  280  toises  (550  mètres),  jusqu'au  point  faisant  face  au  sommet  du  rocher 
isolé  de  l'autre  rive  qu'il  voulait  englober  en  entier  dans  la  ville  nouvelle. 
Pour  arriver  à  ce  rocher  des  Antipodes  aspectant  la  ville  vers  Test,  et  qui, 
par  son  escarpement  à  l'ouest,  du  côté  du  rocher  du  Marcheil  et  du  côté  de 
la  Fosse,  présentait  un  rempart  naturel  s'inclinant  au  sud  vers  la  Loire  et 
facile  h  fortifier,  Pierre  Mauclerc  fit  construire  ce  pont  sur  l'Erdre  et  ces 
hautes  murailles. 
«  Ce  pont  fut  nommé  pont  de  l'Echellerie,  en  raison  de  l'escalier  divisé  par 


—   IX   — 

plusieurs  paliers  qu'il  fallut  établir  pour  atteindre  le  rocher,  à  5  toises 
environ  de  son  arête.  Sur  une  longueur  de  32  toises  (60  m.  25  c),  il  fallait 
monter  ou  descendre  80  marche?,  pour  aller  ou  venir  d'un  point  à  l'autre. 
Plus  tard  il  fut  dénommé  :  les  Murailles.  Ce  ne  fut  que  cinq  siècles  après, 
et  postérieurement  à  1723,  qu'on  appliqua  le  nom  des  Petits  Murs  à  sa 
partie  est,  arrivant  au  point  dit  maintenant  :  le  Marché  à  la  paille,  et  qui, 
précédemment,  avait  été  nommé  :  Place  de  la  République. 

«  A  ces  renseignements,  je  pourrais  beaucoup  ajouter,  mais  je  ne  dois 
pas,  aujourd'hui,  dépasser  les  limites  d'une  simple  communication.  » 

M.  Paul  Poirier  communique  à  la  Société  un  très  intéressant  mémoire  sur 
l'antiquité  de  l'industrie  du  fer.  Nous  ne  voulons  pas  nous  borner  à  analyser 
cet  important  travail,  fort  apprécié  par  tous  ceux  qui  en  ont  eu  connaissance  ; 
il  figurera  au  prochain  Bulletin.  Disons  seulement  que,  dans  une  de  ses 
conclusions,  M.  Poirier  admet  que  tous  les  métaux  ont  dû  être  simultané- 
ment découverts,  mais  il  pense  que  la  difficulté  de  travailler  le  fer  a  été 
l'une  des  causes  pour  lesquelles  il  n'a  pas  été  employé  tout  d'abord. 

M.  Alcide  Leroux,  inscrit  à  l'ordre  du  jour  pour  parler  des  établissements 
gallo-romains  de  Saffré  et  de  Wort,  se  trouvant  absent,  M.  Léon  Maître, 
archiviste  du  département,  annonce  qu'il  peut  suppléer,  en  partie,  son  col- 
lègue, en  communiquant  le  résultat  des  fouilles  qu'il  vient  de  faire  pratiquer 
à  Nort,  à  six  kilomètres  du  théâtre  romain  de  Coussol  en  Petit-Mars. 

Il  dépose  sur  le  bureau  divers  fragments  de  briques  à  rebords,  d'amphores, 
de  supports  d'hypocauste,  de  poterie  et  trois  morceaux  de  carrelage  portant 
en  creux  la  trace  d'une  section  de  cercle.  Tous  ces  objets,  dont  la  prove- 
nance romaine  est  parfaitement  reconnue  par  toute  l'assistance,  ont  été 
trouvés  dans  les  vignes  plantées  sur  le  sommet  qu'on  nomme  la  Motte,  à 
côté  des  terrains  qui  dépendaient  du  prieuré  de  Saint-Georges  de  Nort.  Les 
tuiles  de  carrelage,  prises  sur  place,  reposaient  sur  une  aire  de  mortier 
rougeâtre,  dans  une  couche  de  terre  végétale  de  60  centimètres. 

Malgré  les  sondages  multipliés  opérés  dans  les  vignas  et  aux  alentours, 
il  n'a  pas  été  possible  de  rencontrer  la  moindre  trace  de  substruction,  et 
cependaut  les  fossés  sont  pleins  de  matériaux  de  murs  renversés  et  de  tuiles 
de  toiture.  S'il  fallait  en  croire  la  tradition  répétée  par  tous  les  vieillards  du 
pays,  les  pierres  des  constructions  auraient  été  employées  pour  édifier  la 
première  église  paroissiale.  La  fouille  est  voisine  des  carrières  de  Saint- 
Georges,  d'où  sont  sorti»  les  matériaux  qui  composent  les  maisons  de  Nort; 
il  est  donc  fort  possible  que  les  habitants  du  moyen  âge  aient  commencé  par 
utiliser  les  ruines  avant  d'ouvrir  la  carrière.  La  Motte  de  Saint-Georges 


—  X  — 

avait  non-seulement  l'avantage  de  renfermer  de  la  pierre  à  bâtir,  mais 
encore  celui  d'être  h  proximité  du  sable.  Ce  dernier  élément  de  construction 
se  trouve  en  abondance  au  pied  du  versant  nord  qui  regarde  le  marais  de 
la  Trudelle.  M.  Retière,  après  en  avoir  extrait  une  grande  quantité,  fit  com- 
bler la  cavité  avec  plusieurs  tombereaux  de  tuiles  à  rebords  et  de  débris 
qui,  suivant  son  témoignage  très  affirmalif,  provenaient  des  terrains  supé- 
rieurs de  la  Motte.  Les  vignerons  du  pays,  qui  ont  retourne,  tous  les  sillons, 
planté  les  arbres,  labouré  et  ouvert  des  fossés,  assurent  que  l'espace  dans 
lequel  se  rencontrent  les  débris  romains  ne  dépasse  pas  la  contenance 
d'un  hectare  et  demi  sur  le  plateau  de  la  Motte  de  Saint-Georges. 

C'est  en  vain  qu'on  chercherait  sur  d'autres  points  de  la  ville  des  gise- 
ments du  même  âge,  personne  n'a  rencontré  de  ruines  romaines  en  dehors 
du  périmètre  ci-dessus,  et  pourtant  l'éminence  de  Saint-Chiislophe,  qui  fait 
face  à  celle  de  Saint-Georges  de  l'autre  côté  de  la  vallée  de  l'Erdre,  à  l'ouest, 
offrait  une  situation  non  moins  pittoresque  que  sa  voisine.  Le$  tombeaux  ne 
sont  pas  rares  à  Nort  :  ils  sont  tantôt  en  pierre  de  Nozay,  tantôt  en  calcaire 
coquillier,  mais  rien,  dans  leur  forme,  ne  rappelle  les  sépultures  antérieures 
au  XIe  siècle. 

Jusqu'à  plus  ample  information,  il  faut  donc  persister  à  croire  que  Nort 
est  une  agglomération  du  moyen  âge,  et  que  la  Motte  de  Saint- Georges  a 
simplement  servi  d'assiette  à  une  villa  romaine  ou  à  un  poste  d'observa- 
tion. 

A  ce  propos,  M.  Pitre  de  Lisle  communique  de  curieux  détails  sur  une 
villa  gallo-romaine  que  notre  collègue,  M.  Gustave  de  la  Brosse,  lui  a  fait  visiter 
le  mois  dernier,  près  de  Bois-de-Cené.  A  environ  deux  cents  mètres  du  bourg, 
dans  un  champ  qui  borde  sur  la  droite  la  route  de  Bouin,  des  travaux  de 
terrassements  ont  mis  à  découvert  une  série  de  murs  solidement  construits 
et  formant  1»  base  de  plusieurs  pièces  rectangulaires.  Trois  sont  parallèles  à 
la  route,  et  leur  aire,  formée  par  un  mortier  très  épais,  est  à  des  niveaux 
différents.  Eu  retour  d'équerre,  dans  la  direction  du  nord,  se  trouve  une 
autre  pièce  qu'il  est  facile  de  reconnaître  pour  une  piscine.  Le  dallage, 
composé  de  carreaux  eu  grès  dur,  d'un  poli  admirable,  est  d'une  pai faite 
solidité.  Les  murs  sont  parementés  d'un  enduit  qui  devait  complètement 
empêcher  les  eaux  du  filtrer  a  travers  les  joints  de  la  pierre.  Des  marches 
permettaient  de  descendre  facilement  dans  la  piscine,  et,  en  avant,  se  trou- 
vait une  salle  chauffée  par  un  hypocausle  dont  les  piliers  sont  encore 
visibles. 

B  est  probable,  d'après  les  petites  dimensions  de  ce  réservoir,  que  ces 


—  XI  — 

bains  dépendaient  simplement  de  l'habitation  d'un  riche  Gallo-Romain.  Cepen- 
dant de  très  petites  bourgades  a\  aient  quelquefois  >îes  bains  publics.  Des 
fragments  de  terre  cuite,  des  briques  à  rebords,  des  enduits  en  ciment 
colorié  sont  mêlés  aux  terres  qui  recouvraient  ces  ruines.  Comme  la  plupart 
des  villas  romaiues  de  nos  contrées,  celle  de  Bois-de-Cené  est  sur  un  ter- 
rain calcaire.  M.  Jules  de  la  Brosse,  qui  habite  le  château  de  l'Ile-Chauvet, 
situé  à  peu  de  distance  de  là,  a  suivi,  dès  le  début,  cette  intéressante  décou- 
verte et  a  obtenu  que  l'on  déblayât  méthodiquement  les  chambres  mises  à 
jour  par  les  travaux.  Il  voudra  bien,  nous  l'espérons,  nous  donner  de  nou- 
veaux renseignements  sur  ces  fouilles. 

M.  le  baron  Bertrand-Geslin  remet  au  conservateur  du  musée  archéolo- 
gique deux  objets  d'une  antiquité  incontestée  et  dont  la  provenance  est 
parfaitement  certaine.  L'un  de  ces  objets  est  une  hache  en  roche  dioritique, 
extrêmement  grossière;  elle  diffère  étrangement  des  belles  haches  polies 
données  au  musée  de  Nantes,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  par  M.  Bertrand- 
Geslin,  père  de  notre  collègue.  Celle-ci  n'est  guère  qu'une  ébauche  dont  la 
surface  a  été  usée  par  endroits  à  l'aide  d'un  pulissoir  très  rugueux,  mais  elle 
n'en  est,  par  cela  même,  que  plus  intéressante,  parce  qu'elle  permet  de 
suivre  le  travail  préparatoire  que  subissaient  ces  haches  avant  de  devenir 
complètement  luisantes.  Provenance:  Saint-Laurent-des-Autels  (Maine-et- 
Loire).  L'autre  objet  est  une  petite  javeline  celtique  en  bronze,  dont  la 
douille  a  été  brisée  ;  elle  a  été  découverte  à  50  centimètres  sous  terre,  en 
creusant  une  fosse  dans  la  forêt  de  la  Foucaudière  (commune  de  Saint-Lau- 
rentdes-Autels). 

M.  de  Lisle  du  Dreneuc  remercie,  au  nom  du  musée  archéologique,  M.  le 
baron  Bertrand-Geslin  du  don  de  ces  deux  objets. 

M.  du  Champ-Renou  expose  ensuite  une  pierre  polie,  d'un  travail  très 
particulier;  au  centre  elle  est  forée  d'un  trou  en  double  cône  destiné  à  rece- 
v  dr  un  manche  ;  mais,  au  lieu  de  présenter  un  côté  tranchant,  comme  nos 
haches-marteaux,  elle  est  arrondie  des  deux  bouts.  C'était  une  sorte  de 
casse-tête  ou  de  marteau,  et  l'on  en  eonnaît  un  semblable  trouvé  à  Scarbo- 
rongh  (Yorkshire),  figuré  dans  l'ouvrage  de  sir  John  Evans. 

A  la  suite  de  ces  diverses  communications,  M.  de  Lisle  donne  lecture  de 
cei  tains  passages  de  son  inventaire  archéologique  de  l'arrondissement  de 
Paimbœuf,  qui  intéresse  vivement  l'auditoire  et  figurera  in  extenso  au  Bul- 
letin. 

Eu  terminant,  M.  le  président  communique  une  lettre-circulaire  de 
M.  le  Minisire  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux- Arts,  faisant  connaître 


—  XII  — 

aux  sociétés  archéologiques  des  départements  un  programme  d'études  pré- 
paré par  la  section  des  Sciences  économiques  et  sociales  du  Comité  des 
travaux  historiques  et  scientifiques.  Ce  programme  recommande  particuliè- 
rement aux  savants  et  aux  chercheurs  l'étude  des  anciens  domaines  ruraux; 
les  recherches  comparatives  sur  l'état  et  la  valeur  des  propriétés  bâties 
avant  1789  et  à  noire  époque  :  l'étude  des  effets  économiques  dus  à  la  créa- 
tion des  voies  de  communication  sous  l'ancien  régime  et  de  notre  temps;  et 
enfin  des  recherches,  dans  une  région  déterminée,  sur  les  modifications  qui 
se  sont  introduites  dans  la  pratique  des  régimes  matrimoniaux,  depuis  l'adop- 
tion en  France  du  Code  civil. 

M.  le  président  adresse  de  justes  éloges  et  de  sincères  remerciements,  au 
nom  de  la  Société,  à  MM.  Louis  Petit,  Paul  Poirier,  Léon  Maître,  Pitre  de 
Lisle,  Bertrand-Geslin  et  du  Champ-Renou,  pour  leurs  diverses  lectures  et 
intéressantes  communications. 

M.  de  l'Estourbeillon  fait  connaître  à  la  Société  que  la  Commission  prépa- 
ratoire du  Congrès  de  1886  se  réunira  le  mercredi  4  février,  dans  la  salle 
ordinaire  des  séances  de  la  Société,  a  l'Oratoire. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures  et  demie. 

le  Secrétaire  général, 
Cte  Régis  de  l'Estourbeillon. 


Séance  du  mardi  3  février  1885. 
Présidence  de  M.  le  marquis  de  Bremond  d'Ârs  Migré. 

Etaient  présents  :  MM.  le  marquis  de  Surgères,  vice-président,  le  baron 
Bertrand-Geslin,  René  Blanchard,  Bougouin,  Frédéric  Chaillou,  l'abbé  Che- 
villard,  P.  Coquillard,  le  comte  Régis  de  l'Estourbeillon,  Evellin,  Stanislas 
Gahier,  le  docteur  Genuit,  le  baron  des  Jamonières,  Alcide  Leroux,  de  Lisle 
du  Dreneuc,  Jules  Montfort,  de  la  Nicollière-TVijeiro,  Charles  Perrion,  Paul 
Poirier,  Riardant  et  A.  Van  Iseghem. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

M.  le  président  dépose  sur  le  bureau  les  ouvrages  suivants  : 

lo  Bulletin  de  la  Société  des  Archives  historiques  de  la  Saintonge  et 
de  l'Aunis.  T.  V.,  3e  livraison,  1er  janvier  1885; 


—   XIII  — 

2o  Bulletin  de  la  Société  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts  de  la  Sarthe. 
2°  série,  T.  XXI  ; 

3°  Annales  de  la  Société  académique  d'Architecture  de  Lyon.  T.  VII, 
1881-82; 

4°  Mémoire  de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest.  T.  VI,  1883. 

M.  le  baron  de  la  Tour  du  Pin  Ghambly  écrit  pour  s'excuser  de  ne  pou- 
voir assister  à  la  séance. 

M.  le  président  souhaite  la  bienvenue  à  notre  nouveau  confrère,  M.  Fré- 
déric Chaillou,  qui  remercie  la  Société  de  son  admission. 

M.  Paul  Eudel  remercie  également,  par  une  lettre  adressée  au  président, 
d'avoir  été  nommé  par  acclamation  membre  correspondant  de  la  Société 
archéologique. 

«  D'ici  longtemps,  —  écrit  notre  nouveau  confrère,  —  je  ne  pourrai, 
«  ainsi  que  je  le  voudrais,  payer  ma  bienvenue  et  reconnaître,  par  un  mémoire 
«  composé  spécialement  pour  la  Société,  son  accueil  extrêmement  bienveil- 
«  lant.  Cependant,  je  désire  vivement  être  le  plus  largement  représenté 
«  parmi  vous  qu'il  me  sera  possible.  Ne  pouvant  l'être  tout  de  suite  dans  les 
«  Annales,  je  le  serai  du  moins  sans  retard  dans  la  Bibliothèque.  En  consé- 
o  quence,  j'ai  prié  M.  Pitre  de  Lisle,  votre  très  intelligent  secrétaire,  de 
«  me  donner  la  liste  des  ouvrages  d'art  que  j'ai  pu  envoyer  jusqu'ici  à  la 
«  Société  et  dont  je  n'ai  pas  conservé  la  liste.  Je  serai  très  heureux  de  vous 
«  faire  hommage  de  ceux  qui  vous  manquent.  Mais,  plus  favorisé  qu'Ovide 
«  lorsqu'il  envoyait  l'un  de  ses  livres  et  qu'il  lui  disait  : 

«  Sine  me  ibis  in  urbem  » 

«  j'espère  bien,  n'étant  pas  en  exil,  pouvoir  me  rendre  à  Nantes  avant  la 
«  fin  de  Vannée,  et  assister,  autour  de  la  grande  table  verte  de  jadis,  à  l'une 
«  de  vos  intéressantes  séances.  » 

La  parole  est  accordée  à  M.  Félix  Chaillou,  inscrit  à  l'ordre  du  jour,  pour 
entretenir  la  Société  de  ses  nouvelles  découvertes  à  la  station  gallo-romaine 
des  Cléons.  Notre  confrère,  après  avoir  remercié  l'assemblée  de  l'avoir  admis 
à  l'unanimité  des  voix  à  la  dernière  séance,  donne  lecture  de  quelques  notes, 
aussi  intéressantes  que  brèves,  sur  ce  sujet  qu'il  connaît  si  bien.  Il  nous 
apprend  que  le  résultat  le  plus  important  de  ses  fouilles  récentes  est  la  mise 
au  jour  d'un  bassin  presque  rectangulaire,  aux  bords  légèrement  évasés  et 
ayant  44  centimètres  de  profondeur  sur  un  diamètre  de  1  mètre  40  centi- 
mètres à  l'intérieur.  Ce  bassin  était  circonscrit  et  pavé  de  tuiles  à  couver- 


—  XIV  — 
ture  de  grandes  dimensions,  et  dont  les  bords  saillants  étaient  disposés 
extérieurement  de  façon  à  obtenir  une  surface  polie.  Aucun  conduit  d'écou- 
lement ne  lui  permettait  de  déverser  son  contenu  au  dehors.  De  plus,  la 
chaux  liquide  pénétrant  par  les  joints  aurait,  dès  le  piiocipe,  rempli  tous  les 
vides  existant  entre  le  sol  et  les  tuiles,  et,  par  suite  de  la  dessication,  s'était 
transformée  en  lamelles  jaunâtres  encore  adhérentes  à  ces  dernières. 
M.  Félix  Chaillou  en  déduit  la  manière  dont  les  Gallo-Romains  utilisaient  la 
chaux  des  Cléons,  et  pense  que  la  chaux  vive,  placée  dans  le  bassin,  était 
éteinte  avec  rapidité,  puis  aussitôt  enlevée  pour  être  remplacée  par  d'autre. 

M.  l'abbé  Chevillard  vient  ensuite  communiquer  à  la  Société  quelques 
notes  sur  les  silex  taillés  du  Plateau  central.  Après  s'être  demandé  si  l'on 
ne  pourrait  pas  admettre  que,  dans  bien  des  cas,  ur.e  forme  déterminée  de 
hache  celtique  peut  servir  à  en  indiquer  la  provenance,  notre  honorable 
collègue  émet  l'opinion  que,  souvent  du  moins,  certaines  tribus  devaient 
avoir  adopté  des  haches  ou  des  armes  de  formes  spéciales.  Il  termine  cette 
communication  riar  de  curieux  détails  :  1°  sur  les  haches  longues  et  étroites, 
atténuées  un  peu  au  tranchant,  et  surtout  au  sommet,  mais  jamais  polies, 
que  l'on  rencontre  en  assez  grand  nombre  aux  environs  d'Oucques,  sur  le 
bord  de  la  route  de  Deaugency  et  de  celle  de  Fréteval  à  Châteaudun  ;  2J  sur 
les  haches  ovales  des  pays  de  Villetrun,  de  Coulominiers,  de  Selomraes  et  de 
la  vallée  du  Loir. 

M.  de  l'Estourbeillon  donne  lecture  du  travail  de  M.  le  marquis  de  Sécil- 
lon,  sur  la  première  entrée  des  évoques  de  Nantes  en  la  ville  de  Guérande. 
Ces  intéressants  documents,  recueillis  par  l'auteur  dans  les  archives  dépar- 
tementales et  dans  celles  du  château  de  Kerfur,  ne  sauraient  être  analysés  ; 
ils  seront  publiés  in  extenso  dans  le  Bulletin.  Disons  seulement  qu'à  la  suite 
de  cette  lecture,  plusieurs  membres  de  la  Société  se  sont  demandé  si  les 
cérémonies  particulières  usitées  lors  de  la  première  entrée  des  évoques  à 
Guérande,  à  l'exclusion  des  autres  villes  du  comté  nantais,  ne  pouvaient  pas 
être  un  dernier  vestige  des  prétentions  épiscopales  de  cette  vieille  cité. 

M.  le  président,  se  faisant  en  cela  l'interprète  de  l'assemblée,  a  cru  devoir 
appeler  spécialement  sur  ce  point  l'attention  des  historiens  de  notre  pro- 
vince. 

Il  charge,  en  même  temps,  M.  de  l'Estourbeillon  de  transmettre  à  M.  de 
Sécillon  les  félicitations  de  la  Société  pour  son  étude,  où  l'érudition  est  unie 
a  l'attrait  d'un  document  inédit. 

Après  avoir  fait  connaître  sommairement  le  curieux  Armoriai  de  Gelre, 
le  célèbre  héraut  d'armes  du  XIVo  siècle,  dont  la  Société  vient  de  recevoir 


—  XV  — 

le  troisième  volume,  M.  Pitre  de  Lisle  communique  la  suite  de  son  inven- 
taire archéologique  de  la  Loire-Inférieure,  C'est  l'arrondissement  de  Paim- 
bœuf  que  décrit  notre  savant  confrère,  et  il  le  fait  avec  son  talent  habituel. 
En  effet,  son  récit  des  fouilles  de  l'allée  couverte  du  Carreau  vert,  en  la 
paroisse  de  Saint-Michel  Chef-Chef,  captive  l'attention  générale  et  fait  dési- 
rer à  plus  d'un  archéologue  le  prompt  retour  des  longs  jours  d'été  pour 
suivre  l'exemple  de  M.  de  Lisle,  et  tenter  également,  avec  le  même  zèle,  si 
c'est  possible,  le  sort  des  recherches  préhistoriques. 

Pour  raviver  davantage  cette  noble  émulation,  M.  Alcide  Leroux  entretient 
l'assemblée  des  nombreuses  découvertes  que  plusieurs  propriétaires  ont 
successivement  faites  dans  la  paroisse  de  Saffré  où  se  trouvaient  d'importants 
établissements  gallo-romains.  Le  pays  de  Nort  n'a  point  échappé  aux  inves- 
tigations de  M.  Alcide  Leroux  :  les  débris  de  la  Motte  Saint-Georges  ont 
plus  d'une  fois  attiré  son  attention  ;  et  le  village  de  la  Rivière,  où  Ton  a 
découvert  de  très  anciennes  substructions,  est  de  ceux  qui  mériteraient 
certainement  une  visite  et  des  fouilles  spéciales. 

M.  le  président  remercie  vivement,  au  nom  de  la  Société,  M.  Alcide  Leroux 
de  son  exposé  si  complet  et  à  la  fois  si  précis;  il  adresse  les  mêmes  témoi- 
gnages de  gratitude  aux  auteurs  des  différentes  communications  faites  dans 
la  soirée,  et  la  séance  est  levée  à  dix  heures. 

Le  Secrétaire  général, 
Cte  Régis  de  l'Estourbeillon. 


SÉANCE  DU  3  MARS  1885. 

Présidence  de  M.  le  marquis  de  Bremond  d'Ars  Migré. 

Etaient  présents  :  MM.  le  docteur  Anizon,  le  baron  Bertrand- Geslin,  Félix 
Chaillou,  Jules  du  Champ-Renou,  Léon  Châtellier,  Pierre  Goquillard,  le  comte 
Régis  de  l'Estourbeillon,  le  baron  des  Jamonières,  Alcide  Leroux,  Léon 
Maître,  Jules  Montfort,  de  la  Nicollière-Teijeiro,  Charles  Perrion,  Alexandre 
Perthuis,  Paul  Poirier  et  Louis  Viau. 

Au  début  de  la  séance,  M.  Jules  Montfort  dépose  sur  le  bureau  les  plans 
et  vues  suivants  : 

1°  Une  aquarelle  représentant  le  Kreisker,  à  Saint-Pol-de-Léon  ;  2<>  un 


—  XVI  — 

petit  plan  de  Saint-Pol-de-Léon;  3°  une  photographie  de  la  cathédrale  de 
Quimper  ;  -4°  des  dessins  représentant  les  églises  de  Roscotf,  Plouaret,  Saint- 
Thégonnec,  Saint-Martin-de-Lamballo,  Guimilliau,  Lampaul  et  le  Folgoët; 
5°  deux  vues  du  bourg  de  Batz  ;  6°  un  album  de  voyages  avec  différentes 
vues  ;  7°  deux  vues  de  l'église  fortifiée  de  Saint-Martin-de-Lamballe. 

M.  le  président  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  le  comte  de  Bejarry,  qui 
s'excuse  de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

Il  est  procédé  à  l'élection,  comme  membre  résident,  de  M.  le  vicomte 
Frotier  de  Bagneux,  présenté  par  MM.  de  Bremond  d'Ars  et  Xavier  Le  Lièvre 
de  la  Tousche. 

M.  le  vicomte  de  Bagneux,  dit  M.  le  président,  déjà  membre  de  la  Société 
bibliographique  de  France  et  de  la  Société  des  Bibliophiles  bretons,  est 
l'un  de  nos  meilleurs  collectionneurs  nantais  et  possède  un  grand  nombre 
de  médailles  et  douvrages  rares.  On  lui  doit  la  récente  publication  des 
Mémoires  de  Pierre  Devaud  sur  les  guerres  de  la  Vendée,  avec  introduction 
et  notes,  par  l'abbé  Augereau,  curé  du  Boupère.  (ln-8°.  Nantes,  1882). 
Opuscule  fort  curieux,  tiré  à  cent  cinquante  exemplaires. 

Pierre  Devaud  était  un  brave  capitaine  vendéen  du  canton  de  Cholet,  qui, 
simple  cultivateur,  eut  néanmoins,  après  la  guerre,  l'idée  d'écrire  l'histoire 
de  ses  campagnes. 

Par  la  seule  rareté  du  fait,  son  récit  devait  être  conservé. 

Celte  laconique  narration  se  termine  par  ces  mots  d'une  admirable  sim- 
plicité : 

«  Pierre  Devaud  a  partie  45  fois  et  ses  batu  58  fois. 

«  Pierre  Devaud, 
«  Capitaine.  » 

Voilà  de  magnifiques  états  de  services. 

M.  le  vicomte  de  Bagneux  a  donc  été  bien  inspiré  en  faisant  imprimer 
cette  relation  de  la  guerre  de  Vendée,  écrite  par  un  des  héroïques  combat- 
tants. 

Le  manusciit  de  Pierre  Devaud  est  à  la  bibliothèque  du  château  de 
Froshdorf  ;  il  avait  été  olfert  à  M.  le  comte  de  Chambord  par  M.  Tom  Drake, 
qui  le  tenait  directement  du  fils  de  l'auteur.  Celui-ci  le  lui  avait  donné  pen- 
dant que  M. Drake  prenait  les  croquis  de  son  Album  vendéen. 

C'est  M.  de  Bagneux  qui  a  prêté  à  M.  Claude  de  Monti  de  Rezé  l'exem- 
p'airc  qu'il  possédait  des  Roollcs  des  Bans  et  Arrière-Bans  de  Poitou, 


—  XVII  — 

Xaintonge  etAngoumois,  publiés,  en  1667,  par  Pierre  de  Sauzay,  exemplaire 
presque  unique,  d'après  lequel  notre  érudit  et  si  laborieux  confrère  a  donné 
cette  magnifique  réimpression  d'une  pièce  historique  aujourd'hui  si  précieuse 
pour  les  familles  et  pour  l'histoire  de  cette  province. 

M.  le  vicomte  de  Bagneux  est  élu  à  l'unanimité. 

L'assemblée  procède  ensuite  à  la  nomination  de  ses  délégués  au  Congrès 
de  la  Sorbonne  en  1885.  —  Sont  délégués  :  MM.  Léon  Maître,  comte  Régis 
de  l'Estourbeillon,  Alcide  Leroux  et  Jules  Montfort. 

La  Société  archéologique  a  reçu  les  ouvrages  suivants,  dont  M.  le  prési- 
dent fait  verbalement  une  brève  analyse  : 

lo  Annuaire  de  la  Société  d'Émulation  de  la  Vendée.  31e  année,  1884 

2°  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  Année  1884,  n°  4 

3°  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  VOueit.  3e  trimestre  de  1884 

4°  Bulletin  de  la  Société  scientifique,  historique  et  archéologique  de  la 
Corrèze.  Tome  VI,  4e  livraison  ; 

5°  Bulletin  de  la  Société  de  Statistique  des  Deux-Sèvres.  Nos  10  à  12 
de  1884  ; 

6o  Tables  générales  des  Mémoires  et  Bulletins  de  la  Société  de  Statistique, 
Sciences,  Lettres  et  Arts  des  Deux-Sèvres,  (de  1836  a  1882),  par  Léo 
Desaivre; 

7°  Bulletin  de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et  Beaux-Arts  de  Cholet 
et  de  l'arrondissement.  1884  ; 

8»  Mémoires  de  la  Société  archéologique  et  historique  des  Côtes-du-Nord. 
2e  série,  tome  Ier,  2e  livraison  ; 

9°  Journal  des  Savants.  Livraisons  de  janvier  et  février  1885; 

10°  Revue  de  la  Société  des  Etudes  historiques,  faisant  suite  à  l'Investi- 
gateur. 4e  série,  tome  II,  1884; 

11°  Bulletin  du  Comité  des  Travaux  historiques  et  scientifiques.  Section 
d'Archéologie.  Année  1884,  n°  4; 

12°  Répertoire  des  Travaux  historiques.  Tome  II.  Supplément-Index; 

13°  Répertoire  des  Travaux  historiques.  Tome  III,  n°  2. 

M.  Léon  Maître,  rappelant  une  communication  faite  par  lui  en  1883,  dit 
que  contrairement  à  ce  qu'il  avait  cru  tout  d'abord,  et  à  l'inverse  des  cou- 
tumes de  beaucoup  d'autres  régions,  les  dénominations  de  Paradis,  appli- 
quées à  certaines  localités,  n'indiquent  point  dans  le  pays  nantais  un  ancien 
cimetière,  mais  sont  simplement  synonymes  de  Champ  fleuri.  Il  entretient 
également,  pendant  quelques  instants,  la  Société  du  culte  de  saint  Clément, 
patron  des  marins  et  des  passagers,  invoqué  souvent  par  les  populations 
1885.—  1er  Sem.  il 


XVIII  — 
habitant  le  long  de  nos  rivières  et  les  territoires  sabloneux  du  département. 
Il  serait  à  souhaiter,  dit-il,  qu'on  réunît  toutes  les  traditions  et  les  souvenirs 
qui  s'y  rapportent  dans  notre  pays,  de  façon  à  en  faire  un  jour  l'histoire. 
Les  traditions  du  culte  de  saint  Clément  sont  également  vivaces  dans  plu- 
sieurs de  nos  localités  présentant  des  traces  de  l'occupation  romaine  ou 
possédées  par  les  évoques  de  Nantes,  comme  par  exemple  Mauves  et  Gué- 
mené-Penfao.  Ces  traditions  pourraient  donc,  par  suite,  à  un  moment  donné, 
fournir  des  points  de  repère  importants  pour  les  origines  de  notre  histoire 
locale. 

M.  de  l'Estourbeillon  parle  brièvement  ensuite  du  culte  de  sainte  Agnès, 
encore  en  grand  honneur  à  Abbaretz  et  dans  tout  le  pays  de  la  Mée.  De 
nos  jours  encore,  on  y  va  de  fort  loin  en  pèlerinage  pour  obtenir  que  les 
moissons  soient  préservées  des  insectes,  et  notamment  de  ceux  que  nos 
paysans  gallos  appellent  la  teigne.  Les  pèlerins,  en  partant,  prennent  dans 
le  champ  infecté  une  teigne  vivante  et  l'emportent  dans  des  feuilles  vertes 
jusqu'au  but  de  leur  pèlerinage.  En  arrivant,  et  aussitôt  après  avoir  fait  le 
signe  de  la  croix  avec  de  l'eau  bénite,  ils  écrasent  la  teigne  sur  le  seuil  de  la 
chapelle  et  y  entrent  ensuite  pour  y  faire  une  prière,  Leur  prière  dite,  ils 
font  trois  fois  le  tour  de  la  chapelle,  tête  nue,  en  l'honneur  de  la  Trinité, 
puis  arrachent  près  d'elle  un  petit  genêt  qu'ils  font  toucher  à  la  sainte 
(sainte  Agnès)  et  le  trempent  dans  l'eau  bénite.  Ils  le  rapportent  ensuite 
soigneusement  chez  eux,  et,  aussitôt  leur  retour,  vont  le  piquer  dans  le  bord 
du  champ  atteint.  Si  celui-ci  reste  vert  et  prend  racine,  leur  champ,  disent- 
ils,  est  à  jamais  préservé  des  insectes,  car  sainte  Agnès  veille  dessus.  Bien 
dis  traditions,  un  grand  nombre  de  curieux  usages  existent  encore  ça  et  là 
dans  nos  campagnes.  Ils  tenaient  jadis  une  grande  place  dans  la  vie  de  nos 
ancêtres  et  formèrent  souvent  les  principaux  éléments  de  leurs  craintes  ou 
de  leurs  espérances.  «  Hâtons-nous  donc,  dit  M.  de  l'Estourbeillon,  de  les 
recueillir  pieusement  partout  où  nous  pourrons  les  rencontrer,  avant  qu'ils 
aient  totalement  et  pour  jamais  disparu.  » 

La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Jules  Montfort,  pour  entretenir  la 
Société  d'une  intéressante  brochure  publiée  par  M.  Bigot,  sur  lej  Clochers 
du  Finistère,  et  que  la  Société  a  reçue  récemment  à  litre  d'hommage.  Avec 
sa  compétence  si  connue,  M.  Montfort  expose  à  l'assemblée  les  principales 
divisions  adoptées  par  l'auteur  pour  le  classement  de  nos  églises  de  Basse- 
Bretagne,  et  fait  tour  à  tour  ressortir,  par  de  savants  commentaires  donnés 
à  l'aide  des  plans  et  dessins  qu'il  a  déposés  sur  le  bureau,  les  méiites  et 
l'intérêt  archéologique  des  églises  du  Kreisker,  de  RoscofF,  de  Lampaul,  de 


—  XIX    — 

Saint-Thégonnec,  du  Folgoët,  de  Plouaret,  de  Saint-Martin -de-Lamballe  et 
des  différents  édifices  religieux  que  chaque  siècle  vit  s'élever  en  Bretagne. 
Mais  nous  ne  déflorerons  pas  ici  cet  intéressant  travail,  qui  figurera  dans  nos 
annales  de  1885  et  qui  fut  écouté  par  tous  nos  confrères  avec  une  religieuse 
attention. 

M.  le  président  fait  connaître  à  la  Société  une  curieuse  brochure  de  notre 
confrère  M.  Charles  Marionneau,  intitulée  :  Une  Visite  au  château  de  Mon- 
taigne. Cette  visite  du  savant  archéologue  a  été  faite  après  l'incendie  du 
château,  et  il  constate,  dans  son  récit,  que  la  tour  où  Montaigne  avait  sa 
librairie  et  a  écrit  ses  Essaisy  a  été  préservée  du  sinistre.  M.  le  président 
annonce  qu'il  demandera  pour  la  Société  un  exemplaire  de  ce  travail. 

M.  Félix  Chaillou  fait  ensuite  part  de  ses  nouvelles  recherches  à  la  station 
des  Cléons.  Au  cours  de  ses  fouilles,  il  a  eu  la  bonne  fortune  de  rencontrer 
une  médaille  de  Gallien  et  une  de  Claude  II,  avec  un  fragment  d'enduit 
peint,  revêtu  de  sept  lignes  de  texte.  Notre  zélé  collègue  se  propose  de 
continuer  ses  fouilles  et  veut  bien  promettre  à  la  Société  qu'il  lui  commu- 
niquera leurs  résultats. 

M.  le  président  remercie  les  auteurs  de  ces  diverses  communications,  et  la 
séance  est  levée  à  dix  heures  un  quart. 

Le  Secrétaire  général, 
Cte  Régis  de  l'Estourbeillon. 


SÉANCE  DU  21  AVRIL  1885. 

Présidence  de  M.  le  marquis  de  Granges  de  Surgères,  vice-président. 

Etaient  présents:  MM.  Anizon,  René  Blanchard,  BougoûiD,  du  Champ- 
Renou,  baron  des  Jamonières,  de  l'Estourbeillon,  Jules  Montfort,  Claude  de 
Monti  de  Rezé,  de  la  Nicolière-Teijeiro,  Charles  Perrion,  Paul  Poirier,  Resal 
et  Viau. 

Lecture  est  donnée  d'une  lettre  par  laquelle  M.  de  Bremond  d'Ars,  retenu 
par  les  travaux  du  Conseil  général  du  Finistère,  s'excuse  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  séance  de  la  Société. 

M.  le  marquis  de  Surgères,  président,  fait  en  termes  émus  l'éloge  de  notre 


—   XX    — 

collègue,  M,  le  marquis  de  la  Bretesche,  décédé  au  commencement  de  cette 
année. 

«  J'ai  à  vous  annoncer,  Messieurs,  dit-il,  la  perte  douloureuse  faite  der- 
nièrement par  notre  Société,  en  la  personne  de  notre  collègue,  M.  le  marquis 
de  la  Bretesche.  Sa  mort  remonte  à  quelques  semaines  déjà  :  des  empêche- 
ments divers  et  l'irrégularité  apportée  par  les  vacances  de  Pâques  à  l'ordre 
de  nos  réunions  mensuelles  se  sont  opposés  à  ce  qu'il  vous  en  fût  fait  part 
plus  tôt. 

«  M.  delà  Bretesche  était  membre  de  cette  Société  depuis  le  3  avril  1860; 
si  ses  nombreuses  occupations,  si  un  séjour  presque  constant  à  la  campagne 
ne  lui  ont  pas  permis  d'assister  souvent  à  nos  réunions  et  de  nous  faire  part 
du  fruit  de  ses  recherches,  au  moins  l'intérêt  très  vif  qu'il  portait  à  nos 
travaux  et  la  parfaite  bonne  grâce  avec  laquelle  il  se  mettait  toujours  à  la 
disposition  de  chacun,  nous  sont-ils  bien  connus. 

«  Outre  une  collection  d'estampes  anciennes,  fort  intéressante  sinon  très 
nombreuse,  M.  de  la  Bretesche  possédait  un  précieux  médailler  dont  les 
éléments  curieux  et  variés  témoignaient  de  ses  goûts  très  purs  de  collec- 
tionneur et  de  sa  connaissance  approfondie  de  l'histoire  de  cette  province. 

«  Au  reste,  l'étude  de  l'histoire  bretonne  eut  toujours  pour  lui  les  plus 
vifs  attraits,  et  lorsque,  il  y  a  quelques  années,  se  fonda,  à  Nantes,  la  Société 
des  Bibliophiles  bretons,  ce  fut  avec  le  plus  grand  empressement  qu'il  y 
donna  son  adhésion  et  qu'il  voulut  bien  —  laissez -nous,  messieurs,  rappeler 
ici  ce  détail  dont  nous  avons  conservé  l'honorable  souvenir  —  nous  deman- 
der d'être  l'un  de  ses  parrains. 

et  Grand  propriétaire,  essentiellement  bon  et  charitable,  jouissant  de  l'es- 
time de  tous  ceux  qui  l'approchèrent  pendant  le  cours  de  sa  longue  carrière, 
M.  le  marquis  de  la  Bretesche  laisse  dans  la  société  nantaise  un  vide  irré- 
parable ;  ce  vide  n'est  pas  moins  grand  au  sein  de  cette  Société,  qui  avait 
l'honneur  de  le  compter  depuis  vingt-cinq  ans  parmi  ses  membres.  » 

Après  l'expression  de  ces  regr*  ts,  auxquels  s'associe  l'assistance  tout 
entière,  il  est  procédé  au  vote  pour  l'admission,  comme  membre  résident, 
de  M.  Adelson  Nogues  fils,  présenté  par  MM.  de  Bremond  d'Ars  et  de  la  Nicol- 
lière-Teijeiro.  M.  Adelson  Nogues  est  admis  à  l'unanimité. 

M.  le  président  donne  ensuite  la  parole  à  M.  de  l'Estourbeillon  pour 
entretenir  l'assemblée  du  dernier  Congrès  de  la  Sorbonne,  auquel  il  vient 
d'assister  comme  délégué  de  la  Société.  M.  de  l'Estourbeillon  rappelle  briève- 
ment les  principaux  travaux  des  diverses  sections  et  fait  connaître  le  bon 
accueil  que  les  différents  bureaux,  ainsi  que  tous  les  membres  du  Congrès, 


—  XXI  — 

ont  bien  voulu  faire,  comme  par  le  passé,  aux  communications  des  membres 
de  la  Société  archéologique  de  Nantes. 

M.  le  marquis  de  Surgères  lit  un  rapport  sur  un  fort  curieux  registre  dont 
il  s'est  rendu  acquéreur,  lequel  contient  les  titres  d'un  grand  nombre  de 
fondations  faites  dans  les  églises  et  établissements  hospitaliers  de  Nantes. 

Après  l'examen  de  ce  précieux  recueil,  qui  figurera  au  bulletin  de  1885, 
la  séance  est  levée  à  neuf  heures  et  demie. 

le  Secrétaire  général, 
Cte  R.  de  l'Estourbeillon. 


SÉANCE  DU  MARDI  12  MAI  1885. 

Présidence  de  M.  le  marquis  de  Bremond  d'Ars  Migré. 

Présents  :  MM.  le  docteur  Anizon,  le  vicomte  de  Bagneux,  Félix  Chaillou, 
le  baron  des  Jamonières,  Pitre  de  Lisle  du  Dreneuc,  Léon  Maître,  Jules 
Montfort,  Claude  de  Monti  de  Rezé,  Adelson  Nogues,  Charles  Perrion, 
Alexandre  Perthuis,  Henri  La  Peyrade,  Paul  Poirier  et  Ch.  Riardant. 

La  lecture  du  dernier  procès-verbal  est  remise  à  la  prochaine  séance. 

On  procède  au  scrutin  pour  l'élection  de  M.  Alfred  de  Veillechèze,  présenté 
par  MM.  de  Bremond  d'Ars  et  Jules  Montfort. 

M.  Alfred  de  Veillechèze  est  le  fils  de  M.  R.  de  Veillechèze,  qui  fut  pendant 
longtemps  conseiller  général  et  maire  du  Pellerin.  Son  nom  est  bien  connu 
des  archéologues  de  notre  département.  Plusieurs  pièces  rares  et  intéres- 
santes, découvertes  dans  l'Acheneau,  à  Pilon,  sont  déposées  au  musée  et 
portent  le  nom  de  M.  de  Veillechèze,  leur  donateur. 

L'amateur  érudit  et  distingué,  proposé  aujourd'hui  aux  suffrages  de  la 
Société,  peut  rendre  de  réels  services,  par  son  savoir  et  sa  connaissance 
approfondie  de  localités  que  l'on  pourra  prochainement  explorer  et  sur 
lesquelles  tout  porte  à  croire  qu'une  fructueuse  moisson  est  réservée  aux 
chercheurs. 

M.  Alfred  de  Veillechèze  est  admis  à  l'unanimité  membre  résident. 

Les  ouvrages  suivants,  offerts  à  la  Société,  sont  déposés  sur  le  bureau  : 

1°  Journal  des  Savants.  Mars  et  avril  1885.  —  M.  le  président  fait  remar- 


—  XXII  — 

quer  dans  ces  livraisons  une  intéressante  étude  de  Dom  Pîaine  sur   les 
anciennes  liturgies  de  la  Bretagne; 

2°  Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Finistère,  tome  XI,  1884; 

3°  Bulletin  de  la  Commission  des  Antiquités   de  la  Seine -Inférieure, 
tome  VI,  2e  livraison  ; 

4°  Bulletin  de  la  Société  des  Archives  historiques  de  la  Saintonge  et  de 
VAunis,  5e  volume,  4e  livraison  ; 

5°  Bulletin  de  la  Société  des  Sciences,  Lettres  et  Arts  de  Pau,  2e  série 
tome  XIII,  1883-84; 

6°  Bulletin  de  la  Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire  du  Ven- 
domois,  tome  XXIII,  1884; 

7°  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Tam-et-Garonne,  tome  XII, 
1884; 

8o  Prospectus  de  M.   Edouard   Forestié,  sur   son   ouvrage  :  Livres  de 
Comptes  des  Frères  Bonis,  14e  siècle  ; 

9o  Bulletin  de  la  Société  archéologique  et  historique  de  l'Orléanais, 
tome  VIII,  3«  et  4e  trimestres  1884; 

10°  Bulletin  de  la  Société  archéologique  et  histoiique  de  l'Orléanais.  Titre 
et  table  du  tome  VIIe,  1878-1882; 

11°   Bulletin  de  la  Société  polymathique  du  Morbihan.  Années  1883 
et  1884; 

12°  Bulletin  de  la  Société  des  Sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne, 
38«  volume,  1884; 

13°  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  4e  trimeslre 
de  1884; 

14°  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  Travaux  historiques  et  scienti- 
fiques, 1885,  n°  1,  et  liste  des  membres  titulaires,  1885; 

15°  Annales  de  la  Société  d'Agriculture,  Industrie,  Sciences,  Arts  et  Belles- 
Lettres  du  département  de  la  Loire,  2a  série,  tome  IV,  1884; 

16°  Mémoires  de  la  Société  académique  de  Maine-et-Loire,  tome  XXVIII, 
1883; 

17°   Mémoires    de    la   Société  des  Antiquaires  du   Centre  {Bourges), 
Xlle  volume,  2e  fascicule  contenant  l'armoriai  général  de  1696; 

18°  Annales  de  la  Société  académique  de  Nantes.  Vol.  V  de  la  6«  série, 
1884. 

M.  le  président,  après  avoir  indiqué  brièvement  les  travaux  les   plus 
remarquables  contenus  dans  ces  différents  Bulletins,  nous  donne  communi- 


—  xxm  — 

cation  d'une  lettre  qui  lui  a  été  adressée  par  M.  le  comte  de  Marsy,  directeur 
de  la  Société  française  d'Archéologie. 

La  durée  du  Congrès  ne  devant  être  que  de  huit  jours,  M.  le  directeur 
recommande  de  limiter  à  une  vingtaine  de  questions  le  programme  des 
conférences  archéologiques.  Trois  excursions,  en  dehors  de  celles  qui  pour- 
ront être  faites  dans  la  ville  même,  seront  également  suffisantes. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  le  docteur  Anizon  sur 
Sainte-Marie  de  Pornic.  Notre  érudit  collègue  nous  entretient  d'une  curieuse 
statue  placée  dans  l'église  de  Sainte-Marie  et  qu'il  attribue  au  XIII0  siècle. 
Cette  statue,  assez  rigide  de  forme,  offre  une  particularité  très  curieuse  : 
elle  est  percée  vers  le  milieu  de  la  poitrine  d'une  excavation  ovale  qui  ser- 
vait sans  doute  à  exposer  les  saintes  espèces.  M.  le  président  complète  cette 
communication  en  faisant  circuler  deux  photographies  représentant  la  statue 
de  Sainte-Marie.  Il  est  à  déplorer  que  cette  œuvre,  d'un  faire  assez  original, 
ait  été  dernièrement  plâtrée  et  modernisée  par  une  malencontreuse  répa- 
ration. 

M.  Léon  Maître  ajoute  quelques  précieuses  notes  à  la  communication  de 
M.  Anizon  ;  il  se  propose  de  revenir  plus  au  long  sur  ce  sujet  dans  une 
monographie  de  l'abbaye  de  Sainte-Marie. 

M.  Pilre  de  Lisle  donne  ensuite  lecture  d'une  étude  sur  la  Grande-Brière 
à  l'époque  gauloise.  Le  Brivet,  qui  traverse  cette  tourbière,  existant  déjà  à 
l'époque  où  les  armes  de  bronze  étaient  en  usage,  ce  qui  est  bien  démontré 
par  les  nombreuses  épées  de  bronze  trouvées  dans  son  lit,  l'auteur  se  demande 
comment  on  peut  faire  coïncider  l'existence  de  ce  fleuve  avec  celle  d'une 
baie  ouverte  à  la  pleine  mer  au  temps  de  César,  baie  qui  couvrirait  presqu'en 
entier  le  cours  du  Brivet. 

M.  Poirier  ajoute  quelques  observations  sur  la  formation  des  tourbes  qu'il 
a  étudiées  sur  les  hauts  plateaux  du  Jura,  où  elles  forment  trois  couches 
distinctes. 

M.  le  président  donne  la  parole  à  M.  Alexandre  Perthuis  pour  entretenir 
la  Société  au  sujet  d'anciennes  cartes  à  jouer  qui  sont  mises  sous  les  yeux 
de  la  Société. 

«  Par  une  circonstance  toute  fortuite,  dit  M.  Perthuis,  j'ai  fait  la  décou- 
verte de  cartes  à  jouer  qui  datent  au  moins  du  commencement  du  XVIIa  siècle. 
Ces  débris  formaient  la  couverture  d'un  roman  «  du  sieur  de  Préfontaine,  » 
intitulé  «  la  Diane  des  Bois,  »  «  achevé  d'imprimer  le  premier  jour  d'avril, 
mil  six  cent  vingt-huit.  » 

Il  n'est  pas  facile,  il  faut  le  dire,  par  le  temps  qui  court,  de  rencontrer 


—  XXIV  — 

des  cartes  aussi  anciennes  et  de  l'époque  de  Henri  II  ou  de  Charles  IX  ; 
peut-êlre  peut-on  môme  remonter  plus  loin.  Aussi  pensons-nous, vu  la  rareté 
de  ces  spécimens,  qu'il  ne  sera  pas  sans  intérêt  d'en  faire  une  courte  des- 
cription. Malheureusement,  il  n'est  parvenu  jusqu'à  nous  qu'une  planche  de  ce 
jeu,  contenant  huit  cartes  à  figures. 

C'estle  sortdes  jeux  tronqués  de  la  Bibliothèque  nationale,  de  celle  deRouen, 
etc.  Principalement  pour  le  XVIe  siècle,  on  n'a  que  des  séries  dépareillées. 

Donc,  ces  cartes  sont  disposées  sur  deux  files  de  quatre  portraits,  c'est- 
à-dire  qu'en  commençant  par  la  gauche, nous  trouvons  d'abord  : 

Une  reine,  un  valet,  un  roi  qui  s'appuie  sur  une  lyre,  une  reine.  Trois 
de  ces  figures  sont  fragmentées  par  le  haut;  puis,  au-dessous,  dans  le  même 
ordre,  viennent  : 

Un  roi,  un  valet,  une  reine,  un  roi;  celui-ci  soutient  l'écu  portant  l'aigle 
à  deux  têtes,  aux  ailes  éployées,  rappelant  les  armes  anciennes  de  Dugues- 
clin,  c'est-à-dire  sans  le  bâton  en  bande. 

Ces  dernières  cartes  sont  légèrement  rognées  dans  le  bas  par  le  ciseau 
du  relieur.  Du  reste,  aucune  n'a  les  couleurs  ;  les  signes  de  cœur,  carreau, 
pique  et  trèfle  sont  supprimés;  elles  ne  portent  ni  noms  ni  devises. 

Cependant,  je  signalerai  les  deux  valets,  qui  méritent  d'être  mention- 
nés. Aux  pieds  du  premier,  dont  une  partie  du  corps  est  endommagée,  règne 
une  banderolle  sur  laquelle  on  lit  le  nom  du  maître  cartier  en  caractères 
gothiques  : 

Clauto  <fi>ene»0g. 

Nous  n'avons  pas  souvenir  que  ce  nom  ait  été  rappelé  dans  les  publications 
qui  ont  paru  sur  les  cartes  h  jouer;  puis,  dans  un  cartouche  supporté  par  la 
hampe,  on  voit  les  lettres  G.  D.  —  A  quelle  généralité  se  rapportent-elles? 

Maintenant,  dans  l'autre  valet,  qui  est  placé  immédiatement  au  dessous 
du  premier,  nous  avons  un  visage  à  l'humeur  belliqueuse  :  l'image  d'un 
soudart  cuirassé,  avec  le  morion  en  tête  et  la  hallebarde  au  poing.  Sur  le 
fer  sont  répétées  les  lettres  G.  D.  à  l'envers.  Il  y  a  encore  à  regretter  que 
la  partie  intéressante  de  cette  carte  ait  disparu,  car  on  ne  voit  que  le  com- 
mencement et  la  fin  d'un  rouleau  qui  donne  sans  doute  encore  le  nom  de 
Claude  Genevoy.  Nous  sommes  obligé  de  dire  que  les  autres  figures  nous 
paraissent  d'un  dessin  grossier. 

Les  privilèges  de  la  corporation  des  maîtres  cartiers,  qui  sont  imprimés 


—  XXV  — 
en  1613,  ordonnent  qu'ils  ne  pourront  s'abstenir  de  mettre  leur  nom  au 
valet  de  trèfle,  ce  qui,  jusque  là,  avait  presque  toujours  eu  lieu. 

Enfin,  pour  conclure,  il  faut  ajouter  que  les  anciennes  cartes,  surtout 
celles  qui  provenaient  de  la  fabrique  d'Epinal,  au  XVIe  siècle,  peuvent  avoir 
donné  le  type  de  notre  trouvaille.  On  sait  que  c'est  à  peu  près  celui  des 
cartes  de  piquet  du  roi  Charles  VII.  » 

H.  le  président,  au  nom  de  la  Société,  remercie  M.  Alexandre  Perthuis  de 
cette  intéressante  communication. 

M.  le  président  expose  une  vue  du  vieux  Nantes  prise  en  face  de  l'ancienne 
Bourse  et  dont  l'acquisition  est  proposée  à  la  Société.  Le  Comité,  dans  sa 
prochaine  séance,  statuera  sur  ce  sujet. 

M.  Chaillou  nous  entretient  ensuite  de  nouvelles  fouilles  qu'il  vient  de 
faire  à  sa  villa  des  Cléons.  Une  chambre,  de  dimensions  moindres  que  celles 
de  la  grande  pièce  où  se  trouvaient  les  mosaïques  découvertes  l'an  passé,  a 
été  explorée  par  notre  zélé  collègue.  Cette  chambre  appartient  à  la  seconde 
époque  des  constructions  observées  aux  Cléons  ;  différents  objets  en  fer,  de 
grands  clous,  des  gonds,  une  poignée  de  porte  et  de  nombreuses  tuiies  ont 
été  recueillis  dans  ces  fouilles  et  enrichiront  le  petit  musée  des  Cléons.  La 
Société  se  propose  d'organiser  quelque  jour  une  excursion  sur  ce  point. 

M.  de  Bremond  d'Ars  donne  lecture  d'un  article  du  Bulletin  du  Comité 
des  Travaux  historiques,  consacré  aux  savantes  recherches  de  M.  Léon 
Maître  a  Petit-Mars. 

M.  le  président  termine  la  séance  en  nous  annonçant  que  M.  Henri  Bou- 
main  de  la  Touche,  propriétaire  à  Charaptoceaux  et  président  du  conseil 
d'arrondissement  d'Ancenis,  a  commencé  d'intéressantes  recherches  sur  les 
restes  de  la  vieille  tour  de  Champtoceaux  ;  il  invite  ceux  de  nos  collègues 
que  ces  fouilles  pourraient  intéresser  à  venir  visiter  ses  travaux.  Les  ruines 
historiques  de  Champtoceaux  se  dressent  auprès  du  nouveau  château  construit 
d'après  les  plans  de  notre  collègue  M.  F.  Bougoûin,  dont  le  talent  est  bien 
connu  :  c'est,  à  coup  sûr,  une  des  habitations  les  plus  pittoresques  de  la  vallée 
de  la  Basse-Loire.  Tous  ces  attraits  réunis  engagent  vivement  les  assistants  à 
diriger  de  ce  côté  une  excursion,  et  il  est  convenu  que  M.  le  président  s'en- 
tendra à  ce  sujet  avec  le  propriétaire  de  Champtoceaux. 
La  séance  est  levée  à  neuf  heures  et  demie. 

Le  Secrétaire  général, 
Pitre  de  Lisle  du  Dreneuc. 


—  XXVI  — 


SÉANGE  DU  MARDI  2  JUIN  1885. 


Présidence  de  M.  le  marquis  de  Bremond  d'Ars  Migré. 


Etaient  présents  :  MM.  le  doc'eur  Anizon,  Charles  Bastard,  le  comte  Amé- 
dée  de  Bejirry,  le  baron  Bertrand-Geslin,  Bougoiïin,  P.  Coquillard,  Ludovic 
Cormerais,  le  comte  Bégis  de  l'Estourbeillon,  Henri  Espitalier-La  Peyrade, 
le  docteur  Genuit,  le  baron  d'Izarn,  Alcide  Leroux,  Léon  Maître,  Jides  Mont- 
fort,  Claude  de  Monti  de  Bezé,  de  la  Nicollière-Teijeiro,  Charles  Perrion, 
Alexandre  Perthuis,  Paul  Poirier,  le  marquis  de  Surgères  et  Alfred  de  Veille- 
chèze. 

A  l'ouverture  de  la  séance,  lecture  est  donnée  par  M.  de  l'Estourbeillon 
du  procès-verbal  de  la  séance  du  21  avril  qui  est  adopté. 

Il  est  procédé  à  la  présentation,  comme  membre  résident,  de  M.  Olivier 
de  GourcufF,  secrétaire  général  de  la  Société  des  Bibliophiles  bretons. 

«  J'ai  l'honneur,  dit  M.  le  président,  de  vous  proposer,  de  concert  avec 
«  M.  Alexandre  Perthuis,  la  candidature  de  M.  Olivier  de  Gourcuff,  en  qua- 
«  lité  de  membre  résident. 

«  Je  n'ose  me  flatter  que  la  détermination  de  M.  de  Gourcuff  soit  due  à 
«  l'appel  que  je  m'étais  permis  de  lui  adresser  en  le  citant  parmi  nos  plus 
t  érudits  bibliophiles;  en  tout  cas,  nous  serons  tous  fort  heureux  de  le  voir 
«  apporter  à  notre  Société  son  concours  si  précieux.  Je  n'ai  pas  besoin 
«  d'énumérer  les  titres  multiples  et  variés  de  ses  travaux  ;  les  lecteurs  de 
t  la  Revue  de  Bretagne  et  de  Vendée  le  connaissent  de  longue  date,  et  les 
«  bibliophiles  bretons  le  nomment,  depuis  huit  ans,  secrétaire  général  de 
«  leur  importante  association.  La  science  bibliographique  possède,  il  est 
«  vrai,  peu  d'interprètes  aussi  compétents  et  surtout  aussi  laborieux  que 
«  M.  Olivier  de  Gourcuff,  qui  sait  parer  des  charmes  d'un  style  toujours 
«  gracieux  et  spirituel  les  dissertations  les  plus  arides  sur  la  bibliographie 
«  ancienne.  Il  est  vrai  aussi  que  M.  Olivier  de  Gourcuff,  poète  lui-même,  se 
«  trouve  fort  a  l'aise  pour  parler  de  ses  confrères  du  vieux  Parnasse  breton 


—  XXVII  — 

«  que  l'Anthologie  des  Poètes  bretons  du  XVIIe  siècle  ajustement  remis  en 
«  honneur  ».  » 

M.  le  président  présente  ensuite,  comme  membre  correspondant,  M,  Fran- 
çois Le  Ghauffde  Kerguennec,  maire  de  Saint-Molff. 

«  Il  y  a  six  ans,  Messieurs,—  dit  M,  de  Bremond  d'Ars,  —  M.  Léon  Maître 
K  et  notre  regretté  confrère  M.  l'abbé  Gallard  nous  présentaient,  comme 
«  membre  résident,  l'honorable  M.  François  Le  Chaufï  de  Kerguennec,  qui, 
«  depuis,  est  allé  habiter  Guérande,  près  de  ses  propriétés  de  la  commune 
«  de  Saint-Molff.  Notre  ancien  confrère  n'a  pas  voulu  demeurer  plus  long- 
ci  temps  séparé  de  la  Société  archéologique  de  Nantes,  et  il  nous  a  donc 
«  priés,  M.  Léon  Maître,  son  premier  parrain,  et  moi,  pour  remplacer  M.  l'abbé 
«  Gallard,  de  vous  demander  de  nouveau  vos  suffrages  pour  faire  encore 
«  partie  de  notre  compagnie  à  titre  de  membre  correspondant.  Nous  devons 
«  nous  féliciter  de  la  demande  de  M.  François  Le  Chauff  de  Kerguennec  : 
«  c'est  un  lien  de  plus  qui  nous  rattache  à  la  noble  et  vieille  cité  de  Gué- 
«  rande  où  nous  comptons  déjà  d'excellents  confrères.  Nous  devons  égale- 


1.  Voici  la  nomenclature,  par  ordre  chronologique,  des  publications  de  M.  Olivier  de 
Gourcuff  : 

1°  La  Polyarchie  de  Pierre  Belordeau,  sieur  de  La  Grée,  avocat  au  parlement  de  Bretagne, 
par  Olivier  de  Gourcuff.  —  Nantes,  Vincent  Forest  et  Emile  Grimaud,  1882. 

2»  Œuvres  badines  de  Meusnier  de  Querlon,  réimprimées  pour  la  première  fois  sur  les 
éditions  originales,  aveenotice  et  notes  par  Olivier  de  Gourcuff.  Bruxelles,  H.  Kistemaec- 
kers,  1882. 

3°  Un  poète  bretonignoré.—  Du  Bois-Hus.  Nantes,  Vincent  Forest  etEmile  Grimaud, 
1883. 

4"  Un  poêle  breton,  disciple  de  Ronsard,  François  Auffray.  —  Nantes,  Vincent  Forest 
etEmile  Grimaud,  1883. 

Le  Ca/fë,  épitre  inédite,  attribuée  à  Sénéce,  publiée  avec  notices  et  notes.  Nantes,  Vier, 
1883. 

5°  Satires  de  Louis  Petit,  réimprimées  sur  l'édition  originale  de  1086,  avec  notice  et 
notes,  Paris,  librairie  des  bibliophiles,  1883. 

G0  Un  du  Bartas  en  Bretagne.  Alexandre  de  Rivière,  magistrat  poète.  —  Nantes,  Vincent 
Forest  et  Emile  Grimaud,  1883. 

7°  Petites  études  sur  le  XVI'  siècle.  —  La  50"  édition  de  Robert  Garnier.  —  Le  président 
Bouju.  —  Nantes,  Vincent  Forest  et  EmileGrimaud,  1884. 

8»  Anthologie  des  poètes  bretons  du  XVII'  siècle,  avec  MM.  Stéphane  Halgnn,  le  C"  de 
Saint-Jean  et  Bené  Kerviler.  —  Nantes,  Vincent  Forest  et  Emile  Grimaud,  1884.  (Publi- 
cation de  la  Société  des  bibliophiles  bretons.) 

9°  Le  mouvement  poétique  en  Bretagne,  de  la  fin  de  la  Restauration  à  la  Révolution  de 
1848.  —  Nantes,  Vincent  Forest  et  Emile  Grimaud,  1885. 


—  XXVIII  — 
«  ment  attendre  d'intéressantes  communications  de  la  part  de  M.  Le  Ghauff 
«  de  Kerguennec,  ne  ferait-il  que  puiser  dans  les  archives  de  son  ancienne 
«  famille.  «  J'ai  des  papiers,  m'écrivait -il,  il  y  a  peu  de  temps,  qui  offrent  de 
«  l'intérêt  au  point  de  vue  historique  et  scientifique  :  le  dépouillement  n'en 
«  est  pas  complètement  achevé,  mais  j'espère  pouvoir  mettre  ce  travail  à 
u  jour,  grâce  à  la  collaboration  de  mon  ami  le  baron  Hulot  de  Collart  —  un 
«  de  nos  collègues  de  Guérande.  —  » 

«  Ces  lignes  nous  prouvent,  Messieurs,  —  ce  que  nous  savions  déjà,  — 
«  que  M.  François  Le  Chauff  de  Kerguennec  est  tout  dévoué  aux  études 
«  que  nous  avons  mission  d'encourager.  ■> 

A  la  suite  du  vote  réglementaire,  MM.  Olivier  de  Gourcuff  et  François 
Le  Chauff  de  Kerguennec  sont  élus  à  l'unanimité. 

La  Société  archéologique  de  Nantes  a  reçu,  depuis  sa  dernière  séance, 
les  brochures  et  ouvrages  suivants  : 

1°  Discours  prononcé  par  M.  Bené  Goblet,  ministre  de  l'Instruction  publique 
et  des  Cultes,  le  H  avril  1885,  à  la  Sorbonne. 

2°  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine,  tomes  XV  et  XVI  (année 
1884). 

Ces  volumes  contiennent,  entre  autres  articles  :  d'intéressantes  recherches 
sur  la  famille  de  Ronsard  ;  —  une  monographie  de  la  paroisse  de  Bazouges- 
Brée  ;  —  une  appréciation  de  l'Etude  sur  V ancienne  Géographie  de  la 
presqu'île  armoricaine,  par  notre  compatriote  M.  René  Kerviler  ;  —  une 
analyse  du  livre  du  docteur  Légué  sur  Urbain  Grandie  r;  —  une  étude  sur 
la  répression  du  blasphème  dans  l'ancienne  législation,  curieux  travail  où 
l'on  constate  que  le  Pape  Clément  IV  fit  modifier  au  roi  saint  Louis  son 
ordonnance  à  ce  sujet,  à  cause  de  sa  trop  grande  sévérité. 

3o  Bulletin  de  la  Société  de  Statistique,  Sciences,  Lettres  et  Arts  des  Deux- 
Sèvres  (janvier- mars  1885). 

4o  Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  la  Corrèze, 
tome  VU,  ire  livraison. 

Ce  volume  contient  une  intéressante  étude  sur  les  œuvres  des  émailleurs 
de  Limoges,  conservées  à  l'étranger. 

5o  Bulletin  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de  VAveyron. 

On  y  remarque  un  important  travail  de  M.  l'abbé  Revel  sur  l'histoire  du 
Comté  et  des  Comtes  de  Bodez,  rédigé  par  Antoine  Bonal,  premier  historien 
du  Rouergue,  mort  en  1628.  Il  est  regrettable  que  ce  travail  manque  de 
tables. 
6°  Bulletin  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de  VAveyron. 


—  XXIX  — 

Ce  nouveau  volume  renferme  un  essai  sur  la  Flore  du  Sud-Ouest  de  la 
France,  par  l'abbé  Joseph  Revel,  directeur  de  l'institulion  Saint-Joseph  de 
Villefranche-de-Rouergue. 

7°  Bulteti7i  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  Année  1885,  n°  1. 
8°  Collections  et  Collectionneurs,  par  M.  Paul  Eudel.  (Paris,  Charpen- 
tier, 1885).  Curieuse  étude  offerte  par  l'auteur,  membre  correspondant  de 
la  Société  archéologique  de  Nantes. 

9°  Description  des  minéraux  de  la  Loire-Inférieure,  suivie  d'une  notice 
sur  une  espèce  nouvelle,  la  Bertrandite  et  sur  une  argile  non  décrite,  par 
M.  Ch.  Baret,  membre  de  la  Société  académique  de  Nantes  et  de  la  Société 
minéralogique  et  géologique  de  France. 

Cette  espèce  nouvelle,  la  Bertrandite,  ainsi  nommée  en  l'honneur  de 
M.  E.  Bertrand,  le  célèbre  minéralogiste  qui  a  décrit  les  caractères  optiques 
et  cristallographiques  de  ce  minéral,  fut  trouvée  dans  le  département  de  la 
Loire-Inférieure  par  notre  compatriote  M.  Charles  Baret,  qui  eut  encore  la 
bonne  fortune  de  découvrir  aux  environs  de  Couëron  et  Saint-Nazaire  un 
gisement  de  fibrolite  qui  jusqu'à  présent  était  inconnue  en  France. 

Ce  qui  attire  notre  attention  spéciale  sur  ce  fait,  Messieurs,  c'est  que  ce  miné- 
ral (silicate  d'alumine),  très  dur  et  résistant,  a  été  employé,  dans  les  temps 
préhistoriques,  à  faire  des  haches  et  autres  instruments  :  ce  qui  prouve  que 
les  peuples  primitifs  savaient  déjà  discerner  les  principales  propriétés  des 
minéraux. 

Dans  le  Morbihan,  notre  confrère  M.  de  Limur,  guidé  par  les  indications 
de  M.  Cli.  Baret,  se  mit  à  la  recherche  de  la  fibrolite  et  en  trouva  un  gise- 
ment sur  la  côte  armoricaine,  offrant  un  filon  où  l'on  aurait  pu  facilement 
tailler  des  haches  d'une  certaine  dimension. 

Ce  minéral  est  plus  abondant  aux  Indes  orientales.  11  serait  curieux  de 
vérifier  si  les  haches  antiques  trouvées  dans  cette  contrée  sont  faites  avec 
cette  matière  ;  si  le  fait  était  constaté,  on  pourrait  en  conclure  que  les 
populations  celtiques,  originaires  de  l'Inde,  avaient  conservé  la  tradition  de 
cet  usage  de  fabriquer  les  haches  avec  le  minéral  le  plus  résistant,  c'est-à- 
dire  avec  la  fibrolite. 

La  Société  tout  entière  s'associe  ensuite  à  la  proposition  de  M.  le  président, 
d'envoyer  ses  remerciements  à  M.  Ch.  Baret. 

La  Société  archéologique  de  Nantes  a  reçu  une  circulaire  de  la  Commis- 
sion ornithologique  instituée  au  ministère  de  l'instruction  publique,  la  priant 
de  vouloir  bien  répondre  aux  questions  qu'elle  y  indique.  La  Société  décide 
que  cette  circulaire  sera  communiquée  à  MM.  Bonjour  et  Bureau,  conserva- 


—   XXX   — 

teurs  du  Muséum,  que  leurs  fonctions  et  leur  compétence  mettent  à  même 
de  répondre  à  ces  questions. 

M.  le  président  annonce  en  quelques  mots  la  fondation  d'une  nouvelle  revue 
à  Nantes,  la  Revue  historique  de  l'Ouest,  qui  a  pour  directeur  M.  Gaston  de 
Carné,  le  jeune  et  savant  auteur  de  l'ouvrage  sur  les  Chevaliers  bretons  de 
Saint-Michel,  et  pour  secrétaire  de  la  rédaction  M.  le  comte  R.del'Estour- 
beillon.  «  Cette  revue,  purement  historique,  est  destinée  surtout  à  la  publi- 
cation de  documents  concernant  l'histoire  des  familles,  et  nous  ne  saurions 
trop,  ajoute-t-il,  encourager  les  membres  de  la  Société  archéologique  à  s'y 
intéresser;  nous  sommes  d'ailleurs  vingt-huit  membres  de  la  Société  parmi 
les  nombreux  collaborateurs  de  cette  nouvelle  publication,  à  laquelle  nous 
souhaitons  tous  les  succès  dont  elle  est  digne  par  le  but  si  louable  qu'elle  se 
propose  :  «  L'étude  du  passé,  dans  ses  mœurs,  dans  ses  institutions  privées 
et  dans  la  vie  de  chacun  des  membres  qui  composaient  autrefois  le  corps 
social.  » 

Les  noms  de  beaucoup  d'autres  de  nos  confrères,  ajoute  M.  le  président, 
figurent  également  dans  les  publications  de  notre  région.  Nous  aimons  à  les 
relever  et  les  signaler  chaque  fois  que  nous  les  rencontrons.  Il  n'est  pas 
possible  de  demeurer  indifférent,  quand,  dans  un  journal,  une  revue,  un  bulle- 
tin quelconque,  nous  apparaît  le  nom  de  nos  confrères,  tels  que  :  MM.  Pitre 
de  Lisle,  René  Kerviler,  l'abbé  Dominique,  Arthur  de  la  Borderie,  de  l'Es- 
tourbeillon,  Joseph  Rousse,  de  Surgères,  l'abbé  Grégoire,  Léon  Maître, 
Alcide  Leroux,  etc.  Vous  me  permettrez  de  les  noter  et  de  les  consigner 
dans  notre  Bulletin  :  c'est  une  solidarité  que  nous  devons  revendiquer, 
car  elle  nous  rappelle  le  lien  qui  nous  unit.  » 

M.  le  président,  qui  a  l'habitude  de  souhaiter  la  bienvenue  à  chacun  de 
nos  nouveaux  confrères,  dit  qu'il  est  heureux  de  voir  deux  nouveaux  confrères 
assister  à  cette  séance,  M.  le  comte  Amédée  de  Bejarry,  dont  le  père,  si 
regretté,  fut  pendant  longtemps  un  des  doyens  de  notre  Société,  et  M.  Alfred 
de  Veillechèze.  Du  reste,  le  zèle  tout  particulier  que  l'on  montre  depuis 
quelque  temps  pour  venir  à  nos  réunions  est  d'un  bon  augure  pour  la 
Société,  qui  se  recrute  de  plus  en  plus. 

En  quelques  mots,  M.  le  président  rappelle  ensuite  les  conditions  géné- 
rales de  l'excursion  qui  doit  avoir  lieu  le  lendemain  à  Champtoceaux  chez 
M.  Henri  de  la  Touche  et  pour  laquelle  seize  membres  se  sont  déjà  fait 
inscrire. 

La  parole  est  ensuite  à  M.  le  docteur  Anizon  qui  complète  de  vive  voix 
les  notes  si  intéressantes  qu'il  avait  données  dans  une  précédente  séance 


—    XXXI  — 

sur  Sainte-Marie  de  Pornic,  et  qui  doivent  figurer  à  notre  bulletin  de  1885. 

M.  de  l'Estourbeillon  demande  qu'il  soit  écrit  au  maire  de  la  commune  de 
Mauves,  au  nom  de  la  Société  archéologique,  pour  le  prier  de  concourir  avec 
elle  à  la  conservation  de  la  pierre  tombale  de  Messire  Louis  d'Avaugour, 
ambassadeur  de  Louis  XIV  en  Suède,  l'un  des  plus  grands  personnages  du 
XVIIe  siècle  et  l'une  des  illustrations  du  comté  nantais.  —  La  Société  adopte 
cette  proposition  et  charge  M.  le  président  de  s'entendre  avec  M.  de  l'Es- 
tourbeillon pour  la  rédaction  de  cette  lettre. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures  un  quart. 

Le  Secrétaire  général, 
O  Régis  de  l'Estourbeillon. 


ARRONDISSEMENT  DE  PAIMBŒUF 


DICTIONNAIRE  ARCHÉOLOGIQUE 


DE    LA    LOIRE-INFERIEURE 


(Époques  primitive,  celtique,  gauloise  et  gallo-romaine) 


ARTHON 

Période  Celtique. 

Le  souterrain  de  ta  Roche-Trocante. 

Cette  grotte  est  bien  connue  dans  le  pays  d'Arthon  ('), 
où  on  lui  attribue  une  longueur  légendaire.  Mais  si  Ton 
veut  éviter  de  prendre  un  guide,  il  faut  des  points  de 
repère  très  sûrs,  car  l'entrée  de  ce  souterrain  n'est  guère 
plus  apparente  que  celle  d'un  terrier  de  blaireau.  Voici  la 
méthode  la  plus  facile  pour  la  trouver.  Prendre  à  la  sortie 
du  bourg  d'Arthon  la  route  de  la  Feuillardais  et  la  suivre 


(')  On  prétend  que  ce  souterrain  vient  aboutir  sous  l'église  de  Chauve, 
distante  de  cinq  kilomètres;  en  réalité  il  a  un  peu  moins  de  8  mètres  de  long. 
1885  —  1er  Sem,  1 


ce- 
pendant l'espace  de  1.200  mètres  environ  à  travers  une 
plaine  aride  où  les  ajoncs  et  les  bruyères  se  développent  à 
loisir.  On  trouve  alors  sur  la  gauche  une  haie  d'aubépine 
tellement  haute  qu'elle  ressemble  à  une  avenue  ;  à  l'angle 
de  cette  haie  arborescente  se  trouve  une  croix,  sur  le  bord 
d'un  petit  chemin  qui  côtoie  une  vigne.  Il  faut  suivre  ce 
chemin  dans  toute  la  largeur  du  clos,  puis  remonter  à  angle 
droit  le  long  de  la  lisière  de  la  vigne.  On  découvre  bientôt 
quelques  petites  excavations,  puis  l'entrée  du  souterrain 
orientée  vers  le  sud.  Tout  à  côté  s'étendent  les  bois  de  la 
propriété  de  la  Meule. 

L'ouverture  de  la  grotte  est  très  basse  et  l'on  est  forcé 
de  ramper  pour  s'introduire  dans  ce  conduit  ;  peu  à  peu  il 
augmente  de  hauteur  et  atteint  vers  le  fond  une  élévation 
de  1.  m.  90.  La  forme  générale  du  souterrain  est  celle  d'un 
T  dont  la  tige  centrale  mesure  7  m.  80  de  long  sur  2  m.  10 
de  large  à  son  point  de  rencontre  avec  la  crypte  du  fond. 
Celle-ci  se  prolonge  davantage  à  l'ouest  qu'à  l'est.  Le  caveau 
de  l'ouest  mesure  1  m.  90  sur  2  m.  20  ;  celui  de  l'est,  84  c. 
de  profondeur  sur  environ  2  mètres.  Ce  souterrain,  arrondi 
en  forme  de  voûte,  est  régulièrement  taillé  dans  le  calcaire  : 
c'est  une  ancienne  grotte  sépulcrale  de  l'époque  dolménique, 
et  sa  forme  de  même  que  ses  dimensions  sont  à  peu  près 
celles  de  nos  allées  couvertes.  Les  tombes  de  ce  genre,  très 
rares  dans  nos  contrées  granitiques,  sont  bien  connues  dans 
certaines  régions  calcaires,  et  les  beaux  travaux  du  baron 
de  Baye  nous  en  ont  donné  de  très  curieux  spécimens. 


Période  gallo-romaine. 

Aqueduc  d'Arthon. 

Lorsque  je  visitai  la   première   fois  ce   monument,  à 
coup  sûr  un  des  plus  curieux  de   l'époque  romaine  en 


—  3  =- 

Bretagne,  je  fus  étonné  qu'il  n'eût  pas  été  l'objet  d'une 
étude  particulière  et  que  des  plans,  des  nivellements 
bien  pris  ne  nous  eussent  pas  donné  le  mot  de  cette  gigan- 
tesque énigme.  Des  moulins  de  Retz  près  d'Arthon  jusqu'au 
village  de  la  Poitevinière,  il  traverse  une  distance  de  près 
de  trois  kilomètres.  Pour  le  visiter.,  le  plus  simple  est  de 
gagner  par  un  chemin  ledit  village  de  la  Poitevinière  où 
ses  soubassements  sont  très  apparents  sur  une  longueur 
de  5  à  600  mètres,  et  de  suivre  après  cela  son  prolongement 
pour  retrouver  les  conduits  souterrains  dans  les  coupures 
faites  pour  l'extraction  de  la  pierre.  Mais,  si  l'on  préfère 
prendre  un  guide,  il  faut  se  souvenir  que  l'on  perdrait  son 
latin  en  lui  parlant  de  l'aqueduc;  dans  le  pays,  on  ne  le 
connaît  que  sous  le  nom  de  la  dalle. 

Au  sortir  de  la  Poitevinière  l'aqueduc  borde  le  côté  d'un 
petit  chemin  qui  sert  de  clôture  à  de  vastes  pièces;  sa  lar- 
gueur  est  de  90  c.  et  il  a  50  à  70  c.  de  haut  ;  ses  parements 
sont  bien  appareillés,  en  pierres  calcaires  rejointaiilées  avec 
soin.  Le  conduit  de  l'aqueduc,  placé  jadis  sur  ce  mur,  a  par- 
tout disparu.  On  suit  ce  soubassement  jusqu'à  une  petite 
dépression  du  sol  où  se  trouve  une  sorte  de  pile  en  maçonne  ; 
de  là  l'aqueduc  oblique  légèrement  vers  l'ouest,  puis  va 
disparaître  sous  terre. 

Plusieurs  carrières  ouvertes  sur  son  parcours  permettent 
de  le  retrouver.  Là  il  est  d'une  merveilleuse  conservation. 
Au  fond  d'une  tranchée  de  6  à  8  pieds  de  profondeur  taillée 
dans  la  roche,  il  forme  un  canal  de  17  c.  de  haut  sur  20  de 
large  au  sommet  et  13  c.  vers  la  base.  Le  fond  se  rétrécit 
subitement,  de  façon  à  former  deux  petits  ressauts  à  l'inté* 
rieur;  il  est  arrondi  et  composé  d'un  ciment  très  mélangé 
de  parcelles  de  briques. 

Cette  forme  trapézoïdale  et  les  deux  angles  ménagés  près 
du  fond  devaient  servir  à  empêcher  le  conduit  de  se  bou- 
cher lorsque  les  dalles  qui  le  couvraient  venaient  à  tomber 
à  l'intérieur.  L'épaisseur  du  blocage  en  maçonne  qui  enve- 


—  4  — 

loppe  le  conduit  est  de  22  c.  sur  les  côtés  ;  de  gros  fragments 
de  charbon  apparaissent  çà  et  là  dans  la  chaux.  (Voir  l'échan- 
tillon placé  au  Musée  archéologique  de  Nantes.)  Dans  la 
partie  qui  traverse  les  landes  des  Chaumes,  l'aqueduc  était 
supporté  par  74  piliers  ayant  un  peu  moins  d'un  mètre  de 
large  et  qui  servaient  évidemment  à  soutenir  des  arcatures 
pour  exhausser  le  [conduit.  Ce  travail  a  été  malheureu- 
sement détruit  vers  le  commencement  du  siècle;  il  y  a 
quelques  années,  la  base  des  piles  était  encore  apparente, 
et  je  crois  qu'en  fouillant  un  peu  le  sol  on  en  retrouverait 
les  fondations. 

On  admet  généralement  que  cet  aqueduc  servait  à  con- 
duire à  Arthon  l'eau  de  la  Fontaine  Bonnet,  située  à  trois 
quarts  de  lieue  du  bourg,  au  delà  du  village  de  la  Poite- 
vinière.  Cela  me  semble  bien  douteux  ;  à  première  vue,  le 
bourg  d'Arthon  paraît  plus  élevé  que  la  Fontaine  Bonnet  ; 
et  puis,  l'eau  est  rare  et  marécageuse  dans  cette  fontaine, 
tandis  qu'à  Arthon  il  suffit  de  creuser  le  sol  à  peu  de  pro- 
fondeur pour  avoir  une  eau  très  potable  et  dont  les  habi- 
tants ne  se  plaignent  aucunement.  Donc,  quand  bien  même 
on  admettrait  que  l'aqueduc  aurait  la  pente  qu'on  veut  bien 
lui  attribuer,  pourquoi  ce  gigantesque  travail  destiné  à 
prendre  de  l'eau  dans  un  endroit  où  il  y  en  a  fort  peu  pour 
la  conduire  sur  un  point  où  elle  est  commune?  M.  Fillon 
s'était  tiré  de  cette  difficulté  en  disant  qu'autrefois  la  mer 
était  plus  rapprochée  d'Arthon  et  que  les  sources  devaient 
être  saumâtres  ;  je  ne  crois  pas  que  les  calcaires  de  ce  pays 
aient  eu  de  grandes  modifications  géologiques  depuis  le 
temps  de  l'occupation  romaine,  et  ces  explications  qui  bou- 
leversent à  volonté  les  continents  et  les  mers  sont  un  peu 
du  domaine  de  la  fantaisie.  Il  serait  donc  intéressant  d'étu- 
dier la  pente  donnée  par  les  conduits  et  de  chercher,  au 
delà  de  la  Fontaine  Bonnet,  quelque  point  où  des  construc- 
tions romaines  viendraient  expliquer  le  but  de  cet  aqueduc. 

Au  presbytère  d'Arthon,  on  m'a  obligeamment  montré 


—  5  — 

quelques  substructions  gallo-romaines, dans  un  jardin  pota- 
ger: les  murs,  détruits  jusqu'au  niveau  du  sol,  dessinent 
quelques  pièces  de  petites  dimensions;  la  terre  est  jonchée 
de  fragments  de  briques  et  de  ciments.  On  y  voyait,  il  y  a 
une  vingtaine  d'années,  deux  murs  romains  de  6  à  7  pieds 
de  haut  et  qui  n'étaient  guère  que  les  parements  des  mu- 
railles primitives. 
Près  de  là  a  été  découvert  un  bracelet  en  or. 
Des  briques  romaines  trouvées  en  grand  nombre  dans 
l'enclos  de  la  Sicaudais  ont  été  signalées  par  M.  Orieux  (!). 
La  partie  nord  de  cette  commune  est  traversée  de  l'est  à 
l'ouest  par  une  voie  romaine,  entre  le  Pas  Bochet  et  le 
village  de  Biais  (où  l'on  trouve  un  grand  nombre  de  tuiles 
et  de   briques).  Une  autre  voie,  également  signalée  par 
Bizeul,  se  bifurquait  sur  la  première  près  du  pont  de  Pilon 
et,  passant  au-dessus  du  vieux  Chaléons,  venait  aboutir  au 
bourg. 

L'avenue  occidentale  du  château  de  Prince  ressemble 
beaucoup  à  un  tronçon  de  voie  romaine,  surtout  à  son 
extrémité  la  plus  rapprochée  du  chemin  de  fer;  elle  est 
flanquée  au  sud  d'une  sorte  de  rempart  ou  de  talus  en 
terre. 

I |  Le  2  mars  1880,  un  paysan  découvrit  près  du  mou- 
lin de  Retz,  sur  le  bord  du  chemin,  une  tombe  en  pierre 
ornée  de  sculptures;  malheureusement  elle  a  été  brisée. 

LA  BERNERIE 

Période  celtique. 

I — ]  d  Dolmen  de  Chantail.  —  En  suivant  la  côte,  entre 
la  Bernerie  et  le  gros  village  de  Sennetière,  on  voyait,  il  y 
a  une  quarantaine  d'années,  les  ruines  d'un  dolmen  formé 


(*)  Études  archéologiques  dans  la  Loire-Inférieure. 


-  6  — 

da  quatre  pierres.  M.  François  Verger  avait  pris  note,  à 
cette  époque,  des  dimensions  de  la  pierre  qui  avait  servi 
de  couverture  :  elle  mesurait  deux  mètres  de  long  sur  un 
de  large.  En  1884,  j'ai  inutilement  cherché  les  vestiges  de 
ce  monument. 

A  Menhir  de  la  Roche-Bourdin.  —  A  400  mètres  au 
sud-est  du  village  de  Sennetière  et  à  150  mètres  de  la  côte, 
j'ai  vu,  dans  une  pièce  nommée  le  Champ  Bourdin,  un 
menhir  debout  dont  la  hauteur  est  de  1  m.  15,  la  largeur  de 
1  m.  40  et  l'épaisseur  de  63  c.  Il  est  en  grès,  très  trapu 
de  forme,  et  ses  faces  sont  aplanies.  (Septembre  1875.) 

BOURGNEUF 
Période  celtique. 

Une  grande  partie  du  territoire  de  cette  commune  était 
anciennement  recouvert  par  la  mer,  ce  qui  diminue  quelque 
peu  le  cadre  de  nos  recherches  archéologiques.  En  certains 
endroits,  le  retrait  de  la  mer  a  été  très  rapide  ;  depuis  la 
publication  du  Dictionnaire  de  Bretagne,  à  la  fin  du  siècle 
dernier,  la  côte  a  gagné  près  de  deux  kilomètres  sur  cer- 
tains points. 

&  Menhir  de  la  Nohleterie.  —  Les  maisons  de  la 
Noblèterie,  qui  servent  à  désigner  cette  pierre,  sont  à 
gauche  de  la  route  qui  va  de  Saint-Cyr-en-Retz  à  Saint- 
Hilaire-de-Chaléons,  et  à  environ  une  lieue  à  l'est  de 
Bourgneuf. 

Période  romaine. 

Une  médaille  d'or,  à  l'effigie  d'Honorius,  a  été  découverte 
près  du  bourg,  en  1846. 

Des  briques  à  rebords  ont  été  trouvées  en  grand  nombre 
à  Saint-Cyr-en-Retz,  petit  bourg  situé  sur  la  route  de 
Bourgneuf  à  Fresnay. 

Lieux  dits:  la  Massière,  le  Pé,  la  Motte,  Malabri. 


—  7 


CHAUVE 

Période  celtique. 

2  n  Deux  dolmens  sont  indiqués  dans  la  commune  de 
Chauve  par  la  Commission  d'inventaire  des  mégalithes  de 
France.  Je  n'ai  point  le  droit  de  les  effacer  sur  ce  simple 
motif  que,  malgré  d'activés  recherches,  je  n'ai  pu  les  retrou- 
ver ;  mais  je  me  défie  un  peu  de  ces  indications  données  à 
cent  lieues  de  distance  et  basées  parfois  sur  des  renseigne- 
ments qui  datent  d'un  demi-siècle. 

J^  Menhir  de  la  Croterie.  —  A  cinq  kilomètres  de 
Chauve,  la  route  qui  conduit  à  Saint-Père-en-Retz  laisse  à 
une  certaine  distance  sur  la  gauche  le  village  de  la  Cro- 
terie. Il  faut  pour  y  arriver  suivre  un  petit  chemin  qui 
se  trouve  tout  juste  au  point  où  la  route  sort  de  la  com- 
mune de  Chauve.  Au  bout  d'un  fort  quart  de  lieue,  on 
arrive  aux  maisons  de  la  Croterie;  là,  près  d'une  sorte  de 
hangar,  on  aperçoit  un  gigantesque  menhir  dressé  debout. 
Sa  forme  est  triangulaire;  il  mesure  4  m.  20  de  hauteur, 
2  m.  70  à  la  base,  tandis  qu'au  sommet  il  se  rétrécit  brus- 
quement pour  se  terminer  en  pointe  ;  l'épaisseur  n'est  que 
de  1  mètre  environ  (grès).  On  a  utilisé  un  des  côtés  de  ce 
menhir  pour  former  le  mur  d'un  appentis  en  branchages. 

Cette  pierre,  plantée  comme  une  aiguille  de  cadran  dans 
l'orientation  sud-nord,  présente  une  particularité  curieuse, 
elle  forme  avec  le  grand  menhir  de  la  Mégerie  et  la  pierre 
Boivre  un  immense  triangle  dont  chaque  pointe  est  mar- 
quée pa.  une  pierre  triangulaire  de  grandeur  exception- 
nelle et  orientée  de  la  même  façon  (voir  l'article  Saint- 
Brévin). 

Au  pied  de  ce  menhir  se  trouve  un  énorme  bloc  de  forme 
carrée,  également  en  grès. 


—  8  — 

Menhirs  des  Platennes.  —  Du  menhir  que  nous  venons 
de  décrire,  on  traverse  une  vaste  pièce  dans  la  direction  de 
l'est,  puis,  vers  l'angle  du  champ,  près  d'un  chemin  de 
traverse,  on  trouve  trois  énormes  pierres  dont  les  dimen- 
sions colossales  ont  quelque  chose  d'imposant. 

A  Celle  du  centre,  qui  était  encore  debout  vers  1835, 
mesure  5  m.  10  de  long  sur  2  m.  20  de  large  et  55  c.  d'é- 
paisseur. Elle  est  bien  régulière  de  forme  et  très  plate  du 
côté  qui  regarde  terre.  Un  vieux  fermier  du  village  voisin 
m'a  assuré  que  cette  pierre,  qui  du  reste  était  peu  enfoncée 
clans  le  sol,  avait  été  abattue  de  son  temps  par  une  tem- 
pête. En  tombant,  elle  est  venue  s'appuyer  sur  un  bloc  de 
grès  qu'elle  a  brisé  et  qui  la  tient  encore  soulevée  de  terre. 

A  L'autre  menhir  au  sud-ouest,  également  abattu, 
mesure  4  m.  40  sur  1  m.  70  et  55  c. 

A  Le  troisième,  du  côté  opposé,  a  5  m.  30  sur  3  m.  65 
et  1  m.  35  d'épaisseur. 

Ces  trois  énormes  pierres  sont  en  grès  et  leur  forme  est 
régulière;  ils  sont  tellement  rapprochés  qu'à  première  vue 
on  les  prendrait  pour  les  tables  d'une  allée  couverte. 

De  l'autre  côté  du  fossé,  à  la  rencontre  de  deux  chemins, 
d'autres  blocs  à  moitié  cachés  par  la  haie  ont  été  désignés 
à  tort  sous  le  nom  de  dolmens.  Ce  sont  de  grosses  roches  en 
grès,  qui,  ce  me  semble,  n'ont  jamais  été  remuées  par  la 
main  de  l'homme.  Le  bloc  principal  mesure  3  m.  26  de 
long  sur  90  c.  d'épaisseur;  il  a  été  en  partie  entamé  par 
la  mine  et  il  est  facile  de  voir  qu'il  ne  repose  sur  aucun 
support. 

A  Menhir  de  la  Pierre-Lhommas.  —  A  cinq  ou  six 
cents  mètres  de  là,  dans  la  direction  du  sud,  et  près  du 
village  de  Pierre-Lhommas,  on  trouve  sur  la  droite  du 
chemin  qui  mène  à  la  Caillerie  un  beau  menhir  planté 
debout  dans  un  clos  de  vigne.  Sa  hauteur  est  de  3  m.  75, 
'  sa  largeur  de  2  mètres  et  son  épaisseur  de  90  c.  à  1  m.  05; 


—  9  — 

il  est  en  grès  poudingue.  Près  de  sa  base,  un  autre  bloc 
de  même  nature,  long  de  1  m.  50,  est  couché  à  terre. 

La  Pierre-Lhommas,  assez  plate  de  forme,  est  orientée 
nord-sud,  c'est-à-dire  que  ses  deux  côtés  les  plus  étroits 
regardent  ces  points.  J'ai  vu  sur  ses  faces  des  cupules  à 
une  hauteur  de  six  à  sept  pieds  ;  ce  menhir  est  à  250  m. 
au  sud-est  du  village  du  même  nom. 

Dans  la  haie,  au  bord  du  chemin,  deux  énormes  blocs 
avec  cupules  (juillet  1883). 

J'ai  trouvé  dans  les  archives  du  Musée  archéologique  de 
Nantes  la  note  suivante,  transmise  à  mon  prédécesseur 
par  M.  Legland,  agent-voyer  :  «  A  la  Flachousière,  il  y  a 
un  cromlech  disposé  en  cercle  et  composé  de  18  pierres. 

«  A  quelques  cents  mètres  de  ce  monument,  il  y  a  une 
pierre  placée  debout  sur  unefposée  à  plat.  »  Ces  renseigne- 
ments que  je  n'ai  pu  vérifier  malgré  mes  recherches  mais 
qui  sont  donnés  avec  une  certaine  précision,  ne  font  pas 
double  emploi  avec  les  indications  précédentes,  M.  Legland 
ayant  également  noté  les  menhirs  indiqués  ci-dessus. 

Des  peulvens  ont  été  signalés  à  la  Masserie. 

J'ai  vu  sur  ce  point  une  magnifique  pierre  blanche  qui 
se  dresse  dans  un  champ,  sur  la  droite  du  grand  chemin  de 
Chauve  à  Saint-Père-en-Retz,  presqu'en  face  d'une  maison 
isolée  sur  le  bord  de  la  route;  cet  énorme  bloc  n'est  pas 
un  menhir. 

6  A  Six  haches  en  pierre  polie  ont  été  recueillies  par 
nous  en  1884  sur  différents  points  de  cette  commune. 
1°  Près  de  la  Bâte,  une  hache  en  diorite,  noire  à  la  sur- 
face ;  longueur  8  c.  2°  A  l'Aiguillon,  une  grande  hache  en 
roche  dioritique  altérée;  longueur  20  c.  3°  A  la  Croterie, 
deux  haches  en  diorite,  l'une  brisée,  l'autre  longue  de  9  c. 
4°  A  la  Pauvrederie,  deux  haches  de  même  nature,  l'une 
de  10  c.  5,  l'autre  de  8  c.  (Collection  G.-P.  de  Lisle.) 

Lieux  dits.  —  La  Ville-Hubert,  la  Villorsière,  le  Pas, 
le  Pas  Bosseau. 


-  10  - 


CHEIX. 

I — |  Un  dolmen  est  signalé  dans  l'annuaire  général  de 
la  Loire-Inférieure,  1884,  page  548.  Je  n'ai  point  de  raisons 
sérieuses  pour  révoquer  en  doute  cette  assertion,  bien  que 
le  recueil  en  question  soit  plutôt  commercial  qu'archéolo- 
gique. Toutefois,  je  dois  mentionner  ici  une  pierre  qui  a  pu 
donner  le  change  aux  auteurs  de  la  susdite  publication. 
Elle  est  située  au-dessous  du  bourg,  dans  la  direction  de 
l'ouest  et  tout  au  bord  de  l'Acheneau.  Les  paysans  la  dési- 
gnent sous  le  nom  de  Pierre  de  saint  Martin,  parce  que, 
dit-on,  saint  Martin  de  Vertou  rassembla  ses  disciples  en 
cet  endroit  avant  de  les  envoyer  fonder  les  paroisses 
voisines. 

En  dehors  de  cette  roche,  qui  n'offre  pas  un  grand  inté- 
rêt au  point  de  vue  de  l'archéologie  celtique,  je  n'ai  trouvé 
aucun  mégalithe  sur  le  territoire  de  Cheix. 

&  B  En  1838,  pendant  les  travaux  exécutés  pour  le 
creusement  de  l'Acheneau,  on  découvrit,  près  des  ruines 
de  la  Malnoë,  une  lame  de  bronze,  à  soie  plate  percée  de 
trois  trous  de  rivets  et  séparée  dans  toute  sa  longueur  par 
une  nervure  ronde.  (Voir  :  Epées  et  poignards  de  bronze  de 
la  Bretagne,  Saint-BrieuCj  1883.) 

Période  romaine. 

O  De  1838  à  1840,  on  découvrit  dans  l'Acheneau,  au 
Port-Pilon,  près  de  800  monnaies  romaines  aux  types 
d'Auguste,  Néron,  Agrippa,  Germanicus,  Maxime  et  Domi- 
tien.  Parmi  ces  pièces  se  trouvait  une  monnaie  gauloise. 
M.  Aristide  de  Granville  recueillit  une  partie  de  cette  trou- 
vaille et  la  donna  à  la  Bibliothèque  publique  de  Nantes. 
Le   reste  a  été  dispersé.  M.   Bizeul,  qui  avait  noté  cette 


— 11  — 

découverte,  indique  également  dans  la  commune  de  Cheix 
les  débris  d'une  voie  romaine,  près  de  la  borne  24  de  la 
route  de  Paimbœuf,  un  peu  au  delà  de  la  métairie  du  Bois; 
j'ai  cherché,  sans  le  retrouver,  ce  tronçon  de  la  voie  de 
Rezay  à  Saint-Père-en-Retz. 


CHEMERÉ 


Période  celtique 

A  Menhir  de  la  Pierre- Levée.  —  Ce  menhir  est  à  en- 
viron 2  kil.  500  m.  au  nord  du  bourg,  dans  une  bauche  de 
la  forêt  de  Prince,  à  l'est  du  château  et  près  d'une  route. 
Sa  hauteur  est  de  2  m.  15  et  il  est  large  d'un  mètre  envi- 
ron sur  60  c.  d'épaisseur.  On  raconte  dans  le  pays  que 
lorsque  Barbe-Bleue  habitait  le  château  de  Prince,  il  se 
défendit  contre  une  armée  qui  l'assiégeait  en  lançant  contre 
les  assaillants  d'énormes  blocs  de  cailloux.  L'un  d'eux,  notre 
menhir,  tomba  tout  droit  et  resta  piqué  en  terre  si  solide- 
ment  «  qu'oncques  depuis  on  ne  put  l'arracher.  » 

A  Chevas  signale  un  second  menhir  en  Chemeré,  à 
1500  mètres  du  bourg,  sur  la  propriété  de  Vauloup.  La 
hauteur  indiquée  est  de  3  à  4  mètres  (?).  A  vérifier. 

Sur  plusieurs  points  de  cette  commune  on  voit  des  entas- 
sements de  blocs  de  grès. 


Période  gallo-romaine. 

□  Un  camp  romain  nous  est  signalé  en  Chemeré  par 
M.  Ch.  Marionneau. 

U  A  cent  mètres  du  bourg,  on  a  découvert  des  sarco- 
phages en  calcaire  madréporique. 


—  12  — 


LE  CLION  (») 
Période  celtique. 

• 

Entre  le  village  de  la  Joselière  et  celui  de  la  Boutinar- 
dière  on  trouve  trois  petits  vallons  qui  nous  serviront  de 
points  de  repère  pour  préciser  la  position  de  nos  méga- 
lithes: le  premier,  en  descendant  du  nord  au  sud,  est  près 
de  la  Joselière  et  bordé  par  un  bois  de  pins  ;  le  second 
est  nu  et  aride  ;  le  troisième  est  ombragé  par  les  plan- 
tations qui  dépendent  du  petit  domaine  de  M.  l'abbé 
Pétard. 

[~~|  Dolmen  du  Chiron.  —  Quittant  la  route  de  Pornic 
à  Bourgneuf  au  village  de  la  Joselière,  on  descend  vers  la 
côte  en  longeant  les  derniers  chalets  au  nord-ouest  (les 
derniers  pour  1885).  Au  coin  d'un  champ  fermé  au  nord 
par  un  mur  et  à  peu  de  distance  de  la  falaise,  on  aperçoit 
les  grandes  pierres  d'une  allée  couverte  dont  la  forme  est 
très  caractérisée;  elle  est  construite  sur  le  plan  d'une  croix 
de  Lorraine  ou  d'une  double  croix  sans  tête. 

La  longueur  totale  du  monument  dans  la  direction  du 
nord  au  sud  est  de  7  m.  45.  La  chambre  du  fond  forme  un 
rectangle  allongé  de  6  mètres  environ  sur  1  m.  75.  Huit 
montants,  dont  trois  sont  abattus,  jalonnent  son  pourtour; 
la  partie  du  nord-ouest,  couverte  par  une  table  de  2  m.  40 
de  long  sur  1  m.  40  de  large  et  20  à  25  c.  d'épaisseur,  est 
la  plus  dégradée. 


(*)  Une  grande  partie  de  la  côte,  au  sud  de  Pornic,  dépend  de  la  commune 
du  Glion. 


—  :*»  — 

Après  cette  cella,  vient  une  petite  galerie  étroite,  formée 
par  quatre  montants  et  longue  de  1  m.  80. 

Le  monument  s'élargit  ensuite  en  forme  de  transept  et 
atteint  une  largeur  totale  de  6  m.  80.  Le  croisillon  du  côté 
de  l'est  mesure  2  m.  90  sur  1  m.  85  de  large  ;  il  est  flanqué 
de  quatre  supports  et  recouvert  en  partie  par  une  table  de 
2  mètres  sur  1  m.  80,  qui  repose  d'un  côté  sur  un  empâ- 
tement de  terre  et  de  pierrailles.  —  L'autre  loge  vis-à-vis, 
fermée  par  un  large  montant,  est  entourée  de  cinq  ou  six 
pierres  debout.  Sa  largeur  est  de  1  m.  90  et  sa  longueur 
de  3  mètres;  une  large  table  couvertière  de  2  m.  45  sur 
2  m.  10  et  20  c.  d'épaisseur,  touche  à  peine  un  des  mon- 
tants et  vient  s'appuyer  sur  des  terres  et  quelques  pierres 
de  soutien  placées  là  depuis  peu  et  qui  s'écrasent  sous 
son  poids. 

La  petite  allée  qui  sert  d'entrée  est  longue  de  2  mètres, 
cantonnée  de  quatre  pierres  dont  les  deux  premières  sont 
hors  de  place. 

Toutes  ces  pierres  sont  en  grès.  D'autres  blocs  dissé- 
minés sur  les  talus  du  monument  devaient  compléter  cette 
curieuse  galerie. 

j~l  Petit  dolmen  de  la  Joselière.  —  De  la  galerie  que 
nous  venons  de  décrire  en  se  dirigeant  vers  le  bois  de  pins 
du  premier  vallon,  on  trouve  sur  la  lisière  d'une  vigne,  à 
150  mètres  des  dernières  maisons  de  la  Joselière  dans  la 
direction  du  sud-est,  une  petite  butte  de  terre  recouverte 
de  broussailles  et  flanquée  de  trois  pierres  debout.  Ce  mi- 
nuscule dolmen  a  été  éventré  de  façon  à  laisser  d'un  côté 
les  terres  de  recouvrement,  tandis  que  la  paroi  orientale 
de  la  galerie  est  entièrement  dégagée. 

Le  premier  montant  au  sud  est  en  micaschiste  et  mesure 
1  m.  15  de  haut  sur  1  mètre  de  large  et  environ  30  c.  d'é- 
paisseur; le  second,  un  bloc  de  grès,  a  la  même  hauteur 
sur  60  c.  de  large  ;  le  troisième  support  est  très  bas,  irré- 
gulier de  forme  et  mesure  en  largeur  1  m.  20.  Il  est  en 


—  14  — 

micaschiste  ainsi  qu'une  autre  pierre  couchée  à  l'ouverture 
de  la  tranchée.  L'emploi  de  cette  roche  dans  les  dolmens 
Pornicais  est  un  fait  exceptionnel;  presque  tous  les  méga- 
lithes de  cette  contrée  sont  en  grès  ou  en  quartz.  C'est  du 
reste  le  seul  caractère  intéressant  que  m'a  semblé  présen- 
ter ce  mince  débris  d'allée  couverte,  dont  la  longueur  totale 
atteint  seulement  2  m.  70. 

Xs,  Menhir.  —  De  l'autre  côté  du  bois  de  pins  enclavé 
dans  le  vallon  de  la  Joselière,  au-dessus  d'une  cabane  de 
garde-côte,  un  menhir  en  grès  blanc  brisé  en  trois  mor- 
ceaux, est  signalé  par  M.  le  baron  de  Wismes  (1876). 

Continuant  à  suivre  la  côte  dans  la  direction  de  la  Berne- 
rie,  on  arrive  à  un  petit  ravin  dénudé  qui  forme  brèche 
dans  la  falaise.  Avant  de  le  franchir,  deux  groupes  de  mé- 
galithes sont  à  examiner. 

n  D  ?  Celui  qui  est  le  plus  rapproché  de  la  mer  est 
composé  d'une  pierre  piquée  debout  et  ressemblant  assez 
à  un  montant  de  dolmen;  auprès  est  une  large  pierre 
posée  à  plat  sur  le  sol,  puis  un  troisième  bloc  en  poudingue 
de  couleur  violacée.  Il  est  possible  que  ce  soient  les  débris 
d'un  dolmen. 

f~l  D  ?  Le  second  groupe  de  pierres  est  à  vingt  pas 
plus  haut;  il  est  formé:  d'une  table  de  dolmen  de  1  m.  80 
sur  1  m.  45;  de  deux  montants  piqués  debout  l'un  près  de 
la  table,  l'autre  plus  au  midi,  et  de  sept  blocs  de  grès  dissé- 
minés çà  et  là. 

Le  caractère  de  ces  mégalithes  est  fort  problématique'; 
je  ne  veux  point  cependant  les  biffer  par  déférence  pour  la 
Commission  d'inventaire  des  mégalithes  de  France  qui  les 
a  notés  sur  ses  registres. 

Ils  ont  été  fouillés  en  1878  par  M.  le  baron  de  Wismes 
qui  n'y  a  rencontré  aucun  objet  intéressant. 

U~]    Dolmen  de  la  Pierre-Creusce. 

De  l'autre  côté  du  ravin,  sur  la  pointe  qui  domine  la  mer, 


-15  - 

on  aperçoit  de  loin  les  grandes  pierres  grises  d'une  allée 
couverte. 

Le  plan  de  ce  monument  est  exactement  celui  du  dolmen 
du  Chiron,  près  la  Joselière:  Une  longue  galerie  flanquée 
vers  le  centre  de  deux  chambres  latérales,  l'une  en  face  de 
l'autre,  et  terminée  par  une  crypte  rectangulaire  ;  la  cella 
du  fond  est  moins  longue  que  celle  de  la  Joselière. 

L'ensemble  du  monument  mesure  9  mètres  du  nord  au 
sud  ;  l'entrée  est  formée  par  une  allée  de  1  mètre  de  large 
et  de  2  m.  60  de  long,  flanquée  de  cinq  montants.  Elle 
donne  accès  dans  une  sorte  de  transept  dont  l'étendue  est 
de  6  m.  90  de  l'est  à  l'ouest.  Le  caveau  du  côté  de  l'ouest, 
long  de  2  m.  80,  est  entouré  de  cinq  supports  et  celui  de 
l'est  de  six  ;  il  a  30  c.  de  plus  que  le  premier  ;  la  largeur 
de  ces  deux  caveaux  est  de  1  m.  85. 

Après  ce  transept  la  galerie  se  rétrécit  de  nouveau  sur 
une  longueur  de  2  m.  20  (elle  est  bordée  de  quatre  mon- 
tants) ;  puis  elle  débouche  dans  une  cella  carrée  de  2  m.  30 
sur  2  m.  40,  entourée  de  sept  pierres  et  couverte  en  partie 
par  une  énorme  table  de  3  m.  65  sur  2  m.  20  de  large. 
L'orientation  de  cette  galerie  est  à  peu  près  nord-sud. 

Au-devant  de  l'entrée  se  trouve  une  large  pierre  que  l'on 
a  commencé  à  creuser  en  forme  d'auge.  Les  pierres  taillées 
de  cette  façon  ne  sont  point  rares  dans  les  fermes  du  pays; 
le  michaschiste  de  la  côte  se  travaille  assez  facilement  et 
l'on  obtient  ainsi  à  peu  de  frais  des  timbres  pour  abreuver 
les  bestiaux. 

Fouilles.  —  En  1878,  M.  le  baron  de  Wismes  entreprit 
l'exploration  de  ce  monument  et  j'eus  le  plaisir  de  visiter 
ses  fouilles.  Les  caveaux  contenaient:  1°  un  grand  cou- 
teau de  dolmen  en  silex  de  Pressigny  ;  sa  longueur  est  de 
22  c.  5  et  sa  largeur  de  4  c.  5.  2°  Une  petite  hache  en  silex, 
de  7  c.  5.  3°  Une  amulette  ronde,  épaisse  et  percée  d'un 
large  trou  en  forme  de  cône.  4°  La  moitié  d'une  hache- 
marteau  terminée  d'un  côté  par  une  surface  plane.  5°  Une 


—  16  — 

charmante  amulette  en  roche  vert-pâle  semée  de  pail- 
lettes de  couleurs  chatoyantes  ;  elle  est  plate,  de  forme 
ovale  et  d'un  très  beau  poli.  Un  trou  percé  près  du  bord 
s'est  échancré  et  l'on  a  foré  plus  au  centre  un  second 
trou  de  suspension.  —  Des  fragments  de  poterie  et  des 
éclats  de  silex. 

Le  monument  semblait  complètement  déblayé  lorsqu'en 
palpant  les  terres  massées  le  long  de  la  paroi  du  dernier 
caveau  nord-ouest,  je  trouvai  un  très  beau  couteau  en  silex 
blond;  il  est  pointu,  très  épais  au  centre  et  constellé  de 
petites  retouches  ;  longueur,  223  mètres.  (Musée  de  Nantes.) 

[~~3    Dolmen  de  la  Villa  Pétard. 

En  continuant  à  suivre  la  côte  dans  la  même  direction, 
on  arrive  à  une  charmante  vallée  dont  les  versants  sont 
couverts  de  bois  de  pins  encadrant  une  longue  bande  de 
prairie  qui  descend  vers  la  mer;  à  droite,  une  petite  cha- 
pelle s'élève  sur  un  bloc  de  rocher;  au  fond,  un  manoir 
modestement  caché  entre  les  deux  pentes  du  ravin. 

A  cent  mètres  au  sud-est  de  la  lisière  des  pins,  en  face 
de  la  chapelle,  on  trouve  dans  une  pièce  de  terre  une  allée 
couverte  à  demi  ensevelie  sous  les  ajoncs. 

Le  plan  de  ce  monument  est  une  équerre;  la  galerie  prin- 
cipale, longue  de  7  m.  20  sur  1  m.  18  de  large,  est  formée 
par  neuf  supports  fichés  en  terre,  trois  à  l'ouest,  cinq  à 
l'est  et  une  pierre  de  1  m.  25  sur  1  m.,  au  fond,  dans  la 
direction  du  nord. 

La  seconde,  qui  forme  un  angle  droit  avec  la  première, 
est  longue  de  2  m.  30  et  large  de  1  m.  05;  il  ne  lui  reste 
plus  que  cinq  montants. 

Quatre  des  tables  sont  encore  conservées;  la  plus  grande, 
celle  qui  recouvre  la  crypte  du  côté  de  l'est,  mesure  2  m.  30 
sur  1  m.  05. 

Fouilles.  —  Cette  galerie  a  été  fouillée  en  1879  par 
M.  le  baron  de  Wismes  qui  n'y  trouva  que  quelques  silex, 


—  17  — 

des  fragments  de  poteries  dolraéniques  et  deux  ou  trois 
morceaux  de  briques  à  rebords. 

I    ]    Dolmen  ruiné  de  la  Pierre  du  Ruant. 

Avant  de  franchir  le  ravin  qui  sépare,  près  de  la  côte,  la 
commune  du  Clion  de  celle  de  la  Bernerie,  on  trouve  à  peu 
de  distance  de  la  falaise  les  ruines  d'un  monument  connu 
dans  le  pays  sous  le  nom  de  la  Pierre  du  Ruaut.  Il  est  à 
une  centaine  de  mètres  du  vallon,  sur  une  hauteur  qui 
domine  un  petit  poste  de  garde-côte. 

Une  longue  pierre  piquée  debout  mesure  1  m.  75  sur 
65  c.  de  large  et  36  c.  d'épaisseur;  près  d'elle,  une  autre 
pierre  couchée  est  longue  de  1  m.  90  sur  1  m.  de  large  et 
35  e.  d'épaisseur.  Un  montant  de  dolmen  abattu  mesure  en 
largeur  1  m.  10;  il  est  haut  de  85  c.  Cinq  autres  blocs 
placés  auprès  complètent  les  ruines  de  ce  problématique 
dolmen. 

A  Plusieurs  haches  en  pierre  polie  ont  été  trouvées 
dans  la  commune  du  Clion. 


Période  gallo-romaine. 

En  1851  on  découvrit  au  Clion  des  amphores  gallo- 
romaines  et  un  objet  en  bronze  représentant  une  tète  de 
cheval. 

Çà  et  là  des  briques  à  rebords.  Au  champ  de  Moliny, 
près  de  la  (ôte  de  Gourmalon,  M.  Thibaud  signale  des 
débris  de  constructions  romaines,  des  fragments  d'enduits 
cimentés  et  des  tuiles. 


GORSEPT 

d    Dolmen  du  Moulin-Pêret  Section  K.  N°  5. 
Tout  au  bord  de  la  Loire,  à  1  kil.  à  l'ouest  de  Corsept, 
1885.  -  1«  Sem.  2 


—  18  — 

on  voit  au  delà  du  village  du  Paquiand  différentes  mai- 
sons d'habitation  et  un  jardin  clus  de  murs  dépendant  d'un 
moulin  abandonné  que  Ton  nomme  le  moulin  Péret. 
En  ouvrant  la  petite  porte  qui  donne  dans  ce  jardin,  je  me 
trouvai  en  face  des  ruines  d'une  grande  allée  couverte 
dont  les  belles  pierres  étaient  en  partie  adossées  aux  murs 
de  cet  enclos.  Les  constructions  nouvelles  sont  si  bien  jux- 
taposées sur  ce  vieux  monument  qu'une  grande  pierre 
debout,  sorte  de  menhir  précédant  la  galerie  dolménique, 
est  maintenant  renfermée  dans  une  étable. 

Le  plan  général  du  monument  forme  une  équerre;  une 
galerie  composée  de  3  énormes  tables  se  dirige  de  l'est  à 
l'ouest,  tandis  que  la  base  orientée  nord-sud  affecte  de 
moindres  dimensions. 

La  première  allée  est  longue  de  10  m.  07  sur  une  lar- 
geur de  2  m.  10  à  2  m.  20.  En  commençant  par  l'ouest 
nous  trouvons  :  1°  Une  table  de  3  m.  30  sur  2  m.  25  et  35  c. 
d'épaisseur,  4  montants  sont  encore  en  place;  celui  qui 
forme  le  fond  de  la  galerie  a  2  m.  30  sur  1  m.  24  et  45  c. 
d'épaisseur;  les  deux  autres,  qui  soutiennent  l'angle  sud- 
est  de  la  table,  mesurent  80  c.  et  1  m.  45.  La  deuxième 
table  est  écartée  de  son  support;  elle  a  2  m.  40  en  longueur 
et  largeur,  sur  42  c.  d'épaisseur;  le  support  placé  au  sud 
mesure  1  m.  85;  il  est  en  granit.  La  truisième  table  vient 
s'appuyer  sur  la  base  de  la  seconde  galerie. 

Cette  deuxième  allée,  beaucoup  plus  étroite  et  plus  basse 
que  la  première,  mesure  1  m.  05  de  largeur  intérieure. 
5  supports  sont  alignés  parallèlement  soutenant  2  tables; 
le  premier  support  au  sud-ouest  a  82  c.  de  haut  sur  1  m.  25 
et  18  c. d'épaisseur  ;  celui  qui  lui  fait  face  a  95  c.  sur  1  m.  et 
15  c.  d'épaisseur;  le  second  de  la  rangée  de  l'ouest  a  1  m.  10 
sur  1  m.  24  et  20  c.  d'épaisseur;  son  vis-à-vis,  maintenant 
abattu,  mesure  1  m.  05  sur  1  m.  45  et  30  c.  d'épaisseur.  Le 
dernier  support  de  la  rangée  du  fond  al  m.  24  de  haut 
sur  2  m.  30  de  large  et  40  c;  il  formait  l'angle  externe  du 


—  19  - 

monument  et  présentait  la  même  largeur  que  le  premier 
support  qui  lui  fait  face  à  l'autre  bout  de  la  galerie. 

Dans  la  galerie  principale,  les  matériaux,  très  réguliers 
de  forme,  sont  presque  tous  en  grès;  dans  la  seconde  allée, 
ils  sont  en  granit  et  en  micaschiste.  Le  menhir  enclavé 
dans  l'étable  est  en  grès  et  mesure  1  m.  75  de  haut  sur 
80  c.  d'épaisseur;  mais  les  murs  le  cachent  en  partie.  Il  est 
strié  de  rainures  creusées  dans  le  sens  de  la  longueur. 

Au  mois  de  septembre  1883,  nous  avons  déblayé,  avec 
l'aide  du  fermier,  les  parties  de  ce  monument  que  les  terres 
ne  permettaient  pas  d'apercevoir.  Dans  ces  fouilles,  nous 
avons  dégagé  la  chambre  du  fond  à  l'ouest,  le  dessous  de 
la  seconde  table  et  une  partie  de  la  petite  allée.  Le  rem- 
plissage se  composait  d'un  terreau  noir,  léger  et  qui,  selon 
toute  apparence,  avait  remplacé  le  blocage  ancien.  Une 
poterie  absolument  semblable  à  certains  vases  des  tumulus 
du  Finistère  se  trouvait  sous  la  table  de  la  première  allée. 
Malheureusement,  nous  n'en  avons  eu  qu'un  fragment.  C'est 
le  seul  spécimen  de  ce  genre  que  nous  connaissions  en 
Loire-Inférieure.  Quelques  autres  débris  de  vases  et  des 
éclats  de  silex,  tels  furent  les  seuls  résultats  de  ces  fouilles; 
il  est  évident  que  ce  beau  dolmen  avait  été  fouillé  et  sac- 
cagé autrefois. 

Pour  arriver  à  ce  monument,  il  faut,  en  sortant  de 
Corsept,  suivre  la  route  de  Saint-Brévin,  puis  prendre  un 
chemin  qui  se  trouve  à  100  mètres  de  la  borna  3,  sur  la 
main  droite. 

&    Menhir  du  Plessis  (S»1»"  J.,  N°  89). 

A  3  kil.  500  m.  de  Corsept,  on  trouve,  sur  la  droite  de  la 
route  qui  conduit  à  Saint-Brévin,  un  petit  chemin  macada- 
misé qui  passe  devant  les  maisons  de  la  ferme  du  Plessis. 
A 200  m.  environ  à  l'est  de  la  rencontre  de  ces  deux  routes, 
on  aperçoit  dans  une  pièce  de  terre  un  menhir  piqué 
debout  et  tout  entouré  de  blocs  abattus.  Sa  hauteur  est  de 
2  m.  40  sur  1  m.  35  et  65  à  70  c.  d'épaisseur;  il  est  en 


—  20  — 

granit.  Les  pierres  qui  l'entourent  ne  m'ont  paru  présenter 
aucune  disposition  particulière. 

La  pièce  de  terre  où  se  trouve  ce  menhir  figure  au 
cadastre  sous  lu  n°  89  de  la  section  J.,  dite  le  Car  ter  on 
des  bois. 

|    ]     Dolmen  des  Pierres-Blanches . 

Le  village  de  la  Chaperonnaie  est  à  1  kil.  500  m.  au 
sud-ouest  de  Corsept,  un  peu  à  droite  de  la  route  qui  con- 
duit de  ce  bourg  à  Saint-Père-en-Retz.  Dans  un  large 
chemin,  devant  les  maisons  de  ce  village,  j'ai  vu  une  table 
de  pierre  de  2  m.  50  de  long  sur  1  m.  55  et  40  à  45  c.  d'é- 
paisseur (granit).  M.  Orieux  l'indique  comme  table  de  dol- 
men renversé  depuis  quelque  temps  (1865). 

&  Menhir.  —  En  face  de  cette  pierre,  de  l'autre  côté 
du  chemin,  un  menhir  piqué  debout  mesure  1  m.  60  de 
haut  sur  67  c.  de  large  et 65  c.  d'épaisseur;  il  est  en  granit 
feuilleté,  ressemblant  à  du  micaschiste.  On  nomme  ces 
pierres  les  Pierres-Blanches.  (Septembre  1883.) 

Pseudo-dolmen  de  la  Mouraudière. 

«  Ii  existe  en  la  commune  de  Corsept,  près  de  la  métairie 
de  la  Mouraudière,  un  dolmen  ou  table  de  pierre  d'environ 
2  m.  sur  1  m.  de  large.  Cette  table  est  supportée  par 
quatre  petites  pierres  placées  à  chacun  des  angles.  »  Je 
transcris  respectueusement  la  note  de  Bizeulet  je  conserve 
à  son  dolmen  la  place  qu'il  lui  a  donnée,  mais  je  n'ai  abso- 
lument rien  vu  à  la  Mouraudière  et  aux  environs  comme 
monument  dolménique.  Les  gens  de  l'endroit,  même  les 
plus  anciens,  n'ont  souvenance  d'aucune  pierre  pouvant  se 
rapporter  à  la  description  qui  précède. 

Malgré  cela,  j'ai  une  telle  confiance  dans  les  indications  de 
Bizeulqueje  cherchai  à  une  autre  localité  portant  presque  le 
môme  nom  et  située  dans  la  commune  voisine;  mes  investi- 
gations furent  également  infructueuses.  Enfin,  on  m'indiqua 
une  troisième  Mouraudière  à  peu  de  distance  au  sud  de  la 
limite  de  Corsept.  Là,  plusieurs  personnes  me  dirent  avoir 


—  21  — 

vu  sur  une  hauteur,  dans  la  forêt  de  la  Guerche,  une  grande 
pierre  plate  soutenue  aux  quatre  coins  par  d'autres  plus 
petites.  La  forêt  de  la  Guerche  couvre  une  assez  grande 
étendue  de  terrain  entre  la  Mouraudière  et  îe  Bois-Joli; 
elle  se  compose  de  taillis  très  fourrés,  enchevêtrés  de 
ronces  et  d'épines  noires.  Mais  cette  considération  ne 
pouvait  nous  arrêter  au  moment  de  retrouver  le  dolmen 
tant  cherché.  D'ailleurs,  nous  fûmes  guidés  dans  nos 
recherches  par  un  garçon  de  la  ferme  voisine  qui,  après 
nous  avoir  fait  traverser  une  ou  deux  bauches,  nous  laissa 
devant  une  magnifique  pierre  calcaire  supportée  par  des 
moellons.  Ce  dolmen  n'était  malheureusement  qu'une 
simple  pierre  d'autel  avec  des  caractères  du  XVI0  siècle, 
soutenue  par  quatre  petits  piliers.  Comment  se  trouvait- 
elle  là,  abandonnée  au  milieu  d'une  forêt?  Quelle  était 
l'inscription  gravée  sur  ses  bords?  Ma  déconvenue  était  si 
forte  que  je  ne  pris  point  la  peine  de  le  savoir. 

J\,  Menhir  de  la  Pierre-Bonde.  —  Section  C,  dite  des 
Guérets,  N°  338. 

Un  petit  cours  d'eau  qui  descend  à  la  Loire  auprès  do 
Corsept,  forme  la  séparation  entre  cette  commune  et  celle 
de  Saint -Père-en-Retz.  Il  s'élargit  à  une  demi-lieue  au 
dessous  du  bourg  de  Corsept  et  recouvre,  pendant  l'hiver, 
une  plaine  marécageuse,  sillonnée  de  canaux  et  de  douves. 
On  voit  alors  se  détacher  sur  cette  masse  d'eau  le  menhir 
de  la  Pierre-Bonde,  qui  s'élève  à  plus  de  2  m.  70  au-dessus 
du  sol,  mais  que  les  eaux  recouvrent  jusqu'à  la  hauteur 
d'un  demi-mètre  environ.  11  est  en  granit  à  gros  grains  et 
sa  base  est  fortement  délitée  par  les  bains  prolongés  que 
l'hiver  lui  fait  subir.  Sa  forme  est  assez  régulière,  mais  il 
penche  un  peu  vers  l'ouest.  11  mesure  1  m.  45  sur  1  m.  30. 

Pour  trouver  ce  menhir,  il  faut  suivre  la  rive  occiden- 
tale du  marais  jusqu'en  face  d'une  propriété  entourée  de 
vieux  murs.  Le  nom  de  cette  terre  et  du  marais  en  question 
est  orthographié  ou  plutôt  estropié  de  trois  façons  diffé- 


—  22  — 

rentes.  Le  cadastre  l'écrit  Marage  d'eau,  l'état -major, 
Marchedrau,  et  la  carte  de  ïollenare,  marais  Gedeau. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  gens  du  pays  prononcent  Maraichedeau 
et  connaissent  fort  bien  le  menhir  qui  nous  occupe.  Un 
paysan  qui  travaillait  dans  un  champ  près  de  là  me  conta 
la  légende  que  voici:  Lorsque  Gargantua  construisait  la 
Rochette  (cromlech  composé  d'un  grand  nombre  de  blocs 
de  grès  et  que  nous  retrouverons  en  Saint-Père-en-Retz),  il 
revenait  un  soir  portant  une  grosse  pierre  sur  son  épaule, 
lorsqu'il  trouva  devant  lui  le  ruisseau;  il  voulut  le  sauter 
d'une  enjambée;  mais,  dans  le  temps  qu'il  était  en  l'air,  la 
pierre  lui  échappa  et  se  piqua  tout  debout  dans  la  rivière, 
dont  elle  arrêta  le  cours;  peu  à  peu  les  eaux  grossirent  et 
formèrent  le  marais  que  l'on  voit  maintenant.  C'est  pour- 
quoi on  nomme  cette  roche  la  Pierre-Bonde. 

Au  pied  de  ce  menhir,  j'ai  aperçu  une  large  pierre  plate, 
un  peu  soulevée  de  terre  et  ressemblant  assez  à  une  table 
de  dolmen.  Sa  largeur  est  de  1  m.  75,  elle  a  1  m.  30  de  large 
et  45  c.  d'épaisseur.  (Septembre  1883.) 

r~l    Dolmen  de  l'Aubinais.  Stion  E.,  N°  100. 

En  continuant  de  s'avancer  vers  le  sud,  à  une  lieue  de 
Corsept  sur  la  route  de  Saint-Père-en-Retz,  on  trouve  à 
gauche  la  maison  de  campagne  de  l'Aubinais  et  à  droite  le 
village  de  la  Ganterie.  De  ce  même  côté  et  très  près  du 
bord  de  la  route,  le  sommet  d'une  petite  côte  a  été  entamé 
pour  extraire  de  la  pierre.  Cette  malencontreuse  carrière 
est  venue  saper  un  des  plus  beaux  dolmens  de  notre  con- 
trée. La  gigantesque  table  à  demi  renversée  sur  le  bord 
de  cette  cavité  mesure  près  de  5  m.  sur  3  m.  10  et  1  m.  15 
d'épaisseur;  sa  forme  n'est  pas  régulière  et  se  rapproche 
un  peu  du  losange;  elle  est  encore  soutenue  à  l'ouest  par 
un  montant  de  1  m.  46  de  haut  sur  1  m.  40  de  large  et 
20  c.  d'épaisseur.  Ces  pierres  sont  en  grès. 

Tel  que  je  l'ai  vu  (juillet  1883),  le  dolmen  de  l'Aubinais 
ne  peut  donner  qu'une  faible  idée  de  ce  qu'il  était  autre- 


—  23- 

fois.  —  En  1865,  il  possédait  encore  deux  de  ses  supports 
piqués  debout  (notes  de  M.  Orieux).  En  1858,  il  était  soutenu 
par  4  pierres  (voir  les  notes  de  M.  Verger). 

Jusqu'ici  les  mégalithes  que  nous  avons  indiqués  nous 
ont  fait  suivre  la  direction  nord-sud;  arrivés  à  l'Aubinais, 
nous  prendrons  une  direction  opposée,  en  nous  dirigeant 
vers  l'ouest. 

A     Menhir  des  Bétonnières.  Son  D.,N0S  497-98. 

A  moins  d'un  kilomètre  de  l'Aubinais  se  trouve  le  village 
de  la  Mégerie;  un  petit  ravin  coupe,  à  2  ou  300  m.  à  l'est 
du  village,  le  bord  d'une  pièce  de  terre  nommée  le  carteron 
des  Devonnières;  le  long  de  la  haie  de  ce  champ,  au-dessus 
du  vallon,  j'ai  vu  un  menhir  très  trapu  et  très  carré  ;  il  est 
en  granit  et  mesure  1  m.  60  sur  1  m.  20  et  1  m.  10  d'épais- 
seur. 

^    Menhir  de  la  Pierre-Levée.  Son  D.,  N°  451. 

Un  peu  à  l'ouet  du  village  de  la  Mégerie,  à  100  m. 
avant  d'arriver  à  une  petite  route  neuve  qui  va  de  Corsept 
•  à  Saint-Michel,  on  aperçoit  un  très  beau  menhir  piqué  sur 
le  bord  d'un  champ;  sa  hauteur  est  de  3  m.  78,  il  mesure 
3  m.  44  de  large  à  la  base  et  55  c.  dans  le  sens  de  l'épais- 
seur; il  est  en  grès,  et  de  profondes  nervures  ont  entamé 
le  côté  qui  regarde  le  nord. 

La  forme  de  ce  menhir  est  particulière;  très  large  à  la 
base,  il  se  rétrécit  subitement  vers  le  haut  et  son  épaisseur 
est  disproportionnée  avec  sa  hauteur;  je  connais  trois 
menhirs  affectant  les  mêmes  proportions:  celui-ci,  le  grand 
menhir  des  Pierres-Boivres  et  le  menhir  de  la  Groterie. 
Tous  les  trois  sont  de  très  grande  taille,  orientés  de  la 
même  façon,  c'est-à-dire  présentant  les  côtés  les  plus  larges 
à  l'est  et  à  l'ouest.  Enfin  ces  trois  menhirs  triangulaires 
sont  disposés  de  façon  à  former  les  trois  sommets  d'un 
triangle  presque  équilatéral,  de  2  lieues  de  côté.  Pour 
compléter  cette  trilogie,  ajoutons  que,  près  de  la  deuxième 
pierre  Boivre,  existent  encore  2  menhirs  formant  un  petit 


—  24  — 

triangle  équilatéral  tout  près  du  moulin  de  la  Croterie, 
deux  menhirs  maintenant  couchés  à  terre;  enfin,  près  de 
la  Pierre- Levée,  le  menhir  des  Landreaux  (*)  cité  plus  loin 
et  le  menhir  des  Devonnières.  Cette  disposition  singu- 
lière avait  sans  doute  un  sens  religieux. 

Dans  l'arrondissement  de  Saint-Nazaire  j'ai  signalé  éga- 
lement, en  la  commune  de  Besné,  un  triangle  formé  par 
trois  menhirs  et  connu  sous  le  nom  de  trépied  du  Diable. 

Cromlech  de  la  Bigotais.  Son  N.,  N°  115. 

A  deux  kilomètres  à  l'ouest  du  village  de  la  Mégerie,  où 
nous  a  conduit  le  menhir  que  nous  venons  de  décrire,  on 
trouve  le  gros  village  de  la  Simonais;  puis,  de  l'autre 
côté  d'un  petit  vallon,  la  ferme  de  la  Basse-Bigotais.  Un 
peu  au  sud- est  de  cette  ferme,  dans  la  deuxième  pièce  au 
midi  du  chemin  qui  passe  devant  les  maisons  de  la  Bigotais, 
j'ai  vu  un  monument  bizarre  que  je  ne  puis  désigner  que 
sous  le  nom  de  cromlech,  bien  qu'il  ne  réponde  pas  pxacte- 
ment  à  la  définition  habituelle  de  ces  mégalithes.  Sur  une 
butte  rocheuse,  quinze  blocs  de  pierre  sont  disséminés  de 
de  la  façon  suivante:  Une  pierre  piquée  debout  est  entou- 
rée de  6  blocs  à  demi  enfoncés  en  terre,  dont  la  face  la 
plus  large  est  tournée  vers  le  menhir  central  ;  ils  dessinent 
un  cercle  de  10  m.  de  diamètre;  5  autres  blocs  forment 
une  sorte  de  quadrilatère  dans  le  prolongement  du  premier 
cercle. 

La  pierre  debout  mesure  1  m.  20  sur  95  c.  de  large;  elle 
est  étayée  d'une  pierre  carrée;  un  bloc  de  1  m.  75  de  large, 
ressemblant  à  un  support  de  dolmen,  est  enfoncé  en  terre 
devant  l'ouverture  du  cercle. 


(4)  Un  peu  au  sud  des  deux  meDhirs  de  la  Mégerie,  sur  la  limite  de  la 
commune  de  Saint-Père-en-Retz  (voir  cette  commune),  se  trouve  un  menhir 
abattu,  au  nord  du  village  des  Landreaux. 


—  25  — 

Toutes  ces  pierres  dépassent  le  sol  de  40  à  50  c.  en 
moyenne;  elles  sont  en  granit. 

Des  fouilles,  en  déblayant  ces  roches,  permettraient  de 
se  rendre  mieux  compte  de  la  forme  primitive  du  monu- 
ment qui,  du  reste,  a  été  bouleversé  (juillet  1883). 

Pierre  du  Quarteron  des  Bougons. 

Une  large  table  de  dolmen,  mesurant  3  m.  05  sur  1  m.  70 
et  50  c.  d'épaisseur,  se  trouve  dans  une  pièce  buttée,  au- 
dessus  de  la  ferme  de  la  Bigotais,  dans  le  Quarteron  de 
Bougon.  Elle  est  appuyée  sur  un  autre  bloc  abattu 
(juin  1883). 

T~]    Dolmen  du  Pont-Sorbé. 

De  là,  en  remontant  à  400  m.  au  nord-est,  on  trouve  une 
vaste  gagnerie  qui  se  termine  à  un  petit  ravin,  où  sont 
cachées  les  maisons  du  Pont-de-Pierre.  Au-dessus  de  ce 
ravin,  j'ai  vu  les  ruines  d'un  tumulus  avec  une  cella  dol- 
ménique  en  partie  détruite.  Elle  mesure,  à  l'intérieur,  3  m. 
de  long  du  nord  au  sud,  sur  1  m.  90  de  large.  Six  supports 
en  forment  les  parois,  et  une  large  table  est  appuyée  sur 
la  pierre  du  fond. 

La  base  du  tumulus  qui  recouvrait  cette  crypte  est  encore 
visible;  elle  mesure  34  m.  de  tour  sur  une  hauteur  de 
1  m.  40  environ.  Près  de  là,  une  sorte  de  butte  pierreuse, 
sur  laquelle  nous  avons  trouvé  quelques  silex. 

5  a  Nous  avons  trouvé  en  Corsept:  1°  à  Fessais,  une 
hache  en  aphanite  de  13  c.  5  de  long;  2°  près  de  Bois- 
Loup,  une  hache  en  diorite  de  13  c.;M.  P.  du  Boischevalier 
a  également  trouvé  trois  haches  en  pierre  polie,  sur  le  ter- 
ritoire de  cette  commune  :  deux  sont  en  diorite,  la  troisième 
en  eurite. 


—  26  — 


Période  romaine. 


On  a  voulu  retrouver  à  Corsept  (')  l'ancien  Portus  Sicor 
des  géographes;  il  est  vrai  qu'on  Ta  retrouvé  également  à 
Rezay,  à  Saint- Père-en-Retz  et  vers  Beauvoir:  ce  sont  là 
des  sujets  de  contestations  scientifiques  qui  dureront 
autant  que  les  textes  de  Ptolémée  et  de  Marcian  d'Héraclée. 

Lieux  dits:  les  Masses -Vertes,  la  Roche-Blanche,  le 
Carteron  du  Tertre,  les  Pierres,  le  Tertre,  la  Grée,  la 
Chaussée. 

FRESNAY 

□  A  la  Briancière,  à  trois  kilomètres  au  nord-nord-est 
du  bourg  de  Fresnay,  «dans  le  champ  des  Cordeliers,  se 
trouve  une  enceinte  fortifiée  de  retranchements  et  de 
douves,  au  milieu  de  laquelle  est  bâti  le  logis  du  fermier»: 
renseignement  fourni  par  M.  le  docteur  Aubinais,  Provinces 
de  l'Ouest,  1857,  p.  605. 

Lieux  dits:  la  Motte  au  Rou,  la  Jarrie,  le  Brulay. 


FROSSAY 

J\,    Menhir  du  Puits. 

Les  maisons  de  la  Mégerie  sont  à  deux  kilomètres  et 
demi  au  sud  du  bourg  de  Frossay,  sur  la  droite  de  la  route 
qui  conduit  à  Vue.  Le  menhir  du  Puits,  près  de  la  Mégerie, 
a  été  indiqué  dans  la  Revue  des  Provinces  de  l'Ouest, 


(*)  Corsept,  Corpus  septimum.  st-ptième  paroisse  fondée  sous  le  vocable 
de  Saint-Martin;  ceci  est  de  M.  Maiteville. 


—  27  — 

p.  489,  tome  IV.  Sa  longueur  est  de  2  m.  70.  —  Il  est  à 
remarquer  que  deux  des  menhirs  de  Gorsept  sont  également 
placés  près  d'un  hameau  portant  ce  nom  de  Mégerie. 

A    Menhir  de  Sainte- Marie. 

Mon  excellent  collègue  et  ami,  M.  X.  de  la  Touche,  me 
communique  les  indications  suivantes  sur  un  menhir  qu'il 
a  vu  en  cette  commune.  «  A  1.500  mètres  à  l'est  de  Frossay, 
entre  la  Voirie  et  le  Bois-Péan,  se  trouve  un  menhir  de 
2  m.  60  de  haut;  sa  largeur  est  de  près  d'un  mètre,  et  son 
épaisseur  de  70  c.  Il  est  sur  le  bord  d'un  clos  de  vigne,  au 
bas  d'une  butte  surmontée  d'un  moulin,  à  peu  de  distance 
d'une  ferme  qui  porte  le  nom  de  ferme  de  Sainte-Marie. 
Orientation  est,  ouest  parallèle  à  la  Loire. 

A  Une  hache  en  fibrolithe  blanche  semée  de  grains 
verts  a  été  trouvée  en  Frossay.  (Exposition  archéologique 
de  Nantes,  catalogue  de  1872.) 


Période  gallo-romaine 

f  i  Un  cimetière  gallo-romain  a  été  exploré  en  1857 
par  M.  Bin  Fillon;  il  y  découvrit  des  urnes  et  divers  objets 
funéraires.  Le  terrain  occupé  par  ce  cimetière  appartenait 
à  M.  de  Gharette. 

Lieux  dits:  la  Roche,  la  Masse,  les  Gats,  les  Ferrières. 


LA  MONTAGNE 


?Z±  Un  tumulus  est  signalé  en  cette  commune,  dans 
l'annuaire  général  de  la  Loire-Inférieure.  (1884,  p.  548.) 
Renseignement  à  vérifier. 


—  28  — 


LES  MOUTIERS 


Période  celtique. 


&    Menhir  des  Moulins  de  Vrigny. 

Le  chemin  qui  conduit  des  Moustiers  au  village  de 
Prigny  vient  traverser  la  route  de  Bourgneuf  à  Pornic;  à 
une  centaine  de  mètres  au  nord  du  point  d'intersection  de 
ces  deux  routes,  on  prend  à  droite  un  petit  chemin  qui 
remonte  vers  les  moulins  de  Prigny.  Dans  un  grand  clos 
de  vigne,  incliné  vers  l'est,  se  trouve  une  pierre  piquée 
debout  dont  la  hauteur  est  de  1  m.  75,  et  la  largeur  de  70 
à  75  c;  elle  est  en  roche  schisteuse  et  fort  mince  sur  les 
côtés.  J'ai  visité  ce  menhir  en  juin  1885. 

La  Bulte  de  Prigny. 

La  butte  de  Prigny  a  été  désignée  à  tort  sous  le  nom  de 
tumulus  (')  et  cette  classification  erronée  a  été  plusieurs 
fois  reproduite.  En  réalité  cette  ancienne  défense  est  for- 
mée d'un  cône  rocheux  qui  se  dresse  à  l'extrémité  d'un 
vallon,  au-dessus  des  bas-fonds  de  Bourgneuf  maintenant 
abandonnés  par  la  mer(2).  De  larges  douves  creusées  dans 
la  roche  le  séparent  du  coteau.  Sa  hauteur  est  de  près  de 
20  mètres  et  il  servait  de  base  à  un  donjon  actuellement 
détruit.  Les  côtés  de  cette  butte  sont  régulièrement  arron- 
dis et  le  sommet,  nivelé  et  abaissé  de  plusieurs  mètres,  est 
maintenant  en  culture. 

Dans  une  excursion  que  je  fis  à  Prigny  avec  M.  H.  du 


(*)  Lycée  Armoricain,  première  année,  p.  23. 

(')  J'ai  vu  une  ancre  de  très  grande  Lille,  trouvée  dans  les  terres  près  de 
Prigny,  et  dont  la  tige  sert  de  pilier  à  un  hangar. 


—  29  — 

Bois  de  la  Patelière,  on  nous  montra,  à  l'ouest  de  la  cha- 
pelle, une  cavité  creusée  dans  le  roc  et  qualifiée  du  nom 
de  souterrain.  La  route  et  des  constructions  récentes  ont 
fait  disparaître  la  plus  grande  partie  de  ce  conduit. 

Période  gallo-romaine. 

A  1.500  mètres  au  nord-est  des  Moutiers,  sur  les  con- 
fins de  la  commune  du  Clion,  j'ai  vu  près  de  la  ferme 
de  la  Rairie  une  pièce  de  terre  désignée  sous  le  nom 
de  cimetière  et  une  autre,  tout  auprès,  appelée  la  Mala- 
drerie.  M.  le  Dr  Aubinais  avait  trouvé  sur  ce  point  de  nom- 
breuses briques  à  rebords  et  quelques  substructions.  Malgré 
nos  recherches  dans  ces  pièces,  nous  n'avons  pu  découvrir 
le  moindre  débris  gallo-romain. 


PAIMBŒUF 

Paimboeuf  est  situé  sur  une  île  laissée  à  sec  par  l'accrois- 
sement des  alluvions  ;  les  grandes  prairies  plates  qui  l'en- 
tourent ont  été  formées  pou  à  peu  par  les  vases  que  la 
Loire  rejette  vers  son  embouchure. 

Le  territoire  de  la  commune  est  fort  petit,  et  ne  s'étend 
guère  au  delà  des  limites  de  la  ville. 

j\^    Menhir  de  la  Pierre-Pointue. 

Pour  trouver  ce  menhir,  on  peut  suivre,  de  l'autre  côté  de 
la  gare  de  Paimboeuf,  les  palissades  du  chemin  de  fer,  en  s'é- 
cartant  de  la  ville  ;  puis,  au  bout  de  quelques  cents  mètres, 
tourner  à  l'est  par  un  petit  sentier  qui  tombe  sur  la  ren- 
contre de  deux  chemins.  Le  menhir  est  là,  dans  le  premier 
champ  du  sud. 

Sa  hauteur  est  de  2  m.  07,  sa  largeur  de  1  m.  60;  il  est 
épais  d'environ  50  c.  Il  m'a  semblé  être  en  granit. 

2  o    Deux  monnaies  gauloises  ont  été  trouvées  près  de 


& 


—  30  -, 

Paimbœuf.La  première,  un  quart  de  statère  en  or,  présente, 
au  droit,  une  tête  d'Apollon;  au  revers,  un  bige  avec  l'au- 
riga. 

La  seconde,  un  statère  d'or,  a,  au  droit,  la  tète  d'Apollon 
ornée  de  cordons  perlés  et  tournée  à  gauche  ;  au  revers, 
un  coursier  androcéphale,  à  crinière  hérissée. 


LE  PELLERIN 

Je  ne  connais  aucun  monument  primitif,  aucune  trou- 
vaille d'objets  anciens  sur  le  territoire  de  cette  commune 
que  je  n'ai,  du  reste,  explorée  qu'en  partie. 


LA  PLAINE 

Cette  grande  et  monotone  commune  est  fort  pauvre  en 
mégalithes,  malgré  la  longue  ceinture  de  falaises  qui  l'en- 
toure; il  semble  que  la  ligne  de  dolmens  et  de  menhirs  qui 
suit  le  littoral  vienne  ici  couper  cette  large  pointe  sans 
contourner  le  bord  de  la  mer.  Les  clôtures  des  champs  et 
les  routes  nouvelles  ont  bien  pu  dévorer  quelques  blocs 
intéressants;  mais,  cependant,  la  partie  méridionale  de  la 
côte,  entre  Port-Men  et  le  Port  aux  Goths,  est  restée  fort 
sauvage;  des  landes  couvrent  le  versant  au-dessus  la  mer, 
et  le  haut  de  la  falaise  est  à  peine  enrubanné  de  ces  petits 
sentiers  que  battent  nuit  et  jour  les  pa^  monotones  du 
gabelou.  C'eût  été  pourtant  là  un  excellent  refuge  pour  nos 
vieux  granits,  et  je  ne  m'explique  guère  la  cause  de  cet 
abandon. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le  résultat  de  mes  recherches 
dans  ces  paragos. 

[    1     Tumulus  de  la  Vallée. 

En  suivant  la  côte  du  Cormier,  à  1.500  mètres  de  ce  vil- 


—  31  — 

lage,  on  aperçoit  une  butte  de  terre  sur  laquelle  est  couchée 
une  large  pierre  de  grès.  Elle  est  située  à  80  mètres  au 
sud-est  d'un-*,  petite  cabane  de  garde-côte,  sur  la  hauteur, 
à  l'ouest  de  la  Vallée. 

Au  mois  d'août  1883,  nous  avons  fouillé,  avec  l'aide  de 
notre  bon  collègue  M.  Xavier  de  la  Touche,  le  centre  de 
ce  tumulus.  Il  est  composé  de  pierres  de  médiocre  grosseur 
et  posées  sans  ordre;  sa  forme  est  une  ellipse  dont  le  grand 
diamètre  est  de  11  mètres  et  le  petit  de  6  mètres;  sa  hau- 
teur est  de  1  m.  90  c. 

A  l'intérieur  se  trouvaient  de  nombreux  fragments  de 
charbon,  des  débris  de  poteries  et  quelques  éclats  de  silex. 
Il  est  évident  que  cette  sépulture  avait  été  violée;  la  table 
de  recouvrement  était  hors  de  place.  Le  fermier  qui  nous 
prêtait  main-forte  dans  nos  recherches  ne  se  souvenait 
aucunement  de  l'époque  où  ce  bouleversement  avait  eu 
lieu. 

La  longueur  de  la  table  est  de  2  m.  02,  sa  largeur  1  m.  47. 
Elle  est  épaisse  d'environ  25  à  30  c. 
(    i    Dolmen  de  Quirouard. 

En  remontant  de  la  source  vers  Quirouard,  on  trouve, 
à  l'entrée  de  ce  village,  un  chemin  qui  se  dirige  à  gauche 
vers  Préfailles.  A  deux  cents  m*  très  environ  sur  la  droite 
de  ce  chemin,  au  et  nord  à  peu  de  distance  des  premières 
maisons,  j'ai  vu,  à  l'angle  d'un  champ,  les  restes  d'un 
tumulus  et  les  débris  d'un  dolmen.  Les  terres  et  les  pier- 
railles du  tumulus  couvrent  un  espace  circulaire  de  30  m. 
environ.  Une  belle  pierre  plate,  table  ou  support  abattu, 
est  couchée  à  l'est  et  mesure  1  m.  85  sur  95  c.  et  45  c. 
d'épaisseur  :  elle  est  en  quartz  et  très  régulière  de  forme. 
Deux  autres  blocs  sont  enfouis  près  d'elle. 

Il  y  a  une  quarantaine  d'années,  ce  monument  se  com- 
posait encore  d'une  large  table  en  quartz,  supportée  d'un 
côté  par  deux  montants  piqués  en  terre  et  hauts  d'un 
mètre;  l'autre  bout  de  la  salie  reposait  sur  le  sol. 


—  32  — 

Cromlech  {détruit)  de  Peremeleu. 

Un  cromlech  composé  de  5  grosses  pierres  de  quartz 
blanc  et  de  plusieurs  blocs  de  moindres  dimensions,  existait, 
il  y  a  peu  d'années,  à  300  mètres  au  sud-^st  t'es  maisons 
de  Quirouard.  Ces  pierres  formaient  un  cercle  dont  la  par- 
tie interne  était  remplie  par  un  amoncellement  de  terre 
et  de  cailloux.  En  1877,  sur  l'avis  d'un  archéologue  de  pas- 
sage à  Prélailles,  M.  Houary,  propriétaire  du  terrain  où  se 
trouvait  ce  cromlech,  ouvrit  une  tranchée  dans  l'intérieur 
du  cercle,  fouilla  jusqu'à  la  base  des  pierres  et  ne  trouva 
rien.  Les  blocs  ainsi  déblayés  lui  parurent  bons  à  enlever, 
et  maintenant  des  ceps  de  vigne  ont  remplacé  le  cromlech; 
il  ne  reste  plus  qu'un  des  blocs,  rejeté  à  l'intérieur  du 
fossé.  Cette  pièce  se  nomme  le  Champ  des  Cailloux.  (Mai 
1885.) 

La  Pierre  de  la  Plaine,  menhir. 

J\^  d.  Un  menhir  de  quartz  blanc,  dont  le  poids  était 
évalué  à  plus  de  6.000  kilog.,  se  trouvait  jadis  sur  la  droite 
du  chemin  qui  conduit  de  la  Plaine  au  Bernier,  à  1  kilo- 
mètre du  bourg,  et  tout  sur  le  bord  de  la  route.  Ce  fâcheux 
voisinage  a  causé  sa  perte  et,  depuis  une  vingtaine  d'années, 
notre  beau  mégalithe  est  réduit  en  macadam. 

J\,    Le  Caillou  d'Archer,  menhir. 

A  200  mètres  à  l'est  du  moulin  de  Mazure,  j'ai  vu  dans 
un  carrefour,  au  milieu  d'une  grande  Champagne,  un  menhir 
abattu  de  1  m.  55  de  long  sur  1  mètre  de  large  et  40  c. 
d'épaisseur.  Cette  pierre,  qui  est  en  quartz  blanc,  est  bien 
connue  sous  le  nom  de  Caillou  d'Archer  ;  elle  était  encore 
debout  il  y  a  environ  quinze  ans. 

[    |  d.    Dolmen  du  Moulin  de  la  Guerche. 

M.  Verger,  qui  a  exploré  cette  contrée  il  y  a  bientôt 
quarante  ans,  avait  remarqué  les  restes  d'un  dolmen  près 
du  moulin  de  la  Guerche.  Il  n'existe  plus  maintenant,  en 
cet  endroit,  que  deux  gros  cailloux  blancs  placés  près  du 
cerne  du  moulin. 


-  33  - 

D  En  suivant  la  côte,  entre  Port-men  et  Quirouard, 
j'ai  vu  un  large  talus  coupant  la  base  d'un  petit  promon- 
toire formé  par  une  saillie  de  la  falaise.  La  hauteur  de  ce 
talus  est  de  près  de  deux  mètres;  il  est  précédé  d'un  val- 
lum   très  effacé  du  côté  de  terre. 

Cette  minuscule  défense,  que  la  mer  a  détruite  en  grande 
partie,  rappelle  un  peu  ces  lingiilœ  dont  parle  César.  Quoi 
qu'il  en  soit,  la  côte  porte  en  cet  endroit  le  nom  de  Port- 
aux-Goths. 

Il  y  a  bien  aussi,  près  de  Préfaille,  en  allant  vers  la 
pointe  Saint-Gildas,  une  défense  circulaire  de  25  mètres 
environ  de  diamètre,  entourée  d'un  large  fossé  que  domi- 
minent  des  talus  de  2  m.  50  à  3  m.  de  haut  ;  mais  je  crois 
que  ce  petit  fortin,  muraille  à  l'intérieur,  est  de  date  assez 
récente;  on  le  nomme  château  des  Huttes. 

Les  silex  sont  abondants  sur  toute  la  côte  sud  de  la 
Plaine;  quelques-uns  sont  éclatés  de  façon  à  ressembler  à 
certains  outils  préhistoriques,  mais  on  en  trouve  assez  peu 
ayant  un  caractère  archéologique  bien  tranché. 

A  Une  petite  hache  en  diorite,  longue  de  7  c,  trouvée 
près  du  village  de  la  Musse.  (Georges  de  Lisle.) 

PORNIG 

Les  dolmens  des  environs  de  Pornic  sont  si  nombreux, 
que,  pour  éviter  toute  confusion,  nous  les  classerons  ici  en 
trois  groupes:  les  tumulus  du  moulin  de  la  Motte,  les  dol- 
mens de  Gourmalon,  et  enfin,  ceux  du  bord  de  la  côte  entre 
la  Josselière  et  le  village  de  la  Rogère,  dans  la  commune 
du  Clion. 

Le  premier  groupe,  à  peu  de  distance  et  à  l'ouest  de  la 
ville,  se  compose  de  3  tumulus  et  de  8  galeries  dolmé- 
niques. 

Le  deuxième  groupe,  de  l'autre  côté  du  port,  sur  le  ter- 
1885. ,  -  1er  Sem,  3 


—  34  — 

ritoire  de  Gourmaloa,  compte  5  galeries  dolméniques  et 
1  menhir. 

Le  troisième  s'étend  sur  la  commune  du  Clion,  depuis 
la  Josselière  jusqu'au  ruisseau  qui  sert  de  limite  à  la 
Bernerie;  il  compte  4  allées  couvertes,  3  débris  de  dolmen 
de  forme  indéterminée  et  un  menhir  brisé. 

Nous  passerons  successivement  en  revue  chacun  de  ces 
groupes,  décrivant  avec  le  plus  de  soin  possible  les  dimen- 
sions et  la  forme  de  chaque  galerie.  Je  sais  très  bien  que 
ces  descriptions  monotones,  ces  mesures  de  longueur,  de 
hauteur  et  largeur  sont  parfaitement  ennuyeuses  ;  je  le 
sais  d'autant  mieux  que  j'ai  pris  la  peine  de  les  relever  et 
de  les  transcrire.  J'ai  persisté  ceppndant,  bien  que  l'ennui 
soit  chose  mortelle,  et  voici  pourquoi  je  l'ai  fait.  Plus  tard, 
nos  descendants  eu  sauront  plus  long  que  nous,  je  l'espère 
bien;  ils  pourront  classer  les  mégalithes,  leur  trouver  des 
styles  et  les  répartir  en  différentes  époques,  suivant  leur 
mode  de  construction.  Mais,  alors,  il  ne  leur  restera  plus 
guère  de  dolmens  pour  exercer  leur  savoir.  Il  est  donc 
bon  de  conserver  par  des  descriptions  exactes,  complétées 
par  des  plans  et  des  dessins,  ces  monuments  que  nous 
avons  encore  sous  les  yeux  et  qui,  pour  la  plupart,  n'ont 
que  bien  peu  de  temps  à  vivre. 

Ainsi,  jusqu'à  ce  que  l'étude  des  mégalithes  ait  fait  de 
sérieux  progrès,  j'engage  charitablement  mes  collègues  à 
passer  ces  longues  descriptions. 

Dans  leur  ensemble,  les  galeries  dolméniques  du  pays 
Pornicais  présentent  de  grandes  variétés.  Une  des  formes 
les  plus  remarquables  du  plan  de  ces  galeries  est  la  double 
croix  ou  croix  de  Lorraine  à  tête  tronquée  ;  elle  est  assez 
particulière  à  nos  dolmens  de  la  Loire-Inférieure.  Il  y  en 
a  cinq  ou  six  de  ce  genre  parmi  ceux  que  nous  allons 
passer  en  revue.  D'autres  ont  simplement  un  caveau  carré 
précédé  d'une  allée  couverte;  quelquefois,  le  caveau  est 
placé  en  équerre  au  bout  de  la  galerie.  Enfin,  des  monu- 


-  35  — 

ments  plus  simples  présentent  une  seule  allée  élargie  vers 
le  bout;  cet  évas^ment  remplaçait  la  crypte  terminale. 

Il  est  à  remarquer  que  les  cryptes  des  environs  de  Pornic 
sont  rarement  construites  sur  un  plan  circulaire,  forme  dont 
nous  voyons  cependant  d'assez  nombreux  exemples  de 
l'autre  côté  de  la  Loire  et  surtout  dans  le  Morbihan. 

Les  procédés  de  construction  présentent  aussi  de  notables 
différences:  tantôt  les  pierres  servant  de  couverture  sont 
posées  à  plat  sur  les  montants,  de  façon  à  donner  à  la 
galerie  une  section  rectangulaire;  tantôt  elles  sont  placées 
en  encorbellement  sur  l'extrémité  d'autres  tables;  ou  bien, 
comme  dans  les  tumulus  des  trois  squelettes,  de  véritables 
murs  en  pierres  sèches  exhaussent  les  supports  et  se  cour- 
bent en  demi-voûte  pour  soutenir  la  table.  Ce  procédé 
permettait  de  dresser  des  dolmens  avec  des  pierres  de 
médiocre  grandeur.  C'était  évidemment  là  un  grand  pro- 
grès. Nos  constructeurs  de  dolmens  avaient  commencé  par 
bâtir  leurs  caveaux  avec  des  murs  et  des  plafouds  d'une 
seule  pièce;  plus  tard,  on  trouva  plus  commode  de  les 
élever  morceaux  par  morceaux,  ce  qui  simplifiait  éton- 
namment le  transport  des  matériaux. 

Voici,  je  crois,  comment  ce  progrès  est  arrivé.  Quelque- 
fois, lorsque  1  un  des  bouts  des  supports  se  trouvait  trop 
bas,  on  mettait  à  cette  place  une  pierre  servant  de  cale  et 
empêchant  la  table  de  basculer.  Dans  certains  dolmens, où 
un  montant  tout  entier  est  au-dessous  de  la  ligne  du  pla- 
fond soit  par  suite  d'un  tassement  au  moment  de  le  mater, 
soit  par  la  difficulté  de  trouver  deux  pierres  bien  pareilles, 
ce  montant  est  surélevé  dans  toute  sa  largeur  par  une 
rangée  de  petits  moellons.  Dès  lors,  on  s'aperçut  qu'il 
était  aussi  facile  de  faire  pour  les  trois  côtés  de  la  crypte 
ce  que  l'on  avait  fait  accidentellement  pour  un,  et  l'ère 
des  murailles  en  pierres  sèches  s'ouvrit  pour  nos  caveaux. 
Après  avoir  ainsi  marchandé  au  défunt  la  hauteur  des 
murs  de  son  tombeau,  on  gagna  sur  la  grandeur  des  tables; 


-  36  — 

les  moellons  furent  posés  horizontalement,  les  uns  dépas- 
sant les  autres,  de  façon  à  ven.r  soutenir  une  pierre  de 
recouvrement  beaucoup  pins  étroite  que  la  crypte.  Dans 
certains  tumulus,  la  chambre  intérieure  est  même  entiè- 
rement faite  avec  des  moellons. 

Il  est  bien  sur  que  les  dolmens  de  cette  dernière  caté- 
gorie sont  plu3  récents  que  les  autres,  j}  n'en  veux  pour 
preuve  que  cet  axiome  bien  connu:  «  L'esprit  humain 
marche  toujours  du  simple  au  composé,  »  et  aussi  la  re- 
marque suivante:  les  galeries  dolméniques,  composées  en 
partie  de  petits  matériaux  employés  d'une  façon  plus  sa- 
vante, contiennent  toujours  les  plus  belles  armes  et  les 
plus  belles  poteries.  Les  magnifiques  objets  trouvés  à 
Tumiac,au  Mané-er  Hérocgh,  et  au  tumulus  des  3  squelettes, 
dans  des  caveaux  de  ce  genre,  en  sont  des  preuves  irréfu- 
tables. 

Les  mégalithes  Pornicais  sont  presque  tous  des  grès 
quartzeux  ou  quartzite,  roche  que  l'on  trouve  par  blocs  de 
grandes  dimensions,  agglomérés  sur  beaucoup  de  points 
du  pays  de  Relz.  Malgré  cela,  on  a  voulu  lég^nder  sur  le 
transport  de  nos  pierres  dolméniques;  un  esprit  plus  aven- 
tureux que  les  autres  les  a  même  fait  venir  de  l'île  de 
Noirmoutier.  Cette  explication  me  semble  aussi  difficile  à 
admettre  que  celle  que  nous  donnait  certain  bonhomme,  en 
montrant  un  menhir  piqué  dans  son  champ.  «  Bien  sûr, 
disait-il,  vous  ne  trouverez  point  de  pierres  pareilles  dans 
le  pays,  car  celle-ci  est  tombée  du  ciel.  »  Les  autres  maté- 
riaux employés  sont  des  grès  ferrugineux  et  des  quartz, 
roches  que  l'on  trouve  aisément  aux  alentours. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  lorsque,  dans  les  matériaux 
d'un  dolmen,  il  se  présente  des  pierres  de  na'ure  différente, 
comme  des  quartz  et  des  grès,  on  avait  soin  de  mettre  l'un 
vis-à-vis  de  l'autre  les  blocs  pareils.  Dans  plusieurs  gale- 
ries des  tumulus  de  la  Motte,  nous  voyons,  parmi  des  ran- 
gées de  supports  en  grès,  des  blocs  de  quartz  se  faisant 


—  37  - 

pendant:  au  caveau  des  trois  squelettes,  l'entrée  est  ainsi 
formée  de  trois  blocs  de  quartz,  doux  <ie  chaque  côté  sup- 
portant un  linteau  également  en  quartz  blanc. 

Avant  de  passer  outre,  disons  que  les  dolmens  de  Pornic 
ont  été  merveilleusement  fouillés  par  M.  le  baron  de 
Wismes.  J'ai  ru,  à  deux  années  différentes,  l'avantage  de 
suivre  ses  travaux,  et  j'ai  admiré  avec  quelles  [.récautions 
l'infatigable  explorateur  ménageait  la  solidité  de  ces  ruines. 
Parfois,  il  abandonnait  certains  angles  pleins  de  promesses, 
pour  ne  pas  enlever  un  appui  à  la  base  des  montants.  Sur 
plusieurs  points,  où  il  m'avait  montré  des  amas  de  blocs 
enchevêtrés  de  ronces  et  des  vestiges  impossibles  à  classer, 
je  retrouvais,  l'année  suivante,  des  galeries,  des  caveaux 
incomplets  sans  doute,  mais  ayant  pris,  grâce  à  des  amé- 
nagements bien  dirigés,  un  aspect  fort  satisfaisant,  du 
moins  aux  yeux  d'un  amateur. 

Enfin,  les  beaux  objets  qu'il  recueillit  dans  ses  fouilles 
et  dont  plusieurs  sont  d'une  rareté  hors  ligne,  furent  don- 
nés par  lui  au  Musée  de  Nantes,  et  une  notice  très  détaillée 
fit  connaître  toutes  les  péripéties  de  ses  heureuses  recher- 
ches. 

1er    GROUPE   :  LES  TUMULUS  DE  LA  MOTTE 

Un  vieux  chemin  traverse  le  fond  de  la  vallée  du  jardin 
de  Retz  et  conduit  directement  de  Pornic  au  moulin  de  la 
Motte.  Là,  sur  une  élévation  qui  domine  au  loin  la  mer  et  la 
campagne,  se  trouvent  trois  larges  monticules  dressés  de 
mains  d'hommes  et  qui  se  font  suite  dans  la  direction  de 
l'est  à  l'ouest,  en  décrivant  un  angle  très  ouvert  vers  le  sud. 

Dolmsns  du  tumulus  des  Mou&seaux,  n°  cadastral  G08  de 
la  section  C. 

Le  premier  de  ces  tumulus,  dans  la  direction  de  l'ouest, 
occupe  le  centre  d'une  sorte  de  carrefour  sur  la  lisière 
d'un  chemin  qui  sert  de  limite  à  la  commune  de  Pornic.  Il 
est  de  forme  circulaire  et  mesure  environ  15  m.  de  diamètre 


—  38  — 

vers  la  base;  les  bords  sont  presque  droits,  flanqués  à 
l'ouest  et  au  nord  de  petits  murs  construits  en  pierres 
sèches  et  que  je  crois  de  l'époque  du  monument;  ils  étaient 
destinés  à  soutenir  les  terres  du  tumulus.  Le  sommet  de 
la  butte  est  aplani  et  laisse  voir  les  pierres  colossales 
dont  les  galeries  sont  couvertes. 

Première  galerie  dolménique  (sud). 

A  l'entrée,  un  couloir  de  4  m.  20  de  long  est  bordé  de 
six  pierres,  trois  de  chaque  côté  ;  leur  largeur,  en  partant 
de  l'ouverture  (rangée  sud),  est  de  90  c,  1  m.  20  et  1  m.  05. 
Hauteur  1  m.  60. 

Au  bout  de  ce  couloir,  le  monument  s'élargit  en  forme 
de  transept  ;  le  caveau  du  côté  nord,  le  mieux  conservé, 
est  formé  de  trois  énormes  pierres  surmontées  de  moel- 
lons qui  soutiennent  la  table;  il  mesure  1  m.  45  de  large 
et  1  m.  90  de  haut.  11  est  presque  carré,  comme  celui  qui 
lui  fait  face.  Celui-ci  est  composé  de  4  pierres,  deux  (dont 
l'une  est  abattue)  sur  la  paroi  de  l'est,  une  au  fond  et  une 
à  l'ouest. 

Les  angles  de  ce  transept  sont  cantonnés  de  hautes 
pierres  dressées  comme  des  piliers  au  point  de  jonction  du 
second  couloir.  La  hauteur  sous  voûte  est  en  cet  endroit 
de  2  m.  30.  Ce  couloir,  long  de  1  m.  90  sur  70  c.  de  large, 
n'est  pas  tout  à  fait  dans  l'axe  de  la  galerie  d'entrée  ;  il 
vient  déboucher  dans  la  crypte  du  fond,  qui  est  rectangu- 
laire et  dont  la  largeur  nord-sud  est  de  3  m.  40  sur  1  m.  90 
de  profondeur. 

La  paroi  du  fond  est  faite  de  trois  pierres  ;  quatre  autres 
(2  de  chaque  côté)  sont  placées  en  ôquerre  et  rejoignent 
la  galerie. 

Les  matériaux  employés  sont  de  grandes  dimensions; 
d'autres  blocs,  cachés  dans  l'épaisseur  du  tumulus,  ve- 
naient étayer  les  côtés  de  la  crypte  et  empêcher  les  mon- 
tants de  s'écarter  sous  la  pression  des  pierres  formant  la 
voûte. 


—  39 

Le  plan  général  du  monument  est  une  croix  latine  ter- 
minée en  tête  par  un  caveau  rectangulaire  ;  sa  longueur 
totale  est  de  10  m.  40,  et  encore  la  première  travée  a 
été  détruite. 

Deuxième  galerie  dolrnénique  (côté  du  nord). 

La  seconde  allée  couverte,  parallèle  à  la  première,  pré- 
sente une  disposition  presque  analogue,  mais  elle  n'a  de 
croisillon  au  sud  ni  à  la  crypte,  ni  au  transept  ;  cela 
tient  au  rapprochement  des  deux  galeries  qui  ne  per- 
mettait point  à  la  seconde  de  se  développer  du  côté  du 
midi.  Ce  fait  prouve,  à  mon  avis,  d'une  façon  certaine,  que 
la  galerie  du  côté  nord  a  été  construite  après  l'autre,  sans 
cela,  il  n'y  aurait  eu  aucun  mot:f  pour  déformer  ainsi  le 
plan  de  ce  monument. 

Voici  quelles  sont  ses  dimensions.  L'allée  couverte  qui 
forme  l'entrée  est  flanquée  de  six  montants  ;  elle  est  longue 
de  4  mètres  et  large  de  1  m.  05  à  l'ouverture;  sa  hauteur 
est  de  1  m.  40. 

Arrivé  devant  la  première  crypte,  on  trouve  une  élé- 
vation de  2  m.  35  dans  la  partie  où.  les  tables  sont  posées 
en  encorbellement;  cette  crypte  latérale,  presque  carrée, 
entourée  de  deux  pierres  de  chaque  côté,  est  fermée  par  un 
large  montant;  elle  mesure  2  m.  50  en  comprenant  la  lar- 
geur de  la  galerie  et  1  m.  60  de  l'est  à  l'ouest. 

L'allée  se  rétrécit  de  nouveau  et  présente  les  mêmes  di- 
mensions que  vers  l'entrée,  1  m.  05  ;  elle  se  continue  ainsi 
sur  une  longueur  de  1  m.  85  et  vient  aboutir  à  la  cella  du 
fond. 

Ce  dernier  caveau  est  rectangulaire  et  vient  au  nord 
élargir  la  galerie  de  1  m.  50.  Il  mesure  ainsi  2  m  55  N.-S. 
sur  2  m.  20  ;  sa  hauteur  est  de  1  m.  97. 

Une  énorme  pierre  ferme  le  fond  ;  quatre  autres  com- 
plètent  le    pourtour  du  caveau  :  une   au  sud,  deux  au 
nord  et  la  quatrième  servant  de  paroi  à  l'est,  entre  la  ga- 
lerie et  le  fond  de  la  crypte. 


—  40  — 

Ainsi,  depuis  l'entrée  jusqu'au  fond,  le  côté  sud  offre  une 
ligne  droite  de  9  m.  65,  composée  de  7  supports  bien  régu- 
liers, sauf  vers  le  centre,  où  plusieurs  pierres  superposées 
font  face  à  la  petite  crypte. 

Six  tables,  d'une  étonnante  grandeur,  sont  alignées  sur  ces 
montants  et  couvrent  la  galerie  d'une  extrémité  à  l'autre; 
une  septième  est  placée  sur  la  première  crypte.  La  grande 
pierre  qui  recouvre  le  caveau  du  fond  mesure  3  m.  70  sur 
2  m.  10  et  50  c.  d'épaisseur. 

Grâce  à  l'heureuse  initiative  de  M.  Joseph  Rousse,  con- 
seiller général,  ces  belles  galeries  ont  été  cédées  à  la  ville  de 
Pornic,  qui  prendra  sans  doute  les  mesures  nécessaires 
pour  assurer  leur  conservation. 

Les  deux  allées  couvertes  que  nous  venons  de  décrire 
étaient  remplies  de  terre  jusqu'à  la  hauteur  des  voûtes, 
lorsqu'en  1840,  M.  Verger  les  fit  déblayer.  Il  y  trouva 
une  grande  quantité  de  poteries  presque  toutes  brisées  ou 
qui  tombèrent  en  morceaux,  faute  de  précautions  pour  les 
enlever  de  la  terrehumide;  quelques-unes  étaient  luisantes 
à  la  surface  ;  puis  des  ossements,  des  dents  d'animaux,  et 
une  hache  en  silex  de  forme  triangulaire.  Une  très  jolie 
gouge  en  serpentine  et  une  hache  de  môme  roche  déposées 
au  Musée  de  Nantes  (collection  Parenteau)  passent  pour 
avoir  été  trouvées  dans  un  de  ces  dolmens,  mais  je  tiens 
cette  assertion  comme  fort  douteuse. 

Tumulus  des  Six-Dolmens. 

De  l'autre  côté  de  la  butte  qui  supporte  le  moulin  de  la 
Motte,  un  tumulus  d'environ  40  mètres  de  large  sur  3  m. 
d'élévation  domine  le  ravin  qui  descend  vers  Pornic.  Ce 
tumulus  a  été  merveilleusement  exploré  par  M.  le  baron  de 
Wismes,  et  le  récit  de  ses  fouilles,  communiqué  au  Congrès 
de  la  Sorbonne,  a  eu  un  très  légitime  succès  (187G). 

Les  six  galeries    dolméniques  découvertes  par  M.    de 


—  41  — 

Wismos  sons  ce  tumulus  présentent  une  disposition  bizarre, 
bien  faite  pour  contrarier  les  partisans  de  l'orientation  des 
dolmens.  En  effet,  ces  galeries  sont  tournées  à  peu  près  dans 
toutes  les  directions,  l'une  a  l'entrée  vers  l'est,  l'autre  au 
nord,  la  troisième  à  l'ouest,  et  deux  autres  regardent  le  sud- 
ouest;  elles  présentent  de  plus  des  différences  extrêmement 
tranchées  dans  le  système  employé  pour  leur  construction. 

I.  Première  galerie  dolménique.  Caveau  de  la  Croix 
[orienté  à  V ouest). 

Cette  galerie,  élargie  transversalement  en  forme  de 
croix,  mesure  9  m.  50  de  long  et  dans  la  partie  transver- 
sale, 6  m.  30.  On  y  entre  par  un  couloir  de  4  m.  30  sur  1  m.  10 
de  large,  bordé  de  6  pierres,  trois  de  chaque  côté;  les  2 
premières,  qui  forment  l'ouverture,  sont  en  quartz  blanc; 
les  deux  autres  se  faisant  face,  en  grès  ferrugineux;  enfin, 
les  2  dernières  en  grès  de  couleur  grisâtre.  J'ai  vu  plusieurs 
exemples  de  cette  disposition  parallèle  des  pierres  de  même 
nature  dans  les  constructions  dolméniques  ;  à  Gavrinis, 
deux  blocs  de  quartz,  perdus  dans  les  longues  files  de  granits 
ornementés,  se  font  pendants. 

Après  cette  galerie,  le  monument  s'élargit  soudain,  ou- 
vrant à  droite  et  à  gauche  sur  deux  caveaux  rectangulaires. 
Celui  du  côté  sud  est  le  plus  grand  ;  il  mesure  3  m.  de  long 
sur  1  m.  45  de  large  et  1  m.  40  de  haut;  quatre  grandes 
pierres  et  trois  petites  composent  les  parois.  Le  montant 
qui  forme  le  côté  est,  est  remarquable  par  les  signes  qui  y 
sont  gravés  et  dont  M.  de  Wismes  a  donné  la  reproduction 
exacte  au  Musée  de  Nantes.  Les  plus  caractérisés  sont  un 
signe  en  forme  de  croix  et  deux  autres  ressemblant  à  des 
crosses  tournées  en  sens  opposé. 

Les  pierres  dolméniques  portant  des  signes  gravés  sont 
extrêmement  rares  dans  notre  département;  on  ne  pourrait, 
je  crois,  citer  en  dehors  de  celle-ci  que  les  pierres  de 
Brandu,  de  Signac  et  du  Meniscoul.  (Voir  arrondissement 
de   Saint-Nazaire.)  Quant  au   personnage  entrevu  sur  la 


—  42  — 

pierre  du  dolmen  de  Port-Faisan,  malgré  la  description 
donnée  par  le  Bulletin  des  Sociétés  Savantes  de  France,  il 
faut  le  reléguer  au  nombre  des  mythes. 

Le  caveau  qui  fait  face  est  large  de  1  m.  40  et  profond 
de  2  m.  35  ;  une  large  dalle  forme  le  fond;  une  autre  à 
l'ouest  et  deux  à  l'est  complètent  ses  murs.  Sa  hauteur  est 
de  1  m.  60. 

La  crypte  terminale  est  fort  dégradée  vers  le  fond;  deux 
montants  de  chaque  côté  en  forment  les  parois;  un  cin- 
quième, placé  un  peu  de  biais,  est  le  seul  qui  reste  au  fond. 
Les  dimensions  de  cette  crypte  sont:  3  m.  50  de  long,  sur 
1  m.  40  de  large;  hauteur  1  m.  90. 

Les  tables  qui  couvraient  ce  monument  ont  été  enlevées 
il  y  a  une  quinzaine  d'années,  sauf  une  longue  pierre  placée 
de  travers  sur  la  crypte. 

Fouilles. 

C'est  par  ce  caveau  que  M.  de  Wismes  commença,  en  1875, 
ses  intéressantes  fouilles. 

L'intérieur  de  la  galerie  était  rempli  de  terre  et  de  pier- 
railles; lorsque  ce  blocage  fut  enlevé,  M.  de  Wismes 
recueillit  sur  le  sol  de  l'allée  et  des  chambres  : 

1°  Un  grand  couteau  en  silex  noir,  longueur  15  c. 

2°  Deux  autres  plus  petits  en  silex  jaune,  12  et  13  c, 

3°  Des  grattoirs  et  des  éclats  de  silex. 

4°  Une  jolie  hache  en  silex  gris,  très  usée  au  tranchant. 

5°  Une  plaque  de  forme  ovale  en  grès  ferrugineux, 
percée  d'un  trou,  longueur  7  c. 

6°  Dhs  poteries  brisées  en  terre  grossière  et  un  frag- 
ment d'une  poterie  une  en  terre  brune  et  luisante. 

Je  note  brièvement  ces  objets  et  ceux  qui  suivent;  ils 
ont  été  donnés  par  M.  de  Wismes  au  Musée  Archéologique 
de  Nantes, et,  pour  plus  de  détails,  on  doit  consulter  la  très 
consciencieuse  notice  où  M.  de  Wismes  a  publié  le  résultat 


—  43  - 

de  ses  fouilles.  (Voir  bulletin  de  la  Société  Archéologique, 
1876.) 

II.  Deuxième  galerie  dolménique.  Caveau  des  3  squelettes. 

Le  plan  de  cette  galerie  est  des  plus  simples:  un  caveau 
fermé  au  fond  par  une  grande  pierre  plate  se  rétrécit  pour 
déboucher  dans  une  petite  allée  couverte.  Le  tracé  linéaire 
d'une  bouteille  donne  à  peu  près  le  contours  intérieur  du 
monument. 

L'entrée  de  la  crypte  est  faite  de  deux  blocs  de  quartz 
qui  en  soutiennent  un  troisième  servant  de  linteau,  posé 
de  travers  et  fortement  incliné  vers  l'est;  le  montant  du 
côté  sud,  de  tonne  triangulaire,  oblique  vers  l'ouverture 
de  la  crypte.  5  pierres  de  grès  forment  les  trois  côtés  de  la 
chambre,  dont  l'aire  mesure  1  m.  70  sur  1  m.  50.  Au-dessus 
de  ces  montants,  des  blocs  de  forme  oblongue,  placés  en 
encorbellement  les  uns  au-dessus  des  autres,  servent  à 
exhausser  la  table,  disposition  très  curieuse  et  qui  carac- 
térise, à  mon  avis,  la  seconde  période  des  constructions  dol- 
méniques. 

Le  couloir  qui  précède  la  crypte  est  large  de  1  m.  15  à 
l'ouverture;  il  est  formé  de  quatre  montants  privés  de  leurs 
tables  et  mesure  2  m.  20.  La  longueur  totale  du  monument 
est  de  4  m.  L'ouverture  regarde  le  sud-sud-est. 

Fouilles. 

Découverte  pendant  les  travaux  dont  nous  venons  de 
parler,  cette  chambre  était  masquée  par  un  épais  fouillis 
de  ronces;  aucun  remplissage  intérieur  n'encombrait  le 
caveau.  M.  de  Wismes  y  trouva  tout  au  fond  les  fragments 
de  plusieurs  squelettes;  il  y  avait  près  d'une  centaine  d'os 
ou  fragments  d'os;  ils  ont  été  analysés  par  les  docteurs 
Osmond  Le  Roy  et  Albert  Malherbe,  qui  ont  reconnu  les 
restes  de  trois  squelettes,  l'un  d'homme,  l'autre  de  femme 
et  le  fragment  d'un  tibia  d'enfant  de  cinq  ans. 


—  44  - 

Il  y  avait  en  outre  dans  le  même  caveau  : 

lo  Un  vase  en  forme  de  bombe  avec  deux  dépressions 
près  du  bord;  hauteur  11  c,  dia  nètre  17  c.  5. 

2°  Un  vase  de  même  forme,  en  terre  noire,  hauteur  7  c, 
diamètre  12  c. 

3°  Un  très  petit  vase  en  forme  de  tulipe,  très  évasé  à 
l'orifice;  hauteur  7  c.  5  ;  diamètre  6  c. 

4°  Une  petite  poterie,  très  bien  conservée,  en  terre  jau- 
nâtre, arrondie  au  fond  et  légèremer  t  évasée  vers  les  bords, 
hauteur  12  c.  1/2;  grand  diamètre  10  c.  5. 

5°  Deux  cailloux  percés  et  un  grattoir  circulaire  en  silex 
jaune.  (Voir  bulletin  de  la  Société  Archéologique,  1876, 
p.  2G7.) 

111.  Troisième  galerie  dolménique,  en  face  du  moulin,  et 
parallèle  au  caveau  des  trois  squelettes. 

Cette  galerie,  très  voisine  du  caveau  des  trois  squelettes, 
a  la  même  orientation  vers  le  sud-est,  la  même  disposition 
et  presque  la  même  grandeur.  Deux  pierres  de  quartz  blanc 
marquent  aussi  les  deux  côtés  de  rentrée  de  la  crypte  et  sont 
tournées  de  façon  à  en  rétrécir  l'ouverture.  Cette  crypte  est 
formée  de  trois  montants  et  large  de  1  m.  65  sur  2  m.  10  de 
long.  Une  table  supportée  par  des  assises  de  gros  moellons 
couvre  ce  petit  édifice,  dont  la  hauteur  intérieure  est  de 
1  m.  30. 

En  avant  des  deux  blocs  de  quartz,  quatre  montants  pri- 
vés de  leurs  tables  dessinent  la  galerie  qui  précède  la  crypte 
et  dont  la  largeur  est  de  70  c.  à  l'extrémité  sud-est;  sa  lon- 
gueur est  de  2  m.  40. 

Fouilles. 

M.  de  Wismes  découvrit  dans  ce  caveau  un  grand  vase 
dentelé  sur  les  bords  et  orné  d'un  double  raniz  de  petits 
trous  de  forme  ovale.  Cette  curieuse  poterie  fut  malheureu- 
sement brisée  au  moment  où  on  l'enlevait  de  terre.  —  Puis 


-  45  — 

des  fragments  d'an  vase  semblable  et  d'autres  poteries, 
également  brisées;  quelques  éclats  de  silex  et  des  osse- 
ments humains  non  incinérés.  (Voir  fouille  dutumulus  des 
trois  squelettes,  p.  221.) 

IV.  Quatrième  galerie  dolménique. 

Du  côté  opposé  à  l'allée  couverte  dite  de  la  Croix  (que 
nous  avons  décrite  en  premier  lieu),  se  trouvent  plusieurs 
pierres  placées  très  près  de  l'habitation  du  meunier. 
M.  de  Wismes  y  a  reconnu  les  ruines  d'une  allée  couverte, 
trop  mutilée  pour  que  nous  puissions  la  décrire  ici.  Huit 
pierres  de  grès,  abattues  sur  deux  lignes  presque  paral- 
lèles, formaient  ies  seuls  débris  d'une  galerie,  détruite 
lors  de  la  construction  de  la  ferme.  (Fouilles  de  sep- 
tembre 1877.) 

V.  Cinquième  galerie  dolménique.  Caveau  du  Chêne. 
Cette  galerie  est  fort  différente  de  celles  que  nous  venons 

de  décrire;  elle  se  compose  d'un  couloir  très  court,  de 
1  m.  10  de  longueur,  et  formé  de  deux  pierres;  puis  d'une 
crypte  ovoïde  jalonnée  par  des  piliers  étroits, et  enfin  d'une 
table  de  2  m.  56  de  long,  exhaussée  par  des  moellons.  La 
hauteur  de  la  crypte  est  de  1  m.  à  l'entrée,  1  m.  35  vers 
le  fond. 

La  longueur  totale  du  monument  est  de  4  m.  55.  Orien- 
tation nord,  nord-est. 

Fouilles. 

Au  fond  de  cette  petite  crypte,  M.  de  Wismes  recueillit 
un  des  plus  curieux  produits  de  la  céramique  primitive; 
c'est  un  vase  arrondi  au  fond  et  à  bords  droits  entouré 
d'une  couronne  de  18  pointes  ou  perles,  ayant  la  forme 
d'un  demi-losange.  A  l'intérieur  se  trouvait  un  très  petit 
vase  noir  de  môme  forme  et  sans  ornementation. 

Une  petite  coupe  faite  à  la  roue. 

Une  hache  en  diorite  verdàtre. 


—  46  — 
Un  fragment  de  couteau  en  silex  jaune. 

VI.  Sixième  galerie  dolménique. 

Enfin,  près  d'un  puits  placé  à  peu  de  distance  du  caveau 
de  la  Croix,  apparaissent  de  larges  dalles  et,  dans  les  son- 
dages exécutés  dans  cet  endroit,  M.  de  Wismes  a  reconnu 
l'existence  d'un  sixième  caveau. 

Deuxième  groupe,  les  dolmens  de  Gourmalon. 

En  fac  »  de  Pornic,  de  l'autre  côté  du  port,  se  trouve  la 
pointe  de  Gourmalon.  C'était  naguère  une  sorte  de  butte 
aride  sur  laquelle  se  détachaient  nettement  les  gros  blocs 
des  monuments  que  nous  aUons  décrire;  maintenant,  de 
charmantes  constructions,  des  chalets  entourés  de  frais 
jardins  couvrent  une  partie  du  sol  et  il  nous  faut  prendre 
des  points  de  repaire  pour  nous  guider  vers  nos  vieux  mé- 
galithes. 

Le  plus  simple  est  de  se  diriger  sur  le  moulin  de  Gour- 
malon, piqué  tout  au  centre  de  la  pointe;  de  là, on  trouvera 
aisément  les  cinq  monuments  qui  suivent  : 

I    ]    1°  Allée  couverte  du  moulin  de  Gourmalon. 

A  deux  pas  de  la  maison  du  meunier,  on  voit  une  galerie 
dolménique  longue  de  6  m.  30  et  orientée  du  sud  au  nord. 
La  crypte  qui  la  termine  au  nord,  est  longue  de  2  m.,  et  la 
table  qui  la  recouvrait  s'est  abattue  à  l'intérieur;  elle  de- 
vait être  soutenue  par  des  moellons  posés  en  encorbelle- 
ment, car  ses  dimensions  sont  trop  petites  pour  qu'elle  ait 
pu  tenir  seule  sur  les  montants.  La  galerie,  large  d'un 
mètre  05,  se  rétrécit  vers  l'entrée,  où  elle  n'a  guère  que 
70  c.  d'ouverture. 

Voici,  en  commençant  parle  nord,  la  description  des  deux 
côtés  du  monument  :  rangée  de  l'ouest  :  l6  support  de 
2  m.  de  large  sur  1  m.  35  de  haut  et  20  à  25  d'épaisseur 
formant  la  paroi  de  la  crypte  ;  2°  petit  bloc  de  micaschiste  ; 
3°  premier    montant  de    la   galerie,  1   m.    10    de  haut, 


—  47  — 

1  m.  40  de  large,  35  c.  d'épaisseur  moyenne;  support  de 
1  m.  05  de  large,  95  de  haut  et  35  à  40  d'épaisseur. 
Rangée  de  l'est. 

1°  Bloc  de  quartz  à  l'angle  de  la  crypte;  2°  support  de 
60  c.  de  haut  sur  75  de  large  ;  3°  pierre  de  1  m.20dehaut, 
1  ni.  05  de  large  et  30  à  35  d'épaisseur  ;  4°  autre  de  1  m.  de 
haut  sur  1  m.  05;  5°  le  dernier  montant  à  l'entrée  ;  il  me- 
sure 1  m.  35  de  haut  sur  95  et  30  c.  d'épaisseur.  Toutes 
ces  pierres,  sauf  celles  que  nous  déterminons,  sont  en  grès 
et  percées  çà  et  là  de  petites  cavités  rondes.  La  forme  gé- 
nérale du  monument  n'est  ni  celle  de  l'allée  droite,  sans 
élargissement  terminal,  ni  ia  galerie  étroite  donnant  accès 
dans  un  caveau;  c'est  une  sorte  d'allée  évasée  au  fond, 
en  forme  de  triangle  très  allongé.  Ce  monument  a  perdu 
ses  pierres  couvertières  et  bientôt,  je  le  crains,  il  sera  com- 
plètement ruiné.  11  est  malencontreusement  coupé  par  la 
ligne  de  partage  de  deux  terrains.  Le  meunier,  proprié- 
taire de  la  rangée  de  l'ouest,  a  creusé  une  sorte  d'abreu- 
voir entre  les  grandes  pierres  et  la  galerie  ;  l'autre  côté 
sera  vendu  sous  peu,  et  il  n'est  guère  présumable  que  les 
deux  voisins  s'entendent  pour  conserver  les  ruines  de  ce 
vieux  tombeau. 

L'allée  couverte  de  Gourmalon  a  été  fouillée  une  pre- 
mière fois  par  M.  le  marquis  de  Vibraye,  puis  par  MM.  de 
Wismes  et  Ch.  Marionneau,  présidents  de  la  Société  ar- 
chéologique de  Nantes;  aucune  trouvaille. 

I  (  Du  moulin  de  Gourmalon,  en  se  dirigeant  au  plus 
près  vers  la  côte,  on  trouve  les  ruines  d'un  dolmen,  situé 
à  peu  de  distance  de  la  mer:  sept  pierres,  dont  deux  pla- 
cées en  avant,  entourent  un  espace  de  cinq  mètres  de 
long  sur  1  m.  20  de  large. 

La  première  pierre,  en  commençant  par  l'angle  nord-est, 
a  1  m.  20  de  haut  et  1  m.  10  de  large  ;  celle  du  fond 
est  irrégulière  ;  elle  mesure  environ  1  m.  20  sur  50  c; 
deux  autres  à  l'ouest  ont  :  l'une  1  m.  de  haut}  95  de  large 


—  48  — 

et  40  c.  d'épaisseur  (elle  est  debout);  la  suivante  est  abattue. 
Un  bloc  de  1  m.  sur  55  est  placé  devant  l'entrée.  Sur  la 
paroi  est,  une  pierre  très  unie  à  la  partie  supérieure  a 
1  m.  sur  95  c. 

Une  longue  pierre  en  forme  de  peulven  est  abattue  dans 
le  sens  de  la  longueur,  devant  l'entrée  de  la  crypte;  deux 
autres  blocs  sont  plus  en  avant. 

Cette  galerie  est  complètement  ruinée;  je  l'avais  vue,  il  y 
a  quelques  années,  et  les  rangées  de  pierres  avaient  encore 
un  aspect  quelque  peu  monumental. 

Fouilles. 

M.  de  Vibraye  fouilla  cette  galerie  en  18G8  et  y  trouva  : 

1°  Une  hache  en  pierre  polie,  longue  de  11  c,  amphibole 
d'un  vert  foncé,  semée  de  grenats. 

2°  Petite  hache  en  fibrolithe  blanche  à  grains  verts, 
longueur  5  c. 

3°  Un  très  beau  grattoir  ovale,  en  silex  jaune,  long  de 
9  c. 

4°  Un  grattoir  allongé  en  silex  pyromaque  et  divers 
outils  en  grès  lustré  ou  silex. 

5°  Un  grand  couteau  en  silex  de  Pressigny,  longueur 
lGc. 

6°  Un  fragment  de  poterie  épaisse,  percée  d'un  trou 
rond,  régulier. 

\~~\    Troisième  dolmen.  Pierre  de  la  Lionne. 

Du  moulin  de  Gourmalon  en  prenant  dans  la  direction 
du  château  de  Pornic,  on  suit  une  nouvelle  rue  qui  des- 
cend vers  le  quai  de  Gourmalon.  A  gauche,  dans  l'angle 
formé  par  ce  quai  et  la  rue,  on  aperçoit  dans  un  enclos,  sur 
une  sorte  de  monticule,  une  énorme  pierre  à  demi  enfouie 
sous  les  herbes;  le  profil  de  cette  grosse  roche  ressemble 
quelque  peu  à  celui  d'une  lionne,  ce  qui  lui  a  valu  le  nom 
dont  M.  de  Wismes  l'a  baptisée. 


—  49  — 

En  1873,  ce  tumulus,  encore  bien  conservé,  recouvrait 
huit  pierres  formant  une  sorte  de  caveau  qu'il  est  bien 
difficile  de  décrire  actuellement.  La  grosse  pierre  servant 
de  table  est  longue  de  2  m.  25,  large  de  1  m.  15  et  épaisse 
de  70  c;  elle  est  sillonnée  de  rainures  et  de  cupules.  En 
avant,  un  montant  abattu  mesure  1  m.  40  sur  40  c.  Une 
autre  pierre,  de  forme  triangulaire,  est  large  de  2  m. 
environ. 

J'avais  visité  ce  monument  en  1878;  il  était  alors  moins 
dégradé.  La  lionne,  maintenant  couchée  de  travers  sur  la 
butte,  était  bien  horizontalement  campée  sur  deux  supports. 
Il  est  inconcevable  que  l'on  n'ait  point  songé  à  conserver 
ces  ruines,  ne  fût-ce  que  pour  remplacer  les  rocailles  dres- 
sées à  grands  frais  dans  les  villas  de  Gourmalon  (*). 

M.  de  Wismes  fouilla  ce  monument  en  1873,  il  y  décou- 
vrit une  lame  en  silex  et  quelques  autres  objets. 

&    Menhir  de  Malmy. 

Un  menhir  de  3  m.  50  à  4  m.  de  long,  abattu  dans  un 
champ  près  de  la  villa  Bourgette,  a  été  signalé  par  M.  de 
Wismes.  Je  l'ai  inutilement  cherché  à  plusieurs  reprises 
depuis  cinq  ou  six  ans.  Il  a  sans  doute  été  absorbé  par  les 
nouvelles  constructions  de  Gourmalon.  Je  n'ai  pu  avoir 
aucun  renseignement  précis  sur  la  position  qu'il  occupait. 

[~1    Monument  des  Hautes-Folies. 

C'est  un  des  monuments  les  plus  bizarres  de  cette  riche  con- 
trée. Sur  un  espace  de  plus  de  100  m.  carrés  se  dressent  de 
larges  pierres  plates,  les  unes  en  ligne  droite,  d'autres  en 
retours  d'équerre.  Après  un  long  examen,  il  m'a  semblé 


(*1  Le  monument  de  la  Lionne,  dont  les  cinq  pierres  sont  maintenant  com- 
plètement déblayées,  est  entouré  d'un  joli  jardin;  il  est  à  souhaiter  que  l'ac- 
quéreur de  ce  terrain  respecte  les  ruines  de  ce  vieux  monument.  (Pornic, 
juin  1885). 

1885.—  1«Sem.  4 


—  50  — 

retrouver  dans  ce  fouillis  mégalithique  deux  longues  allées 
couvertes  très  ruinées,  et  vers  l'ouest,  dans  la  partie  ados- 
sée au  fossé,  des  restes  d'une  crypte  latérale.  Biais  il  n'est 
point  facile  d'indiquer  à  coup  sur  le  plan  primitif  du  monu- 
ment. Les  terres  du  tumulus  ont  été  enlevées,  il  ne  reste 
plus  que  le  squelette  fort  disloqué  des  galeries  et  des 
caveaux. 

Allée  couverte  de  l'est. 

Orientée  parallèlement  à  la  côte,  cette  allée  se  compose  : 

1°  Galerie  ouverte  dans  la  direction  du  sud-est,  longue 
de  4  m.  et  jalonnée  par  six  pierres,  trois  de  chaque  côlé. 
Deux  des  montants,  du  côté  de  l'ouest,  sont  abattus. 

2°  D'une  partie  transversale,  en  forme  de  transept  rec- 
tangulaire, longue  d'un  mètre  70  et  fermée  à  chaque  bout 
par  une  seule  pierre  plate.  Le  côté  de  l'est,  le  moins  mal- 
traité, est  profond  de  2  m.  20. 

3°  Un  petit  couloir  de  1  m.  30  sur  2  m.  de  longueur  dans 
l'axe  de  la  galerie    d'entrée,  conduit  au  caveau  du    fond. 

4°  Cette  crypte  terminale  est  longue  de  2  m.  40  ;  elle  est 
rectangulaire,  et  le  fond  est  fait  d'une  seule  grande  pierre. 
La  paroi  de  l'est  est  composée  de  2  montants;  une  autre 
forme  l'angle  et  vient  rejoindre  le  couloir  ;  les  pierres  du 
côté  de  l'ouest  sont  abattues  dans  l'intérieur  de  la  crypte. 

Allée  couverte  de  l'ouest. 

Parallèle  à  la  première,  cette  galerie  est  tellement  in- 
complète qu'il  est  impossible  de  la  décrire.  On  peut  y  re- 
connaître cependant  une  galerie  de  7  m.  environ  de  lon- 
gueur, composée  de  12  pierres  dont  3  formant  encore  une 
travée  entière,  la  table  et  les  deux  supports.  Peut-être  avait- 
on  allongé  ainsi  cette  galerie  pour  dépasser  le  caveau  trans- 
versal de  la  première  allée  qui  eût  empêché  la  construc- 
tion des  chambres  latérales.  L'ensemble  du  plan  aurait  été 
ainsj  :  deux  croix  placées  de  façon  à  ce  que  le  bras  gau<  ho 
de  la  première  fût  au-dessous  du  bras  droit  de  la  seconde. 
Ceci  est  tant  soit  peu  conjectural. 


—  51  — 

Ce  qui  est  malheureusement  plus  certain,  c'est  que  ce 
monument  a  été  fouillé  en  1866-68,  par  M.  de  Vibraye,  qui 
n'a  publié  aucun  récit  de  ses  fouilles.  J'ai  vu  seulement  au 
Trocadôro,  en  1878,  trois  vases  à  fond  rond,  en  terre  noi- 
râtre, provenant  des  galeries  des  Hautes-Folies.  L'un  d'eux 
mesurait  10  c.  de  diamètre. 

Je  ne  suis  point  certain,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  que 
le  champ  où  se  trouvent  ces  pierres  soit  compris  dans  la 
nouvelle  enclave  du  territoire  dePornic;  mais  le  monu- 
ment se  relie  si  bien  au  groupe  de  Gourmalon  que  je  n'ai 
pas  voulu  l'en  distraire. 

Presque  en  face  de  la  gare  de  Pornic,  dans  un  clos  de 
vigne  qui  domine  la  rive  droite  du  canal,  nous  avons  vu 
une  sorte  de  butte  de  6  à  7  mètres  de  diamètre;  auprès 
se  trouve  une  large  table  de  grès  et  quelques  blocs  de 
roche.  Peut-être  sont-ce  les  restes  d'un  tumulus. 

Période  gallo-romaine. 

Pornic  serait,  suivant  l'opinion  émise  par  notre  érudit 
confrère  M.  Orieux,  l'ancien  Portus-Sicor  des  géographes. 

£2±  Au  nord  de  la  ville,  on  voit  une  motte  d'une  largeur 
considérable  et  dont  le  sommet  a  été  transformé  en 
calvaire. 

Une  amphore  gallo-romaine  a  été  trouvée  à  Pornic. 


PORT-SAINT-PÈRE 

r~l  (?)  Un  dolmen  est  signalé  en  cette  commune,  dans 
le  Dictionnaire  de  Topographie  des  Gaules  (1878).  La  Com- 
mission d'inventaire  des  mégalithes  de  France  l'a  éga- 
lement inscrit  sur  ses  tableaux  de  recensement  publiés  en 
1880.  —  J'ai  bien  retrouvé  l'origine  de  ce  dolmen,  dans  une 
note  du  Bulletin  archéologique  de  1868;  quant  au  dolmen 


—  52  — 

lui-même,  je  crois  qu'il  serait  fort  difficile  à  découvrir. 
Voici  cette  note: 

«  Au  mois  de  juin  1851,  on  trouva  sous  un  dolmen  de 
a  la  dernière  époque,  dans  la  commune  de  Port-Saint-Père 
«  (Loire-Inférieure),  un  bandeau  d'or  semblable  à  celui  de 
«  Madame  Lebail  (de  Plouharnel),  du  poids  de  190  grammes, 
«  et  un  second  torques,  formé  par  un  filet  plat,  terminé  par 
«  deux  disques  et  pesant  six  grammes.  Avec  ces  deux 
«  bijoux,  on  rencontra  deux  haches  (plates);  le  bronze  était 
«  grossier,  grenu.  »  Bulletin  de  la  Société  archéologique, 
p.  25. 

A  Une  hache  en  silex,  trouvée  à  Port-Saint-Père,  a  été 
remise  à  Madame  Pichelin,  propriétaire  au  Pré-Mériet. 

A  Une  hache  en  diorite,  longue  de  8  c.  5,  nous  a  été 
cédée  par  un  cultivateur  du  Fay-Souden. 

lre  Découverte  de  bronze. 

En  janvier  1861,  un  paysan  de  Port- Saint-Père  trouva, 
en  creusant  un  fossé,  une  masse  d'objets  de  bronze  enfouis 
dans  un  trou.  Parmi  ces  objets.,  nous  indiquerons  : 
6  haches  à  ailerons. 
1  valve  de  moule  en  bronze  pour  fondre  les  haches  à 

ailerons. 
4  pointes  de  lance,  brisées. 

Des  fragments  d'épées  à  nervure  centrale,  saillante  et 
arrondie. 

2e  Deuxième  découverte  de  bronze. 

Lors  des  travaux  exécutés  pour  le  tracé  du  chemin  de  fer 
de  Pornic,  on  découvrit,  près  de  l'Achenau,  une  cachette 
contenant  près  d'une  centaine  de  haches  en  bronze  de  la 
forme  dite  à  talon.  (1874.) 

M.  d'Arondel  signalait,  en  1852,  l'existence  d'une  an- 
cienne voie  allant  du  lac  de  Grandlieu  à  Port-Saint-Père. 


—  53  — 


ROUANS 

^^    Tertre  de  Messan. 

Un  peu  à  l'est  de  la  chaussée  de  Retz,  la  grande  route 
de  Paimboeuf  à  Nantes  est  traversée  par  un  chemin  qui 
descend  au  sud  dans  la  direction  de  Rouans  et  passe  par 
le  village  de  Messan,  situé  dans  une  petite  île  de  la  vallée 
de  la  Chenau.  En  prenant  à  droite,  après  avoir  passé  le 
pont,  on  aperçoit  à  très  peu  de  distance  des  maisons,  au 
fond  d'un  jardin,  unebutte  arrondie,  mamelonnée,  dont  les 
flancs  sont  couverts  d'arbrisseaux  et  de  broussailles.  Ce 
tertre,  dont  la  hauteur  dépasse  5  m.,  mesure  environ  cent 
mètres  de  tour  à  la  base. 

Lorsque  je  l'ai  visité,  on  venait  d'ouvrir  sur  son  dia- 
mètre une  section  transversale  de  quelques  pieds  de  pro- 
fondeur, et  dans  cette  section  apparaissaient,  vers  le  sommet 
des  couches  horizontales  alternées  d'argile  et  de  quartz 
brisé. 

&  Un  peulven,nomméla Pierre-Droite, est  signalé,  dans 
la  Revue  des  provinces  de  l'ouest,  près  de  Launay.  On  m'a 
montré,  près  de  ce  village,  une  longue  pierre  de  granit 
renversée  près  d'un  fossé,  au  bord  d'une  route  qui  remonte 
vers  le  Pellerin.  Elle  mesure  2  m.  10  sur  60  c.  et  45  c. 

&  Près  des  maisons  de  Lunière,  à  l'ouest  d'un  chemin 
qui  conduit  de  Launay  à  Cheix,  j'ai  vu  dans  une  pièce  un 
bloc  debout  nommé  le  Gros-Caillou.  Il  mesure  1  m.  40  de 
haut,  sur  1  m.  d'épaisseur  au  moins;  sa  forme  est  très  irré- 
gulière, et  je  ne  l'aurais  point  noté  ici  s'il  n'avait  déjà  été 
signalé  comme  menhir.  La  pièce  où  il  se  trouve  porte  le 
nom  de  champ  de  la  Pierre. 

Ces  deux  blocs  ne  sont  pas,  à  mon  avis,  de  véritables 
menhirs. 


-54  — 


Période  romaine. 

Un  ouvrage  assez  considérable,  la  chaussée  le  Ray,  est 
attribué  à  l'époque  romaine.  Cette  chaussée,  qui  mesure 
près  de  800  m.,  mettait  en  communication  la  voie  romaine 
de  Nantes  vers  Saint-Père-en-Retz  avec  l'île  de  Vue,  où 
se  trouvait  une  très  forte  défense  destinée  à  protéger  ce 
passage  et  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

Lieux  dits.  —  La  Rochette,  la  Basse-Ville,  la  Garnerie,  la 
Mortière. 


SAINT-BRÉVIN 

Cette  commune  s'étend  le  long  de  la  côte,  depui3  Saint- 
Michel  jusqu'à  l'embouchure  de  la  Loire;  elle  est,  par  con- 
séquent, dans  d'excellentes  conditions  pour  posséder  de 
nombreux  mégalithes.  Nous  l'avons  explorée  avec  l  An 
et  nous  y  avons  vu  près  d'une  dizaine  de  monument? 

Voici,  en  suivant  la  direction  du  nord  au  sud,  qu^les 
sont  les  antiquités  que  nous  avons  notées  en  Saint-Brévin. 

TV    La  Roche  des  Prés.  —  Menhir. 

Entre  Men-Den  et  les  villages  de  la  Prinais  s'étend  une 
vaste  prairie,  unie  comme  un  lac  et  assez  souvent  recouverte 
par  les  eaux.  Dans  la  partie  nord-ouest  de  cette  prairie, 
nous  avons  vu  un  menhir  piqué  au  milieu  d'une  petite 
flaque  d'eau  et  fortement  incliné  vers  le  sud  ;  il  est  en 
granit;  sa  hauteur  est  de  1  m,  45,  sa  largeur  moyenne  de 
1  m.  05,  et  sur  les  côtés  il  mesure  de  30  à  40  c. 

On  raconte  dans  le  pays  que  Gargantua  voulut  autrefois 
bâtir  un  pont  sur  la  Loire  ;  il  apporta  force  grosses  pierres 
et  les  laissa  près  du  rivage  pour  aller  en  chercher  d'autres. 
Mais,  quand  il  revint,  les  pierres  tenaient  si  bien  en  terre 
que  jamais  il  ne  put  les  arracher. 


—  55  — 

&    Menhir  du  Pont-Bossu. 

Un  menhir  abattu  forme  maintenant  un  petit  pont  sur 
un  étier  au  bord  de  la  prairie  dont  nous  venons  de  parler, 
tout  auprès  des  maisons  de  la  Basse-Prinais;  il  est  en 
granit  et  long  de  2  m.  20  sur  95  c.  de  large  et  25c.  d'épais- 
seur. 

Ces  deux  menhirs  ont  été  trouvés  par  mon  frère 
Georges  de  Lisle, 

£2^    Tumulus  du  Rosai. 

De  là,  en  me  dirigeant  au  sud,  je  vis  près  du  hameau  de 
Rosai  une  butte  pierreuse  qui  me  sembla  bien  être  un 
tumulus;  cette  butte  est  dans  un  champ  à  cent  pas  à  Test 
des  maisons  ;  sa  largeur  est  de  17  mètres.  On  voit  encore 
à  sa  partie  supérieure  un  bloc  à  demi  enfoui  sous  terre; 
deux  ou  trois  autres  apparaissent  sur  les  côtés.  J'ai  trouvé 
depuis  une  note  manuscrite  de  Chevas,  remontant  à  une 
quarantaine  d'années  et  qui  vient  à  l'appui  de  mes  conjec- 
tures :  «  Au  village  du  Rosai  plusieurs  pierres  en  désordre 
affectant  la  forme  circulaire.  Au  milieu  du  monticule  deux 
grosses  pierres  couchées  et  sur  un  point  du  cercle  exté- 
rieur, une  autre  debout;  hauteur  au-dessus  du  sol  :1  mètres; 
largeur  1  m.  40;  ép.  1  m.  d'un  côté  et  75  c.  de  l'autre.  » 

J\d  Cette  dernière  pierre  était  bien  évidemment  un 
menhir  ;  ces  mégalithes  auront  été  brisés  et  employés 
comme  matériaux  dans  la  construction  d'une  m?\son  neuve 
élevée  près  de  là.  (Septembre  1884.) 

Dans  une  vigne  située  à  300  m.  au  sud  du  Rosai,  on  voit 
un  espace  butté,  de  forme  circulaire,  et  tellement  en- 
combré de  rocs  et  de  cailloux  quB  l'on  a  dû  renoncer  à  le 
défricher.  Une  très  jolie  hache  en  roche  d'un  vert  bleuté 
a  été  trouvée  tout  près  de  là  et  m'a  été  remise  par  le 
fermier. 

^    Menhir  du  Plessis-Gamat. 

Du  point  où  nous  ont  conduit  les  monuments  qui  pré- 
cèdent, on  trouve  à  peu  de  distance  vers  l'est  une  large 


—  56  — 

Champagne  nommée  le  Quarteron  du  Plessis-Gamat.  Un 
beau  menhir  est  planté  dans  cette  pièce  ;  il  est  en  grès 
blanc  très  quartzeux  et  sa  forme  est  assez  bizarre;  haut  de 
2  m.  60  au-dessus  de  terre,  il  mesure  1  m.  25  de  large, 
35  c.  d'épaisseur  au  nord  et  50  c.  vers  le  sud.  Ses  deux 
faces  les  plus  larges  regardent  l'est  et  l'ouest. 

J'ai  vu  auprès  quelques  blocs  couchés  çà  et  là,  accom- 
pagnement assez  ordinaire  de  nos  menhirs. 

Tertre  du  Quarteron  de  la  Briordais. 

Du  village  du  Plessis-Gamat,  on  rejoint  la  route  de  Cor- 
sept  à  Saint-Brevin.  A  500  m.  avant  d'arriver  à  ce  bourg, 
j'ai  aperçu,  sur  la  gauche  de  la  route,  une  butte  dominée 
par  de  grosses  roches  grises  superposées  et  ayant  tout  à 
fait  l'aspect  d'un  dolmen.  Un  petit  sentier  que  l'on  trouve 
à  main  gauche,  un  peu  après  avoir  dépassé  une  croix  de 
fer  sur  le  bord  de  la  route,  conduit  tout  droit  à  cette  butte, 
dont  la  hauteur  est  de  2  mètres  environ  et  le  diamètre  de 
21  m.  Sur  le  sommet,  une  large  pierre  irrégulière  de  2  m.  35 
de  long  est  posée  sur  un  autre  bloc  ;  autour,  une  quinzaine 
de  pierres  sont  disséminées  sur  les  flancs  de  la  butte. 
Trois,  placées  à  angle  droit  et  bien  enfoncées  en  terre,  for- 
ment comme  le  fond  d'un  petit  dolmen  ;  cinq  autres,  sur  le 
versant  du  nord,  s'alignent  à  peu  près  sur  deux  lignes  pa- 
rallèles, mais  tous  ces  blocs  sont  grossiers,  irréguliers  et 
ne  présentent  point  l'aspect  ordinaire  des  matériaux  de  nos 
dolmens. 

Ce  tertre  a  beaucoup  d'analogies  avec  les  groupes  de  mé- 
galithes que  j'ai  cités  près  de  là,  en  Corsept,  aux  environs 
de  la  Bigotais. 

<^    Tumulus  de  la  Guerche. 

A  1  kilomètre  au  sud  de  Saint-Brevin,  on  trouve,  près 
d'un  petit  village  que  traverse  la  route  de  Saint-Michel,  la 
maison  de  campagne  désignée  sous  le  nom  de  château  de 
la  Guerche.  A  cent  pas  à  l'ouest  dudit  château,  j'ai  vu 
une  butte  artificielle  de  30  mètres  de  diamètre  sur  4  mètres 


_  57  — 

d'élévation  ;  quelques  arbres  ont  poussé  sur  le  sommet  qui 
a  été  tronqué  et  arrangé  en  plate-forme. 

Motte  ou  tumulus?  D*js  fouilles  nous  diraient  sans  doute 
le  mot  de  cette  grosse  énigme.  Je  pense  que  les  terres  qui 
ont  servi  à  former  cette  butte  proviennent  du  creusement 
d'un  étang  qui  existe  tout  auprès. 

Pierre  à  bassin. 

A  l'angle  de  la  première  maison  du  village  de  la  Guerche, 
tout  au  bord  de  la  route,  se  trouve  une  grosse  pierre  ados- 
sée au  mur;  elle  est  en  granit  très  rugueux  et  creusée  de 
deux  cavités  ovales  de  25  c.  de  large  sur  40  c.  de  long, 
rappelant  absolument  la  forme  des  doubles  bassins  de  la 
Pierre  de  laBemboire  en  Maisdon,  connue  dans  le  pays  sous 
le  nom  des  Fesses  du  Diable. 

[~1    Dolmen  du  douanier. 

Quittant  la  route  de  Saint-Brevin  à  Pornic,  on  traverse 
de  grands  bois  de  pins  pour  rejoindre  le  bord  de  la  mer. 
Aune  lieue  environ  au-dessous  du  Pointeau,  la  côte  est 
bordée  par  une  longue  plage  que  traverse  l'écluse  du 
Boivre,  vieux  fleuve  tellement  amoindri  que  ses  eaux  se 
déversent  maintenant  dans  la  mer  par  une  sorte  de  tuyau. 
Cette  plage  est  fermée  au  midi  par  des  roches  basses  que 
les  eaux  recouvrent  aux  grandes  marées.  Nous  avons  vu 
sur  cette  pointe  une  grande  table  de  grès,  jetée  de  travers 
et  fort  dépaysée  sur  les  micaschistes  de  la  côte.  Cette 
bizarre  rencontre  nous  fut  expliquée  par  la  présence 
d'un  montant  de  dolmen,  couché  près  de  là,  un  peu  au- 
dessous  de  ia  table.  Ces  deux  pierres  étaient  les  restes  d'un 
dolmen  arraché  de  la  falaise  par  l'envahissement  de  la  mer. 

Ce  fait  nous  fut  bientôt  confirmé  par  le  témoignage  d'un 
douanier,  qui  se  rappela  parfaitement  avoir  vu  les  pierres 
en  place  sur  le  haut  de  la  côte.  En  creusant  à  l'endroit 
indiqué,  nous  trouvâmes  des  terres  noires  et  très  com- 
pactes, mélangées  de  charbons,  des  silex  éclatés  et  quelques 
petits  fragments  de  poterie. 


-  58  — 

La  table  mesure  2  m.  50  de  long  sur  1  m.  45  de  large  ; 
le  montant  G2  c. 

Ce  dolmen,  en  assez  mauvais  état,  comme  on  le  voit,  n'a 
jamais  été  décrit  ni  désigné  sous  aucun  nom;  j'ai  cru  pouvoir 
le  dédier  à  l'honorable  préposé  qui  nous  a  guidé  dans  nos 
recherches.  Puisse  ce  faible  hommage  encourager  nos 
gardes -côtes  à  surveiller  dans  leurs  rondes  oisives  les 
mégalithes  du  littoral! 

Les  Pierres  Boivre. 

&    Menhir  de  la  Pierre  attelée. 

Ce  menhir,  caché  dans  un  bois,  près  de  la  mer,  est  assez 
difficile  à  trouver;  j'indiquerai  deux  méthodes  pour  y  arri- 
ver: l'une  très  pratique,  l'autre  plus  pittoresque  ;  il  y  en  a 
bien  une  troisième,  qui  consiste  à  prendre  un  guide,  mais 
cela  est  souvent  fort  ennuyeux. 

Voici  la  première  méthode  :  prendre,  à  l'ouest  de  la  route 
de  Saint-Michel,  le  village  de  la  Rousselerie,  puis,  en  face 
des  dernières  maisons  de  ce  village,  remonter  à  150  m.  au 
nord  par  un  petit  chemin  sablonneux,  et  traverser  un  clos 
de  vigne  sur  la  gauche-,  le  menhir  est  là,  sur  la  lisière 
d'un  bois  de  pins.  —  Pour  l'autre  méthode,  il  faut  des- 
cendre le  vallon  où  sont  éparpillées  les  maisonnettes  de  la 
Rousselerie  jusqu'à  un  petit  gué  tout  encombréde  grosses 
roches.  On  remonte  à  droite,  à  travers  des  dunes,  puis  on 
suit  un  petit  sentier  sous  bois,  qui  longe  une  clairière  jon- 
chée de  blocs  de  grès;  bientôt  après,  on  aperçoit  le  menhir, 
dont  la  masse  tranquille  est  caressée  par  les  branches  des 
sapins. 

Sa  hauteur  au-dessus  du  sol  est  de  2  m.  90,  mais  il  est 
trè^  profondement  enfoui  dans  le  sable  ;  sa  largeur  est  de 
1  m.  40  et  son  épaisseur  de  1  m.;  i!  est  en  grès  quartzeux. 
15  juillet  1883. 

Au  sommet,  on  voit  les  restes  d'un  petit  socle  en  maçon- 
nerie qui  servait  de  base  à  une  croix.  Chaque  printemps, 
on  enguirlande  de  fleurs  la  tète  de  ce  menhir.  Cette  pieuse 


—  59  — 

coutume  a  inspiré  à  l'auteur  des  Poèmes  Bretons  une  de 
ses  plus  charmantes  poésies  (*). 

&    Pierre  de  Couche. 

La  route  de  Saint-Brevin  à  Saint-Michel  traverse  une 
large  vallée,  peu  profonde,  sorte  de  fiord  dont  les  dunes 
ont  fermé  l'entrée;  puis  elle  passe  dans  de  grands  bois  de 
pins,  dépendant  de  la  terre  de  M.  Golombel,  maire  de 
Nantes.  Après  avoir  laissé  sur  la  gauche  une  route  neuve 
qui  conduit  vers  Saint-Père-en-Retz,  on  trouve  quelques 
bâtiments  d'exploitation,  puis  un  clos  de  vigne  séparé  de 
la  route  par  une  rangée  de  sapins.  Au  milieu  de  ce  clos, 
on  aperçoit  un  menhir  pointu  et  assez  irrégulier  de  forme; 
il  est  en  grès  quartzeux  et  mesure  2  m.  de  haut  sur  97  c. 
d'épaisseur  de  l'est  à  l'ouest,  et  90  c.  dans  l'autre  sens.  On 
assure  qu'il  est  enfoui  sous  terre  d'une  fois  sa  hauteur. 

&,    Menhir  du  Boivre. 

En  continuant  à  suivre  la  même  route  dans  la  direction 
du  sud,  on  dépasse  le  village  de  Boivre,  puis,  avant  d'arri- 
ver à  une  côte  que  domine  un  moulin,  on  aperçoit  à  300  m. 
sur  la  gauche  un  grand  menhir  de  forme  pyramidale.  Il 
mesure  3  m.  80  en  hauteur  sur  3  m.  de  large  à  la  base  et 
1  m.  d'épaisseur  ;  ses  deux  faces  les  plus  larges  regardent 
l'est  et  l'ouest. 

Les  trois  menhirs  que  nous  venons  d'indiquer  sont  placés 
en  triangle,  à  égale  distance  l'un  de  l'autre;  telle  est  du 
moins  l'opinion  des  gens  du  pays,  et  cette  opinion  est  con- 
firmée par  le  témoignage  de  notre  excellent  collègue 
M.  Orieux,  agent-voyer  en  chef  du  département. 

Le  grand  menhir  de  Boivre  fait  à  son  tour  partie  d'un 
gigantesque  triangle,  dont  les  trois  sommets  sont  marqués 
par  trois  menhirs,  également  de  très  haute  taille  et  de 


(*)  Le  Menhir.  Au  pays  de  Retz,  par  M.Joseph  Rousse. 


—  60  — 

forme  triangulaire,  tous  trois  orientés  nord-sud,  comme 
des  aiguilles  de  cadran.  (  Voir  plus  haut  Chauve,  Corsept 
et  le  Trépied  du  Diable,  commune  de  Besné.) 

8  A  Nous  avons  trouvé  en  Saint-Brevin  huit  haches 
en  pierre  provenant  de  différents  pointe  de  cette  commune: 

1°  Une  hache  plate,  pointue  (type  vannetais);  longueur 
12  c.  5.  Village  de  la  Maillardière.  Elle  est  en  roche  ser- 
pentineuse  vert  pâle  et  d'un  très  beau  poli. 

2°  Hache  en  diorite,  noire,  à  bords  carrés,  longue  de 
8  c.  —  La  Rousselière. 

3°  Une  hache  en  aphanite,  longueur  10  c.  —  Le  Plessis. 

4°  Grande  hache   en  diorite  trouvée  près  de  la  Lande, 


longueur  20  c. 


5°  Hache  en  eurite  de  couleur  blanche  ;  longueur  7  c.  5. 

—  Le  Rosay. 

6°  Hache  en  diorite  de  11  c.  5.  — La  Lande. 

7°  Hache  en  eclogite  verte,  longueur  6  c.  —  Le  Bouillon. 

8°  Une  très  jolie  hachette  en  roche  serpentineuse  verte. 

—  Le  Rosay. 

(Explorations  G.  et  P.  de  Lisle,  1881-1884.) 

Période  gallo-romaine. 

Des  substructions  romaines  ont  été  découvertes  il  y  a  un 
demi-siècle  à  l'occident  du  cimetière  de  Saint-Brevin.  Des 
murs  solidement  construits  en  grandes  pierres  atteignaient 
environ  1  m.  de  haut  ;  ils  étaient  recouverts  par  un  pied  de 
sable.  Ce  fait  est  consigné  dans  les  notes  de  M.  Verger. 

Des  vestiges  du  même  genre  ont  été  trouvés  au  sud  du 
bourg  ;  là  les  briques  romaines  sont  abondantes.  Les  gens 
du  pays  prétendent  que  ce  point  était  anciennement  très 
important  et  qu'il  reprendra  un  jour  sa  richesse  première. 
Un  double  dicton,  assez  saugrenu,  conserve  ce  souvenir 
dans  la  mémoire  des  paysans  :  Pontoise,  tu  périras,  Saint- 
Brevin  tu  deviendras.  —  Nantes  périra,  Saint-Brevin  re- 
naîtra. 


—  61  — 

Je  ne  sais  si  les  délices  trop  vantées  du  Pointeau,  en 
Saint-Brevin-l'Océan,  vont  inaugurer  cette  renaissance 
tant  prédite  par  les  sibylles  Brévinoises. 

O  Deux  monnaies  gauloises  trouvées  dans  cette  com- 
mune en  1861  ont  été  données  au  Musée  de  Nantes,  par  le 
maire  de  Saint-Brevin. 

Des  sarcophages  en  calcaire  ont  été  trouvés  par  M.  Her- 
sart  dans  les  sables  de  Saint-Brevin. 


SAINT-HILA.IRE-DE-CHALEONS 

J\^    Menhir  du  moulin  Penaud. 

À  1200  mètres  au  sud-est  du  bourg,  sur  la  gauche  de  la 
route  de  Sainte-Pazanne,  on  trouve  un  moulin  à  vent,  dit 
le  moulin  des  Penaud.  Près  de  là  est  une  pierre  debout  qui 
mesure,  d'après  la  description  donnée  par  M.  Orieux  ', 
1  m.  60  de  haut,  70  c.  de  large  et  60  c.  d'épaisseur;  d'autres 
pierres  sont  amassées  tout  autour. 


SAINT-JEAN-  DE-BOISE  AU 

Période  celtique. 

A  Une  hache  en  eurite,  longue  de  10  c.  5,  trouvée  dans 
la  commune  de  Saint-Jean-de-Boiseau,  nous  a  été  donnée 
par  M.  Gruget. 

Découverte  de  haches  en  bronze. 

Au  sud  et  près  du  bourg  de  Saint-Jean-de-Boiseau,dans 
une  vigne  nommée  le  Trait  de  la  Cour,  on  découvrit,  en 
avril  1821,  une  cachette  contenant  huit  haches  en  bronze 
de  la  forme  dite  à  talon,  placées  dans  un  vase  en  terre.  Ce 


(4)  Etudes  archéologiques  (1864). 


-  62  — 

vase  était  enfoui  dans  une  cavité  du  rocher  creusée  pour 
le  recevoir,  et  son  orifice  était  fermé  par  une  sorte  de  pla- 
teau également  en  terre  cuite;  le  tout  était  recouvert  de 
25  c.  de  terre  végétale!  Nous  empruntons  ces  détails  à  une 
note  insérée  dans  le  Lycée  Armoricain  de  1828,  sous  ce 
titre:  du  Matarh,  arme  gauloise. 

Deux  de  ces  haches  ont  été  conservées,  l'une  au  Musée 
d'histoire  naturelle,  l'autre  au  Musée  archéologique  de 
Nantes;  leur  longueur  est  de  10  à  12  c. 


SAINTE-MARIE 

Les  belles  galeries  dolméniques  des  tumulus  de  la  Motte 
ont  été  indiquées  à  l'article  de  la  commune  de  Sainte-Marie 
par  la  Commission  de  topographie  des  Gaules.  Le  terrain 
qu'elles  occupent  appartient  à  la  commune  de  Pornic  et  il 
est  fort  à  souhaiter  que  la  municipalité  pornicaise  prenne 
quelques  mesures  pour  assurer  leur  conservation. 

I    1  d    Dolmen  des  Mazères.  Section  G,  n°  302. 

Dans  le  haut  de  la  pièce  des  Mazères,  entre  la  Rochan- 
dière  et  les  Bouillons,  existait  un  dolmen  dont  la  table, 
large  de  2  m.  50  c.  environ,  était  supportée  par  quatre 
montants  en  quartz.  Il  a  été  détruit  en  18GG,  et  le  fermier 
qui  m'en  montrait  les  derniers  vestiges  avait  trouvé  sous 
les  pierres  un  certain  nombre  de  rondelles  en  cuivre  comme 
des  deniers.  Ce  dolmen  occupait  le  centre  d'une  pièce  de 
terre  inscrite  au  cadastre  sous  le  n°  302  de  la  section  G,  un 
peu  au  midi  d'un  petit  vallon  qui  sépare  Sainte-Marie  de 
la  commune  de  Saint-Michel  (18  juin  1883). 

I  I  d  M.  II.  du  Buis,  propriétaire  à  Sainte-Marie,  nous  a 
signalé  un  retranchement,  maintenant  détruit,  et  qui  se 
trouvait  à  l'est  de  la  nouvelle  route  de  Saint-Père-en-Retz, 
entre  les  maisons  de  Huchepie  et  les  ruines  de  la  chapelle 
du  Tabier.  Ce  retranchement  se  composait  d'une  butte 


—  63  - 

ovale  entourée  de  larges  fossés.  Nous  avons  indiqué  des 
défenspsdu  même  genre,  situées  à  peu  de  distance  de  là  en 
Saint-Père-en-Retz.  Cette  butte,  jadis  entourée  de  landes, 
a  été  nivelée,  et  on  l'aperçoit  à  peine  sous  les  sillons.  Le 
champ  qu'elle  occupe  se  nomme  les  Meurts. 

A  Une  hache  en  diorite,  longue  de  9  c.  5  et  large  de 
4  c.  5  a  été  recueillie  par  M.  H.  du  Bois  ;  elle  avait  été 
trouvée  dans  une  de  ses  pièces  près  du  village  du  Porteau. 
(Juin  1885.) 

A  J'ai  trouvé  près  du  tumulus  de  la  Motte  une  hache 
en  roche  dioritique,  brisée  au  tranchant. 

A  Une  hache  en  fibrolite,  longue  de  8  c.  7  et  extrê- 
mement épaisse,  a  été  trouvée  près  du  Doiterneau.  (Col- 
lection G.  et  P.  de  Lisle.) 

O  Une  pièce  d'or  à  l'effigie  de  Zenon  a  été  découverte 
près  de  Sainte-Marie  en  1849. 


SAINT-MICHEL-CHEF-CHEF. 

[""]    Allée  couverte  du  Corps-de-Garde. 

Le  Redois  est  situé  dans  une  coulée  qui  descend  du  bourg 
de  Saint  Michel  à  la  mer  ;  quelques  villas  égaillées  çà 
et  là  dans  le  vallon  ou  campées  sur  les  hauteurs,  forment 
une  station  balnéaire  très  modeste,  mais  qui  par  cela  même 
a  un  charme  tout  particulier.  A  gauche,  s'étendent  de 
grands  bois  de  pins;  à  droite,  la  côte  est  festonnée  de  belles 
roches  aux  teintes  rosées  ou  d'un  gris  d'argent. 

En  suivant  un  chemin  au-dessus  de  la  falaise,  un  peu 
au  nord  du  Redois,  j'ai  trouvé,  prés  d'une  ancienne  maison 
de  garde-côte,  les  ruines  d'une  allée  couverte.  Elle  est 
parallèle  à  la  route  et  traverse  en  entier  le  petit  champ 
qui  entoure  la  maison  du  garde.  —  Celle-ci  en  est  telle- 
ment rapprochée,  que  l'on  a  dû  bouleverser  une  partie  de 


—  64  — 

la  galerie  dolménique  pour  construire  le  mur  qui  fait  face 
à  l'océan. 

La  longueur  totale  du  monument  est  de  15  m.  80;  son 
orientation  est  nord-sud.  En  commençant  par  le  nord,  j'ai 
noté:  1°  une  table  de  2  m.  71  sur  1  m.  90,  supportée  par 
deux  montants  et  adossée  au  fossé.  Devant  elle,  quatre  sup- 
ports formant  un  petit  couloir  de  1  m.  10  de  large;  les 
deux  montants  les  plus  rapprochés  de  la  table  sont  en  pou- 
dingue ferrugineux  ;  ils  mesurent  :  celui  de  l'ouest,  1  m.  05 
sur  90  c.  et  30;  celui  de  l'est,  1  m.  20  sur  1  m.  25  et  32  c; 
les  deux  autres  ont  1  m.  10  de  hauteur. 

Puis,  à  peu  près  dans  le  prolongement  de  cette  crypte, 
une  série  de  tables  et  de  montants,  en  place  ou  abattus; 
la  dernière  table  au  midi  est  énorme;  le  fossé  la  couvre 
en  partie  et  elle  semble  avoir  été  rejetée  en  dehors  de  l'axe 
de  la  galerie  ;  sa  largeur  est  de  2  m.  50.  Vers  le  centre, 
une  autre  table  mesure  2  m.  25  sur  1  m.  50  et  30  c.  d'épais- 
seur. 

Les  sondages  que  nous  avons  fait  faire  pour  déblayer  le 
fond  du  monument  nous  ont  donné  la  certitude  d'avoir  été 
devancé  dans  nos  recherches. 

n    Dolmen  du  Carreau- Vert.  S011  Cle  B,  N°  684. 

En  explorant  les  pièces  qui  avoisinent  cette  allée  cou- 
verte, je  trouvai,  dans  un  champ  séparé  de  la  côte  par 
deux  ou  trois  pièces  de  terre,  une  sorte  de  butte  que  dépas- 
saient çà  et  là  quelques  pointes  de  roches.  La  disposition 
symétrique  de  ces  blocs  ne  me  laissait  aucun  doute  sur 
leur  destination;  il  était  aisé  d'y  reconnaître  une  double 
allée  couverte. 

M.  Th.  Grisolles,  propriétaire  des  métairies  dont  dépen- 
dait le  champ  en  question,  m'accorda  très  aimablement 
l'autorisation  d'y  pratiquer  des  fouilles,  et  je  suis  heureux 
de  lui  en  témoigner  ici  ma  vive  gratitude. 

Ce  monument  élevé  sur  un  plan  bizarre,  sans  doute  modi- 
fié à  plusieurs  reprises,  forme  une  sorte  de  galerie  brisée 


—  65  — 

au  centre  et   flanquée  de  trois   caveaux  rectangulaires 
deux  à  l'ouest  et  un  à  Test.  Un  plan  peut  seul  en  donner 
une  idée. 

Nous  avons  déblayé  d'abord  la  cella  du  sud-est,  qu'une 
large  table  recouvrait  en  partie  ;  sa  longueur  totale  est  de 
3  m.  10  c,  elle  a  1  m.  10  de  large  vers  le  sud  et  95  c.  seu- 
lement sous  la  table  ;  elle  est  formée  par  six  montants. 

Après  avoir  enlevé  une  assez  forte  couche  de  terre  vé- 
gétale mêlée  de  pierres,  nous  avons  rencontré  un  terreau 
compact  et  de  couleur  rougeâtre,  puis  au-dessous,  une 
épaisseur  de  7  à  10  c.  d'argile  jaune  pâle,  extrêmement 
dure  et  battue  comme  l'aire  de  nos  fermes  bretonnes.  Cette 
couche,  qui  s'étendait  partout  à  l'intérieur  du  monument, 
diffère  tout  à  fait  du  sol  naturel  sur  lequel  elle  a  été  ap- 
pliquée. 

Les  objets  dont  l'énumération  suit,  étaient  posés  sur  cette 
argile  mais  sans  y  adhérer,  et  se  trouvaient  empâtés  dans 
le  terreau  rouge  de  la  seconde  couche. 

La  première  partie  de  la  galerie  contenait  : 

1°  Un  vase  en  forme  de  boulet  de  canon  tronqué  vers  le 
sommet  ;  la  pâte  en  est  grossière  mais  extrêmement  dure, 
ce  qui  est  assez  rare  dans  les  poteries  de  dolmens.  Nous 
avons  eu  la  preuve  de  la  solidité  de  cette  poterie,  car  elle  a 
résisté  au  coup  de  pioche  qui  l'a  fait  sortir  de  son  alvéole. 

2°  Une  flèche  à  tranchant  transversal,  en  silex  jaune  et 
d'un  très  beau  travail. 

3°  Un  vase  en  forme  de  cône  tronqué,  à  fond  plat  avec 
un  petit  rebord  à  la  base,  terre  rouge.  (Brisé.) 

4°  Une  scie  en  silex  translucide  ;  lame  mince  et  fine- 
ment dentelée  de  petites  échancrures  arrondies  et  bien  ré- 
gulières. 

5°  Très  petit  vase  à  fond  plat,  en  forme  de  gobelet,  il 
est  bien  intact  et  façonné  grossièrement  dans  une  terre 
rougeâtre  pleine  de  fragments  de  quartz. 

6<>  Grand  vase  à  fond  bombé,  en  forme  de  demi-sphère. 

1885.  —  !"  Sem.  5 


—  66  — 

7°  Autre  vase  du  même  type,  mais  plus  petit,  en  terre 
luisante. 

Ces  deux  vases  étaient  dans  la  partie  recouverte  par  la 
table  et  adossés  au  montant  de  l'ouest  ;  auprès  se  trouvait 
un  couteau  en  silex. 

8°  Vis-à-vis,  un  autre  vase  en  terre  noire  très  fine  ;  les 
bords  sont  minces  et  légèrement  retournés  en  bourrelet. 

9° Un  énorme  vase  se  trouvait  un  peu  en  avant  de  la  table 
du  côté  sud.  Il  est  muni  d'un  oreillon  de  3  cent,  de  long, 
percé  d'un  trou  horizontal.  On  passait  une  cordelette  par  ce 
trou  pour  servir  à  porter  le  vase.  La  terre  qui  a  servi  à 
le  faire,  est  noire  en  dedans  et  grise  à  la  surface.  Ce  vase 
est  le  plus  grand  que  nous  ayons  vu  dans  les  dolmens  de 
la  Basse-Loire. 

Enfin,  dans  l'étroit  couloir  protégé  par  la  table,  se  trou- 
vait en  outre  une  autre  petite  pièce  d'un  intérêt  tout  par- 
ticulier :  c'est  un  grattoir  double  en  silex  violet  foncé,  ad- 
mirablement taillé  et  long  de  4  c.  Cet  objet, qui  appartient 
sans  conteste  à  un  des  types  les  plus  caractérisés  des  silex 
de  l'époque  du  renne,  est  singulièrement  dépaysé  dans 
notre  dolmen.  La  substance  siliceuse  dont  il  est  formé  est 
toute  différente  de  celle  qui  a  été  employée  pour  les 
autres  outils  qui  l'accompagnent. 

La  crypte  du  nord-ouest,  adossée  à  l'extrémité  de  la  gale- 
rie, est  recouverte  par  une  grande  pierre  plate  ;  ses  dimen- 
sions intérieures  sont  1  m.  70  sur  1  m.  47. 

J'y  ai  trouvé  une  hache  en  silex  violacé,  très  usée  au 
tranchant,  des  fragments  de  plusieurs  vases,  et  parmi  une 
sorte  de  coupe  ou  de  couvercle  dont  les  bords  sont  brus- 
quement relevés  de  façon  à  dessiner  un  angle  à  vive  arête. 

La  crypte  de  l'ouest,  parallèle  au  centre  de  l'allée,  m'a 
donné  un  petit  vase  en  forme  de  calotte,  haut  de  7  cet  large 
de  8;  des  poteries  brisées,  dont  l'une  est  ornée  d'un  oreil- 
lon percé  d'un  trou.  —  Une  hache-marteau  très  allongéo 
et  percée  d'un  trou  cylindrique  pour  recevoir  un  manche  ; 


—  67  — 

elle  est  en  roche  dioritique  altérée  et  brisée  par  le  milieu 
(partie  du  tranchant). 

Le  centre  du  monument  contenait  un  grand  nombre 
d'autres  poteries  incomplètes.  Un  petit  vase  à  bords  retour- 
nés, très  uni,  très  fin  de  pâte.  —  Un  grand  vase  de  forme 
hémisphérique,  en  terre  cassante  inégalement  durcie  au 
feu.  —  Un  pot  en  terre  rouge,  très  épais  de  bords  et  gros- 
sièrement façonné  en  forme  de  cône  tronqué.  —  Des 
fragments  d'un  grand  vase  avec  oreillon  pointu  sur  le  côté; 
bords  droits,  terre  micacée,  peu  cuite.  —  Un  petit  vase  en 
terre  luisante  avec  un  oreillon  très  mince  près  du  bord. 
—  Un  vase  on  forme  d'écuelle ,  avec  un  trou  rond  de 
11  mm  de  diamètre,  au-dessous  du  bord.  —  Fragment  de 
vaso  en  terre  grisâtre,  très  luisante  et  striée  de  petites 
rayures  creusées  horizontalement.  —  Fragment  d'un  vase 
en  forme  de  tulipe;  terre  rouge  et  noire. 

Parmi  les  silex  provenant  de  cette  sépulture,  nous  indi- 
querons 3  lames  bien  tranchantes,  longues  de  7  à  10e  ; 
4  flèches  à  tranchant  transversal,  2  scies  et  un  couteau  en 
grès  siliceux,  à  lame  triangulaire,  trouvé  vers  le  fond  de  la 
galerie  par  notre  excellent  ami  et  collègue  M.  Xavier  de 
la  Touche,  qui  nous  avait  activement  aidé  dans  la  dernière 
partie  de  nos  fouilles. 

On  peut  juger  par  l'inventaire  qui  précède  de  la  richesse 
de  cette  allée  couverte,  qui  ne  contenait  pas  moins  de  18 
poteries,  de  16  outils  et  armes  en  silex  et  de  deux  haches 
taillées  et  polies. 

Point  d'ossements;  nous  les  aurions  sûrement  rencontrés 
dans  cette  terre  rougeâtre  qui  empâtait  les  vases  et  les 
silex;  partout  des  charbons  et  des  cendres.  Il  est  probable 
que  l'incinération  a  été  le  mode  employé  pour  les  sépul- 
tures de  cette  galerie.  Juillet  1883. 

&    Menhir  de  la  Source. 

Un  menhir  piqué  au-dessus  de  la  falaise,  à  peu  de  dis- 


—  68  — 

tance  au  nord  du  chemin  qui  conduit  à  la  source,  a  été 
détruit  il  y  a  une  vingtaine  d'années. 

De  ce  point,  nous  nous  dirigerons  à  l'est  pour  visiter  les 
mégalithes  de  Saint-Michel,  et  passant  ensuite  au  sud  par 
la  Souchais,  nous  reprendrons  la  direction  de  l'ouest. 

J\,  ?  Près  d'une  ferme  située  entre  les  maisons  de 
Gohaud  et  la  route  de  Saint-Michel,  on  voit  une  pierre 
couchée  de  1  m.  60  c.  de  long  sur  65  c.  de  large  et  35  c. 
d'épaisseur  ;  elle  est  en  grès. 

J^    Menhir  de  la  Combe. 

Avant  d'arriver  devant  le  village  du  Boivre,  la  route  de 
Saint-Brevin  passe  devant  un  grand  menhir  triangulaire 
que  nous  avons  décrit  à  l'article  consacré  à  cette  commune. 
En  remontant  à  quelques  cents  mètres  à  l'est  de  ce  ce  mé- 
galithe, sur  la  limite  de  Saint-Michel  et  de  Saint-Brévin, 
j'ai  trouvé  un  grand  menhir  abattu  dans  une  pièce  dési- 
gnée au  cadastre  sous  le  nom  de  pièce  de  la  Combe,  et 
située  au  midi  du  moulin  à  vent  qui  domine  la  butte.  Il  est 
en  grès  et  sa  longueur  est  de  3  m.  07  ;  il  mesure  environ 
80  c.  d'épaisseur  moyenne,  mais  il  se  rétrécit  vers  le  haut. 

A  Au-dessus  de  celui-ci,  à  deux  ou  trois  champs  de  là 
dans  la  direction  du  nord,  autre  menhir  couché  de  3  m.  35 
de  long,  sur  1  m.  10  de  large  et  80  c.  d'épaisseur  ;  il  est  en 
grès  et  également  de  forme  pointue. 

J\,    Menhir  de  la  Souchais. 

Un  magnifique  bloc  de  quartz  blanc  est  piqué  debout  sur 
le  bord  de  l'avenue  qui  conduit  à  la  Souchais  (côté  sud)  ;  sa 
hauteur  est  de  1  m.  65,  sa  largeur  de  1  m.  10,  et  il  mesure 
environ  55  c.  d'épaisseur.  Sa  forme  est  très  irrégulière  ;  il 
m'a  semblé  orienté  sud-nord.  Pour  le  trouver,  le  plus 
simple  est  de  quitter  la  route  de  Saint-Michel  au  village 
des  Gatineaux  et  de  se  diriger  à  l'est,  en  traversant  un 
petit  vallon,  vers  les  futaies  de  la  Souchais. 

Le  long  du  chemin  qui  part  de  la  route,  en  face  des  Ga- 
tineaux, j'ai  vu  une  pierre  debout,  sur  le  bord  du  champ; 


^ 


—  69  - 

elle  est  en  quartz  blanc  et  mesure  un  peu  moins  de  1  m. 
de  haut  sur  92  c.  de  large. 

Hl  d    Dolmen  de  la  Morinière,  section  H,  n°  376. 

Du  village  des  Gatineaux,  en  rejoignant  à  l'ouest  la  route 
de  la  Plaine,  on  arrive  à  un  point  assez  élevé,  près  de  la 
Morinière  ;  là,  dans  une  sorte  de  lande  coupée  par  la  route, 
existait  un  dolmen  en  quartz  blanc  dont  la  table  est  main- 
tenant enfouie  sous  terre  de  façon  à  laisser  libre  passage 
à  la  charrue.  Cette  table  mesurait  2  m.  sur  1  m.,  elle  était 
un  peu  soulevée  de  terre  d'un  côté.  M.  Verger  qui  l'a  dé- 
crite dans  ses  notes  sur  ces  communes,  lui  donne  près  d'un 
mètre  de  hauteur. 

|    ]  d  Dolmen  du  Patureau. 

Dans  le  champ  voisin  (champ  du  Patureau),  également  à 
l'est  et  au  bord  de  la  route,  le  même  auteur  signale  «  un 
joli  dolmen  de  quartz  blanc  et  brillant,  sur  une  élévation 
au  milieu  du  champ.  La  table  repose  sur  d'autres  pierres 
couchées  à  plat  les  unes  sur  les  autres.  L'ouverture  au 
midi  est  fermée  par  une  pierre  de  la  même  nature  que 
celles  du  dolmen;  l'autre  ouverture  au  nord  est  dégagée. 
Sa  hauteur  est  d'environ  un  mètre;  sa  largeur  est  irrégu- 
lière à  cause  de  l'inégalité  de  ses  supports;  elle  a  un  peu 
plus  d'un  mètre.  Tout  autour  de  ce  monument,  remar- 
quable par  ses  petites  proportions  et  par  la  belle  qualité 
de  ses  pierres,  sont  d'autres  bloos  de  quartz  irréguliers  et 
qui  formaient  probablement  un  cercle.  »  Je  suis  arrivé 
quelques  années  trop  tard  pour  voir  ce  dolmen.  Le  fermier 
m'a  montré  la  butte  où  il  était  placé;  la  route  a  depuis 
plusieurs  années  dévoré  ces  belles  roches  blanches. 

15  A     Dans  nos  excursions  en  Saint-Michel,  nous  avons 
recueilli  une  quinzaine  de  haches  en  pierre  polie,  trouvées 
sur  le  territoire  de  cette  commune. 
N°  1  hache  en  diorite,  13  c.  —  La  Rousselerie. 
N°  2  hache  en  silex  jaune,  9c  —  Même  provenance. 
N°  3  hache  en  diorite,  10  c.  —  Les  Gatineaux. 


—  70  — 

N°  4  hache  en  aphanite,  d'un  gris  bleuté,  12  c. 

N°  5  hache  eu  diorite,  très  épaisse,  12  c.  —  Le  Rédois. 

Nos  6  à  15.  Dix  haches  en  diorite,  longues  de  8  à  12  c. 


SAINTE-PAZANNE 

f— |    Dolmen  de  Port-Faisant. 

A  trois  quarts  de  lieue  de  Sainte-Pazanne,  la  route  de 
Sainte-Lumine  oblique  vers  l'est  et  franchit  la  petite  ri- 
vière du  Tenu.  Sur  le  côté  nord  de  la  route,  un  peu  avant 
d'arriver  au  pont,  on  trouve  les  ruines  d'une  allée  cou- 
verte connue  sous  le  nom  de  dolmen  de  Port-Faisan. 

Le  fond  de  la  galerie,  formé  par  un  large  montant,  et 
le  premier  support  de  la  rangée  du  sud  sont  debout  ;  leur 
hauteur  est  de  1  m.  35.  La  grande  table  qui  recouvrait 
cette  crypte  est  appuyée  de  biais  sur  la  paroi  du  fond  ;  sa 
longueur  est  de  2  m.  75  et  sa  largeur  de  2  m.  30.  Une  autre 
table  abattue  dans  le  prolongement  de  la  première  pré- 
sente à  peu  près  les  mêmes  dimensions.  Cinq  bloi  s  jetés 
hors  de  place  servaient  à  compléter  cette  galerie  dont  les 
splendides  matériaux  nous  font  regretter  la  destruction. 

Il  existe  au  sujet  de  ce  dolmen  une  légende  toute  ré- 
cente et  qu'il  ne  serait  pas  bon,  je  crois,  de  laisser  s'accré- 
diter ;  en  voici  l'origine  :  Il  y  a  une  trentaine  d'années,  un 
bon  antiquaire  du  comté  nantais  signalait  sur  la  table  du 
dolmen  de  Port-Faisan  «  une  figure  monstrueuse  taillée 
en  relief  et  fort  connue  dans  le  pays  sous  le  nom  de  la 
bête  de  Port-Faisan.  Je  crois,  écrivait-il,  avoir  été  le  pre- 
mier à  signaler  cette  figure  à  l'attention  des  savants.  » 

Les  savants  auxquels  on  signalait  un  bonhomme  taillé 
en  relief  sur  une  pierre  de  dolmen  s'émurent  à  juste  titre; 
la  Société  des  Antiquaires  inséra  une  notice  sur  la  figure 
sculptée  du  Port-Faisan  dans  le  tome  VIII  de  sa  seconde 
série.  L'affaire  n'était  pas  oubliée,  lorsqu'e  1 1875,1e  grand 


-  71  — 

congrès  de  l'Association  française  pour  l'avancement  des 
sciences  amena  à  Nantes  des  archéologues  de  tous  les 
pays.  Une  excursion  fut  dirigée  vers  Port-Faisan,  chacun 
s'efforça  de  retrouver  dans  les  fissures  de  la  pierre  une 
apparence  de  tète  quelconque  ;  mais  les  avis  furent  très 
partagés  et  les  conclusions  du  rapport  extrêmement  nua- 
geuses. Cela  se  conçoit,  il  n'y  a  en  réalité  aucune  figure  de 
bête  ni  d'homme  sur  la  table  du  Port-Faisan  ;  la  surface  du 
grès  est  légèrement  mamelonée  et  forme  des  enroule- 
ments à  peu  près  semblables  aux  contours  de  certains 
nuages  ;  c'est,  je  pense,  ce  relief  accidentel  qui  avait  jadis 
induit  en  erreur  notre  vénérable  antiquaire. 

Vis-à-vis,  de  l'autre   côté  du  Tenu,   existait  un   autre 
dolmen  (commune  de  Saint-Mars-de-Coutais). 

A  Menhir  de  la  Briancière. 

Le  village  de  la  Briancière  est  tout  à  l'extrémité  de  la- 
commune  de  Sainte- Pazanne,  à  7  kilomètres  du  bourg  sur 
la  route  de  Fresnay.  Voici  les  renseignements  que  M.  Camille 
de  la  Bmsse  fils  a  bien  voulu  me  transmettre  sur  les 
mégalithes  de  la  Briancière:  «  Dans  un  petit  chemin  de 
traverse  conduisant  de  ce  village  à  une  route  neuve  qui 
va  de  Fresnay  à  Saint-Hilaire,  à  200  mètres  environ  des 
maisons  de  la  Briancière  et  au  milieu  môme  du  chemin,  se 
trouve  la  Pierre  de  la  Briancière.  Elle  est  couchée  et 
mesure  1  m.  75  de  longueur,  85  c.  dans  sa  plus  grande  lar- 
geur et  30  c.  d'épaisseur;  elle  est  en  grès.  —  A  200  mètres 
plus  loin,  une  autre  pierre  est  debout  et  sort  de  terre  de 
55  c;  les  paysans  prétendent  qu'elle  est  enfoncée  en  terre 
de  plus  d'un  mètre.  Enfin,  dans  un  taillis  qui  borde  ce 
chemin,  se  trouve  une  troisième  pierre  presque  semblable 
comme  forme  et  dimensions  à  la  seconde.  Les  anciens  du 
pays  racontent  que  sous  ces  pierres  sont  cachées  des  bour- 
sées  d'argent.  Octobre  1884.  » 

□     Près  du  château  d'Ardennes,  dans  les  bois  à  l'est  de 
l'avenue,  se  trouve  une  enceinte  de  terre  de  forme  ellip- 


—  72  — 

tique  et  d'une  disposition  très  particulière-,  elle  est  formée 
de  plusieurs  vallums  et  talus  concentriques.  La  motte  qui 
occupe  le  centre  est  plate  et  sans  talus  sur  le  bord. 

A  4.  Quatre  haches  en  pierre  polie,  trouvées  au  nord 
de  Sainte-Pazanne,  nous  ont  été  remises  par  le  fermier  de 
la  métairie  du  Bignon  :  1°  hache  en  aphanite,  longue  de 
10  c.  2°  Hache  en  eurite,  longueur  15  c.  5.  3°  Hache  en 
petro-silex,  longueur  12  c.  4°  Hache  en  roche  schisteuse, 
micacée,  d'un  vert  bleuâtre,  longueur  12  c. 


SAINT- PÈRE-EN  RETZ . 

Une  des  curiosités  archéologiques  de  ce  canton  est  l'an- 
cien fleuve  de  Boivre,  maintenant  à  sec  et  dont  la  vallée 
aride  et  nue  a  l'aspect  désolé  d'une  immense  ruine.  Au  pied 
de  ces  coteaux,  dans  ce  large  lit  que  sillonnaient  jadis  les 
navires  remontant  vers  Saint-Père,  quelques  troupeaux  de 
moutons  et  des  bandes  d'oies  se  disputent  tristement  un 
maigre  pâturage. 

Mais  ce  fleuve  tari  a  ses  titres  bien  en  règle;  vers  1049, 
c'est  le  fluvius  Bibere,  au  XIIe  siècle,  la  Boivre,  Boira,  puis 
la  Bouèvre  et  le  Boivre.  Peu  à  peu,  en  perdant  ses  eaux,  il 
a  perdu  jusqu'à  son  nom  ;  les  paysans  l'appellent  aujour- 
d'hui l'Etier,  et  si  faible  est  son  cours  qu'il  n'est  plus 
même  nommé  sur  nos  cartes  modernes.  De  son  antique 
splendeur  il  lui  reste  un  port  situé  sur  la  rive  gauche  et 
qui  n'est  plus  maintenant  qu'un  hameau.  (On  m'a  assuré 
qu'il  y  existait  des  boucles  en  fer  pour  amarrer  les  navires.) 
D'anciens  titres  mentionnent  aussi  un  droit  d'ancrage  pour 
la  seigneurie  de  la  Rodière,  située  à  2  kil.  du  bourg;  enfin, 
dans  le  fond  de  ses  vases,  on  retrouve  de  temps  à  autre  de 
vieilles  carènes,  des  ancres  et  des  débris  de  cargaisons 
enfouies  depuis  bien  des  siècles. 

Toutefois,  je  pense  que  ce  vieux  Boivre  n'a  jamais  été 


—  73  — 

un  fleuve  bien  sérieux  ;  c'était  plutôt  une  sorte  de  fiord 
recevant  les  eaux  de  la  mer  et  lui  en  donnant  fort  peu  ;  ce 
qui  me  le  fait  croire,  c'est  que  maintenant  l'entrée  en  est 
coupée  par  la  chaîne  des  dunes  de  Saint-Brevin  et  que  si 
le  Boivre  avait  été  un  fleuve  digne  de  ce  nom  il  eût 
repoussé  cette  digue,  ou  bien  ses  eaux  grossies  eussent 
formé  un  immense  lac.  Mais  non,  la  séparation  s'est  faite, 
et  il  est  facile  de  voir  que  l'onde  amère  entrait  pour  beau- 
coup dans  son  ancienne  grandeur  ;  l'apport  qui  lui  vient 
de  tous  ses  affluents  remplit  à  peine  un  tuyau  de  maçonne- 
rie servant  d'écluse  aux  basses  marées. 

Au  reste,  les  constructeurs  de  mégalithes,  qui  choisis- 
saient toujours  avec  une  prédilection  marquée  le  bord 
de  l'Océan,  ne  s'y  sont  point  trompés  ;  ils  ont  reconnu  le 
vieux  Neptune  dans  les  eaux  de  cette  voilée  et  sur  ses 
rives  ils  ont  dressé  de  nombreux  monuments. 

En  commençant  par  la  partie  de  l'ouest,  nous  trouvons  : 
sur  une  butte,  en  face  des  maisons  de  la  Noue,  un  gros 
bloc  de  grès,  long  de  2  m.  45,  large  de  1  m.  20  et  épais  de 
60  c;  tout  autour  nous  avons  recueilli  de  nombreux  silex 
travaillés,  couteaux,  grattoirs,  etc.  La  butte  que  couronne 
cette  pierre  devait  former  autrefois  une  petite  île.  Vis-à-vis, 
de  l'autre  côté  du  Boivre,  existait  un  menhir  qui  a  été  brisé 
depuis  peu. 

n    Allée  couverte  du  Port. 

En  remontant  de  là  dans  la  direction  de  l'est,  on  trouve 
à  la  métairie  du  Port  les  ruines  d'une  allée  couverte. 
Sept  ou  huit  pierres  plantées  debout  forment  le  fond  et 
l'un  dos  côtés  d'une  galerie  dont  la  paroi  occidentale  a  été 
détruite  depuis  peu  pour  construire  un  hangar.  (G.  de 
Lisle.)  Près  de  la  ferme  du  Port  on  a  découvert  quatre 
haches  en  pierre  polie  qui  m'ont  été  cédées  par  le  fermier. 

^    Menhir  du  Port. 

Des  maisons  du  Port  un  chemin  conduit  à  la  route  de 
Saint-Père-en-Retz.  Dans  un  champ  qui  borde  ce  chemin, 


—  74  — 

du  côté  de  l'est,  j'ai  vu  un  assez  beau  menhir  arrondi  au 
sommet  et  dont  la  hauteur  au-dessus  de  terre  est  de  2  m.  57  ; 
il  mesure  1  m.  40  de  large  et  30  e.  d'épaisseur.  Il  est  un 
peu  incliné  vers  le  midi  ;  une  sorte  de  cavité  en  forme  de 
bénitier  est  creusée  sur  la  paroi  de  l'est.  Ce  trou  est  dû.  à 
un  phénomène  géologique  assez  fréquent  sur  les  grès  de 
cette  nature,  mais  il  est  à  remarquer  que  les  autres 
menhirs  que  nous  allons  rencontrer  sur  la  môme  ligne  ont 
aussi  une  cavité  semblable. 

Entre  le  Port  et  la  Riaudais,  dans  un  fouillis  de  brous- 
sailles au  bord  du  sentier  qui  relie  ces  deux  hameaux,  j'ai 
vu  une  large  pierre  de  grès,  très  régulière  de  forme  et 
appuyée  à  l'est  contre  un  support  vertical  ;  une  trentaine 
de  blocs  sont  agglomérés  dans  le  prolongement  de  ces 
deux  pierres.  La  table  mesure  2  m.  65  sur  1  m.  35  et  67  c. 
d'épaisseur;  le  montant:  1  m.  sur  94  c.  et  35  c.  Grès. 

Menhirs  de  la  Riveraie. 

La  Riveraie  ou  Livraie  est  un  long  village  situé  à  5  ki- 
lomètres à  l'ouest  de  Saint-Père-en-Retz  et  traversé  par 
une  route  neuve  qui  coupe  la  vallée  du  Buivre. 

J^  Dans  un  clos  de  vigne,  à  quelques  cents  mètres  à 
l'ouest  des  dernières  maisons  de  la  Riveraie  (les  plus  rap- 
prochées de  la  Vallée),  on  trouve  un  menhir  de  2  m.  80  c. 
de  haut  sur  1  m.  85  et  60  c.  d'épaisseur. 

Il  est  plat,  très  uni  à  la  surface  et  de  forme  anguleuse  ; 
vers  le  sommet  on  aperçoit  une  cavité  irrégulière. 

J\^  A  peu  de  distance  de  là,  en  se  rapprochant  du  vil- 
lage, j'ai  vu  dans  un  pré  un  autre  menhir  du  môme  genre; 
il  est  haut  de  3  mètres  et  large  de  2  m.  50;  son  épaisseur 
est  d'environ  80  c.  Le  profil  de  ce  bloc  de  grès  est  mouve- 
menté d'une  façon  bizarre  et  sur  une  de  ses  faces  on  voit 
un  creux  circulaire  de  12  c.  de  diamètre. 

Ces  deux  menhirs  sont  orientés  sud-nord. 

Dans  le  prolongement  de  la  ligne  donnée  par  les  deux 
menhirs   de  la  Riveraie  il  en  existait  un  troisième,  abattu 


—  75  — 

depuis  longtemps,  et  que  l'on  a  brisé  ces  dernières  années; 
on  m'a  montré  la  place  qu'il  occupait  à  l'ouest  du  premier 
menhir  indiqué  ci-dessus. 

Au  village  même  de  la  Riveraie  (*),  on  trouve  beaucoup 
de  blocs  de  grès  à  demi  enfouis  sous  terre  ;  un  de  ces  blocs 
couché  près  de  la  route,  le  long  d'un  hangar,  mesure  3  m.  10 
sur  1  m.  20  et  60  c. 

Il  est  probable  que  les  peulvens  de  la  Riveraie  ont  formé 
jadis  un  alignement. 

^    Menhir  de  la  Paragère. 

A  2  kilomètres  au  nord-est  du  bourg  de  Saint-Père-en- 
Relz  se  trouve,  près  de  la  Paragère,  une  pierre  que 
M.  Orieux  a  ainsi  décrite  parmi  les  menhirs  de  Saint-Père- 
en-Retz:  (5)  «  A  la  Paragère,  une  pierre  qui  était  couchée 
sur  le  bord  du  chemin  a  été  relevée  et  plantée  debout  à 
200  mètres  de  sa  première  place  ;  sa  hauteur  est  de  3  m.  75, 
sa  largeur  de  2  m.  30  et  son  épaisseur  de  0  m.  55.  »  L'érec- 
tion de  ce  mégalithe  remontant  seulement  à  quelques 
années,  je  crois  qu'il  faut  le  ponctuer  d'un  point  de  doute. 

J\^    Menhir  des  Landreaux. 

Le  village  des  Landreaux  est  à  3  kilomètres  au  nord  de 
Saint-Père-en-Retz;  une  petite  route  neuve  part  du  village 
et  remonte  daus  la  direction  de  Saint-Brevin.  A  3  ou 
400  mètres  du  village,  en  prenant  un  peu  à  droite  de  cette 
route,  nous  avons  vu  un  menhir  de  granit  dont  la  lon- 
gueur est  de  4  m.  20,  la  largeur  de  1  m.  70  et  l'épaisseur  de 
75  c.  Il  a  été  abattu  récemment,  lorsque  l'on  a  défait  le 
fossé  dans  lequel  il  était  encastré  (août  1883). 

Cromlech  de  la  Rochelaie. 

La  fermede  la  Rochelaie  dépend  delà  terre  de  la  Verrie 


(d)  Voir  la  notice  de  M.  l'abbé  Dominique,  insérée  daus  le  Bulletin  de  notre 
Société,  1880. 
(2)  Société  Académique  de  Nantes,  1864,  p.  406. 


—  76  — 

près  Corseptet  est  à  plus  d'une  lieue  et  demie  au  nord  du 
bourg  de  Saint- Père-en-Retz.  Un  peu  à  l'ouest  des  maisons, 
j'ai  vu,  sur  la  pente  d'un  coteau,  une  série  de  blocs  de  granit 
déjà  signalée  sous  le  nom  de  cromlech.  Une  vingtaine  de 
pierres,  les  unes  debout  comme  des  montants  de  dolmens, 
les  autres  abattues  et  à  demi  cachées  sous  la  butte,  des- 
sinent tant  bien  que  mal  un  ovale  de  13  mètres  de  long 
sur  9  de  diamètre  vers  le  centre.  Le  tout  est  encombré 
d'un  amoncellement  de  pierrailles  et  de  terre,  semblable 
au  remplissage  d'un  dolmen.  Trois  pierres  debout  me- 
surent de  1  m.  à  1  m.  20  de  hauteur.  (6  septembre  1883.) 

Tertre  des  Masses. 

Au  sud  de  la  Rochelaie,  et  à  un  demi-kilomètre  à  l'ouest 
de  Saint-Viaud,  on  aperçoit  une  butte  élevée  sur  le  sommet 
du  coteau,  tout  au  haut  d'un  grand  clos  de  vigne.  Sa  hau- 

# 

teur  est  d'environ  4  mètres  et  elle  est  en  partie  formée 
par  une  tête  de  rocher.  Auprès  se  trouvent  les  maisons 
des  Masses. 

£^    Tumulus  de  Saint-Père-en-Retz. 

Dans  le  bourg  même  do  Saint-Père-en-Retz  et  à  très 
peu  de  distance  de  l'église,  on  voit  un  tumulus  formant 
un  énorme  mamelon  de  30  à  35  mètres  de  diamètre  sur 
4  à  5  m.  d'élévation.  Cette  butte  n'a  point  été  fouillée  ;je 
ne  crois  pas  qu'elle  renferme  de  galerie  dolmênique,  mais 
on  y  trouverait  peut-être,  comme  à  la  butte  de  Touvois, 
des  traces  de  sépultures  de  l'époque  gauloise. 

A  Un  anneau  celtique  en  or,  plat  et  terminé  par  doux 
petits  crochets  pris  l'un  dans  l'autre,  a  été  trouvé  en  Saint- 
Père-en-Retz  (sous  un  dolmen?).  Il  rappelle  beaucoup  la 
forme  des  colliers  d'or  de  Plouharneï.  —  Musée  Archéo- 
logique de  Nantes. 

17  A  Sur  différents  points  de  cette  commune,  nous 
avons  recueilli  des  haches  en  pierre  trouvées  par  des  cul- 
tivateurs. 

1°  Une  hachette  en  jadéiie  verte,  transparente  et  d'une 


—  77  — 

beauté  remarquable;  elle  est  parfaitement  intacte  et  d'un 
très  beau  poli.  Longueur  63  mm.  Provenance:  la  Souinaie. 

2°  Hache  en  diorite  ;  longueur  9  c.  5.  —  Pce:  le  Grand- 
Rouaut. 

3°  Hache  en  roche  indéterminée,  d'un  vert  sombre  -,  lon- 
gueur 12  c.  5.  —  Pce:  la  Coquillère. 

4°  Hache  en  diorite,  longue  de  20  c.  — LesQuatre-Vents. 

5°  Petite  hache  en  serpentine,  d'un  vert  foncé;  lon- 
gueur 4  c.  3.  —  La  Marchandière. 

6°  Hache  en  diorite  ;  longueur  11  c.  —  Le  Port. 

7°  Hache  en  diorite,  bords  carrés;  longueur  15  c.  —  La 
Nicollière. 

8°  Hache  en  silex,  brisée  par  le  milieu.  (Côté  de  la  pointe.) 

9°  Hache  en  diorite,  bords  droits  ;  longueur  14  c.  —  La 
Nicollière. 

10°  Hache  en  petro-silex,  brisée.  —  Environs  du  Boivre. 

11°  Hache  à  bords  carrés,  en  roche  verte  (eclogyte?)  — 
La  Riveraie. 

lu2°  Hache  en  diorite,  longue  de  11  c.  —  Bellevue. 

13°  Hache  en  diorite,  longue  de  8  c.  5.  —  Le  bourg  de 
Saint-Père-en-Retz. 

14°  à  17°  4  haches  en  diorite,  de  10  à  15  c.  —  Village  de 
îa  Riaudais. 

(Excursions  G.  et  P.  de  Lisle,  1881-85.) 

A    Découverte  de  bronze  du  champ  des  Joncs. 

Au  mois  d'août  1873,  Massé,  fermier  de  la  Tièdenaie, 
découvrit,  eu  creusant  un  fossé  au  bord  de  la  pièce  des 
Joncs-Bonainy,  une  quantité  considérable  d'objets  en  bronze 
enfouis  sous  terre  dans  un  trou. 

Une  partie  de  ces  objets  fut  vendue  à  un  brocanteur  et 
achetée  par  M.  Parenteau,  pour  le  Musée  de  Nantes. 
M.  Blandin,  propriétaire  de  la  Tièdenaie  et  conseiller  géné- 
ral de  ce  canton,  donna  généreusement  au  Musée  le  reste 
de  ces  bronzes. 


—  78  — 

Le  caractère  le  plus  remarquable  de  cette  trouvaille  est 
la  rencontre  simultanée  de  quatre  haches  de  types  diffé- 
rents: hache  plate,  hache  à  talon,  hache  à  ailerons  et  hache 
à  douille.  Il  est  à  noter  aussi  que  les  haches  plates,  d'un 
type  assez  primitif,  sont  mêlées  à  des  épées  de  la  forme  la 
plus  perfectionnée.  —  Voici  rénumération  de  ces  bronzes: 

5  poignées  d'épées  (l)  (brisées)  et  35  fragments  de  lames  à 
nervure  ronde  entre  deux  filets. 

3  fragments  de  poignards;  2  pointes  de  lance  (brisées). 
1   hache  plate,  très  rugueuse  d'un  côté  ;  1  hache  plate 
munie  de  deux  apophyses  latérales;  tête  droite. 
1  hache  à  talon  entière  et  deux  fragmen's. 

6  haches  à  ailerons  et  7  fragments. 

1  hache  à  douille,  avec  3  filets  en  relief;  3  haches  à 
douille,  unies;  10  fragments. 

2  bracelets  cylindriques  et  7  fragments. 

1  grattoir  percé  (extrêmement  usé).  1  fragment  de  no- 
vacle. 
22  fragments  de  eulots  de  bronze. 
Une  cinquantaine  de  morceaux  de  haches,  épées,  etc. 
Tous  ces  objets  ont  une  très  forte  patine  verte. 

Période  gallo-romaine. 

Les  travaux  exécutés  pour  la  construction  de  la  nouvelle 
église  ont  mis  à  jour  un  certain  nombre  de  sarcophages 
en  calcaire  coquiller.  J'en  ai  vu  plusieurs  assez  bien  con- 
servés; l'un  d'eux,  très  irrégulier  de  forme,  avait  les  côtés 
et  surtout  la  paroi  du  côté  de  la  tète,  taillés  obliquement. 
Tout  autour  se  trouvaient  des  fragments  de  briques  à  cro- 
chets. 


(M  Voir  Epées  et  poignards  de  bronze  de  la  Bretagne,  par  V.  Micault  et 
P.  de  Lisle  du  Dreneuc.  Saint-Brieuc,  1883. 


—  79  — 

M.  de  la  Pilaye,  dans  une  note  manuscrite  citée  par 
Bizeul,  indique  un  certain  nombre  d'objets  gallo-romains 
trouvés  aux  environs  de  Saint-Père-en-Retz.  Il  signale 
également  trois  camps  attribués  à  la  période  romaine  ;  voici 
leur  description  : 

□  «  Le  premier  de  ces  camps  est  sur  le  chemin  de 
Pornic,  à  un  quart  de  lieue  au-dessus  du  moulin  de  Sion. 
—  Il  est  placé  sur  le  point  le  plus  élevé  des  environs,  de 
manière  à  pouvoir  surveiller  même  rentrée  de  la  Loire.  On. 
prétend  qu'à  l'aide  d'une  lunette,  on  découvre  la  ville  de 
Nantes.  Ce  camp  est  carré,  sans  butte  prétorienne  et  entou- 
ré de  fossés.  Un  reste  de  rempart  s'élève  encore  à  10  pieds 
de  hauteur.  Il  est  situé  entre  le  moulin  et  la  métairie  de 
Coët-ar-Gan. 

□  «  Le  second  camp  est  à  Château-Gaillard,  au  bord  des 
Marais.  » 

□  «  Le  troisième  est  à  un  quart  de  lieue  plus  loin,  aux 
Riaillières,  dans  le  taillis  de  Rigolet.  Ce  dernier,  situé  au 
midi  des  marais,  est  moins  élevé  que  le  précédent.  Mainte- 
nant que  les  lieux  ont  été  mis  en  culture,  il  reste  à  peine 
quelques  traces  de  ces  deux  derniers,  mais,  en  1820,  leurs 
fossés  et  remparts  étaient  encore  presque  entiers.  » 
J'ai  seulement  aperçu  les  restes  du  premier  de  ces  camps 
sur  la  butte  du  moulin  de  Sion. 


SAINT-VIAUD. 

A  3  kilomètres  au  sud-est  de  Paimbœuf,  sur  la  gauche 
de  la  route  qui  conduit  à  Nantes,  j'ai  vu  une  butte  rocheuse, 
bien  dégagée  entre  la  Loire  et  un  ravin,  et  sur  laquelle 
apparaissaient  çà  et  là  des  blocs  de  forme  allongée,  res- 
semblant à  des  menhirs  abattus.  L'un  d'eux,  au  pied  de  la 
butte,  dans  la  direction  du  sud-est,  mesure  2  m.  de  long 
sur  70  c.  de  large;  deux  autres  vers  le  sommet  ont,  l'un 


—  80  — 

2  m.  70,  l'autre  2  m.  10  de  longueur.  Quand  on  construisit 
le  moulin  qui  couronne  ce  tertre,  on  trouva  sous  terre  plu- 
sieurs grandes  pierres  plates.  —  Cette  butte  se  nomme  la 
Ramée. 

A  une  lieue  au  sud-est  du  bourg,  près  de  PAubaudière, 
plusieurs  pierres  isolées  dans  un  pré  ont  été  signalées  par 
MM.  Chevas  et  Verger,  qui  pensent  que  ce  sont  les  restes 
d'un  monument  mégalithique. 

L'annuaire  de  la  Loire-Inférieure  signale  enSaint-Viaud 
la  Pierre  Cantin  et  le  souterrain  de  Saint-Vital,  dans  le 
bourg. 

3  A  Trois  haches  en  pierre  polie,  trouvées  en  Saint- 
Viaud,  font  partie  de  notre  collection. 

1°  Hache  à  tête  droite,  longue  de  13  c,  diorite. 

2°  Hache  en  fibrolithe  d'un  blanc  laiteux  semée  de  grains 
verts;  longueur  9  c.  —  Village  de  Boismain. 

3°  Hache  en  diorite,  brisée  ;  même  provenance. 

Période  gallo-romaine. 

[_j  Un  sarcophage  en  calcaire  a  été  trouvé  près  de 
l'église  de  Saint-Viaud. 

Lieux  dits:  la  Roche-Voleau,  le  Rocher,  la  Motte,  Mala- 
bry. 


VUE. 


A    Menhir  de  Genonville. 

Près  de  la  Genonville,  à  1  kilomètre  à  l'ouest  du  bourg, 
M.  Verger  indique  un  menhir  placé  dans  un  taillis  ;  je  n'ai 
point  ses  dimensions. 

Période  gauloise. 

□  L'interminable  bourg  de  Vue  est  construit  sur  une 
île  très  allongée  de  l'orme  et  dont  le  point  culminant  était 


i 


—  81  — 

défendu  par  une  fortification.  M.  Jaquelin,  notaire  à  Vue 
et  propriétaire  d'un  vaste  enclos  situé  au  midi  de  l'église, 
fit  exécuter  vei  s  1868  de  grands  travaux  pour  l'arrangement 
d'un  parc.  Eu  nivelant  les  terres  dans  la  partie  du  sud,  on 
découvrit  une  longue  muraille  en  grosses  pierres  posées  à 
froid  et  enchevêtrées  de  poutrelles  entrecroisées  comme 
les  pièces  d'une  claie.  Une  immense  quantité  de  longues 
fiches  en  fer  furent  trouvées  avec  ces  poutrelles  ;  beau- 
coup ont  été  données  au  Musée  de  Nantes.  Elles  servaient 
à  unir  les  pièces  de  bois  qui  traversaient  le  mur  et  lui  don- 
naient une  grande  solidité.  C'est  le  système  des  remparts 
gaulois  décrits  par  César  au  livre  8  de  ses  Commentaires. 
On  m'a  montré  la  place  qu'occupait  ce  vieux  mur  sur  une 
élévation  qui  domine  les  marais  ;  rien  ne  paraissait  au- 
dessus  du  sol  avant  les  fouilles.  Peut-être  ces  retranche- 
ments gaulois  subsistèrent  ils  jusqu'à  la  fin  du  XVIe  siècle, 
époque  où  Mercosur  fit  raser  les  fortifications  de  Vue. 

Période  gallo-romaine. 

J'ai  vu,  en  1883,  chez  M.  Jaquelin,  deux  amphores  brisées 
que  l'on  venait  de  découvrir  sur  une  butte  au  sud  du  bourg, 
de  l'autre  côté  du  premirr  étier  qui  sépare  le  bourg.  Ces 
vases  et  quelques  autres  débris  de  poteries  gallo-romaines 
étaient  enfouis  sous  terre  à  une  profondeur  de  30  c. 

Lieux  dits  :  la  Rochette,  la  Fosse  des  Prés,  le  Pas,  la 
Barre,  Malalou. 

P.   DE   LlSLE   DU  DRENEUC. 


1885.  —  l<>r  SEM. 


DE  L'ANTIQUITÉ 


DE   LA 


CONNAISSANCE  DU  FER 


Il  est  généralement  admis  qu'a,  l'origine  les  hommes  n'ont  eu 
à  leur  disposition,  pour  les  usages  de  la  vie,  que  des  instruments 
de  pierre,  dont  les  formes  et  les  façons  se  sont  modifiées  et  per- 
fectionnées avec  le  développement  intellectuel  qu'ils  acquéraient  ; 
qu'ils  ont  ainsi  passé  par  une  période  que  l'on  a  appelée  «  celle 
de  la  pierre  »,  par  opposition  à  une  autre  période  qui,  générale- 
ment aussi,  lui  aurait  succédé,  et  dans  laquelle  ils  ont  pu  substi- 
tuer à  la  pierre  un  métal  qui,  le  plus  généralement,  a  été  le 
bronze,  et  dont  cette  seconde  période  a  reçu  le  nom. 

Ce  ne  serait  qu'après  avoir  passé  par  ces  deux  étapes  qu'ils 
seraient  arrivés  a  la  période  dite  «  du  fer  »,  laquelle  correspon- 
drait à  l'origine  des  temps  historiques. 

Il  y  aura  probablement  toujours  impossibilité  d'établir  une 
chronologie  de  ces  âges,  et  on  peut  même  douter  qu'ils  aient 
été,  absolument  et  partout,  ainsi  successifs.  Qu'ils  soient  certai- 
nement d'une  date  plus  ancienne  que  les  vieilles  civilisations  de 
l'Asie  ;  qu'ils  n'en  soient  pas,  au  contraire,  synchroniques,  comme 
de  nos  jours,  nous  pouvons  constater  le  même  fait  pour  tant  de 
parties  du  nouveau  monde,  et  même  encore  sur  quelques  points 
de  l'ancien,  cela  est  probable. 

Tout,  dans  le  domaine  des  sciences  modernes,  impose  l'idée 
que  l'homme  est  venu  longtemps  après  l'accomplissement  des 


—  83  — 

temps  géologiques,  mais,  cependant,  sans  qu'il  soit  nécessaire 
d'admettre,  pour  la  durée  de  son  existence,  des  nombres  d'an- 
nées excessives  et  sans  limites. 

Déjà,  l'on  met  en  doute  l'extrême  antiquité  des  choses  préhis- 
toriques, telles  que  les  habitations  lacustres  de  la  Suisse,  dont 
l'ensemble  offre  l'idée  la  plus  complète  que  nous  puissions  nous 
faire  des  deux  périodes  de  la  pierre  et  du  bronze. 

Qu'il  y  ait  eu  un  moment  où  les  premiers  hommes  ont  ignoré 
complètement  les  métaux,  on  peut  admettre  ce  fait. 

Il  n'en  est  pas  de  même  en  ce  qui  concerne  l'ordre  dans 
lequel  on  veut  qu'ils  les  ont  connus,  et  que  l'on  confond  trop  avec 
l'usage  qu'ils  en  ont  fait. 

En  effet,  les  métaux  nobles,  ainsi  que  le  cuivre,  se  trouvent 
à  l'état  natif  et  peuvent  être  utilisés  tels  quels.  —  La  plupart  des 
autres  ne  se  trouvent  qu'à  l'état  d'oxides,  et  le  bronze,  comme 
on  sait,  est  un  produit  d'art,  alliage  de  cuivre  et  d'étain. 

L'étain  n'existe  qu'à  l'état  d'oxyde  et  dans  un  seul  minerai, 
d'aspect  absolument  pierreux,  dépourvu  de  tout  caractère  exté- 
rieur pouvant  révéler  un  métal,  et  on  peut  être  justement  étonné 
de  la  sagacité  qui  en  a  fait  découvrir  la  nature.  Ses  gisements 
sont  en  outre  plus  rares  que  ceux  des  autres  métaux. 

Le  fer  ne  se  trouve  pas  à  l'état  natif,  sauf  dans  certaines  météo- 
rites que  l'on  dit  avoir  été  rencontrées  en  masses  importantes 
dans  le  centre  de  l'Afrique.  Ses  minerais  sont  des  oxides  variés, 
répandus  partout  à  profusion.  Un  grand  nombre  ont  tout  à  fait 
l'aspect  métallique,  quelques-uns  môme  à  bords  très  tranchants. 
Tous  diffèrent  absolument  des  matières  pierreuses. 

On  obtient  le  cuivre,  le  fer  et  l'étain  par  un  simple  et  même 
procédé,  en  soumettant  leurs  minerais  à  l'action  d'un  foyer  de 
charbon  qui  opère  ce  qu'on  appelle  «  la  réduction  de  l'oxide.  » 

L'étain  et  le  cuivre  coulent  après  la  réduction.  Le  fer  ne  coule 
pas,  il  reste  solide,  offrant  une  masse  rugueuse,  plus  ou  moins 
celluleuse,  qui  a  besoin  d'être  soumise  de  nouveau  à  l'action  de 
feux  intenses  et  a  des  martelages  répétés,  pour  rendre  le  produit 
propre  à  un  usage,  opérations  longues  et  pénibles  qui  ont  dû 


—  84  — 

faire  renoncer  à  son  emploi,  en  présence  de  la  plus  grande  faci- 
lité qu'offraient  le  cuivre  et  l'étain,  pour  obtenir,  en  les  mélan- 
geant, et  immédiatement,  par  une  simple  fusion  et  un  moulage, 
un  instrument  fini. 

On  peut  donc  croire,  raisonnablement,  qu'à  l'origine,  tous  les 
métaux  usuels  ont  été  connus  en  même  temps,  et  que  la  diffi- 
culté de  travailler  le  fer,  sans  parler  de  sa  facilité  à  la  destruction 
par  l'oxidation,  est  la  seule  cause  qui  en  a  retardé  l'emploi,  jus- 
qu'au moment  où  la  nécessité  d'un  métal  plus  résistant  et  plus 
dur  que  le  bronze  s'est  fait  sentir. 

Tous  les  peuples  qui  ont  fait  usage  du  fer  ont-ils  nécessaire- 
ment passé,  avant  d'y  arriver,  par  l'âge  du  bronze?  Les  archéo- 
logues ne  sont  pas  tous  d'accord  à  ce  sujet;  ainsi,  dans  la  séance 
de  la  Société  d'Anthropologie  de  Paris,  du  20  mars  1884,  l'un  des 
membres  les  plus  autorisés  s'exprime  ainsi  :  «  On  sait  que  de 
«  temps  immémorial  beaucoup  de  peuplades  nègres  ont  possédé 
«  l'industrie  du  fer,  tandis  qu'ils  n'ont  jamais  possédé  et  ne 
«  possèdent  même  pas  encore  l'industrie  du  bronze,  ce  qui  devrait 
«  empêcher  certains  archéologues  de  trop  généraliser  que,partout, 
«  les  peuples  sont  passés  par  l'âge  du  bronze,  avant  d'arriver  à 
«  l'âge  du  fer.  » 

Si  nous  abordons  l'histoire  proprement  dite,  nous  voyons  que 
c'est  en  Egypte  et  dans  l'Asie  occidentale  que  les  premiers  faits 
se  sont  dessinés. 

Dans  les  ruines  du  palais  de  Korsabad,  on  a  trouvé  plus  de 
cent  soixante  tonnes  de  fer  en  instruments  de  toute  espèce  ;  on 
peut  supposer  que  les  fameux  aciers  de  Damas  sont  un  legs  de 
l'industrie  assyrienne.  —  Dans  les  fouilles  de  Ninive  et  de  Baby- 
îone,  on  a  trouvé  de  nombreux  objets  où  le  fer  est  emprisonné 
dans  une  gaine  de  bronze  et  n'a  subi  aucune  altération,  si  bien 
qu'on  a  pu  lui  faire  subir  le  poli.  —  Ce  fait  ne  prouve-t-il  pas  que 
son  altération  par  l'oxydation  était  bien  connue? 

Mais  les  anciens  Egyptiens  l'ont-ils  connu?  —  En  ont-ils  fait 
usage,  par  exemple,  pour  leurs  sculptures  dans  des   matières 


—  85  — 

aussi  dures  que  le  granit  et  le  basalte,  qu'ils  ont  exécutées  en  si 
grand  nombre  et  dans  des  proportions  si  colossales? 

Les  avis  étaient  restés  partagés  jusqu'ici,  sans  qu'il  fût  maté- 
riellement possible  de  se  prononcer  d'une  manière  précise. 

Parmi  les  plus  autorisés,  Mariette  affirmait  qu'il  n'avait  pas 
été  connu  dans  l'ancienne  Egypte,  et,  à  l'exposition  de  1878,  il 
avait  réuni  une  collection  d'outils  en  bronze  qu'il  admettait  comme 
les  seuls  ayant  été  employés. 

La  question  restait  cependant  toujours  pendante  et  ne  cessait 
d'être  agitée,  tant  à  la  Société  d'Anthropologie  de  Paris  qu'à 
celle  de  Londres.  —  A  cette  dernière,  par  un  curieux  hasard, 
on  venait  de  se  prononcer  pour  la  taille  des  pierres  dures  par 
l'emploi  unique  d'outils  à  pointes  en  diamants,  à  l'exclusion  de 
toute  intervention  d'un  métal  et  même  du  silex  ;  quant  à  la 
Société  de  Paris,  à  la  date  du  15  novembre  1883,  M.  Maspéro, 
assistant  à  la  séance,  vint  annoncer  avoir  trouvé,  dans  les  fouilles 
qu'il  opère  depuis  trois  ans,  des  douilles  en  fer  d'outils,  la  soie 
d'un  ciseau  brisée,  encore  engagée  dans  un  ciment,  dans  une 
pyramide  de  la  cinquième  ou  sixième  dynastie  et  dans  une  autre 
de  la  dix-septième. 

Dans  la  discussion  qui  suivit,  M.  Maspéro  dit  qu'il  n'a  jamais 
rencontré  de  silex  taillé  ou  non,  dans  toutes  ses  recherches,  dans 
les  tombeaux,  parmi  les  objets  oubliés,  rejetés  ou  perdus  par  les 
ouvriers,  —  Si  le  silex  avait  été  employé,  on  devrait  en  retrouver 
des  débris  en  masses  considérables,  avait  déjà  fait  observer 
M.  de  Mortillet.  —  Mais  il  a  rencontré  des  fils  à  plomb,  des 
maillets,  des  godets  à  couleurs,  quantité  de  manches  en  bois  et 
en  os,  la  lame  n'y  étant  jamais.  Le  brome,  dit-il,  étant  com- 
mun, et  le  fer,  au  contraire,  rare  et  cher,  c'était  une  raison 
suffisante  de  ne  rien  laisser  perdre. 

A  la  suite  de  cette  discussion  et  à  l'unanimité  des  membres 
réunis,  la  question  de  la  connaissance  du  fer  et  de  son  usage  en 
Ecuypte,  à  une  époque  reculée,  a  été  résolue  et  admise  affirma- 
tivement. 


—  86  — 

Entin,  dans  la  séance  du  7  février  1884,  l'un  des  membres  les 
plus  distingués  de  celte  Société,  M.  0.  Bauregard,  a  lu,  sur  cette 
importante  question,  un  travail  d'ensemble  remarquable  par  la 
méthode  d'exposition  et  l'érudition  qu'il  révèle  chez  son  auteur. 
—  Il  m'a  vivement  intéressé,  et  j'ai  pensé  à  en  faire  une  analyse, 
espérant,  en  cela,  être  agréable  à  ceux  de  nos  collègues  que  cette 
question  peut  aussi  intéresser  et  qui  n'auraient  pas  eu  occasion 
de  le  lire. 

Champollion,  dans  sa  grammaire  imprimée  en  1836  (quatre 
ans  après  sa  mort),  avait  affirmé  que  le  fer  avait  été  connu  dans 
l'ancienne  Egypte  et  qu'il  était  désigné  sous  le  nom  de  Ba  ou 
Baa. 

Wilhinson  l'affirmait  aussi  dans  son  ouvrage,  en  1837. 

Deux  témoignages  matériels  et  absolus  sont  venus,  depuis,  con- 
firmer ces  deux  affirmations. 

Le  premier,  en  date  du  26  mai  1837,  relève  d'un  monument 
antérieur  de  trois  ou  quatre  siècles  à  la  sépulture  du  roi  Ounas, 
dont  il  va  être  parlé  plus  loin. 

Il  a  été  trouvé  dans  la  pyramide  de  Giseh,  et  découvert  par 
M.  Bill,  dans  les  joints  delà  maçonnerie.  -  Conservé  au  Briiish 
muséum  à  Londres  et  analysé  en  1874,  il  a  été  reconnu  pour 
être  du  fer  et  non  de  l'acier. 

Le  second  vient  d'être  découvert  par  M.  Maspéro,  dans  la 
pyramide  du  roi  Ounas,  neuvième  et  dernier  roi  de  la  cinquième 
dynastie.  Il  consiste  dans  des  viroles  de  fer,  sertissant  des 
manches  d'outils,  trouvées  dans  une  pièce  basse  encombrée 
d'éclats  de  pierres. 

L?s  textes  des  inscriptions  de  cette  pyramide  sont,  d'après 
M.  Maspéro,  de  trois  sortes  :  «  Ritualistiques,  prières  et  formules 
manques.  »  Analysés  dans  leurs  détails,  ils  fournissent  des  argu- 
ments pour  établir  :  1°  L'usage  industriel  du  fer  en  Egypte,  à 
une  des  époques  primitives  de  son  histoire.  —  2°  Il  ouvre  des 
jours  inconnus  sur  les  pratiques  commerciales  des  Egyptiens  à 
cette  époque.  —  3°  Il  fait  connaître  l'intervention  du  fer  dans 
les  ntes  et  cérémonies  du  premier  Empire,  en  démontrant  qu'il 


—  87  — 

n'y  jouait  pas  un  rôle  maudit,  comme  l'avaient  prétendu  certains 
Egyptologues. 

Le  texte  «  Fer  du  midi  et  fer  du  nord,  deux  briquettes,  » 
indique  que  c'est  en  lingots  de  petites  dimensions  que  l'Egypte 
recevait  des  contrées  qui  l'approvisionnaient,  le  fer  de  sa  consom- 
mation courante.  —  Dans  ces  conditions  de  formes,  c'était  là, 
pour  les  Egyptiens,  le  fer  à  l'état  brut. 

Pour  l'assouplir  à  leurs  usages,  les  Egyptiens  durent  le  tra- 
vailler; par  conséquent,  les  douilles  de  fer  trouvées,  sertissant  des 
outils,  prouvent  l'existence  d'artisans  forgerons  de  l'Egypte  pha- 
raonique. 

Les  annales  commerciales  de  l'Egypte  semblent  aussi  devoir 
profiler  des  révélations  sorties  de  la  tombe  du  roi  Ounas.  — 
En  effet,  il  est  acquis  que  le  fer  en  Egypte  n'est  pas  indigène.  — 
Il  ne  peut  donc  s'y  trouver  qu'importé.  —  Jusqu'ici,  c'était  un 
axiome  historique  que  l'Egypte  des  Pharaons  ne  s'est  ouverte  au 
commerce  international  qu'à  l'époque  du  premier  Psammetik 
(roi  de  la  26e  dynastie).  Or,  le  roi  Ounas  date  de  3500  ans  avant 
lui.  Ce  fait  prouve  que  les  relations  commerciales  étaient  déjà 
établies,  et  les  inscriptions  de  sa  tombe  permettent  de  spécifier 
quels  furent  les  peuples  avec  lesquels  l'ancienne  Egypte  paraît 
avoir,  dès  lors,  directement  trafiqué. 

Le  fer  présenté  en  offrande  est  en  effet  de  deux  provenances: 

Fer  du  Midi  et  Fer  du  Nord. 

D'où  peut  venir,  à  Memphis,  le  fer  du  midi? 

D'où  peut  y  venir  le  fer  du  nord  ? 

D'après  l'auteur,  le  premier  ne  peut  venir  que  de  l'Ethiopie,  le 
second,  de  Syrie  ou  venant  par  la  Syrie. 

En  effet,  pour  l'Ethiopie,  il  n'y  a  pas  à  en  douter,  cette  contrée 
étant  riche  de  tous  les  métaux.  —  Aujourd'hui  encore,  le  fer 
qu'elle  produit  suffit  à  sa  consommation,  et  Bakoui,  géographe 
arabe  du  XVe  siècle,  parle  du  renom  qu'avaient  encore  de  son 
temps  les  fers  de  lance,  fabriqués  dans  une  province  méridionale 
de  l'Ethiopie,  alors  nommèu  S  amhar. 


—  88  — 

Pour  la  Syrie,  la  preuve  est  à  faire,  et  voici  comment  on  le 
peut. 

La  Syrie  possède  des  minerais  de  fer,  quoique  moins  que 
l'Ethiopie.  —  Les  fers  et  aciers  de  Damas  sont  renommés. 

De  petits  monuments  en  cônes  et  cylindres  témoignent  que  de 
bonne  heure  la  Syrie  a  été  en  relation  avec  l'ancienne  Chaldée, 
qui,  par  des  témoignages  matériels,  a  dû  être,  dans  l'antiquité, 
très  riche  en  minerais  de  fer,  «  Hématite  »  principalement  ;  ainsi 
qu'en  d'autres  substances  minérales.  —  Sur  cent  cinquante  cônes 
provenant  de  la  Chaldée  et  du  pays  babylonien,  et  qui  sont  au 
musée  de  la  Haye,  il  y  en  a  cinquante- deux  qui  sont  en  «  héma- 
tite. »  —  L'Hercule  assyrien  porte  le  titre  de  roi  du  Fer,  seigneur 
de  Fer  (F.  Lenormant).  —  On  est  donc  autorisé  à  conclure  que 
les  contrées  qui  relèvent  du  bassin  inférieur  de  l'Euphrate  possé- 
daient en  abondance  des  substances  ferrugineuses. 

Plus  de  deux  mille  ans  avant  notre  ère,  le  Chaldéen  Abraham 
vint  se  fixer  en  Syrie  et  trafiquer  avec  l'Egypte.  —  L'observation 
suivante  de  M.  de  Rougé  doit  être  ici  notée  :  «  Les  peuples  les 
«  plus  familiers  avec  l'Egypte  reconnaissaient  un  lien  de  parenté 
«  entre  les  races  égyptiennes  et  plusieurs  de  leurs  voisins,  parmi 
«  lesquels  Canaan  (Syrie)  était  reconnu  comme  frère  de  Mis- 
«  traim  (Egypte).  » 

L'histoire  lapidaire  de  l'Egypte  du  nouvel  empire  vient  confir- 
mer les  idées  sommaires  qui  précèdent.  Cette  histoire,  en  effet, 
affirme  l'existence  du  fer  en  Syrie  et  en  Assyrie,  pour  une  époque 
antérieure  de  1500  ans  à  notre  ère.  (Annales  de  Toutmès,  111.) 

Ici  l'auteur  entre  dans  de  longs  développements  sur  les  textes, 
l'énumération  des  divers  objets,  armures,  ustensiles  en  fer.  — 
Il  rappelle  l'opinion  de  M.  Oppert,  qui  fixe  à  3540  ans  avant  J.-C. 
la  construction  de  la  Tour  des  Langues  par  les  Chaldéens,  d'après 
l'inscription  de  Kirnak.  Ainsi,  les  annales  de  Toutmès  font  remon- 
ter la  civilisation  des  populations  comprises  entre  «  le  Tigre  et 
les  rives  de  la  Syrie  à  34  siècles  de  nos  jours. 

«  Pour  ces  mêmes  populations,  avec  Abraham  nous  atteignons 
40  siècles. 


—  89  - 

«  Avec  la  Tour  des  Langues,  nous  atteignons  54  siècles.  » 

Or,  si  on  considère  que  les  ingénieurs  et  les  architectes  capables 
d'édifier  la  Tour  des  Langues  et  les  palais  de  Babylone  ne  pou- 
vaient être  que  des  agents  d'une  civilisation  avancée,  on  pourra 
admettre,  sans  exagération,  que  la  civilisation  de  l'Asie  occiden- 
tale ne  peut  être  inférieure  à  65  siècles. 

A  ce  compte,  la  Syrie  a  pu,  au  temps  du  roi  Ounas,  fournir  à 
l'Egypte,  par  elle-même  ou  par  la  Chaldée,  «  le  fer  du  nord  »  de 
l'inscription  des  offrandes. 

La  chronologie  des  rois  d'Egypte  de  Lesueur,  architecte  de 
l'Hôtel-de- Ville  de  Paris,  membre  de  l'Institut,  place  la  date  de 
la  mort  du  roi  Ounas  en  l'an  4505  avant  notre  ère  ;  par  consé- 
quent, le  fer  trouvé  dans  sa  tombe  serait  vieux  aujourd'hui  de 
4505  +  1883  =  6388  ans. 

Cette  date,  tout  éloignée  qu'elle  nous  paraisse,  doit  pourtant 
être  encore  reculée  par  la  découverte  du  fer  de  M.  Hill,  dans  la 
grande  pyramide  de  Giseh,  dénommée  au  jour  de  sa  construc- 
tion «  Horizon  ».  —  Edifiée*  par  le  second  roi  de  la  quatrième 
dynastie,  le  Souphis  du  canon  de  Manélhon,  mort  en  l'année 
proleptique  4975,  ce  qui  met  en  avance  de  470  ans  sur  la  date 
de  la  mort  du  roi  Ounas  et  donne,  au  compte  de  Lesueur,  au 
fer  de  la  pyramide  de  Giseh  l'âge  actuel  de  6858  ans. 

C'est  là,  sinon  à  titre  définitif,  au  moins  comme  position  acquise, 
dans  l'âge  des  monuments,  une  antiquité  fort  considérable,  et, 
cependant,  il  semble  que  nous  puissions  reporter  l'âge  du  fer  en 
Egypte,  bien  plus  profondément  encore  dans  la  vie  du  monde 
ancien. 

Le  livre  des  Morts,  expression  fondamentale  et  souveraine 
des  croyances  de  l'Egypte,  parti  de  son  plus  lointain  passé,  peut, 
comme  le  Rig-Veda,  dans  l'Inde,  être  consulté.  —  Ce  livre,  legs 
du  gouvernement  sacerdotal  de  l'Egypte  au  gouvernement  révo- 
lutionnaire et  militaire  fondé  par  Menés,  serait,  d'après  la  chrono- 
logie de  Lesueur,  antérieur  de  cent  ans  à  la  mort  de  ce  roi  dont 
elle  établit  la  date  a  l'année  proleptique  5773,  ce  qui  affecterait 
aujourd'hui,  au  livre  des  morts,  un  âge  de  5773  4- 100  -j-  1883 


—  90  — 

=  7756  ans,  et  à  tous  les  faits  dont  la  constatation  sortira  de  ce 
livre,  une  égale  antiquité. 

Tout  en  reconnaissant  que  divers  chapitres  de  ce  livre  relèvent, 
comme  institution  canonique,  d'époques  pharaoniques,  l'auteur 
conclut  avec  raison  que  les  deux  témoignages  matériels  que  nous 
possédons  permettent,  sinon  d'établir  sur  des  chiffres,  à  la  suite 
de  Lesueur,  l'antiquité  du  fer  en  Egypte,  au  moins  de  l'affirmer 
avec  confiance  par  cette  simple  formule  :  L'antiquité  du  fer  en 
Egypte  égale  V antiquité  historique  en  Egypte. 

P.  Poirier. 


GRAND-CHAMP  ET  SES  ORIGINES 


Quand  on  se  livre  aux  recherches  à  travers  le  passé,  il  est 
presque  impossible  de  limiter  d'avance  son  champ  d'exploration, 
tant  les  analogies  ou  les  oppositions  qui  se  rencontrent  sur  la 
route  font  naître  de  conjectures  séduisantes.  Je  voulais  d'abord 
m'enfermerdans  Petit-Mars  pour  lui  arracher  un  à  un  ses  secrets, 
et  me  voici  maintenant  sur  la  rive  opposée  de  l'Erdre,  poursu  - 
vant  la  solution  d'un  autre  problème  archéologique.  Vous  savez 
comment  j'ai  été  poussé  de  ce  côté.  L'abbé  Perray,  sondant 
l'élymologie  du  nom  de  Petit-Mars,  croyait  y  voir  l'abréviation  du 
nom  de  Petii-Champ-de  Mars  et  inscrivait  dans  ses  notes  que  les 
archives  de  la  Chauvellière  lui  donnaient  raison.  Les  titres  de 
cette  antique  demeure  féodale  ont  été  examinés  et  rien  n'est  venu 
confirmer  les  assertions  de  notre  abbé;  les  documents  les  plus 
anciens  nous  montrent  que  la  paroisse  se  nommait  Mars  au  XIIe 
et  au  XIIIe  siècle,  et  que  l'épithète  de  Petit  n'a  été  ajoutée  qu'au 
XVe  siècle,  non  pas  pour  distinguer  la  paroisse  d'une  autre  qui 
se  serait  appelée  Grand-Champ-de-Mars,  mais  pour  indiquer  sans 
doute  que  sa  population  n'avait  qu'une  minime  importance,  comme 
le  témoigne  encore  aujourd'hui  la  petite  église  paroissiale  du 
vieux  bourg. 

Si  on  interroge  l'histoire  et  le  sol  de  la  commune  nommée 
Grand-Champ,  sur  la  rive  droite  de  l'Erdre,  ou  ne  voit  pas  non 
plus  qu'elle  ait  été  opposée  à  une  aulre,  comme  on  a  opposé 
Grand- Auvcrné  à  Petit-Auverné.  L'explication  de  son  nom  est 
ailleurs.  D'abord  il  est  bien  certain  que  cette  paroisse  n'a  jamais 


—  92  — 

été  appelée  Grand-Champ-de-Mars,  bien  qu'elle  ait  renfermé 
une  villa  portant  ce  nom  romain.  Dans  le  cartulaire  de  Redon,  on 
ne  la  désigne  pas  autrement  que  par  Grandis- Campus,  que  je 
traduis  par  Grand- Camp  et  non  par  Grand-Champ,  pour  deux 
raisons  :  d'abord, parce  que  l'aspect  du  territoire  me  contredirait; 
ensuite,  parce  que  je  rencontre  les  vestiges  d'une  immense  forti- 
fication qui  justifie  parfaitement  mon  appellation  préférée.  Les 
ondulations  du  terrain  forment  une  série  de  vallées  qui  rayonnent 
autour  du  bourg,  en  sorte  que  la  majeure  partie  du  sol  est  acci- 
dentée. Le  nord  seul  se  présente  sous  l'apparence  d'un  immense 
plateau  de  landes,  cultivées  depuis  peu  d'années,  nommé  en  cer- 
tains cantons  le  Désert,  et  où  les  villages  sont  en  effet  très  clair- 
semés. En  examinant  cette  contrée  aride,  dépouillée  de  la  belle 
végétation  forestière  qui  fait  l'ornement  et  la  gaieté  des  environs, 
sillonnée  seulement  de  larges  chemins  primitifs  et  de  fossés  sans 
verdure,  pourvue  de  maigres  moissons,  on  se  croirait  plutôt  à  I 
l'entrée  du  Sahara  qu'aux  portes  de  la  fertile,  commune  de  Héric. 
De  là  l'œil  se  perd  de  tous  côtés  dans  les  profondeurs  d'un  hori- 
zon de  plus  de  dix  lieues.  Evidemment,  me  disais -je,  ce  lieu  a 
dû  frapper  l'attention  des  populations  qui  ont  voulu  se  mettre  à 
l'abri  d'une  surprise  ou  se  préparer  un  champ  de  bataille,  et  c'est 
ce  qui  est  arrivé,  en  effet. 

Toutes  les  traces  des  moyens  de  défense  imaginés  par  les  pre- 
miers habitants  de  Grand-Champ  n'ont  pas  disparu.  Descendez 
de  voiture  au  village  de  la  Grande-Haie  et  interrogez  n'imporU 
quel  paysan,  demandez-lui  où  sont  les  Gros-Fossés,  il  saura  par- 
faitement vous  les  montrer.  Une  femme  d'une  trentaine  d'années  I; 
que  je  consultai  la  première,  retrouva  promplcment  ses  souvenirs 
elle  me  répondit  qu'elle  n'allait  jamais,  étant  enfant,  conduin 
ses  moutons,  sans  frayeur,  du  côté  des  Gros-Fossés;  les  tranchée: 
profondes  et  les  laïus  élevés  frappaient  si  fort  son  imaginai  ion 
qu'elle  croyait  toujours  voir  surgir  des  fantômes  de  ce  lieu  mysté 
rieux.  Un  vieillard  consentit  à  me  servir  de  guide,  et  se  dirige 
sans  hésiter  vers  l'endroit  que  je  cherchais. 

La  partie  des  retranchements   de  Grand-Champ  la    mieu 


—  93  - 

conservée  figure  une  ligne  droite  qui  descend  du  nord  au  sud, 
depuis  l'étang  du  Haut-Fay,  en  Iléric,  jusqu'au  village  de  Chau- 
nay,  en  Grand-Champ;  elle  est  parfaitement  reconnaissable  sur 
ce  parcours,  qui  ne  comprend  pas  moins  de  deux  kilomètres. 

Les  talus  n'ont  plus  leur  hauteur  primitive,  ni  les  douves  leur 
profondeur  ;  tantôt  ils  sont  presque  nivelés,  tantôt  ils  réappa- 
raissent à  demi  tracés  ;  cependant,  il  en  subsiste  encore,  çà  et  15, 
de  longues  sections  qui  permettent  de  les  rétablir,  par  la  pensée, 
dans  leur  état  primitif.  En  certains  endroits,  la  profondeur  atteint 
encore  de  six  à  huit  pieds;  on  peut  donc  supposer  qu'à  l'origine, 
le  fossé  et  son  talus  réunis  formaient  une  fortification  constante 
de  quinze  pieds  de  hauteur  à  franchir.  Il  n'en  fallait  pas  davan- 
tage pour  protéger  une  agglomération  quelconque  contre  une 
irruption  violente. 

Si  nous  en  jugeons  par  d'autres  vestiges,  ce  camp  retranché 
avait  plus  d'une  enceinte.  En  se  rapprochant  de  Ghannay,  on 
rencontre  une  seconde  ligne  parallèle  à  la  première  qui  en  est 
séparée  par  un  intervalle  de  30  mètres  en  arrière,  et,  quand  on 
arrive  à  Ghannay,  le  fermier,  vous  conduisant  à  500  mètres  en 
avant,  vous  en  montre  une  troisième  également  parallèle,  dont 
il  ne  subsiste  plus  qu'une  section  très  courte.  Les  nécessités  du 
partage  des  terres,  des  chemins  et  de  la  culture  ont  lait  dispa- 
raître ailleurs  ce  qui  subsistait  de  ce  camp  retranché,  mais  les 
noms  de  lieu  demeurent  là  pour  nous  avertir  et  nous  signaler 
l'étendue  de  son  périmètre. 

Il  est  indubitable  que  les  Gros-Fossés  ont  été  le  théâtre  d'une 
lutte;  on  en  parle  encore  à  Héric  et  à  Grand- Champ  et,  quand 
on  presse  les  habitants  de  questions,  ils  vous  montrent  un  champ 
qu'ils  nomment  le  Cimetière  des  Sarrasins  (l).  Je  me  suis  rendu 
sur  ce  champ  avec  les  plus  anciens  du  pays,  j'ai  fait  creuser  des 


(0  Le  prétendu  cimetière  est  près  du  Champ-Couëron,  sur  le  bord  du 
chemin  de  la  Pasquelais. 


—  94  — 

trous  profonds  en  divers  endroits  et  je  n'ai  pas  aperçu  autre 
chose  que  de  la  terre  noire  mélangée  à  une  terre  jaunâtre,  sans 
aucuns  débris  humains.  L'appellation  du  lieu  restait  à  expliquer. 
Il  m?  fut  répondu  que  là  encore  s'élevait,  il  y  a  cinquante  ans 
et  plus,  une  enceinte  circulaire  en  terre  de  20  mètres  de  dia- 
mètre environ  ;  il  est  donc  vraisemblable  de  croire  que  les  habi- 
tants, ne  comprenant  pas  la  raison  de  cette  enceinte,  en  ont  fait, 
par  induction,  un  cimetière.  Comme  le  cimetière  des  Sarrasins 
est  sur  la  ligne  que  devait  suivre  la  fortification  de  l'ouest  à  l'est, 
nous  devons  croire  que  ce  fortin  de  terre  faisait  partie  du  système 
de  défense  ainsi  que  les  châtelets  qui  le  touchent  (*).  Le  nom 
de  Grande-Haie,  que  nous  rencontrons  ensuite,  n'est  pas  non 
plus  un  indice  trompeur.  O.i  sait  que  les  premiers  châteaux 
féodaux  entourés  de  douves  n'ont  pas  eu  d'autre  désignation  ; 
les  plus  vieilles  demeures  féodales  ne  s'appellent  pas  autrement 
que  la  Haie  ou  le  Plessis.  Si  j'avance  plus  loin  vers  l'est,  c'est  le 
Bossin,  puis  le  lieu  de  la  Guerrie,  puis  !e  Edouard,  corruption 
de  Boulevard.  Tels  sont  les  jalons  du  côté  nord. 

En  descendant  vers  le  sud,  je  trouve  pour  le  troisième  côté 
du  quadrilatère  la  Douve,  la  Bosse,  puis  au  sud  le  Tertre,  le  Bar- 
reau, la  Bosse  et  le  Gros-Fossé  (2),  dans  les  landes  de  Marigné, 
marquant  le  quatrième  côté  du  camp  retranché  qui  a  donné  son 
nom  à  la  commune  de  Grand-Champ.  Si  Ton  admet  cette  série 
de  témoignages,  on  est  forcé  de  conclure  que  ce  retranche- 
ment n'avait  pas  moins  d'une  lieue  de  côté.  Le  fait  pourra  paraître 
surprenant,  et  pourtant  il  n'est  pas  sans  exemple,  même  dans 
notre  comté  nantais.  Anelz,  suivant  Ogée,  aurait  été  dans  le 
même  cas  que  Grand  Champ.  «  On  voit,  dit-il,  dans  un  itiné- 
raire romain,  que  jadis  il  y  eut  un  camp  dont  il  ne  paraît  plus 


(*)  Les  châtelets  sont  uue  pièce  de  terre  voisine  de  la  route  de  Rennes,  à 
l'est  du  Ghamp-Cotiëron. 

(2)  Dictionnaire  de  Bretagne,  Anetz. 


—  95  — 

aucuns  vestiges,  à  peu  près  dans  le  même  endroit  où  est  aujour- 
d'hui la  paroisse  d'Anetz.  »  Quand  nous  connaîtrons  mieux 
l'histoire  de  toutes  nos  communes,  peut-être  trouverons-nous 
d'autres  similitudes. 

Pour  Grand-Champ,  je  voulais  éclairer  son  passé  en  rapprochant 
son  nom  de  celui  de  Mars,  mais  j'avoue  que  la  tentative  ne  me 
semble  pas  devoir  être  féconde  en  résultats.  Il  est  certain  qu'un 
village,  nommé  Marcis  et  Marcius,  a  existé  sur  ce  territoire  au 
IXe  siècle  ;  j'en  trouve  la  preuve  dans  le  cartulaire  de  cette  puis- 
sante abbaye  de  Redon  qui  reçut  tant  de  donations  dans  notre 
pays  ;  mais  ses  destinées  ont  été  si  obscures,  qu'on  ignore  aujour- 
d'hui jusqu'à  l'endroit  où  s'élevaient  les  constructions.  La  Coulée 
de  Malseu  ou  Marseu,  au  nord,  me  semblait  curieuse  à  fouiller, 
on  y  signalait  un  puits  comblé,  des  murs  ensevelis  dans  les 
taillis  du  Courtil  ;  les  recherches  n'ont  amené  que  la  découverte 
d'un  mur  sans  aucun  caractère  antique.  La  villa  étant  devenue 
terre  ecclésiastique,  il  est  assez  probable  qu'elle  se  cache  sous 
les  noms  de  l'Abbaye  ou  du  Moùtier.  Dans  tous  les  cas,  la  men- 
tion du  cartulaire  atteste  que  Grand-Champ  était  une  paroisse 
constituée  avant  le  IXe  siècle  et  qu'elle  était  traversée  au  moins 
par  un  grand  chemin  (*),  données  qui  s'accordent  bien  avec  l'âge 
reculé  que  les  antiquaires  attribuent  volontiers  aux  retranche- 
ments en  terre. 

Sont-ils  un  produit  de  l'art  romain,  des  civilisations  barbares 
ou  de  l'époque  mérovingienne?  Nul  n'oserait  répondre  d'une 
façon  affirmative.  S'il  m'était  permis  de  hasarder  une  opinion, 
j'émettrais  un  avis  contraire  à  celui  de  M.  Bizeul,  qui  ne  voyait 
partout  que  des  traces  du  passage  des  Romains.  Ce  vaillant  cher- 
cheur de  voies  romaines  serait  un  guide  plus  sur,  s'il  avait  été 
moins  préoccupé  de  condenser  toutes  ses  constatations  dans  le 
cadre  étroit  d'un  même  système.  Les  retranchements  en  terre  qui 


(0  Via  publica  in  plèbe  Grancampo,  833,  p.  35.  Mansus  uoster  in  vicaria 
Graado-Gainpo,  p.  165. 


—  96  — 

se  trouvent  fréquemment  dans  les  landes  de  Bretagne  (Grand- 
Champ  excepté),  n'ont  pas  échappé  à  son  œil  investigateur,  mais 
pourquoi  a-t-il  voulu  y  voir  une  série  de  travaux  étroitement 
liée  au  réseau  des  voies  de  communication?  M.  de  Lisle,  qui 
sait  mieux  que  personne  faire  de  l'archéologie  pratique,  vous  dira 
comme  moi  qu'en  appliquant  les  indications  de  M.  Bizeul  sur  le 
terrain,  on  n'est  pas  le  moins  du  monde  tenté  d'adopter  ses  con- 
clusions. 

Si  l'on  réfléchit  au  peu  d'industrie  qu'exige  l'art  des  travaux 
de  terre,  on  sera  plutôt  porté  à  croire  que  les  nôtres  ont  pour 
auteurs  les  populations  indigènes  qui  eurent  a  s'abriter  contre 
les  envahisseurs  soit  au  temps  de  Jules  César,  soit  plus  tard,  au 
moment  des  invasions  bretonnes.  Qu'est-ce  que  font  encore 
aujourd'hui  les  sauvages,  quand  ils  ont  à  redouter  les  pillards? 
Ils  n'agissent  pas  autrement.  Un  conférencier,  parlant  dernière- 
ment, à  Nantes,  de  Madagascar,  nous  disait  que  les  Hovas,  campés 
au  milieu  de  l'île  dans  des  huttes  de  jonc,  avaient  la  précaution 
d'enceindre  leurs  villages  d'un  retranchement  en  terre  et  d'éta- 
blir un  pont-levis  qui  se  levait  chaque  soir. 

On  trouvera  plus  de  lumière  dans  ce  dernier  fait  que  dans 
toutes  les  comparaisons  auxquelles  on  pourra  se  livrer  sur  la 
nature,  la  direction  et  la  forme  des  travaux  en  terre  qui  subsistent 
sur  notre  sol.  Ceux  d'Abbaretz  ne  ressemblent  en  rien  a  ceux  de 
Grand-Champ,  ils  ont  tout  à  fait  l'aspect  de  carrières  ouvertes 
pour  la  recherche  du  minerai.  Ceux  de  Saint-Mars-la-Jaille,  qu'on 
veut  rattacher  à  une  grande  ligne  qui  s'étendait  de  l'est  à  l'ouest, 
ne  sont  qu'un  simple  épaulement  sans  importance  établi  sur  le 
bord  de  l'Erdre,  près  d'un  gué,  pour  en  protéger  le  passage.  Je 
les  ai  visités  et  j'avoue  qu'il  m'est  impossible  d'expliquer  com- 
ment on  a  pu  les  rattacher  à  un  système  de  défense  combiné 
autour  d'Abbaretz. 

Une  excursion  dans  le  canton  de  Saint-Mars-la-Jaille 

M.  le  marquis  de  la  Ferronnays,  maire  de  Saint-Mars,  qui 
voulait  bien  me  servir  de  guide  et  de  patron  dans  son  canton,  et 


—  97  — 

qui  s'intéresse,  vous  le  savez,  vivement  à  toutes  les  questions 
élevées  qui  s'agitent  dans  notre  déparlement,  m'a  conduit  sur 
divers  points  qui  méritent  d'arrêter  l'attention  de  l'archéologue. 
L'endroit  où  son  jeune  fils  avait  ramassé  une  hache  en  silex,  taillée, 
mais  inachevée,  était  à  examiner  de  près,  car  il  pouvait  être 
dans  le  voisinage  d'un  atelier  d'armes  et  d'objets  préhistoriques. 
Nos  explorations  n'ont  abouti  à  aucun  résultat,  nous  avons  seu- 
lement noté  que  l'arme  se  trouvait  égarée  sur  les  bords  d'un 
étang,  près  d'un  vieux  chemin  conduisant  de  Saint-Mars  à  la 
Bourdinière  de  Pannecé,  station  romaine  connue. 

L'étude  de  la  topographie  de  Saint-Mars  pourrait  conduire  à 
quelques  découvertes.  Ainsi,  par  la  vue  des  lieux,  j'ai  acquis  la 
certitude  que  le  village  de  la  Chapellière  (ou  Ghampellière), 
pourvu  autrefois  d'une  chapelle  dédiée  à  saint  Michel,  peu  dis- 
tant des  terrains  nommés  la  Madeleine  ('),  était  le  plus  ancien 
passage  du  pays  et  que  le  pont  actuel  du  bourg  de  Saint-Mars 
n'a  point  l'antiquité  de  celui  de  la  Chapellière,  nouveau  témoi- 
gnage à  recueillir  pour  ceux  qui  cherchent  la  trace  des  voies  de 
communication  à  l'aide  de  l'emplacement  des  chapelles  (2). 

Les  anciens  de. Saint-Mars  se  souviennent  très  bien  qu'on  pas- 
sait la  rivière  à  gué  un  peu  en  amont  du  pont.  L'amélioration  du 
bourg  de  Jaille,  qui  n'était  qu'un  marécage,  comme  l'indique  son 
nom,  et  un  assemblage  de  cases  pauvres,  date  seulement  de 
l'époque  des  routes  stratégiques  (1833).  Autrefois  la  ferme  du 
château  s'étendait  jusqu'au  milieu  de  la  belle  place  qui  fait  aujour- 
d'hui l'ornement  du  bourg.  Une  église  spacieuse  a  été  bâtie,  et 
les  habitants,  enrichis  par  leurs  foires  très  fréquentées,  ont  cons- 
truit une  foule  de  maisons  qui  annoncent  l'aisance. 


(')  Cadastre  B  252,  253. 

(2)  Avant  1789,  la  ferme  du  château  occupait  presque  tout  le  bourg 
actuel  ;  il  est  donc  à  présumer  que  l'église  paroissiale  n'était  autre  que  la 
chapelle  du  château  dans  le  principe. 

1885.  -  1«  Sem.  7 


-  98  — 

Je  me  suis  rendu  également  à  Saint-Sulpicc-des -Landes  pour 
y  examiner  l'église,  du  vieux  bourg. 

Cel  édifice  a  tout  à  fait  l'aspect  des  constructions  de  l'époque 
romane,  bien  que  l'abside  circulaire  ait  été  remplacée  par  une 
verrière  sur  mur  droit  et  que  ses  trois  fenêtres,  les  seules  qui 
éclairent  son  unique  nef.  aient  été  transformées  au  XVe  siècle. 
Le  pignon  du  devant  est  énorme,  les  murs  sont  bas,  les  contre- 
forts épais  et  les  deux  portes  sont  percées  en  plein  ceintre,  et  le 
tout  est  grossièrement  appareillé.  La  charpente  apparente  annonce 
une  œuvre  du  XVe  siècle.  La  seule  chose  digne  d'attention  est 
un  baptistère  en  granit  du  XIIe  siècle  que  M.  de  la  Ferronnays 
m'a  promis  de  reproduire  par  la  photographie  dès  que  la  belle 
saison  le  permettra.  Aujourd'hui  je  vous  présente  de  sa  part  une 
vue  de  la  porte  principale  et  une  vue  de  profil  qui  vous  aideront 
à  fixer  vos  appréciations.  Les  religieux  de  Toussaint,  d'Angers, 
premiers  desservants  du  pays  établis  à  l'église -mère  du  Pin, 
peuvent  être  regardés  comme  les  fondateurs  de  l'éditice. 

Le  dallage  semblait  retentir  sous  nos  pas  comme  au-dessus 
d'une  crypte.  M.  le  curé  voulut  bien  fane  lever  plusieurs  pierres, 
mais  inutilement  :  les  sondages  traversèrent  seulement  une 
couche  de  remblais  mal  tassés  sans  rencontrer  aucune  construc- 
tion souterraine. 

Dans  la  visite  que  nous  avons  faite  à  la  chapelle  Saint-Clément, 
voisine  du  village  de  Coicault,  nous  nous  sommes  trouvés  en 
présence  d'un  édifice  sans  caractère  déterminé  et  qui  passerait 
aisément  pour  très  récent  si  l'on  ne  regardait  ses  vieilles  char- 
pentes sur  l'une  desquelles  on  croit  voir  gravée  à  la  pointe  la  date 
de  1501.  Saint  Clément  est  très  connu  dans  cette  paroisse  et 
dans  toutes  celles  des  environs  jusqu'à  cinq  et  six  lieues  a  la 
ronde  ;  il  doit  sa  popularité  dans  la  contrée  à  un  étrange  phéno- 
mène physique  qui  se  produit  dans  les  anciennes  carrières  à 
sable  ouvertes  autour  de  la  chapelle.  Les  excavations  sont  à  sec 
dans  les  temps  pluvieux  et  elles  se  remplissent  d'eau  quand  dure 
la  sécheresse.  On  en  a  conclu  que  saint  Clément  avait  la  clef  des 
cataractes  du  ciel  ;  aussi,  quand  les  ardeurs  du  soleil  desséchaient 


—  99  — 

trop  la  terre,  on  ne  manquait  pas  de  venir  en  pèlerinage,  par 
masse  de  fidèles,  pour  lui  demander  la  pluie,  ou  le  beau  temps, 
si  le  contraire  avait  lieu. 

Il  est  un  autre  saint  qui  était  autrefois  très  honoré  dans  le  pays, 
c'est  saint  Antoine.  L'abbé  Chauveau,  curé  de  l'église-mère  du 
Pin,  laissait  fleurir  tranquillement  ces  deux  dévotions  dans  sa 
trêve  de  Saint -Sulpice,  mais  il  trouvait  abusif  qu'on  l'obligeât  a 
célébrer,  dans  son  église  paroissiale,  les  fêtes  de  saint  Clément 
et  de  saint  Antoine.  Il  eut  la  hardiesse  de  résister  et  de  risquer 
sa  popularité.  «  L'on  a  fait  beaucoup  de  bruit,  dit-il,  en  1733, 
«  de  ce  que  j'ai  fait  ôter  la  feste  de  saint  Clément  aussi  bien  que 
«  celle  de  saint  Antoine.  Ce  qui  étoit  de  particulier,  c'est  qu'on 
«  a  eu  assez  de  simplicité  de  les  observer  ici  comme  en  la  feuil- 
«  lette,  ce  qui  étoit  un  abbus.  » 

Où  était  jadis  la  chapelle  de  Saint-Anîoine  ?  Personne  n'en 
savait  plus  rien.  J'ai  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver  son  empla- 
cement à  la  Gérardière,  sur  le  bord  du  grand  chemin  de  Candé, 
à  l'aide  d'une  vieille  croix  et  de  quelques  tombeaux  qui  m'ont 
été  signalés  par  M.  le  maire  de  Saint- Sulpice  et  par  le  fermier 
de  M.  Gaborit.  Sous  une  couche  de  terre  de  quarante  centimètres, 
les  ouvriers  ont  mis  au  jour,  en  ma  présence,  plusieurs  cercueils 
formés  tous  de  grandes  pierres  de  schiste  noir  de  Nozay  et  entière- 
ment vides  d'ossements.  Je  pensais  que  ces  sépultures  avaient 
été  violées.  Les  témoins  m'assurèrent  que  dans  les  fouilles  précé- 
dentes faites  par  eux  ils  avaient  élé  frappés  de  l'absence  de  restes 
humains.  Je  crois  qu'on  peut  en  donner  l'explication  par  la 
nature  de  la  maladie  qui  emportait  les  malheureux  renfermés 
dans  les  hôpitaux  de  Saint- Antoine.  Le  mal  de  Saint- Antoine  n'a 
pas  été  décrit  d'une  façon  précise,  mais  nous  savons  qu'il  se 
nommait  le  mal  des  ardents,  c'est-à-dire  qu'il  brûlait  comme  le 
feu  les  personnes  qu'il  atteignait.  Son  emblème  était  une  flamme, 
et  le  passant  qui  voyait  cette  enseigne  à  la  porte  d'une  chapelle 
savait  qu'il  ne  devait  approcher  qu'en  tremblant.  Sur  la  rive 
gauche  de  la  Loire,  j'ai  rencontré  plusieurs  hôpitaux  de  Saint- 
Antoine.  J'en  ai  signalé  six  dans  mon  histoire  de  l'Assistance 


—  100  — 

publique,  tandis  que  sur  la  rive  droite  je  n'ai  pu  en  découvrir 
que  deux.  L'élablissement  nouveau  qui  vient  d'être  constaté  à 
Saint-Sulpicfi  nuis  démontre,  à  n'en  pas  douter,  que  le  mal 
affreux  des  Ardents  a  franchi  la  Loire  et  est  venu  porter  ses 
ravages  dans  toutes  les  parties  du  comté  nantais  (*). 

Léon  Maître. 


(*)  Les  tombeaux  de  la  Gérardièrc  sont  tout  simplement  un  assemblage 
de  6  tables  de  schiste  ardoisier. 


LA  STATION  GALLO-ROMAINE  HE  VIEILLE-COUR 


A  MAUVES 


On  a  beaucoup  parlé  de  la  station  romaine  de  Mauves.  Les 
promeneurs  qui  ont  parcouru  la  Loire-Inférieure  l'ont  signalée, 
mais  personne,  jusqu'ici,  n'a  pris  la  peine  de  déterminer  son 
importance  et  de  voir  de  près  quelle  est  la  valeur  des  ruines  qui 
y  sont  accumulées.  Le  problème  pourtant  mérite  d'être  posé,  car 
nous  manquons  de  documents  sur  la  durée  et  l'étendue  de  l'oc- 
cupation romaine  sur  le  territoire  des  Namnètes.  Nous  n'aurons 
jamais  de  meilleure  occasion  d'étudier  ce  point  que  dans  le 
moment  où  nous  sommes.  M.  de  l'Estourbeillon  est  entré  en 
pourparlers  avec  le  propriétaire  qui  possède  le  terrain  le  plus 
fécond  en  débris,  M.  Flaire,  et  il  en  a  fait  un  ami  dévoué  de 
l'archéologie.  Le  jour  où  nous  voudrons  remuer  les  champs  dis- 
ponibles, nous  aurons  toutes  les  facilités  que  nous  demanderons. 

Malheureusement,  les  coteaux  de  Mauves  sont  l'assiette  d'un 
vignoble  estimé,  je  dis  malheureusement  pour  nous,  parce  que  les 
progrès  de  la  culture  ne  marchent  pas  du  tout  de  pair  avec  ceux 
de  l'archéologie  ;  là  où  le  sol  est  planté  de  vigne,  il  n'est  pas 
possible  de  poursuivre  des  recherches  sur  une  grande  échelle. 
Nous  devrons  nous  borner  à  faire  des  remarques,  à  poser  des 
jalons,  à  évaluer  des  superficies  et  à  opérer  des  sondages  entre 
les  planches  de  vigne.  Le  seul  point  où  la  pioche  pourra  s'exercer 
librement  est  celui  qu'on  nomme  le  Gros-Buisson,  mais  il  est 
douteux  que  ce  soit  l'endroit  le  plus  intéressant.  Déjà  le  proprié- 
taire a  commencé  à  enlever  les  broussailles  du  côté  du  midi,  et, 


—  102  — 

en  opérant  ces  déblais,  il  a  mis  à  nu  la  maçonnerie  d'un  mur 
dont  la  hauteur  peut  avoir  encore  deux  mètres  a  partir  des  fon- 
dations. Les  parements  extérieurs  ayant  été  arrachés,  on  aperçoit 
dans  le  blocage  quelques  rangées  de  pierres  disposées  en  feuille 
de  fougère,  qui  rappellent  les  procédés  de  la  décadence  et  des 
temps  Mérovingiens.  J'ai  fait  découvrir  le  mur  dans  l'intérieur  où 
il  existe  sans  altération  ;  l'appareil  m'a  paru  très  inégal,  et  je  n'aj 
pas  aperçu  ces  beaux  joints  cimentés  qui  caractérisent  les  œuvres 
de  construction  romaine.  Si  l'on  en  juge  par  son  aspect  général, 
le  Gros-Buisson  doit  renfermer  les  ruines  d'un  édifice  carré  dont 
les  murs  avaient  1  mètre  50  d'épaisseur.  Il  est  convenu  avec 
M.  Flaire  qu'à  la  première  occasion,  ses  ouvriers  s'efforceront  de 
trouver  les  quatre  angles.  Ceux  qui  ont  planté  les  grands  arbres 
qui  croissent  au  milieu  du  taillis  vivent  encore.  Ils  attestent 
qu'en  déblayant,  ils  ont  rencontré  une  grande  place  carrelée  de 
tuiles  à  crochet  et  plusieurs  marches  d'escalier  en  granit  brillant. 
L'une  de  ces  marches  se  voit  toujours  près  de  l'entrée  du  taillis 
où  elle  a  été  rejetée  par  les  ouvriers. 

Le  Gros-Buisson  sert  depuis  des  siècles  de  dépôt  de  matériaux  ; 
c'est  là  ce  qui  explique  la  grande  quantité  de  briques  à  rebords, 
de  quarts  de  cercle  en  terre  cuite,  de  morceaux  d'amphores 
entassés  en  cet  endroit.  Toutes  les  fois  que  les  vignerons  bêchent 
les  vignes,  ils  en  retirent  des  débris  qu'ils  réunissent  en  tas  dans 
les  chemins  pour  les  transporter  ensuite  dans  la  partie  inculte  du 
domaine. 

A  l'époque  de  la  Féodalité,  le  lieu  de  Vieille-Cour  a  servi 
d'assiette  à  un  donjon  qui  était  placé  à  l'ouest  du  Gros-Buisson, 
sur  la  pointe  la  plus  avancée,  près  des  mouvements  de  terrains 
nommés  la  Motte.  L'extrémité  des  rochers  est  surmontée  de 
débris  de  tours  qui  pourraient  être  les  derniers  témoins  de  cette 
occupation  et  justifier  le  nom  de  Vieille-Cour,  qui  est  plus  féodal 
que  gallo-romain. 

Les  débris  amoncelés  sur  ce  splendide  plateau  formeraient  une 
masse  considérable  s'ils  n'étaient  dispersés,  car  toutes  les  géné- 
rations ont  passé  par  là  et  y  ont  laissé  leurs  traces.  Personne 


—  103  — 

n'en  sera  surpris.  La  situntion  de  Vieille-Cour  est  unique  dans 
la  Loire- Inférieure,  au  point  de  vue  pittoresque.  Ce  domaine  a 
non  seulement  l'avantage  d'être  élevé  de  80  mètres  au-dessus  de 
la  vallée,  mais  il  a  encore  celui  de  former  un  promontoire  qui 
s'avance  jusqu'à  un  point  où  l'observateur  est  placé  dans  l'axe 
de  la  Loire.  Le  tableau  qu'on  a  devant  les  yeux  des  hauteurs  de 
Vieille-Cour  est  (éerique.  A  l'est,  l'œil  plonge  par-dessus  le  Cellier, 
la  Varenne,  Chanloceaux  et  Oudon,  jusqu'à  Saint  Herblon  ;  au 
midi,  il  embrasse  toute  l'étendue  dus  cantons  fertiles  du  Loroux 
et  de  Vertou,  la  plantureuse  vallée  de  la  Loire,  parsemée  d'îles 
sans  nombre,  et,  à  l'ouest,  on  peut  compter  lous  les  cloctiers  de 
la  ville  de  Nantes  par-dessus  Sainte-Luce  et  Thouaré. 

A  toutes  les  époques,  les  hommes  ont  été  sensibles  aux  charmes 
des  grands  spectacles  de  la  nature,  ils  se  sont  arrêtés  dans  les 
vallées  et  notamment  sur  les  points  culminants,  autant  pour  le 
plaisir  des  yeux  que  pour  les  nécessités  de  la  défense.  Je  n'exa- 
gère rien  en  disant  que  toutes  les  générations  se  sont  établies 
sur  les  coteaux  de  Mauves.  Sans  faire  la  moindre  recherche,  en 
arrangeant  des  parterres  et  en  élarg'ssant  des  allées  ou  en 
bêchant,  on  a  trouvé  des  produits  de  l'industrie  humaine  des 
âges  les  plus  divers,  depuis  la  hache  de  pierre  polie  jusqu'aux 
plus  beaux  vases  de  l'art  romain. 

L'âge  de  pierre  est  représenté  par  une  belle  hache  polie  ébré- 
chée  comme  un  outil  qui  a  servi;  par  une  pierre  en  forme  de 
doigt  et  percée  d'un  trou,  qui  devait  être  une  amulette,  et  par 
une  autre  petite  hache  en  jadéite,  percée  aussi,  qui  pouvait  être 
un  colifichet. 

L'art  gaulois  est  représenté  par  une  monnaie  portant  au  droit 
une  tête  de  femme  dont  les  cheveux  sont  entrelacés,  au  revers 
un  aurigadans  un  bige,  au-dessous  duquel  apparaissent  les  carac- 
tères grecs  du  nom  de  PHILIPPE.  Les  Romains  ont  laissé  là 
au:si  des  vestiges  :  c'est  d'abord  deux  monnaies  de  bronze  por- 
tant l'empreinte  de  deux  têtes  et,  au  revers,  frappées  d'un  croco- 
dile surmonté  des  lettres  CL  et  N,  monnaies  connues  pour  être  de 
Nîmes  ;  —  puis  quatre  autres  pièces  de  bronze  très  usées,  trois 


—  104  — 

agrafes  de  bronze,  enfin  un  fragment  de  terre  rouge  vernissé  en 
dedans  et  en  dehors,  portant  en  relief  des  ornements  d'un  style 
très  pur,  notamment  deux  animaux,  un  dauphin  et  un  chien. 

Dans  le  clos  de  Saint -Clément,  qui  touche  Vieille -Cour, 
M.  Coquet  a  trouvé  une  quantité  de  monnaies  anciennes  dont 
j'attends  la  communication.  Ce  dernier  endroit  peut  être  consi- 
déré comme  une  suite  ou  une  annexe  de  Vieille-Cour  ;  il  a  dû, 
dans  le  principe,  être  enveloppé  dans  le  même  périmètre.  Les 
débris  de  constructions  abondent  en  Saint-Clément,  comme  à 
Vieille-Cour;  toutes  les  planches  de  vigne  sont  remplies  de  mor- 
ceaux de  tuiles  à  rebords.  Dans  la  pièce  de  la  Pinsonne,  M.  Flaire 
a  fait  découvrir  sous  mes  yeux  les  restes  d'un  mur  qui  a  encore 
70  centimètres  de  hauteur  sur  60  de  largeur.  A  droite  et  à  gauche, 
on  trouve  une  aire  de  béton  de  3  pouces  d'épaisseur.  Le  dessus 
du  mur  était  recouvert  d'un  rang  de  tuiles  dont  les  rebords  sail- 
lants, tournés  en  dehors,  se  présentaient  en  façade  et  renfermaient 
une  couche  de  ciment,  comme  on  eût  fait  pour  un  aqueduc. 
Les  recherches  faites  aux  alentours  n'annoncent  pas  que  ce  soient 
les  vestiges  d'une  conduite  d'eau. 

Interrogez  les  bêcheurs  de  vigne  et  les  laboureurs,  ils  auront 
tous  une  réponse  intéressante  à  vous  faire  :  les  uns  trouvent 
des  murs,  les  autres  des  fours  au  niveau  de  la  terre,  d'autres  des 
puits.  En  réunissant  loules  ces  données,  on  arrive  à  établir  que 
la  station  gallo-romaine  devait  occuper  un  emplacement  de  18  à 
20  hectares.  Au  midi,  elle  était  bornée  par  la  Loire  ;  à  l'est,  par 
la  coulée  de  la  voie  Manteau  ;  à  l'ouest,  par  une  autre  coulée 
bordée  d'un  petit  chemin  nommé  le  chemin  des  Romains.  Au 
nord,  les  ruines  ne  se  rencontrent  plus  quand  on  arrive  aux 
terres  du  Plessis.  Ainsi,  sur  trois  côtés,  cette  station  était  proté- 
gée par  des  obstacles  qui  formaient  un  rempart  naturel  facile  à 
compléter. 

L'importance  de  la  station  romaine  de  Mauves  est  attestée  par 
un  autre  fait  :  on  a  pris  soin  de  la  relier  aux  autres  centres  de 
population  par  une  voie  pavée  semblable  à  toutes  celles  qui  sil- 
lonnent la  Gaule.  Cette  voie  a  été  vue  par  des  fermiers  de  Vieille- 


—  105  — 

Cour,  et  M.  Flaire  lui-même  en  a  enlevé  les  derniers  vestiges 
pour  planter  ses  vignes.  Les  larges  pierres  qui  la  formaient  sont 
encore  visibles  dans  les  bordures  des  pièces  mises  en  culture,  elles 
semblent  être  de  la  nature  des  pierres  de  Petit-Mars.  En  allant 
vers  le  nord,  au  village  de  la  Barre,  un  cultivateur,  M.  Maison- 
neuve,  se  souvient  très  bien  qu'il  en  traverse  la  chaussée  sablon- 
neuse quand  il  laboure  ses  terres  ;  il  a  saisi  si  bien  son  passage 
dans  un  verger  qu'il  a  pu  se  faire  une  opinion  sur  sa  direction. 
D'après  ses  indications  et  celles  de  ses  voisins,  on  peut  croire  que 
celte  voie  pavée  coupait  le  grand  chemin  de  Nantes  à  Ancenis 
vers  la  Barre,  qu'elle  aboutissait  sur  les  coteaux  entre  Vieille- 
Cour  et  Saint-Clément,  et  qu'au  nord,  elle  passait  sur  l'empla- 
cement du  moulin  de  la  Maison-Blanche.  A  la  Barre  aboutissait 
aussi  la  voie  qui  venait  du  port  de  Mauves  ;  elle  porte  encore 
aujourd'hui  le  nom  de  Chemin-Pavé,  et  garde,  en  certains  pas- 
sages, une  physionomie  tout  à  fait  archaïque.  Dans  la  montée  la 
plus  rude,  les  roues  ont  creusé  des  sillons  ineffaçables. 

De  même,  M.  Maisonneuve  a  trouvé  dans  son  jardin  deux 
monnaies  gauloises,  au  type  frappé  pour  les  Cenomans.  Celle  qu'il 
a  entre  les  mains  est  un  quart  de  siatuère  d'or.  Au  droit,  la  tête, 
entourée  d'un  cordon  de  perles  en  forme  de  trèfle,  est  surmontée 
du  sus  gallicus,  et,  au  revers,  le  génie  est  couché  au-dessous  du 
cheval  androcéphale.  Le  musée  de  Nantes  en  possède  une  sem- 
blable trouvée  à  Blain  par  M.  Bizeul. 

Il  était  intéressant  pour  moi  de  savoir  si  Mauves  avait  quelque 
relation  avec  Petit-Mars,  au  moyen  de  la  voie  pavée  qui  se  diri- 
geait vers  le  nord.  Je.  suis  parti  à  travers  champs,  un  peu  à 
l'aventure,  par  la  vallée  de  la  Vaugour,  interrogeant  tantôt  l'un, 
tantôt  l'autre,  et,  à  la  Menorlière,  j'ai  été  assez  heureux  pour 
rencontrer  un  vieillard  de  quatre-vingt-cinq  ans,  dont  la  mémoire 
n'a  pas  faibli.  Aptes  un  moment  de  réflexion,  il  répondit  à  ma 
curiosité  en  me  disant  qu'en  gardant  les  moutons  dans  les 
immenses  landes  de  Saiul-Mars-du-Désert,  dans  son  enfance,  il 
avait  bien  des  fois  remarqué  que  l'herbe  jaunissait  et  dépérissait 
en  certains  endroits,  et  les  anciens  lui  expliquaient  le  fait  en  lui 


—  106  — 

disant  que  la  stérilité  était  causée  par  l'existence  d'un  empierre- 
ment. Je  me  rendis  de  suite  au  village  des  Piliers,  nom  qui  rap- 
pelle l'existence  des  fourches  patibulaires,  nommées  aussi  les  Jus- 
tices, et  la,  les  fermiers,  parfaitement  au  courant  de  ce  que  je 
cherchais,  me  montrèrent  les  traces  évidentes  de  la  voie  romaine 
qui  passait  en  diagonale  à  travers  leur  village  et  coupait  la  route 
actuelle  de  Saint-Mars-du-Désert,  un  peu  au-dessus  de  leurs 
maisons.  D.ins  les  cours  et  dans  les  fossés,  on  voit  encore  les 
grandes  pierres  qu'ils  ont  retirées,  parce  qu'il  était  impossible  de 
labourer,  et,  dans  les  champs  où  elle  passait,  la  voie  a  laissé  un 
sillon  de  cailloutage  très  reconnaissable.  Un  peu  plus  loin,  au 
village  de  la  Goulière,  le  passage  de  la  voie  est  non  moins  visible, 
ainsi  que  dans  les  prés  de  la  Déchausserie. 

Leur  opinion  était  toute  faite  sur  la  direction  de  cette  voie 
ensevelie  pourtant  sous  terre  dans  la  plus  grande  partie  de  sa 
longueur.  Ils  ne  connaissaient  rien  de  mes  recherches  à  Mauves 
et  à  Petit-Mars,  et,  quand  je  leur  demandai,  dans  ce  désert  où 
j'avais  peine  à  m'orienier,  quel  pouvait  être  son  point  de  départ, 
ils  me  répondirent  sans  hésiter  qu'elle  partait  de  la  ville  de  Saint* 
Clément,  de  Mauves,  et  qu'elle  allait  au  passage  du  Pont-Hus,  en 
Petit-Mars.  J'avoue  que  je  fus  stupéfait  de  rencontrer  tant  de 
science  d'observation  chez  des  ignorants. 

Pour  tous  les  habitants  de  la  commune  de  Mauves,  il  n'est  pas 
douteux  qu'il  y  ait  eu  un  centre  d'habitations  dans  les  vignes  de 
Saint-Clément,  on  le  répète  dans  la  campagne  comme  dans  le 
bourg  ;  c'est  une  tradition  constante  qui  se  transmet,  depuis  des 
siècles,  de  père  en  fils.  Les  uns  et  les  autres  ont  trouvé  dans  les 
terres  des  tronçons  de  ce  pavage  qui  venait  du  nord  vers  la 
Loire,  et  ils  en  ont  induit  qu'une  voie  si  solide  ne  pouvait  con- 
duire qu'à  une  ville.  Je  n'ai  rien  trouvé  jusqu'ici  qui  justifie  cette 
tradition.  Les  documents  des  archives  nous  apprennent  seulement 
que  les  terrains  nommés  Saint-Clément  appartenaient  au  XVe 
et  XVIe  siècles  à  l'aumônerie  de  Notre-Dame  hors  les  murs,  éta- 
blie dans  le  faubourg  Saint-Clément  de  Nantes.  Le  nom  du  pro- 
priétaire passe  souvent  au  domaine,  c'est  l'usage.  C'est  ainsi  que 


—  107  — 

Saint-Clément  a  été  importé  à  Mauves.  Une  autre  remarque 
éclairera  peut-être  encore  davantage  le  passé  que  nous  voulons 
sonder.  A  Mauves,  comme  à  Saint-Clément  de  Nantes,  nous 
sommes  dans  le  fief  épiscopal  des  Rogaires.  Ne  peut-on  pas  en 
induire  que.  les  évoques  de  Nantes,  héritiers  de  la  puissance  et 
des  domaines  des  Romains,  se  sont  dessaisis  d'une  partie  des 
terres  de  Vieille -Cour,  au  profit  des  pauvres,  quand  ils  ont  fondé 
l'aumônerie  de  Notre-Dame.  Dans  tous  les  cas,  leur  générosité 
n'a  pas  effacé  le  souvenir  des  premiers  occupants.  Le  clos  qui 
touche  Saint-Clément  s'appelle  le  Clos  de  Rome. 

Léon  Maître. 


COMPTE   RENDU 


MR 


M.  J.  MONTFORT,  Architecte, 

D'un  Mémoire  sur  les  Clochers  du  Finistère,  de  M.  Bigot, 
Architecte  diocésain. 


Extrait   du  Bulletin  Archéologique  de  V Association  bretonne. 


Messieurs, 

A  notre  dernière  séance,  M.  le  Président  a  bien  voulu  me 
charger  de  lire  l'intéressante  brochure  de  M.  Bigot  et  d'en  faire 
une  courte  analyse.  La  description  des  clochers  si  variés  du 
Finistère  ne  pouvait  être  faite  par  une  personne  plus  compé- 
tente que  l'érudit  architecte  diocésain  de  ce  département.  Son 
talent  et  sa  haute  position  dans  le  pays  le  mettaient  à  même  de 
faire  a  cet  égard  une  étude  à  la  fois  instructive  et  intéressante. 

Le  sujet  s'y  prêle  à  merveille.  Le  nord  et  l'ouest  de  la  Bre- 
tagne sont  couverts  d'édifices  religieux  dont  quelques-uns  sont 
d'une  richesse  décorative  incontestable. 

Des  Cloîtres  presque  tous  mutilés,  des  Clochers  qui  couronnent 
à  peu  près  toutes  les  églises  ou  chapelles,  des  Calvaires,  dont  le 
caractère  monumental  est  spécial  à  cette  région  :  tels  sont  les 
principaux  éléments  d'architecture  ancienne  que  l'archéologue 
peut,  en  Bretagne,  étudier  avec  profit. 

Le  style  varié  de  ces  constructions,  sans  être  partout  absolu- 
ment pur,  présente  un  cachet  particulier  ou,  si  l'on  veut,  une 


—  109  — 

saveur  locale  qui  n'est  pas  sans  valeur.  Le  paysage  accidenté  et 
pittoresque  contribue  à  l'harmonie  de  l'œuvre  architecturale,  et 
rien  n'est  saisissant  comme  certains  hameaux  couronnés  par  le 
clocher  dentelé  et  à  jour  de  leur  chapelle  en  granit,  se  détachant 
sur  le  fond  noir  d'une  colline  couverte  de  sapins. 

Dans  sa  notice,  M.  Bigot  fait  judicieusement  remarquer  que  si 
de  nombreuses  cathédrales  sont  sans  flèches  :  Paris,  Amiens, 
Rouen,  Bourges,  Nantes,  Lyon,  Orléans,  etc.,  ce  complément  de 
la  structure  de  l'église  manque  rarement  dans  le  Finistère.  Il  en 
trouve  l'explication  dans  le  profond  attachement  du  Bas-Breton 
à  son  foyer,  au  sol  sur  lequel  il  est  né.  Il  a  à  cœur  d'élever  le 
plus  haut  possible,  et  avec  tout  le  luxe  que  lui  permettent  ses 
ressources,  le  clocher  de  la  petite  église  de  village,  témoin  des 
principaux  incidents  de  sa  paisible  existence. 

M.  Bigot,  dans  sa  brochure,  établit  deux  catégories  de  clo- 
chers : 

1°  Ceux  dans  lesquels  les  cloches  dissimulées  reposent  sur  des 
beffrois  en  charpente  ; 

2°  Ceux  dont  les  cloches  sont  suspendues  en  plein  air  sur  des 
corbelets  en  pierre  et  abritées  seulement  par  la  flèche  ou  le  dôme 
qui  termine  l'édifice. 

Les  premiers  sont  les  plus  nombreux  et  se  rencontrent  dans 
les  églises  relativement  importantes.  Les  seconds,  au  contraire, 
se  voient  le  plus  souvent  dans  les  petites  églises  rurales. 

Les  classant  par  époques,  il  cite  comme  faisant  partie  de  la  pre- 
mière catégorie  : 

Epoque  romane  :  Sainte-Croix  de  Quimperlé,  Loctudy,  Foues- 
nant,  Lanmeur,  Locmaria  (près  Quimper),  cette  dernière  église 
seule  possédant  encore  son  clocher  entier. 

XIIIe  siècle  :  Rosporden,  La  Martyre,  la  cathédrale  de  Saint- 
Pol-de-Léon. 

XIVe  siècle  :  Le  Creisker. 

XV"  siècle  :  Les  tours  de  la  cathédrale  de  Quimper,  les  clo- 
chers du  Folgoët,  Pontcroix  ;  et  fin  du  XVe  siècle  :  Saint-Jean -du- 
Doigt. 


—  110  — 

XVI*  siècle  :  Un  très  grand  nombre  de  constructions  :  Saint- 
Herbot,  1517;  Carhaix,  Plouguer,  Penmarc'h,  Saint-Michel  de 
Quimperlé,  Locronan,  Beuzec-Cap-Sizun,  Ploaré,  1550  ;  Saint- 
Ugen,  1579;  Pleyben,  1584-91  ;  Landivisiau,  1590-97;  Goulven, 
1593-95,  etc. 

Au  XVIIe  siècle  :  Ralentissement  général  dans  les  constructions 
religieuses  en  France,  mais  la  Bretagne  persévère  et  produit  dans 
ce  siècle  :  Le  Faou,  1628  ;  La  Roche,  1639  ;  Kerlas,  1630  ;  Plo- 
neour-Menez,  1665  ;  Sainte-Anne  deFouesnanl,  1683  ;  Ploujdi 
1684;  Commana,  Plouvorn,  Londerneau,  Châteauneuf-du-Faou, 
Saint-Renan,  Ploumoguor,  Lanriec,  Saint-Evarzec,  Telgruc,  Saint- 
Jean-Trolimon. 

XVIIIe  siècle  :  Plozevet,  1704  ;  Tregourez,  Pouldreuzic,  etc.. 
L'énumération  porte  sur  un  si  grand  nombre  d'édifices  que 
j'on  croit  voir  la  nomenclature  au  complet  de  tous  les  bourgs  et 
villages  du  Finistère. 

Dans  la  seconde  catégorie,  M.  Bigot  cite  tous  les  clochers  dits  : 
à  jour,  qui  se  composent  en  principe  d'une  tour  sur  plan  carré 
ou  rectangulaire,  couronnée  d'une  corniche  dont  l'assise  supé- 
rieure, en  encorbellement,  supporte  une  galerie  ou  balustrade. — 
Puis,  de  la  plate-forme  qu'entoure  cette  galerie  s'élancent  des 
piles  verticales  monolithes  ou  appareillées,  lesquelles  supportent, 
directement  ou  par  l'intermédiaire  de  corbelets,  les  pivots  des 
moutons  des  cloches.  Le  tout  est  abrité  et  recouvert  par  une 
pyramide  ou  un  dôme. 

En  Gornouailles,  il  est  à  remarquer  que  les  piles  surmontant 
la  plate-forme  sont  reliées  à  leur  partie  supérieure  par  des  arcs  en 
pierre  appareillés,  —  tandis  qu'en  Léon,  des  linteaux  mono- 
lithes sont  posés  horizontalement  sur  la  tête  de  ces  piles.  Ce 
dernier  mode  de  construction,  plus  hardi  mais  peut-être  moins 
gracieux  que  le  précédent, s'explique  parla  résistance  plus  grande 
des  granits  de  cette  province  qui  se  prêtent  a  ce  genre  de 
construction. 

De  tous  les  clochers  du  Finistère,  le  plus  hardi  et  le  plus 
remarquable  est,  sans  contredit,  celui  de  la  chapelle  Notre-Dame, 


—  111  — 

à  Sainî-Pol-de-Léon.  Cette  petite  ville,  autrefois  siège  d'un  évê- 
ché  important,  est  aujourd'hui  bien  déchue  de  sa  grandeur  pas- 
sée. La  cathédrale,  du  XIIIe  siècle,  est  fort  remarquable  dans  son 
ensemble  et  dans  ses  détails.  Ses  deux  flèches  sont  d'un  aspect 
sévère  et  méritent  une  sérieuse  attention.  Mais  le  regard  est  invo- 
lontairement distrait  par  la  flèche  voisine  du  Creisker,  haute  de 
79  mètres. 

M.  Mérimée,  dans  une  note  de  voyage  dans  lOuest  de  la  France, 
y  voit  une  imitation  du  style  anglais,  vulgairement  appelé  :  per- 
pendiculaire. Une  vague  tradition  attribue  cet  ouvrage  à  un  archi- 
tecte britannique. 

Pendant  les  guerres  de  la  succession  de  Bretagne,  le  duc 
Jean  IV  avait  pour  soutien  l'alliance  anglaise  ;  il  lui  était  en  par- 
tie redevable  de  ses  succès,  et,  dans  ces  circonstances,  on  com- 
prend les  emprunts  que  notre  pays  ait  pu  faire  à  l'architecture 
anglaise. 

M.  Bigot,  tout  en  admirant  l'ensemble  de  ce  monument,  en 
critique  quelques  détails,  —  et  d'abord  le  croisement  de  meneaux 
de  la  partie  basse  de  la  tour.  Suivant  lui,  c'est  un  contre-sens  de 
placer  des  vides  dans  le  soubassement  d'une  construction  dont 
la  grande  hauteur  rend  la  charge  à  la  base  si  importante. 

En  second  lieu,  les  pyramides  secondaires  de  14  mètres  de 
hauteur  reposent  chacune  sur  8  piliers  de  20  centimètres  carrés, 
dont  5  ont  seulement  pour  appui  l'encorbellement  formé  par  la 
corniche  du  sommet  de  la  tour.  Cette  disposition  détache  com- 
plètement le  clocheton  de  la  pyramide  principale.  Aussi,  pour  le 
maintenir  et  éviter  le  balancement,  le  constructeur  a-t-il  cru 
utile  de  le  relier  à  la  flèche  par  des  pierres  en  linteau  destinées 
à  le  maintenir.  L'effet  produit  n'est  pas  gracieux,  mais  ce  pro- 
cédé était  une  nécessité  du  style  adopté. 

M.  Bigot  cite  ces  deux  faits  qui  laissent  à  désirer  dans  l'en- 
semble de  l'œuvre.  Il  en  est  néanmoins  un  grand  admirateur  et, 
comme  Piganiol  de  la  Force,  reconnaît  que  le  Creisker  est  un 
des  clochers  les  plus  hardis  et  peut-être  un  des  plus  beaux  de 
l'Europe. 


—  112  — 

En  résumé,  la  notice  de  M.  Bigot,  très  complète  et  conscien- 
cieuse, est  d'un  érudit  et  d'un  savant  architecte,  doublé  d'un 
archéologue  de  mérite.  Il  ne  m'est  point  permis  de  le  juger,  mais 
je  dois,  Messieurs,  vous  faire  observer  que,  dans  son  travail, 
M.  Bigot  ne  dit  rien  de  la  cathédrale  de  Quimper,  sinon  que  les 
tours  datent  du  XV8  siècle.  Il  passe  sous  silence  les  flèches  qui 
sont  son  œuvre  propre.  Sa  modestie,  à  cet  endroit,  laisse  à  d'autres 
le  soin  d'en  parler.  Aussi,  Messieurs,  suis-je  heureux  que  l'ana- 
lyse de  cette  brochure  me  fournisse  l'occasion  de  louer  comme 
il  le  mérite  le  talent  de  M.  Bigot  père,  architecte  diocésain  du 
Finistère. 

Lié  d'amitié  avec  son  fils,  ancien  camarade  d'atelier  à  l'école 
des  Beaux-Arts,  ce  compte  rendu  est  pour  moi  une  réelle  satis- 
faction. 

Les  deux  flèches  de  la  cathédrale  de  Quimper  sont,  dans  leur 
ensemble  et  dans  leurs  détails,  un  remarquable  complément  de 
l'œuvre  inférieure.  En  les  examinant  et  en  les  étudiant  avec  soin, 
on  retrouve,  comme  vous  pouvez  vous  en  convaincre  par  les 
croquis  et  la  photographie  que  j'ai  l'honneur  de  vous  soumettre, 
les  belles  lignes  de  la  flèche  du  Creisker.  Toutefois,  disons-le, 
les  deux  motifs  des  critiques  faites  à  cette  flèche  y  ont  été  scrupu- 
leusement évités.  Les  clochetons  portent  bien  d'aplomb  sur 
l'épaisseur  des  murs  de  la  tour  et  n'ont  pas  besoin,  pour  leur 
parfaite  stabilité,  d'être  reliés  à  la  pyramide  centrale.  Le  style 
est  de  la  fin  du  XVe  siècle,  c'est-à-dire  que  flèche  et  clochetons 
sont  plus  ajourés  que  ceux  du  Creisker  de  Saint-Pol-de-Léon.  En 
admirant  grandement  celle  belle  œuvre  d'un  maître,  on  reste 
étonné  et  surpris  de  la  hardiesse  de  la  conception  et  de  l'habileté 
de  l'exécution  de  ces  deux  clochers,  qui,  mieux  que  tous  autres, 
sont  le  type  du  clocher  à  jour  de  l'ancienne  Bretagne. 

Le  Rapporteur, 
J.  Montfort, 

Architecte  diplômé  par  le  Gouvernement. 


TABLE   DES   MATIÈRES 

DU   1er  SEMESTRE  DE  1885 


Procès-verbaux  des  séances va  xxxi 

Dictionnaire  archéologique  de  la  Loire-Inférieure  (Arron- 
dissement de  Paimbœuf),  par  M.  Pitre  de  Lisle  du 
Dreneug 1 

De  l'antiquité  de  la  connaissance  du  fer,  par  M.  P.  Poirier.        82 

Grand- Champ  et  ses  origines,  par  M.  Léon  Maître 91 

La  station  gallo-romaine  de  Vieille-Cour  à  Mauves,  par 

M.  LÉON  MAITRE 101 

Compte  rendu,  par  M.  J.  Montfort,  architecte,  d'un  Mé- 
moire sur  les  clochers  du  Finistère,  de  M.  Bigot, 
architecte  diocésain 108 


Mim.-  Hnp.  TlsMot  For»»t  et  &■!!•  «rlmaud,  plu*  dm  Cannera,  4. 


SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE  DE  NANTES 


1885.  —  2«  Sem. 


BULLETIN 


DE  LA 


r  r 


SOCIETE  ARCHEOLOGIQUE 


DE  NANTES 


ET  DU  DÉPARTEMENT  DE  LA  LOIRE-INFERIEURE 


TOME   VINGT-QUATRIÈME 


Année  4885 


DEUXIÈME   SEMESTRE 


NANTES 
IMPRIMERIE   DE   VINCENT    FOREST   ET   EMILE   GRIMAUD 

4,  Place  du  Commerce,  4 


1885 


EXTRAITS 


DES 


PROCÈS-VERBAUX   DES  SÉANCES 


Séance  du  7  Juillet  1885. 
Présidence  de  M.  le  marquis  de  Bremond  d'An  Migré. 

Présents  :  MM.  le  marquis  de  Surgères,  vice-président,  !e  docteur  Anison, 
le  baron  Bertrand-Geslin,  René  Blanchard,  Bougoùin,  Félix  Chaillou,  Ju'es  du 
Champ-Renou,  le  comte  Régis  de  l'Estourbeillen,  le  baron  d'Izarn,  îe  baron 
des  Jamonières,  Alcide  Leroux,  Léon  Maître,  Glaude  de  Monti  de  Resé, 
Charles  Perrion,  Alexandre  Perthuis,  Henri  de  la  Peyrade,  Paul  Poirier, 
Joseph  Rousse  et  Louis  Viau. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté  sans  observations. 

M.  Jules  Montfort  écrit  pour  s'excuser  de  ne  pouvoir  assister  à  ïa  réunion. 

MM.  de  Bremond  d'Ars  et  Léon  Maître  présentent  M.  Anthime  Menard  fils, 
avocat,  docteur  en  droit,  comme  membre  résident.  —  «  M.  Anthime  Menard, 
dit  M.  le  Président,  est  le  fils  de  notre  honorable  confrère  M.  Anihime 
Menard,  bâtonnier  des  avocats  de  Nantes,  l'un  des  fondateurs  de  notre 
Société,  et  dont  le  nom  est  entouré,  dans  cette  ville,  de  la  vénération  générale, 
juste  hommage  rendu  au  noble  caractère  de  l'homme  privé  et  à  l'éminent 
jurisconsulte  :  nous  pouvons  ajouter  ici  et  au  savant  archéologue,  si  l'on  peut 
donner  cette  qualification  à  un  judicieux  collectionneur  d'estampes  rares  et 
précieuses,  à  un  bibliophile  érudit.  Notre  jeune  et  nouveau  confrère  sera 
digne  du  nom  qu'il  porte.  Nous  connaissons  déjà  son  mérite,  son  goût  pour 
les  lettres  et  les  arts  qu'il  sait,  a  l'exemple  de  son  père,  unir  à  l'étude  plus 


—  vi  — 

sévère  de  nos  anciennes  coutumes  et  du  droit  moderne.  M.  Antilime  Menard, 
en  se  présentant  parmi  nous,  a  voulu  tout  d'abord  nous  offrir  un  exemplaire 
de  la  thèse  qu'il  a  récemment  soutenue  pour  le  doctorat,  thèse  qui  possède  les 
proportions  et  la  valeur  d'un  véritable  ouvrage  de  longue  haleine  (»).  La  Société 
le  remercie  de  cet  hommage  d'une  première  et  sérieuse  publication.  » 

MM.  de  Bremond  d'Ars  et  de  la  Nicollière-Teijeiro  présentent  ensuite 
comme  membre  correspondant  M.  Henri  Roumain  de  la  Touche,  ancien  pro- 
cureur impérial,  président  du  conseil  d'arrondissement  d'Ancenis,  qui  nous 
est  bien  connu,  du  moins  de  tous  ceux  des  membres  de  la  Société  qui  ont 
dernièrement  fait  partie  de  l'intéressante  excursion  à  Champtoceaux. 

«  Nous  ne  pouvons  oublier,  dit  M.  le  Président,  l'accueil  si  courtois  et  si 
empressé  que  l'aimable  châtelain  et  sa  famille  ont  fait  à  la  Société  archéo- 
logique de  Nantes  ;  et,  de  plus,  M.  de  la  Touche  s'est  révélé  à  nous  comme 
un  archéologue  véritablement  dévoué  à  la  science  historique.  A  ce  titre  seul, 
il  devait  être  admis  parmi  vous,  Messieurs:  nous  vous  prions  donc,  M.  de  la 
Nicollière  et  moi,  de  lui  décerner  le  titre  de  membre  correspondant.  Nous 
pouvons  vous  assurer  que  ce  ne  sera  point  un  simple  correspondant  honoraire, 
mais  que  notre  nouveau  confrère  prendra  bientôt  place  parmi  les  plus  zélés, 
car  il  a  su  occuper  ses  loisirs  par  de  sérieuses  recherches,  et  a  naturelle- 
ment commencé  par  étudier  le  passé  si  célèbre  de  cette  antique  ville  de 
Champtoceaux.  M.  de  la  Touche,  avec  une  clarté  parfaite,  et  en  nous  prome- 
nant à  travers  ce  beau  parc  qui  a  remplacé  les  douves  et  les  remparts,  a  fait 
la  description  de  la  redoutable  forteresse  du  moyen  âge.  Vous  me  permettrez 
d'être  votre  interprète  en  priant  M.  de  la  Touche  de  nous  faire  part  de  ses 
études  sur  ce  chapitre  de  notre  histoire  locale  qu'il  est  mieux  à  même  que 
personne  de  traiter,  avec  autant  d'autorité  que  de  compétence.  » 

MM.  le  baron  de  Wismes  et  de  Bremond  d'Ars  présentent  comme  membre 
correspondant  M.  le  comte  Alphonse  de  la  Guère,  correspondant  de  la 
Société  des  Antiquaires  de  France,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes  et 
du  comité  diocésain  de  Bourges.  M.  le  Président  croit  devoir,  a  cette  occa- 
sion, donner  lecture  de  la  lettre  de  notre  ancien  et  regretté  président  hono- 
raire : 

«  J'apprends  avec  un  vrai  plaisir,  écrit  le  baron  de  Wismes,  que  mon 


(*)  De  l'Emphylliéose  en  droit  romain.  De  V administration  et  de  l'aliénation  des  biens 
meubles  des  incapables  en  droit  français,  Un  vol,  in-8*  de  240  pages. 


—  VII  — 

proche  parent  et  ami,  le  comte  Alphonse  de  la  Guère,  désire  devenir  membre 
correspondant  de  notre  Société.  Je  me  fais  bien  volontiers  son  parrain  avec 
vous  pour  le  présenter  a  nos  confrères  qui  s'empresseront  de  l'admettre  dans 
leur  compagnie.  Personne  n'en  est  plus  digne  sous  le  rapport  de  l'honorabi- 
lité du  caractère  et  des  aptitudes  intellectuelles.  M.  Alphonse  de  la  Guère  a 
habité  notre  pays  pendant  presque  toute  sa  jeunesse  :  il  venait  souvent  ma 
voir  et  sa  conversation  roulait  toujours  sur  les  matières  d'art,  d'histoire  et 
d'archéologie.  Depuis,  je  l'ai  souvent  rencontré  aux  séances  de  la  Société 
de  numismatique  présidée  par  le  savant  -vicomte  de  Ponton  d'Amécourt. 
M.  de  la  Guère  y  faisait  d'intéressantes  communications  et  était  toujours 
écouté  avec  sympathie  et  plaisir.  Il  ne  peut  être  pour  nous  qu'une  excellente 
acquisition;  il  pourra  nous  fournir  des  documents  extraits  de  ses  archives  de 
famille,  essentiellement  nôtre,  et  notamment  en  ce  qui  concerne  notre  vieil 
évêque  Geoffroy  Pantin  (XHe  siècle),  auquel  M.  de  la  Nicollière  a  déjà  accordé 
une  page  excellente,  mais  forcément  un  peu  courte,  dans  son  Armoriai  des 
évêques  de  Nantes.  Mon  cousin  s'est  également  beaucoup  occupé  des  fouilles 
gallo-romaines  de  Bourges.  Je  termine,  en  regrettant  que  ma  santé  ne  me 
permette  pas  d'aller  moi-même  vous  seconder  pour  appuyer,  auprès  de  nos 
chers  confrères,  la  candidature  de  mon  érudit  parent.  » 

«Les titres  de  M.  le  comte  de  la  Guère,  dit  en  terminant  M.  de  Bremond 
d'Ars,  sont  plus  que  suffisants  pour  l'accueillir  avec  empressement.  Soyons- 
lui  reconnaissants  de  n'avoir  pas  oublié  son  pays  d'origine.  Issu  d'une  des 
plus  vieilles  familles  du  comté  Nantais,  M.  de  la  Guère  veut  s'y  rattacher  par 
ses  études  historiques  et  par  sa  collaboration  avec  la  Société  archéologique 
qui  sait  que  les  titres  littéraires  d'un  de  ses  membres  sont  en  quelque  sorte 
les  siens  propres.  » 

La  Société  admet  à  l'unanimité  des  suffrages  les  trois  candidats  et  paie 
ensuite  un  tribut  de  regrets  à  la  perte  d'un  de  ses  membres,  M.  Hippolyte- 
Émile  Maugras,  décédé  à  Nantes,  le  16  juin  1885,  à  peine  âgé  de  quarante- 
deux  ans.  Malgré  ses  nombreuses  occupations,  M.  Maugras  trouvait  encore 
quelques  instants  pour  les  consacrer  à  la  formation  d'une  collection  de  mé- 
dailles; c'était  un  confrère  aimable  et  dévoué.  Ceux  qui  le  connaissaient  plus 
particulièrement  en  conserveront  toujours  le  meilleur  souvenir. 

C'est  ici  le  lieu  de  rappeler,  Messieurs,  ce  que  le  baron  de  Wismes  nous 
disait  dernièrement  de  notre  regretté  confrère  :  M.  Hippolyte  Maugras  fit, 
avec  les  mobiles  nantais,  la  guerre  de  1870,  et  s'y  distingua  par  son  zèle  et 
son  courage.  Il  passa  le  temps  du  siège  de  Paris  au  fort  du  Mont-Valérien  où 
il  avait  pour  chef  le  colonel  Bascher.  Ce  poste  d'honneur  de  la  ville  de  Paris 


—  VIII  — 
avait  été  confié  aux  Nantais  comme  les  plus  braves  entre  les  braves,  comme 
un  hommage  à  la  valeur  bretonne. 

Les  ouvrages  suivants  sont  déposés  sur  le  bureau  par  le  Président  qui  en 
fait  une  rapide  analyse  : 

1°  Bulletin  de  la  Société  archéologique  et  historique  du  Limousin, 
tome  xxxn,  iro  et  %  livraison  ; 

2°  Le  Journal  des  savants,  mai  1885; 

3°  Bulletin  de  la  Société  d'études  scientifiques  et  archéologiques  de  la  ville 
de  Draguignan,  tome  xiv  ; 

4°  Appel  aux  érudits  au  sujet  de  l'itinéraire  de  Henri  IV,  par  M.  Tamizey 
de  Larocque; 

5°  Catalogue  de  livres  anciens  et  modernes.  Livourne,  1885; 

6o  Une  visite  aux  ruines  du  château  de  Montaigne,  par  M.  Gh.  Marionneau, 

1885.  —  Visite  faite  depuis  l'incendie  de  ce  château.  M.  Marionneau  cons- 
tate que  la  tour  où  Montaigne  avait  établi  sa  librairie  est  restée  intacte. 

M.  Alexandre  Perthuis  fait  hommage  à  la  Société  d'une  photographie  du 
vieux  Nantes,  prise  du  même  point  que  le  dessin  de  Volaire  et  qui  devient 
très  intéressante,  comme  point  de  comparaison  avec  ce  vieux  document. 

M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux- Arts  donne  avis  que 
la  réunion  annuelle  des  délégués  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  aura  Heu,  en 

1886,  à  l'époque  accoutumée.  Le  but  principal  recherché  est  la  mise  au  jour 
des  pièces  d'archives,  comptes,  marchés  autographes,  etc..  M.  le  Ministre 
compte  sur  le  concours  de  tous  les  archéologues. 

Des  notes  fort  intéressantes  sur  Champtoceaux,  ou  mieux  Chantoceaux, 
sont  lues  par  M.  le  docteur  Anizon. 

Le  Président  dépose  sur  le  bureau  un  dessin  original  de  Volaire,  représen- 
tant une  vue  du  vieux  Nantes,  prise  du  côté  de  la  Bourse. 

M.  Perthuis  montre  aux  personnes  présentes  une  médaille  très  curieuse  et 
fort  rare  à  l'effigie  de  «  François,  Dauphin,  duc  de  Bretagne,  »  fils  du  roi  de 
France  François  Ier. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  lecture  de  la  notice  de  M.  Léon  Maître  sur 
Sainte-Marie-de-Pornic.  Ce  savant  travail,  qui  donne  sur  la  charmante  côte 
de  Pornic  des  renseignements  si  précieux  et  si  intéressants,  tint  la  Société 
sous  son  charme  pendant  un  temps  malheureusement  trop  court,  et  M.  le 
Président  fut  bien  l'interprète  de  tous  en  adressant  à  M.  Léon  Maître  ses 
compliments  les  plus  chaleureux. 

Puis  M.  le  Président  lit  quelques  notes  de  M.  Petit,  que  sa  santé  tient 
éloigné  de  nous,  sur  le  dessin  de  Volaire,  dont  il  a  déjà  été  parlé. 


—  IX  — 

La  Société  remercie  M.  Petit  et  saisit  encore  cette  nouvelle  occasion  pour 
le  prier  de  publier  ses  souvenirs  sur  le  vieux  Nantes,  souvenirs  qui,  sans 
contredit,  seraient  la  plus  intéressante  et  la  plus  parfaite  histoire  de  notre 
eité. 

Enfin,  M.  Félix  Chaillou  nous  entretient  quelque  temps  sur  les  dernières 
découvertes  qu'il  a  faites  à  sa  terre  des  Gléons,  en  Haute-Goulaine  :  une  flûte 
champêtre  de  berger  de  20  millimètres  de  longueur  sur  24  millimètres  de 
diamètre,  et  un  denier  d'argent  de  Caracalla  (211  de  Jésus-Christ,  964  de  la 
fondation  de  Rome),  trouvés  dans  ces  fouilles,  sont  exposés  sur  la  table  du 
bureau. 

Le  travail  de  M.  Chaillou  sera  publié  in  extenso  dans  le  Bulletin  de  1885. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 

Le  Secrétaire  du  Comité, 
La.  Peyrade. 


Note  sur  une  flûte  champêtre  provenant  de  la  station  des  Cléons. 


En  envahissant  les  Gaules,  les  Romains  ne  devaient  pas  apporter  seule- 
ment aux  peuples  vaincus  le  fléau  de  la  guerre  et  l'humiliation  de  la  défaite. 

Une  action  douce  et  civilisatrice  se  substitua  promptement  aux  maux  iné- 
vitables de  la  conquête,  et  la  puissance  de  ces  grands  colonisateurs  put,  en 
un  temps  relativement  bien  court,  doter  notre  pays  de  tous  les  avantages 
d'une  civilisation  inconnue,  mais  dont  Rome,  depuis  longtemps,  n'ignorait 
pas  les  bienfaits. 

Les  villas  se  peuplèrent  rapidement  et  se  couvrirent  de  ces  belles  cons- 
tructions, de  ces  monuments  grandioses  dont  nous  admirons  encore  les  restes. 
Les  campagnes  virent  s'élever  ces  belles  villas,  dont  les  débris,  mis  succes- 
sivement à  découvert,  nous  attestent  à  la  fois  la  richesse  et  l'étendue. 

On  s'établissait  toujours  sur  le  bord  d'une  voie,  et  de  préférence,  quand  la 
chose  était  possible,  dans  le  voisinage  des  eaux,  pour  assurer  les  communi- 
cations comme  la  défense  et  multiplier  les  moyens  d'irrigation. 


—  X  — 

Les  villes  les  plus  privilégiées  ont  toutes  connu  les  avantages  de  l'agricul- 
ture, le  calme  et  la  douceur  de  cette  vie  des  champs  que  Virgile  nous  a  dé- 
peinte en  si  séduisants  tableaux. 

La  station  des  Clécns,  si  bien  située  au  bas  de  son  coteau,  derrière  un 
repli  de  la  Loire,  devait  être  dans  ce  cas.  Je  crois  la  voir,  à  cette  époque 
lointaine,  bordée  de  pâturages  descendant  jusqu'à  la  rivière  et  couverts  de 
ces  magnifiques  troupeaux  conduits  par  de  joyeux  bergers  dont  les  piûerari 
des  Apennins  nous  ont  conservé  le  type. 

Ces  gardeurs  de  troupeaux  avaient,  comme  de  nos  jours,  des  instruments 
champêtres  d'une  simplicité  bien  élémentaire  en  apparence,  mais  au  son  des- 
quels se  chanta  plus  d'une  idylle  :  des  monaulos,  des  chalumeaux,  des  flûtes. 
C'est  l'un  de  ces  derniers  types  que  j'ai  l'honneur  de  vous  présenter  au- 
jourd'hui. 

Ce  petit  instrument  est  presque  une  œuvre  d'art.  La  matière  qui  le  forme 
est  choisie  avec  le  plus  grand  soin;  car,  en  dépit  du  temps  écoulé,  elle  a  con- 
servé, pour  ainsi  dire,  tout  le  poli  joint  à  toute  la  dureté  de  l'ivoire. 

C'est  une  partie  d'os  ayant  28  millimètres  de  longueur  sur  24  de  diamètre; 
il  est  habilement  tourné,  et  les  sections  de  ses  deux  bouts  sont  rigoureuse- 
ment parallèles  avec  leurs  tranches  évidées  en  creux.  Un  trou  latéral  de 
7  millimètres,  semblable  à  celui  de  nos  flûtes  actuelles,  sert  à  l'introduction 
de  l'air. 

Le  vide  intérieur  est  elliptique,  avec  son  petit  diamètre  dans  la  direction 
du  trou  latéral.  Cette  forme  a  été  ménagée  pour  obtenir  à  l'intérieur  la  plus 
grande  cavité  possible,  pouvant  cependant  être  fermée  facilement  à  ses 
extrémités  par  les  deux  premiers  doigts  de  la  main  qui  saisit  l'instrument. 
Une  complète  obturation  de  ces  extrémités  est  tout  à  fait  indispensable  à  la 
production  du  son.  La  direction  de  l'ouverture  latérale  ne  tombe  pas  per- 
pendiculairement sur  le  grand  diamètre  de  la  cavité  intérieure;  elle  lui  est 
sensiblement  oblique,  afin,  sans  doute,  d'éviter  un  mouvement  pénible  du 
bras,  en  présentant  plus  facilement  aux  lèvres  le  trou  par  lequel  l'air  est  in- 
troduit. 

Il  existait  plusieurs  modèles  de  ce  genre  de  flûte,  mais  tous  étaient  néces- 
sairement moins  longs  que  la  plus  grande  dislance  à  laquelle  le  pouce  peut 
s'écarter  de  l'index.  Les  unes,  ayant  plusieurs  trous,  permettaient  une  sorte 
de  modulation;  d'autres,  comme  celle-ci,  n'en  portaient  qu'un,  et  ne  pro- 
duisaient en  conséquence  qu'une  seule  note,  avec  laquelle  il  devait  cepen- 
dant être  possible  de  se  faire  comprendre,  soit  en  la  rendant  intermittente, 
soit  en  augmentant  ou  diminuant  son  intensité.  On  en  faisait  sans  doute  un 


—  XI  — 

appel  entre  les  bergers,  un  avertissement  pour  les  chiens  toucheurs,  ou 
même  un  signal  pour  la  réunion  des  troupeaux.  Cette  note  un  peu  perçante 
n'est  pas  destinée  à  l'intérieur  des  appartements  ;  elle  est  seulement  possible 
au  milieu  des  champs ,  affaiblie  par  la  distance  ,  diminuée  par  son  passage 
à  travers  les  bois  ou  répercutée  par  les  échos  d'alentour. 

J'étais  toutefois  désireux  de  la  connaître,  car  il  doit  être  assez  rare  de 
rencontrer  dans  les  fouilles  un  instrument  de  ce  genre,  assez  bien  conservé 
pour  pouvoir  être  utilisé. 

Celui-ci  cependant  peut  servir  encore,  et,  sans  la  crainte  d'exposer  votre 
oreille  à  quelque  rude  épreuve,  il  me  serait  possible  de  vous  faire  entendre 
ce  son  qui  n'a  pas  été  perçu  depuis  15  ou  16  siècles. 

Je  suis  entré  dans  ces  détails  pour  éviter  la  confusion  de  cet  objet  avec 
ceux  qui,  sous  une  apparence  identique,  ne  constituent  que  les  tronçons 
d'une  autre  flûte  dont  les  parties  sont  réunies  par  des  emboitures  de  bronze. 

M.  Vergnaud  Romagnési  a  observé,  près  d'Orléans,  en  1845,  cinq  de  ces 
parties  trouvées  ensemble,  et  rappelle  à  ce  sujet  un  vers  d'Horace  : 

Tibia  non  ut  nunc  orichalco  vincla. 

Celte  citation  montre  jusqu'à  l'évidence,  qu'avant  la  flûte  perfectionnée,  il 
en  existait  une  autre  espèce  analogue  et  beaucoup  plus  simple  à  laquelle  se 
rattache  probablement  celle  que  nous  avons  rencontrée. 

Je  vous  demande  la  permission  de  vous  soumettre,  en  terminant,  un  de- 
nier d'argent  provenant  des  mêmes  fouilles.  Il  date  de  Caracalla,  année  211 
de  J.  C.  964,  de  la  fondation  de  Rome. 

Le  voici  :  antoninvs  pivs  avg  brit.  Tête  laurée  à  droite. 

R/  PM  TR  P  XIIII  COS  III  PP. 

Victoire  marchant  à  gauche,  tenant  de  la  droite  un  rameau  et  de  la 

gauche  un  trophée. 

Il  est  d'une  conservation  irréprochable  et  presque  fleur  de  coin  ;  mais 
par  malheur  le  coin  du  revers  a  glissé  et  les  cinq  premières  lettres  de  la 
légende  ne  sont  pas  visibles,  ayant  été  frappées  en  dehors  du  flan. 

Cette  médaille  constitue  une  pièce  importante  pour  la  collection  locale, 
mais  elle  était  isolée  dans  des  débris  de  construction  à  00  centimètres  de  pro- 
fondeur et  ne  m'autorise  encore  à  aucune  conjecture  sérieuse  relativement  au 


—  XII  — 

premier  établissement  de  la  station  des  Cléons.  Peut-être  serai-je  plus  heu- 
reux une  autre  fois. 

Félix  Chaillou. 
Les  Cléons,  6  juillet  1885. 


SÉANCE  DU  MARDI  3  NOVEMBRE    1885. 
Présidence  de  M.  le  marquis  de  Bremond  d'Ârs  Migré. 

Etaient  présents:  MM.  Anizon,  le  baron  Bertrand-Geslin,  P.  Goquillard,  le 
comte  Régis  de  l'Estourbeillon,  0.  de  Gourcuff,  le  docteur  Genuit,  Emile  Gri- 
maud,  le  baron  des  Jamonières,  Léon  Maître,  Anthime  Menard  fils,  Jules 
Montfort,  de  la  Nicollière-Teijeiro,  Charles  Perrion,  Alexandre  Perthuis, 
Raymond  Pouvreau,  Paul  Poirier,  Riardaut  et  Alfred  de  Veillechèze. 

La  lecture  du  procès-verbal  est  remise  à  la  prochaine  réunion. 

Le  Président  dépose  sur  le  bureau  les  ouvrages  suivants  : 

1°  Journal  des  Savants.  Cahiers  de  juin,  juillet,  août  et  septembre  1885. 

2»  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  Année  1885,  nos  2 
et  3. 
3°  Mémoires  de  la  même  Société.  3«  série,  t.  VIII. 

4°  Bulletin  de  la  Société  ' archéologique  et  historique  de  l'Orléanais,  lei 
trimestre  de  1885. 

5°  Bulletin  de  la  Société  des  Archives  historiques  de  la  Sainlonge  et  de 
l'Aunis.  Va  vol.,  5«  et  6e  livraisons. 

6°  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest.  1er  trimestre  1885. 

7°  Bulletin  de  la  Société  d'Agriculture,  Sciences  el  Arts  de  la  Sarlhe.  2« 
série,  t.  XXII,  1"  fascicule. 

8°  Bulletin  de  la  Société  des  Sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne. 
Année  1885,  XXXIX*  vol. 

9°  Bulletin  de  la  Société  scientifique,  historique  et  archéologique  de  la 
Corrèze.  T.  VIL  2o  livraison. 


—  XIII  — 

10°  Mémoires  de  V Académie  de  Nîmes.  8e  série,  t.  VI. 

Ho  Mémoires  de  la  Société  Eduenne.  Nouvelle  série,  t.  XIII. 

12°  Mémoires  de  la  Société  d'Agriculture,  Commerce,  Sciences  et  Arts  du 
département  de  la  Marne.  Années  1883-1884. 

13°  Annales  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  des  Alpes-Mari- 
times, t.  IX,  1884. 

14<>  Répertoire  des  travaux  historiques...  pendant  l'année  1883,  t.  III, 
no  3. 

15o  Recueil  des  notices  et  mémoires  de  la  Société  archéologique  du  dépar- 
tement de  Constantine.  3«  série,  2e  volume,  1883-1884. 

l6o  Société  de  secours  des  Amis  des  Sciences.  Compte  rendu  du  25®  exercice. 

17°  Un  Talisman  gallo-romain,  par  le  docteur  A.-E.  Plicqne.  (Extrait  des 
Mémoires  de  V Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Clermont- 
Ferrand.) 

18°  Découvertes  archéologiques  dans  le  Morbihan  en  1884  et  1885,  par 
Ernest  Rialan.  Vannes,  1885. 

l9o  Compte  rendu  d'une  séance  de  la  Société  archéologique  et  historique 
des  Côtes-du-Nord  (22  mai  1885)  sous  la  présidence  d'honneur  de  M.  Arthur 
de  la  Borderie. 

Il  est  procédé  à  l'élection,  comme  membre  résident,  de  M.  le  commandant 
Léon   Dieu,  présenté  par  MM.  de  Dremond  d'Ars  et  Emile  Grimaud. 

M.  le  commandant  Léon  Dieu  est  élu  à  l'unanimité. 

La  parole  est  alors  donnée  à  M.  delà  Nicollière-Teijeiro,  qui  nous  montre 
comment,  à  propos  de  masques,  un  noble  seigneur  allant,  après  son  souper, 
rendre  visite  à  quelque  ami,  s'il  est  accosté  par  «  ivrognes  et  querelleurs  » 
et  qu'il  lui  arrive  en  se  défendant  de  causer  la  mort  de  l'un  d'eux,  peut 
être  réduit  au  rôle  d'un  humble  suppliant  et  contraint  d'obtenir  une  de  ces 
curieuses  lettres  de  rémission  qui  présentent  un  intérêt  si  particulier  à  cause 
des  noms  de  personnes  et  de  lieux  et  des  traits  de  mœurs  qu'elles  nous  ont 
conservés.  Celle  dont  M.  de  la  Nicollière  donne  lecture,   et  qui  figurera  au 
Bulletin  de  la  Société,  rappelle  précisément  le  fameux  hôtel  de  Briord.  Elle 
est  datée  de  1558  et  accordée  par  Henri  III  au  sieur  Olivier  de  la  Bouexière. 
C'est  aussi  M.  de  la  Nicollière  qui  a  sauvé  du  naufrage  cette  épave  de  la 
place  Bretagne,  qui  n'est  autre  qu'un  plat  d'étain,  admirablement  conservé, 
portant  les  armoiries  de  Thomas  Régis,  et  que  les  membres  présents,  sous 
les  yeux  desquels  il  était  mis,  ont  examiné  avec  le  plus  vif  intérêt; 

«  Thomas  Régis  ou  Le  Roi  est,  nous  rappelle  M.  de  la  Nicollière,  le  fonda- 
««  teur  de  cette  gracieuse  chapelle  de  Saint-Thomas  dont  les  débris  forment 


—  XIV  — 

«  aujourd'hui  l'entrée  du  Musée  archéologique  de  la  Loire-Inférieure.  Après 
«  avoir  été  l'un  des  procureurs  du  concile  général  de  Latran,  sous  les  papes 
«  Jules  II  et  Léon  X,  conseiller  des  rois  Charles  Vlll  et  Louis  XII,  il  reçut  la 
«  difficile  mission  de  travailler  au  concordat  passé,  en  1517,  entre  Fran- 
<t  çois  Ier  et  Léon  X.  Le  monarque  ne  crut  pouvoir  mieux  récompenser  les 
«  importants  services  de  ce  laborieux  et  intelligent  ecclésiastique  qu'en  l'ano- 
«  blissant,  en  1522,  ainsi  que  son  neveu,  Raoul  Le  Roi,  et  lui  donnant 
«  pour  armoiries  :  Deux  fleurs  de  lys  d'azur  sur  champ  d'or,  émaux  contre- 
»  posés  à  ceux  de  France.  Cet  écusson,  très  élégamment  sculpté  dans  la 
«  chapelle  de  Saint-Thomas,  se  voit  encore  parmi  les  pierres  conservées  à 
«  l'entrée  de  notre  Musée. 

«  Thomas  Régis  mourut  évêque  nommé  de  Dol,  en  1524  ;  son  cœur,  apporté 
«  de  Rome,  fut  déposé  dans  sa  splendide  chapelle...»  Il  mérite  un  article 
dans  la  Biographie  bretonne,  et  M.  Levot,  qui  en  préparait  une  seconde  édi- 
tion, lorsque  la  mort  vint  le  frapper,  avait  été  trop  heureux  d'accepter  celui 
de  M.  de  la  Nicollière-Teijeiro. 

M.  de  l'Estourbeillon  rappelle  à  ce  sujet  qu'il  y  a  deux  ou  trois  ans,  M.  de 
la  Tullaye  a  légué  aux  archives  départementales  une  partie  des  siennes,  qui 
comprenaient  celles  de  la  famille  de  Thomas  Régis,  alliée  à  sa  maison.  C'est 
là  une  source  de  documents  parfaitement  connue,  du  reste,  de  M.  de  la 
Nicollière,  et  qu'il  a  mise  à  profit. 

M.  le  Président  entretient  ensuite  la  réunion  du  prochain  congrès  de  la 
Société  Française  d'Archéologie,  qui  doit  être  tenu  à  Nantes  en  1886,  vers 
le  mois  de  juillet.  Son  président,  M.  de  Marsy,  vient  passer  quelques  jours 
parmi  nous,  afin  de  prendre  toutes  les  mesures  préparatoires  qui  seront  né- 
cessaires. M.  le  comte  de  Marsy  a  annoncé  à  M.  de  Cremond  d'Ars  son 
arrivée  pour  le  9  novembre,  et  demande  en  même  temps,  par  l'intermédiaire 
de  M.  de  l'Estourbeillon,  à  la  Société  archéologique  d'élaborer  le  plan  dos 
excursions  que  feront,  dans  le  département,  les  membres  du  CoDgrès.  Il 
conviendrait  aussi  de  préparer  une  liste  de  tous  les  ouvrages  où  les  membres 
étrangers  du  Congrès  pourraient  étudier  à  l'avance  les  lieux  historiques  qui 
feront  l'objet  de  ces  excursions.  Suivant  l'usage,  M.  de  Marsy  compte,  pen- 
dant son  prochain  séjour,  les  visiter  une  première  fois  avec  les  membres  de 
la  Société  archéologique. 

11  est  donc  temps  de  fixer  sans  retard  les  itinéraires. 

M.  de  l'Estourbeillon,  d'accord  avec  M.  de  Marsy,  propose  quatre  ou  cinq 
excursions,  qui  auraient  pour  but  : 

La  première  :  Guérande,  oii  le  Congrès  tiendrait,  s'il  est  possible,  une 


—  XV  — 

séance  le  matin;  dans  la  même  journée,  on  ferait  une  double  visite  aa  châ- 
teau de  Ranrouët,  en  Herbignac,  et  au  château  de  laBretesche,  en  Missillac. 
M.  Kerviler  nous  est  un  guide  assuré  pour  toute  la  presqu'île  guér8ndaise. 

La  seconde  :  Châteaubriant  et  les  fouilles  de  Petit-Mars^  sous  la  conduite 
de  M.  Léon  Maître. 

La  troisième  :  Mauves  et  le  château  de  Champtoceaux,  dont  la  Société 
archéologique  a  conservé  un  si  agréable  souvenir.  Pour  cette  dernière 
excursion,  le  trajet  par  un  bateau  à  vapeur  permettrait  aux  étrangers  d'ad- 
mirer nos  sites  de  la  Loire,  si  pittoresques,  surtout  quand  on  approche  de 
Champtoceaux. 

Enfin,  dans  une  dernière  excursion,  le  Congrès  visiterait  Clisson,  les 
Cléons  et  les  belles  substructions  gallo-romaines  que  le  propriétaire,  M.  Félix 
Chaillou,  y  a  découvertes  récemment,  et  qui  ont  fait  l'objet  d'une  communi- 
cation si  intéressante  de  notre  confrère  à  la  Société  archéologique  ;  puis  le 
château  de  Goulaine. 

En  outre,  une  journée  sera  consacrée  à  la  visite  des  monuments  de  Nantes. 

Où  se  tiendront  les  séances  du  Congrès?  M.  Riardant  pense  que  la  Société 
des  Beaux-Arts  et  son  président,  qui  mettent  obligeamment  leur  salle  à  la 
disposition  de  la  Société  de  Géographie,  la  mettront  aussi  à  la  nôtre  sans  la 
moindre  difficulté  ;  mais  il  rappelle  qu'un  autre  local  sera  aussi  indispen- 
sable pour  une  exposition  archéologique.  Une  telle  exposition  est  le  com- 
plément nécessaire  du  Congrès  et  une  occasion  unique  pour  les  Nantais  eux- 
mêmes  d'admirer  les  richesses  toujours  cachées  que  renferment  les  collec- 
tions particulières  de  nos  compatriotes.  M.  Léon  Maître  estime  que  les 
cloîtres  de  la  Visitation  pourraient  êtie  parfaitement  appropriés  à  cet  objet. 

Afin  de  régler  ces  différentes  questions,  M.  le  Président  annonce  qu'il 
convoquera  une  réunion  extraordinaire,  qui  aura  lieu  pendant  le  séjour  de 
M.  de  Marsy  et  ajoute  très  gracieusement  que,  du  reste,  il  espère  pouvoir 
mettre  chez  lui-même,  et  en  dehors  de  la  séance  extraordinaire,  M.  de 
Marsy  en  relation  avec  les  membres  de  la  Société  archéologique. 

Notre  Société  a  aussi  le  devoir  d'assurer  le  succès  du  Congrès  par  un 
nombre  de  travaux  suffisants  pour  remplir  ses  séances  ;  elle  devra  donc  pré- 
parer un  programme  de  questions  pour  la  rédaction  duquel  on  se  servira 
très  utilement,  d'ailleurs,  des  programmes  des  précédents  congrès  de  la 
Société  Française  d'Archéologie. 

Provoquée  par  l'examen  de  toutes  ces  questions,  une  fort  intéressante 
conversation  s'engage  au  sujet  de  plusieurs  collections  nantaises  et  de  diffé- 


—  XVI  — 

rentes  découvertes  fort  dignes  de  l'attention  des  archéologues  étrangers  qui 
devront  séjourner  parmi  nous. 

Ainsi  M.  le  Président  signale  la  riche  collection  d'urnes  funéraires  de  notre 
collègue  M.  Charles  Perrion.  M.  Perrion,  présent  à  la  réunion,  dit  qu'il  pos- 
sède plus  de  300  pièces  de  cette  nature,  les  unes  en  terre,  les  autres  en  verre, 
et  dont  plusieurs  renferment  encore  des  os  funéraires  reconnaissables.  Ces 
pièces,  trouvées  dans  le  sol,  lui  ont  été  procurées  par  M.  l'abbé  Desmieux, 
curé  de  Gièvres  (Québri)  (Loir-et-Cher). 

A  ce  propos,  M.  Léon  Maître  fait  remarquer  qu'une  étude  très  intéres- 
sante à  présenter  au  prochain  Congrès  serait  celle  que  l'on  consacrerait  aux 
différents  modes  de  sépultures  qui  ont  été  usités  dans  notre  région. 

M.  Perrion  signale  ensuite  comme  très  digne  d'attention  la  station  gallo- 
romaine  du  Loroux-Bottcreau,  moins  connue  que  celle  de  Saint-Barthélémy,  à 
laquelle  elle  se  rattache  évidemment  et  dont  la  voie  romaine  vient  aboutir 
au  Loroux.  On  trouve  jusqu'au  Loroux  même  des  débris  romains,  sur  un 
espace  d'environ  mille  mètres  carrés. 

M.  de  PEstourbeillon  signale  également  comme  station  inédite  en  Avessac 
le  village  de  Kermagouër. 

Ce  sont  là  autant  d'éléments  pour  la  carte  des  stations  gallo-romaines  du 
département,  que  nous  préparent  MM.  Léon  Maître  et  del'Estourbeillon,  et 
qui  est  attendu  avec  tant  d'impatience. 

Avant  que  la  séance  soit  levée,  M.  Emile  Grimaud  prend  la  parole  et 
lit  d'une  voix  émue  les  vers  que  notre  si  mélancolique  et  si  charmant  poète 
M.  Rousse  vient  de  consacrer  à  la  mémoire  de  son  ami  M.  Robinot-Bertrand, 
le  chantre  de  la  Légende  rustique,  l'auteur  de  la  Fête  de  Madeleine  et  des 
Songères,  dont  le  talent  original  et  distingué  était  connu  et  apprécié  de  tous. 

La  séance  est  levée  à  10  heures. 

Pour  le  Secrétaire, 
Anthime  Menard. 


XVII 


SÉANCE  DU  MARDI  l«r  DÉCEMBRE  1885. 

Présidence  de  M.  le  docteur  Anizon,  membre  du  Comité. 

Etaient  présents  :  MM.  Léon  Maître,  vicomte  de  Bagneux,  Viau,  Ch.  Per- 
rion,  Lemeignen,  Bougoùin,Evellin,  de  Veillechèze,  du  Champ-Benou,  Brochand, 
baron  d'Izarn,  Claude  de  Monti  de  Rezé,  docteur  Genuit,  René  Menard, 
docteur  Porson  et  Charles  Bastard. 

Le  procès- verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et  adopté. 

M.  de  la  Nicollière-Teijeiro  rend  compte  de  l'ouvrage  italien  que 
M.  le  commandant  Léon  Dieu  offre  à  la  Société,  comme  cadeau  de  bienvenue. 
C'est  un  magnifique  in-4»  de  152  pp.,  intitulé:  Le  abitazioni  lacustri,  di 
Paolo  Lioy,  Venezia,  1876,  dont  l'auteur  est  fort  connu  par  ses  publications 
à  Venise  et  à  Milan. 

Le  petit  lac,  théâtre  des  explorations  fort  savamment  exposées  dans  cet 
ouvrage,  se  trouve  dans  la  vallée  de  Fimon,  à  peu  de  distance  de  la  ville  de 
Vicence,  située  elle-même  à  quinze  lieues  de  Venise. 

De  nombreux  bois  dans  le  texte  donnent  la  reproduction  des  palafittes  de 
Fimon,  des  outils  et  armes,  non  seulement  exhumés  de  la  station,  mais  em- 
pruntés à  la  Zélande,  au  Groenland,  à  la  Syrie,  au  Liban,  Concise,  etc.. 
comme  sujets  de  comparaison.  Les  objets  extraits  des  lacs  voisins  ne  sont 
point  oubliés.  Dix-huit  planches  très  bien  lithographiées  offrent  la  figure  de 
227  pièces,  ustensiles  de  pierre,  d'os,  vases,  fuseaux  en  terre  cuite,  fragments 
de  pirogues,  outils  en  corne,  haches  de  bronze,  fibules,  bracelets,  couteaux 
en  silex,  pointes  de  flèches,  nucleus,  débris  de  poteries  des  cavernes  de 
Lumignano,  etc.. 

Ce  volume  sur  les  habitations  lacustres  d'Italie  est  un  ouvrage  rare,  cer- 
tainement, fort  apprécié  des  archéologues  et  de  ceux  qui  s'occupent  de 
l'époque  paléolitique.  Aussi,  par  l'organe  de  son  Président,  la  Société  remercie 
de  la  façon  la  plus  sympathique  le  nouveau  membre,  dont  la  réception  est 
marquée  par  ce  livre  intéressant  destiné  à  occuper  une  place  spéciale  dans 
notre  bibliothèque  d'études. 

M.  Maître  soumet  à  l'assemblée  le  plan  de  ses  découvertes  de  Petit-Mars  et 
termine  la  lecture  de  son  rapport. 

1885.  -  2e  Sem.  2 


—  xviii  — 

Dans  les  nombreux  sondages  qu'il  a  faits  dans  les  marais  voisins  de 
la  plaine  de  Mazcrolles,  il  a  toujours  rencontré  le  terrain  solide  entre  3  et  4 
mètres,  ce  qui  démontre  l'erreur  des  paysans  qui  prétendaient  que  l'on 
n'avait  jamais  pu  trouver  le  fond  en  certains  endroits.  Les  pentes,  n'ayant 
pas  toujours  leur  direction  vers  la  rivière,  empêchent  l'écoulement  des  eaux  et 
forment  ainsi  de  nombreux  réservoirs  nommés  mortiers.  M.  Maître  dépose  sur 
la  table  les  plans  du  temple  et  du  théâtre  de  Mauves,  ainsi  que  celui  des 
substructions  découvertes  aux  Arènes  Saint-Géréon. 

Il  lit  ensuite  son  mémoire,  qui  intéresse  vivement  l'assemblée  ;  M.  le  Pré- 
sident félicite  M.  Maître  de  ses  curieuses  découvertes,  qui  provoqueront  as- 
surément de  très  intéressantes  discussions  au  moment  du  Congrès. 

M.  Lemeignen  demande  alors  la  parole  pour  savoir  ce  qui  a  été  décidé  re- 
lativement à  l'organisation  de  l'exposition  archéologique  à  l'occasion  du 
Congrès;  —  il  ajoute  que  la  commission  nommée  à  cet  effet  est  sans  Président. 

M.  le  Président,  après  avoir  consulté  l'assemblée,  qui  approuve  pleinement 
cette  Exposition,  prie  M.  le  Secrétaire  d'écrire  à  tous  les  membres  de  cette 
commission,  pour  les  prier  de  se  réunir  le  plus  tôt  possible,  afin  de  se  cons- 
tituer et  d'élire  un  Président. 

L'ordre  du  jour  étant  épuisé,  la  séance  est  levée  à  9  h.  1/2. 

Pour  le  Secrétaire  général, 
Charles  Bastard. 


SAINTE-MARIE  DE  PORNIG 


Souvenirs,  monuments  et   impressions. 


Quel  doux  nom!  qu'il  est  harmonieux  à  prononcer!  et 
comme  il  convient  bien  à  ce  coin  de  terre  tranquille  et  calme, 
éloigné  des  grandes  routes  ! 

C'est  bien  là  une  retraite  préparée  pour  les  âmes  contem- 
platives, amoureuses  de  la  grande  nature  et  des  vastes 
horizons,  et  je  ne  suis  pas  surpris  qu'elle  soit  placée  sous 
un  pieux  patronage.  Les  hommes  de  la  prière  sont  passés 
par  ici  :  ils  ont  ouvert  la  voie  à  ceux  qui  cherchent  le  repos 
dans  les  émotions  religieuses. 

Que  vous  arriviez  par  le  nord  ou  par  le  midi,  le  bourg  de 
Sainte-Marie  ne  s'annoncera  pas  autrement  ;  il  vous  appa- 
raîtra comme  une  oasis  fraîche  et  gracieuse  qui  n'est  point 
faite  pour  les  mondains. 

Les  paysages  ne  parlent  pas  tous  de  la  même  manière  à 
notre  imagination.  Qui  n'a  éprouvé,  en  voyageant,  cette 
diversité  d'impressions  que  cause  la  variété  des  aspects  qui 
se  présentent  à  nos  yeux?  Une  plaine  immense,  semée  de 
rangées  de  peupliers,  vous  porte  à  la  mélancolie  ;  —  une 
vallée,  arrosée  par  un  cours  d'eau,  éveille  la  gaieté;  —  un 
ravin  étroit,  hérissé  de  rochers,  rend  sombre  ;  —  la  vue  de 
la  mer  rend  l'homme  grave,  parce  qu'elle  élève  ses  pensées  à 
la  hauteur  de  l'infini. 

A  Sainte-Marie,  le  spectacle  grandiose  et  écrasant  de  la 

1885.-2eSEM.  1 


—  2  — 

mer  est  tempéré,  pour  notre  petitesse,  par  une  heureuse  dis- 
position de  la  côte,  qui  nous  voile  une  partie  de  l'immensité 
et  nous  montre,  à  côté  des  abruptes  falaises,  battues  par  les 
Ilots,  la  verdure  des  plus  riches  vallées,  la  fertilité  des  meil- 
leures campagnes  et  les  riantes  couleurs  des  parterres  les 
mieux  cultivés.  Tout  le  charme  de  Sainte-Marie  est  dans 
l'effet  des  contrastes. 

Vous  n'êtes  pas  ici  en  face  de  l'Océan,  comme  à  Préfailles 
et  à  Piriac,  exposé  aux  violences  du  vent  d'ouest  ;  vous  êtes 
sur  un  versant  doucement  incliné  vers  le  midi,  parfaitement 
abrité  contre  la  bise  glaciale  du  nord.  Ici,  point  de  monotonie, 
comme  sur  les  plages  de  la  Normandie  et  de  la  Vendée. 
Quand  l'œil  est  fatigué  de  suivre  le  mouvement  des  vagues, 
il  peut  se  reposer,  en  se  promenant  sur  les  rivages  du  vaste 
bassin  qu'on  nomme  la  baie  de  Bourgneuf,  et  compter  les 
clochers  de  la  Bernerie,  des  Moûtiers,  de  Bourgneuf,  de 
Bouin  et  de  Noirmoutier,  splendide  panorama  que  la  brume 
enveloppe  et  découvre  tour  à  tour,  suivant  les  caprices  du 
vent. 

En  présence  de  tant  d'avantages  réunis,  faut-il  s'étonner 
que  nous  trouvions,  tout  autour  de  cette  baie,  des  traces 
d'habitation  humaine  remontant  à  une  antiquité  reculée? 
A  tous  les  âges  de  la  civilisation,  l'homme  est  le  même  ;  il 
s'attache  aux  régions  qui  le  nourrissent  et  le  font  rêver. 

Bien  des  milliers  de  générations  se  sont  succédé  sur  cette 
côte  depuis  que  l'homme  est  venu  y  poser  le  pied  ;  cependant, 
nous  pouvons  parler  de  ces  premiers  arrivants,  comme  nous 
parlerions  des  Pharaons  de  l'Egypte.  Quoique  d'une  barba- 
rie grossière,  nos  ancêtres,  les  Celtes,  avaient  les  mêmes 
instincts  que  les  Egyptiens;  ils  déployaient  tout  ce  qu'ils 
avaient  de  puissance  et  de  génie  autour  des  tombeaux.  Mon- 
tez avec  nous  sur  le  sommet  culminant  où  tourne  le  moulin 
de  la  Motte,  et  vous  verrez  ce  qu'ils  savaient  faire. 

L'emplacement  devrait  s'appeler  la  Butte  des  Trois  Dol- 
mens,  car  ce  sont  bien,  en  réalité,  trois  monuments  celtiques 


—  3  — 

qui  le  rendent  mémorable.  Le  premier,  celui  de  l'ouest,  est 
découvert  depuis  quarante  ans  ;  le  dernier,  celui  de  l'est, 
n'est  connu  que  depuis  une  dizaine  d'années  (4).  Espérons 
que  bientôt  les  substructions  du  moulin  elles-mêmes  nous 
diront  leurs  secrets. 

Ces  énormes  tables  de  pierre,  disposées  en  allées  et  en 
chambres,  équilibrées,  soutenues,  superposées,  ont  leur  lan- 
gage comme  les  livres.  Elles  rapportent  que  l'homme,  même 
à  l'âge  le  plus  rudimentaire  de  son  existence,  avait  une 
grande  intelligence,  puisque,  sans  connaître  le  fer  et  les  lois 
de  la  mécanique,  il  a  su  remuer,  transporter  et  mettre  en 
place  des  blocs  d'une  pesanteur  considérable.  Elles  nous 
apprennent  qu'il  reconnaissait  le  prestige  de  l'autorité  et  qu'il 
honorait  ses  chefs  même  après  leur  mort.  Il  n'y  a  pas  à  en 
douter,  les  dolmens  sont  des  nécropoles,  et  des  nécropoles 
privilégiées. 

L'une  des  loges  funéraires  de  celui  de  l'est,  encore  recou- 
verte de  son  enveloppe  de  terre,  c'est-à-dire  non  violée,  a  été 
ouverte  par  M.  le  baron  de  Wismes,  et  tous  les  témoins  ont 
vu  distinctement  les  restes  de  plusieurs  squelettes  que  les 
médecins  ont  attribués  à  un  homme,  à  une  femme,  et  à  un 
enfant  (2).  Les  ossements  sont  aujourd'hui  au  musée  archéo- 
logique de  Nantes,  avec  divers  autres  objets  provenant  de  la 
même  fouille. 

Devant  cette  constatation,  nous  sommes  forcés  d'admettre 


(»)  Le  premier  fut  fouillé  par  M.  Verger.  Voir  ses  manuscrits  à  la  biblio- 
thèque de  Nantes.  L'arrondissement  de  Paimbœuf  est  riche  en  monuments 
mégalithiques.  Ils  sont  tous  décrits  aujourd'hui,  dans  le  Dictionnaire  archéo- 
logique de  la  Loire-Inférieure  publié  par  M.  Pitre  de  Lisle,  conservateur  du 
Musée  départemental  d'ethnographie  et  d'archéologie. 

(a)  Voir  la  relation  des  fouilles  au  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de 
Nantes,  de  1876,  par  M.  le  baron  de  Wismes  qui  fréquente  cette  côte  de 
Pornic  depuis  vingt  ans,  et  qui  aurait  pu  en  retracer  l'histoire  mieux  que 
personne. 


_  4  — 

que  le  dogme  de  la  famille  n'était  pas  non  plus  inconnu  des 
Celtes  :  c'est  une  conséquence  qui  semble  résulter  également 
de  l'isolement  de  chaque  monument.  Ils  n'auraient  pas  pris 
soin  de  constituer  des  groupes  de  tombeaux,  si  leur  civilisa- 
tion n'avait  pas  admis  des  distinctions,  une  hiérarchie  et  la 
filiation  des  races.  Autour  des  squelettes,  point  de  fer  :  on  a 
recueilli  seulement  quelques  pots  d'une  terre  cuite  à  l'air 
libre  et  des  couteaux  de  silex  éclaté,  une  pierre  polie  et  per- 
cée, semblable  à  une  amulette,  et  des  grains  de  collier. 

L'art,  cette  inspiration  divine  que  l'homme  porte  partout 
avec  lui,  apparaît  déjà  au  milieu  de  ce  chétif  mobilier.  La 
terre  n'est  pas  seulement  pétrie  en  vue  d'un  usage  positif, 
elle  a  aussi  ses  ornements  pour  réjouir  l'œil  :  la  main  qui  a 
façonné  l'un  des  pots  a  modelé  autour  de  l'orifice  une 
rangée  de  perles.  Tels  sont  les  renseignements  que  recèlent 
nos  mégalithes. 

Maintenant,  pourquoi  les  dolmens  sont-ils  si  nombreux 
sur  les  côtes  de  la  mer,  et  si  rares  dans  l'intérieur  des  terres  ? 
Pourquoi  sont-ils  érigés  de  préférence  sur  les  sommets, 
plutôt  que  dans  les  vallons  retirés  ?  Ce  sont  des  faits  qu'on 
constate,  des  problèmes  qu'on  se  pose  et  auxquels  la  science 
n'a  pas  encore  trouvé  de  réponse.  Les  Celtes,  assurément, 
n'en  faisaient  pas  des  monuments  d'orgueil  et  de  défi,  puis- 
qu'ils prenaient  soin  de  les  dissimuler  aux  regards,  sous  un 
amoncellement  de  pierres  et  de  terre  en  forme  de  tumulus. 

Entre  l'âge  de  la  pierre  et  l'époque  historique,  que  s'est-il 
passé  sur  la  côte  de  Pornïc  ?  Que  sont  devenus  les  fils  des 
constructeurs  de  dolmens?  Nous  l'ignorons.  Il  est  possible 
que,  poussé  par  ces  besoin  irrésistible  de  progrès  qui  tour- 
mente notre  race,  ils  aient  remonté  les  vallées  pour  recher- 
cher des  instruments  de  travail  et  des  armes  de  combat.  Le 
bronze  et  le  fer  dont  ils  se  sont  servis  ne  nous  sont  pas  par- 
venus. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  bien  certain  qu'au  moment  de  la 
conquête  romaine  le  pays  était  habité  et  qu'une  aggloméra- 


—  5  — 

tion  régulière  s'était  formée  au  bourg  de  Sainte-Marie.  Le 
nom  de  Sion  (Sedunum),  que  portent  encore  quelques  mai- 
sons situées  à  l'est  du  presbytère,  servait  peut-être  à  la  dési- 
gner. On  y  arrivait  de  Pornic  par  le  chemin  haut  qui  passe 
au  moulin  de  la  Motte  et  vient  aboutir  à  la  mairie.  La  route 
pittoresque  qui  suit  les  contours  de  la  falaise  est  toute 
moderne,  elle  n'a  pas  plus  de  cinquante  ans.  Quand  elle  fut 
ouverte,  les  ouvriers  mirent  à  nu  le  cimetière  des  païens, 
c'est-à-dire  le  champ  où  ils  déposaient  les  urnes  funéraires 
contenant  les  restes  des  corps  qu'ils  avaient  brûlés  (4). 

Le  Christianisme  est  venu  bientôt  abolir  cette  coutume 
peu  respectueuse  de  la  crémation  ;  il  a  heureusement  rétabli 
le  mode  primitif  d'inhumation,  en  rappelant  à  l'homme  la 
sublimité  de  son  origine  et  de  son  destin.  C'est  pourquoi, 
près  des  urnes  romaines,  on  découvrit  ces  grandes  auges  en 
pierre  coquillière  où  les  premiers  chrétiens  couchaient  leurs 
défunts. 

Ainsi,  après  plusieurs  siècles  de  perfectionnements,  de 
pratiques  diverses,  nos  ancêtres  avaient  été  obligés  de  recon- 
naître leur  aveuglement  et  de  revenir  aux  usages  adoptés 
par  les  générations  naïves  des  premiers  temps  du  monde. 
Quelle  leçon  pour  notre  orgueil  i  N'est-ce  pas  là  le  cas  de 
redire  que  nous  tournons  dans  le  même  cercle  et  de  philo- 
sopher avec  ceux  qui  gémissent  sur  la  perversité  croissante 
de  notre  race?  Qu'ils  se  consolent  ;  quels  que  soient  nos  écarts, 
la  force  de  la  vérité  nous  ramène  toujours  près  du  soleil 
lumineux  autour  duquel  nous  devons  graviter. 

La  doctrine  du  Christ  fut  prêchée  de  bonne  heure  autour 
de  la  baie  de  Bourgneuf,  si  nous  en  jugeons  par  l'antiquité 
des  patrons  invoqués  dans  chaque   église  de  la  contrée  : 


(*)  Dans  le  pré  de  la  Fuie  on  trouve  aussi  des  tombeaux  sur  lesquels  je 
n'ai  pas  de  renseignements. 


—  6  — 

Saint-Pierre  est  aux  Moûtiers  ;  Saint-Jean  et  Saint-Jacques, 
à  Prigny  ;  Saint-Etienne,  au  Clion.  Comment  le  culte  de 
Notre-Dame  a-t-il  été  importé  sur  la  côte  ?  C'est  un  mystère 
qui  ne  peut  être  sondé  à  la  distance  où  nous  sommes  des 
événements.  Les  missionnaires  qui  sont  venus  évangéliser 
le  pays  étaient  plus  soucieux  de  conquérir  les  âmes  que  de 
transmettre  leur  nom  à  la  postérité  en  le  gravant  sur  la 
pierre.  Tout  ce  qu'on  peut  affirmer,  c'est  qu'au  XIe  siècle  il 
existait,  à  l'endroit  du  bourg  de  Sainte-Marie,  une  église 
dédiée  à  la  Mère  de  Dieu,  qui,  comme  tous  les  sanctuaires 
d'alors,  était  tombée  avec  ses  revenus  entre  les  mains  avides 
des  laïques  les  plus  puissants  du  pays. 

Le  désordre  s'était  glissé  partout  sous  le  règne  des  derniers 
Carolingiens,  les  usurpateurs  des  biens  ecclésiastiques  avaient 
livré  les  choses  saintes  à  des  ministres  indignes,  le  scandale 
et  la  simonie  avaient  profané  les  institutions  les  plus  res- 
pectables. Effrayés  par  les  anathèmes  des  évêques  de  Nantes 
Airard,  Quiriac  et  Benoît,  les  intrus  firent  leur  soumission. 
Le  XIe  siècle  fut  une  époque  de  réparation  et  de  rénovation 
religieuse.  C'est  aussi  le  moment  où  l'église  de  Sainte-Marie 
vit  réapparaître  autour  d'elle  la  vie  régulière,  par  l'arrivée 
des  fils  de  saint  Benoît. 

Glevian,  prince  de  Bougon,  et  Drolavius,  seigneur  d'Her- 
bauges,  appelèrent  sur  la  côte  les  moines  de  la  célèbre  abbaye 
de  Saint-Sauveur  de  Redon  et  leur  offrirent  la  moitié  des 
dîmes  de  la  paroisse  avec  plusieurs  autres  domaines.  Ceci  se 
passait  vers  1050  (').  Soixante  ans  plus  tard,  les  sires  de  Raiz 
établirent  les  religieux  de  l'abbaye  de  Saint-Serge  d'Angers, 
déjà  répandus  sur  leurs  domaines,  au  lieu  où  s'éleva  le 
prieuré  de  Saint-André  de  Pornic.  Avant  de  construire  la 
nouvelle  chapelle,  un  concordat  fut  conclu,  en  4114,  pour 
régler  les  conditions  de  la  fondation. 


(4)  Cartulaire  de  Redon,  pp.  278-279. 


—  7  — 

Cet  acte  est  instructif  à  plus  d'un  titre.  Nous  y  apprenons 
que  les  moines  de  Redon  n'étaient  plus  h  Sainte-Marie,  qu'ils 
y  avaient  été  remplacés  par  des  prêtres  séculiers,  jaloux  de 
leurs  droits,  et  auxquels  l'évêque  donna  satisfaction  en  inter- 
disant aux  religieux  d'administrer  les  sacrements,  de  réclamer 
une  part  des  honoraires  des  funérailles,  de  faire  des  proces- 
sions extérieures  sans  permission  et  de  célébrer  leur  messe 
conventuelle,  les  dimanches  et  fêtes,  avant  que  l'office  pa- 
roissial fût  achevé  dans  l'église  mère  de  laquelle  dépendait 
T  église  du  château  de  Pornic  (*). 

Il  en  résulte  que  la  circonscription  paroissiale  de  Sainte- 
Marie  était  créée  au  XIIe  siècle  et  que  Pornic  n'était  alors 
qu'une  humble  fillette  soumise  à  sa  voisine.  J'en  suis  fâché 
pour  la  gloire  de  Pornic,  qui  est  une  jolie  petite  ville  très 
aimée  de  tous  les  touristes  ;  il  me  plairait  de  lui  attribuer 
toutes  les  prééminences,  même  celle  de  la  priorité,  mais  la 
vérité  a  des  exigences  devant  lesquelles  il  faut  s'incliner. 

D'ailleurs,  le  témoignage  que  nous  invoquons  était  superflu  ; 
l'antériorité  de  la  paroisse  de  Sainte-Marie  ressortait  d'elle- 
même,  quand  on  considérait  son  étendue  telle  qu'elle  était 
avant  1790,  puisqu'elle  enserrait  de  toutes  parts  la  ville  murée 
de  Pornic.  Il  ne  faut  pas  que  Pornic  en  soit  trop  humiliée, 
c'est  un  sort  qu'elle  partage  avec  bien  d'autres  villes,  dont 
la  prospérité  s'est  développée  autour  d'un  château,  sous  la 
tutelle  d'un  modeste  recteur  de  campagne. 

Châteaubriant  dépendait  de  la  paroisse  de  Beré  ;  le  Croisic 
releva  du  bourg  de  Batz  jusque  sous  Louis  XY;  Paimbœuf 
est  né  sur  le  territoire  de  Sainte-Opportune  en  Raiz  ;  Pont- 
château  a  été  devancé  par  le  village  de  Querens.  Pourquoi 
la  ville  de  Pornic  n'avouerait-elle  pas  qu'elle  a  eu  ses  com- 
mencements sous  le  rectorat  de  Sainte-Marie? 


(*)  Donec  in  ecclesia  sacerdotum,  ad  quant  parochia  castri  pcrtinet,  missa 
finiatur.  —  D.  Morice.  Hist.  de  Bretagne,  pr.  t.  I,  col.  527. 


—  8  — 

Elle  a  eu  des  compensations  dans  ses  prérogatives  féodales, 
elle  a  été  élevée  à  la  dignité  de  chatellenie,  elle  a  eu  son 
sièg'e  de  justice,  elle  a  possédé  deux  prieurés  dans  sa  petite 
enceinte  :  celui  de  Saint-André,  que  nous  venons  de  citer  ; 
celui  de  Saint-Gilles,  desservi  par  les  chapelains  des  Tem- 
pliers. Au  reste,  sa  dépendance  spirituelle  ne  fut  pas  de 
longue  durée  :  au  milieu  du  XVIe  siècle  certainement,  et 
peut-être  avant,  l'administration  paroissiale  était  fondée  à 
Pornic.  J'espère  qu'après  ces  explications,  les  habitants  de 
Pornic  ne  m'en  voudront  pas  trop  d'avoir  fouillé  dans  leur 
généalogie  religieuse. 

Les  prêtres  que  nous  venons  de  mettre  en  face  des  religieux 
de  Saint-André  ne  devaient  pas  être  les  desservants  définitifs 
du  pays,  ils  cédèrent  bientôt  la  place  à  d'autres  prêtres  sou- 
mis à  une  règle  et  qui  se  présentèrent  en  collégiale  comme 
chanoines  de  Saint-Augustin.  On  ignore  absolument  en 
quelle  année  eut  lieu  ce  changement  de  personnel.  Il  règne 
sur  ce  fait  une  telle  incertitude,  que  les  auteurs  ont  pu 
avancer  les  suppositions  les  plus  diverses  sans  être  con- 
tredits. 

Les  uns  ont  confondu  Saint-André  et  Sainte-Marie  et  ont 
attribué  la  même  origine  aux  deux  établissements,  comme 
si  les  moines  de  Saint-Serge  avaient  été  invités  à  se  déplacer, 
assertion  qui  est  absolument  controuvée.  Les  autres  ont 
pensé  que  la  collégiale  de  Doulon,  après  sa  dissolution  pour 
cause  d'indiscipline,  s'était  reformée  à  Sainte-Marie.  D'autres 
ont  parlé  d'échange  de  la  part  de  l'abbaye  de  Redon.  Cette 
dernière  conjecture  n'est  pas  invraisemblable,  car  les  reli- 
gieux de  Redon,  chargés  d'un  très  grand  nombre  de  fonda- 
tions sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  ne  pouvaient  pas  accepter 
toutes  les  avances  de  leurs  bienfaiteurs.  Beaucoup  d'actes 
de  fondation  et  de  donation  ont  été  modifiés  par  des  accords 
ultérieurs. 

Dans  le  cas  qui  nous  occupe,  il  a  pu  y  avoir  échange  avec 
l'abbaye  de   Geneston,   située  au  sud  du  diocèse,  près  de 


—  9  — 

Montbert,   qui  était  aussi   une    communauté  de  chanoines 
réguliers  de  Saint-Augustin. 

Les  étrennes  nantaises  de  1748  assignent  à  la  fondation 
de  l'abbaye  de  Sainte-Marie  de  Pornic  la  date  de  1117.  Si  la 
donnée  était  exacte,  la  Bretagne  aurait  devancé  Paris  de  deux 
années  dans  l'adoption  de  la  règle  de  Saint- Augustin,  puisque 
la  communauté  de  Saint-Victor  n'est  pas  antérieure  à  1119. 

Garsire  ou  Gestin,  seigneurs  de  Machecoul  et  de  Pornic, 
seraient  les  promoteurs  de  la  nouvelle  institution  sur  notre 
côte  et  auraient  installé  les  chanoines  près  de  l'église  dédiée 
à  Notre-Dame.  Il  est  surprenant  que  sur  un  fait  aussi  impor- 
tant les  archives  civiles  ou  religieuses  ne  nous  aient  pas 
conservé  une  affirmation  positive. 

Pour  la  plupart  des  communautés,  nous  avons  des  rensei- 
gnements certains  sur  leurs  commencements  ;  ils  ont  été 
transcrits  plusieurs  fois ,  et  nous  les  retrouvons  dans  un 
endroit  ou  dans  un  autre.  Coïncidence  surprenante  ;  la  même 
obscurité  enveloppe  les  débuts  de  la  communauté  de  Genes- 
ton.  Nous  verrons  plus  tard  que,  sans  le  vandalisme  des 
gens  de  guerre  qui  ont  désolé  le  pays,  nous  aurions  aujour- 
d'hui plus  de  documents  sous  la  main. 

Dans  la  disette  à  laquelle  nous  sommes  réduits,  nous  nous 
contenterons  d'indiquer  le  milieu  du  XIIe  siècle,  comme 
l'époque  probable  de  l'installation  des  Augustins  à  Sainte- 
Marie  ;  on  ne  peut  pas  en  douter,  car  l'abbé  Brice,  dont 
l'existence  est  bien  constatée,  était  en  fonctions  depuis  trente 
ans  en  1206. 

Il  est  bon  de  dire  ici  brièvement  ce  qu'était  l'ordre  des 
Augustins,  car  le  nom  d'abbaye,  donné  à  leur  communauté 
comme  aux  monastères  de  Cîteaux,  pourrait  faire  croire  que 
leur  vie  avait  quelque  ressemblance  avec  celle  des  moines. 

La  règle  leur  permettait  de  gouverner  eux-mêmes  les 
églises  paroissiales,  ce  qui  était  interdit  à  la  plupart  des 
ordres  religieux.  Ils  n'étaient  pas  astreints  au  travail  manuel, 
comme  les  Bénédictins  ;  leur  principale  obligation  était  de 


—  10  — 

chanter  les  diverses  parties  de  l'office  depuis  prime  jusqu'à 
vêpres.  Leur  costume  se  composait  d'une  aube  et  d'une 
chape  noire  fermée.  Il  n'en  était  pas  de  même  chez  les  Cis- 
terciens de  Buzay,  de  Melleray,  de  Blanche-Couronne,  de 
Villeneuve,  chez  les  bénédictins  de  Vertou,  de  la  Chaume  et 
de  Saint-Gildas-des-Bois.  Les  uns  desséchaient  les  marais 
pour  les  transformer  en  prairies,  les  autres  défrichaient  les 
bois  et  les  landes  pour  y  planter  la  vigne.  Tous  se  servaient 
de  vicaires  pour  administrer  les  sacrements  aux  fidèles. 

De  tous  ces  monastères,  dispersés  sur  le  territoire  du  dio- 
cèse de  Nantes,  il  n'en  est  pas  un  dont  la  situation  fut  com- 
parable à  celle  de  la  collégiale  de  Sainte-Marie  de  Pornic  ; 
je  n'excepte  même  pas  les  bénédictins  de  Saint-Martin  de 
Vertou,  bien  qu'ils  fussent  placés  dans  la  riante  vallée  de  la 
Sèvre.  Pour  trouver  un  établissement  digne  d'entrer  en  com- 
paraison, il  fallait  jeter  les  yeux  sur  la  rive  opposée,  dans  le 
diocèse  voisin,  et  considérer  l'abbaye  de  Notre-Dame  de  la 
Blanche,  érigée  dans  l'île  de  Noirmoutier,  près  de  ce  magni- 
fique bois  de  la  Chaise,  qui  excite  l'admiration  de  tant  de 
voyayeurs.  Voilà  le  digne  pendant  du  monastère  de  notre 
côte. 

Qu'elle  devait  être  belle  et  animée,  cette  baie  deBourgneuf, 
quand  elle  avait  sa  couronne  complète  de  flèches  aiguës 
surmontées  de  la  croix,  quand  elle  possédait  deux  ports  de 
plus  à  Prigny  et  à  Bourgneuf,  et  quand  ses  salines  étaient  en 
pleine  activité  ! 

Qu'on  se  la  représente  aux  époques  de  sa  grande  prospé- 
rité, au  XIIIe  ou  au  XIVe  siècle,  qui  sont  aussi  deux  époques 
de  ferveur  religieuse,  alors  que  les  Espagnols,  les  Anglais, 
les  Flamands  et  les  marchands  bretons  et  normands  venaient 
s'approvisionner  de  sel,  alors  que  des  centaines  de  navires 
sillonnaient  ses  eaux  dans  tous  les  sens  ! 

Qu'on  se  représente  tous  ces  prieurés  alignés  sur  ses 
rivages,  le  plus  souvent  groupés  par  deux  ou  trois,  tous  ces 
clochers  qui  retentissaient  au  Clion,  aux  Moustiers,  à  Bour- 


—  11  — 

gneuf,  à  Bouin  et  à  Noirmoutier,  à  l'heure  où  les  sonneries 
appelaient  en  chœur  les  fidèles  à  la  prière,  ce  concert  de 
chants  religieux  qui  s'élevait  à  la  fois  de  tous  ces  sanctuaires 
vers  le  ciel,  et  on  aura  une  idée  du  panorama  émouvant  qui 
se  déroulait  constamment  sous  les  yeux  des  chanoines  de 
Sainte-Marie. 

Les  bâtiments  de  l'abbaye  étaient  situés  dans  l'emplace- 
ment du  presbytère  actuel.  Ils  étaient  rattachés  à  l'église 
conventuelle  par  les  galeries  d'un  cloître  du  XIIIe  siècle,  qui 
passait  pour  l'un  des  plus  beaux  de  la  province.  Dans  le  mur 
du  presbytère,  au  sud,  on  en  voit  un  vestige  qui  accuse  que 
ses  arcades  étaient  en  ogives.  C'est  tout  ce  que  nous  pouvons 
en  dire,  personne  n'ayant  pris  soin  d'en  conserver  la  descrip- 
tion. 

Nous  savons  mieux  ce  qu'était  l'église,  dont  la  destruction 
ne  remonte  qu'à  vingt-cinq  ans.  Cet  édifice  appartenait  au 
style  roman,  mais  sa  construction  n'avait  jamais  été  termi- 
née :  un  lambris  remplaçait  la  voûte.  Le  chœur  avait  trente- 
huit  pieds  de  long,  et  la  nef,  accompagnée  d'un  bas  côté, 
avait  soixante-neuf  pieds.  Les  murs,  sans  aucun  ornement, 
reposaient  sur  cinq  arcades  en  plein  cintre.  Le  clocher,  en 
forme  de  tour  carrée  massive,  était  percé  de  quatre  ouver- 
tures de  même  style  et  surmontait  l'entrée  principale  à  l'ouest. 

La  porte  la  plus  curieuse,  placée  au  midi,  était  ornée  de 
modillons  romans  (qu'on  conserve  pour  les  utiliser  dans  la 
reconstruction  du  presbytère)  et  précédée  d'un  porche  ou 
chapitreau  semblable  à  ceux  qu'on  rencontre  encore  dans 
beaucoup  d'églises  de  Bretagne.  C'est  là  que  se  tenait,  à 
l'issue  de  la  grand'messe,  l'assemblée  des  chefs  de  famille 
et  anciens  marguilliers  formant  le  corps  délibérant  de  la 
paroisse. 

Les  boiseries  du  chœur  n'avaient  aucun  cachet  artistique, 
et  l'autel  était  surmonté  de  l'un  de  ces  affreux  retables 
du  modèle  qu'on  voyait  partout  avant  la  renaissance 
du  gothique,  et  qui  n'étaient  qu'un   assemblage   païen   de 


—  12  — 

colonnes  et  d'entablements  fort  peu  à  sa  place  dans  les  édi- 
fices du  moyen  âge.  Le  goût  moderne  nous  a  heureusement 
débarrassés  du  mobilier  trop  prétentieux  des  contemporains 
de  Louis  XV,  et  nous  ne  voyons  plus  de  statues  grotesques 
exposées  aux  regards. 

Quelque  imparfaite  qu'elle  fût,  l'église  de  Sainte-Marie  tenait 
au  cœur  des  paroissiens  et  leur  était  chère  autant  qu'aurait 
pu  l'être  l'église  la  mieux  décorée.  L'habitude  efface  à  nos 
yeux  bien  des  imperfections.  Pour  ces  populations  simples  et 
croyantes  de  la  côte,  elle  rappelait  la  foi  robuste  et  enthou- 
siaste des  aïeux,  elle  constituait  un  lien  vivant  entre  le 
passé  et  le  présent  et  redonnait  un  corps  à  leurs  souvenirs  de 
famille,  privilèges  que  n'ont  pas  les  édifices  neufs,  malgré 
toutes  leurs  splendeurs. 

Heureuses  les  populations  parmi  lesquelles  l'architecture 
a  été  assez  puissante  pour  créer  des  œuvres  dignes  d'être  res- 
taurées ou  achevées  ! 

Le  diocèse  de  Nantes  ne  jouit  pas  de  cette  faveur  ;  aussi, 
le  nombre  des  églises  anciennes  qui  ont  été  condamnées  à 
disparaître  est  innombrable.  Le  chef-lieu  lui-même  ne  peut 
montrer  que  des  édifices  neufs  ;  sa  cathédrale  elle-même 
devra  son  achèvement  aux  efforts  de  notre  siècle. 

Il  n'est  plus  à  Sainte-Marie  qu'une  construction  qui  parle 
au  voyageur  de  son  passé  :  ce  sont  les  débris  de  la  tour  à 
moitié  écroulée  qui  se  voit  en  face  du  presbytère.  Ces  ruines 
sont  celles  de  la  fuie  dans  laquelle  se  rassemblaient  les 
pigeons  du  monastère.  Elevés  par  leurs  bienfaiteurs  au  rang 
seigneurial,  les  religieux  avaient  pu,  eux  aussi,  ajouter  à  leur 
cloître  cet  appendice  féodal  non  moins  précieux  que  le  mou- 
lin et  le  four  banal.  Les  petites  cases  qui  sont  pratiquées 
dans  les  parois  intérieures  du  colombier,  depuis  le  bas  jus- 
qu'au haut,  servaient  de  nids  aux  couple».  C'est  là  qu'on 
allait  prendre,  au  moyen  d'une  échelle  tournante  fixée  au 
milieu,  les  jeunes  pigeons  bons  à  manger. 

Ce   mode    de    construction    était   également    connu    des 


—  13  — 

Romains,  mais  il  avait  chez  eux  une  destination  bien  diffé- 
rente. Ils  en  faisaient  un  tombeau  de  famille  et  plaçaient  les 
urnes  funéraires  de  leurs  chers  défunts  dans  les  petites  cel- 
lules. Plusieurs  architectes,  notamment  le  célèbre  Garnier, 
ont  été  si  bien  trompés  par  les  apparences  qu'ils  ont  pu,  au 
premier  abord,  prendre  la  fuie  de  Sainte-Marie  de  Pornic 
pour  un  monument  antique  et  croire  à  une  imitation  du 
tombeau  de  Cecilia  Metella.  Notre  fuie  a  moins  de  préten- 
tions. Cherchez  à  sa  base,  dans  les  premières  assises,  vous 
verrez  la  date  de  1556,  année  de  sa  reconstruction  ('). 

Il  est  une  autre  antiquité  qui  mérite  non  moins  l'attention, 
quoique  mutilée  :  c'est  une  pierre  tombale  relevée  jadis  dans 
le  cimetière  et  appuyée  maintenant  contre  le  mur  extérieur 
de  l'église,  en  attendant  qu'une  place  honorable  lui  soit  faite 
à  l'intérieur.  On  ignore  dans  le  pays  le  nom  du  personnage 
dont  l'image  est  sculptée  en  ronde  bosse  sur  la  surface, 
mais  on  sait  qu'il  est  contemporain  des  commencements  de 
l'abbaye.  Les  habitants  disent  en  la  montrant  :  «  C'est  la 
tombe  du  croisé!  » 

Cette  pierre  était  autrefois  dans  la  chapelle  latérale  édifiée 
sous  l'invocation  de  saint  Nicolas  et  de  saint  Jacques,  cha- 
pelle située  à  droite  de  l'église,  qui  avait  été  reconstruite 
en  1640  et  qui  fut  détruite  en  1776,  parce  que  sa  restaura- 
tion eût  été  trop  coûteuse.  Depuis  lors,  elle  est  restée  sans 
abri,  exposée  aux  injures  du  temps,  des  passants  et  des 
ennemis  de  l'histoire.  Les  mutilations  ont  emporté  la  date 
qu'elle  portait,  les  derniers  caractères  gothiques  ne  retracent 
plus  que  le  nom  du  croisé  : 

Cy  gict  monseur  Vuillaume  des  Bretesches,  chevalier,  qui 
décéda  octobr  

Evidemment  c'est  bien  là  la  tombe  d'un  contemporain  des 


(*)  L'écusson  voisin  de  la  date  représente  une  croix  semée  de  cloches. 


—  14  — 

croisades,  et  M.  le  curé  peut  en  placer  les  débris  dans  son 
église,  sans  crainte  de  la  déparer. 

Le  château  des  Bretesches  était  en  Saint-Viaud.  Le  sei- 
gneur Guillaume,  qui  l'avait  quitté  pour  suivre  saint  Louis, 
s'était  trouvé  en  péril  pendant  la  traversée  :  il  avait  invoqué 
saint  Nicolas,  le  patron  des  navigateurs,  et,  à  son  retour, 
il  avait  payé  sa  dette  de  reconnaissance  en  lui  élevant  un 
autel. 

Nous  avons  fait  quelques  recherches  sur  ce  vieux  cheva- 
lier, et  nous  avons  trouvé  qu'il  possédait  de  grands  biens 
dans  le  pays  de  Raiz.  Une  charte  de  1288  atteste  qu'il  donna 
aux  religieux  de  l'abbaye  de  Villeneuve  (Le  Bignon)  un  four 
banal  et  les  droits  seigneuriaux  qui  lui  appartenaient  à  Saint- 
Philbert-de-Grandlieu  (1). 

Guillaume  des  Bretesches  aurait  donc  pu  reposer  sous  les 
voûtes  de  l'église  abbatiale  de  Villeneuve  dont  il  était  le 
bienfaiteur,  près  des  sires  de  Machecoul  ses  suzerains  ;  il  a 
préféré  le  sanctuaire  de  Sainte-Marie,  avec  l'espérance  sans 
doute  d'y  dormir  plus  sûrement  en  paix. 

L'indifférence  humaine  a  bouleversé  tous  ses  calculs.  Ses 
cendres  ont  été  dispersées,  et  la  pierre  qui  les  recouvrait 
sera  bientôt  elle-même  méconnaissable,  si  d'énergiques  pro- 
testations ne  s'élèvent  pas  en  sa  faveur. 

Elle  était  pourtant  belle  la  figure  du  vieux  guerrier,  cou- 
chée dans  ce  cimetière  de  village  depuis  six  siècles.  Les  pas- 
sants s'arrêtaient  volontiers  à  la  contempler.  N'est-ce  pas  le 
cas  de  rappeler  ici  les  vers  mélancoliques  qu'elle  inspirait  à 
M.  Joseph  Rousse,  lorsque  sa  muse,  avide  d'émotions,  allait 
de  clochers  en  clochers  réveiller  les  souvenirs  du  pays  de 
Raiz: 


(*)  Arch.  départ.  H  86. 


—  15  — 

Dans  un  vieux  cimetière,  où  fleurit  la  ciguë, 

Près  du  temple  est  couchée  une  antique  statue. 

C'est  un  guerrier  qui  dort,  les  deux  mains  sur  son  cœur. 

Son  sommeil  est  serein  et  le  naïf  sculpteur 

A  gravé  sur  ses  traits  une  calme  espérance, 

Et  la  foi  simple  et  vive  unie  à  la  vaillance. 

Un  débris  de  son  casque  est  près  du  chevalier, 

Son  glaive  est  à  sa  gauche  avec  son  bouclier, 

Où,  témoin  glorieux,  une  croix  se  dessine 

Et  dit  qu'il  combattit  aux  champs  de  Palestine. 

Sous  le  porche  roman  du  vieux  temple,  le  soir, 

Quand  la  lune  est  au  ciel,  parfois  je  vais  m'asseoir, 

Et  tandis  que  la  mer  gémit,  chante  ou  murmure, 

Voyant  du  chevalier  la  tranquille  figure 

Et  l'admirant  couché  les  deux  mains  sur  son  cœur, 

Je  pense  :  Heureux  celui  qui  meurt  dans  le  Seigneur  ('). 

Quatre  châteaux  s'élevaient  sur  le  territoire  de  Sainte- 
Marie,  c'étaient  :  le  Sableau  (a),  l'Angle,  le  Bois-Macé  et  la 
Tocnais.  Aucun  des  seigneurs  de  ces  manoirs  n'a  laissé  dans 
le  chœur  de  l'église  la  trace  d'une  pierre  tumulaire  notable. 
Tous  se  sont  contentés  d'une  sépulture  commune  sous  les 
dalles  du  sanctuaire. 

A  l'intérieur  de  l'église  plusieurs  objets,  rares  dans  les 
paroisses  rurales,  frappaient  les  regards.  Une  crosse  d'argent 
de  six  pieds  de  long,  placée  au-dessus  du  maître-autel,  rap- 
pelait aux  paroissiens  que  leur  premier  pasteur  était  investi 
d'une  haute  autorité,  qu'il  marchait  de  pair  avec  les  évêques. 
Sa  juridiction  s'étendait,  en  effet,  sur  treize  maisons  religieuses 
vivant  sous  sa  dépendance.  On  les  nommait  :  Saint-Thomas 


(')  Poésies  bretonnes.  Paris,  1882.  1  vol.  in-16,  fo  62,  pièce  intitulée  : 
Le  Tombeau  du  Croisé. 

(2)  Le  château  du  Sableau  était  devant  la  plage  des  Sablons.  En  1775  il 
appartenait  au  prince  de  Condé.  M.  Dubois  a  trouvé  des  substructions  très 
épaisses  sur  son  emplacement. 


—  16  — 

et  Sainte-Anne  de  Pornic,  Notre-Dame  de  la  Plaine,  Saint- 
Nicolas  de  Guermiton,  Sainte-Apolline  de  Cheix,  Saint-Pierre 
du  Clion,  Saint-Vincent  de  Remouillé,  Notre-Dame  d'Aisne 
(en  Montoir),Saint-Gildas  de  Haute-Perche  (Chauve),  Sainte- 
Anne  de  Rohard  (Savenay) ,  Saint-Laurent  de  Bourgneuf, 
Saint-Michel  de  Ghevesché,  Sainte-Madeleine  de  Pilon  (Port- 
Saint-Père),  Saint-Martin  de  Chauve  ('). 

A  la  place  du  tabernacle  se  trouvait  une  statue  de  la 
Vierge,  qui  ne  ressemblait  à  aucune  autre. 

Une  cavité,  creusée  dans  sa  poitrine  et  ouverte  largement 
dans  le  dos  en  forme  de  losange,  permettait  de  déposer  en 
elle  le  ciboire  ou  custode  contenant  le  Saint-Sacrement, 
et,  pour  que  personne  ne  pût  se  méprendre  sur  sa  destina- 
tion, un  œil  rond,  pareil  à  ceux  des  ostensoirs,  existait  sur  la 
face  antérieure  pour  annoncer  aux  fidèles  qu'ils  lui  devaient 
une  révérence  particulière. 

Cette  statue  n'est  point  détruite  :  on  peut  la  voir  en  avant 
de  la  chapelle  latérale  de  gauche,  qui  lui  est  destinée,  sa 
physionomie  seule  a  changé.  Les  anciens  marguilliers 
avaient  cru  l'embellir  en  la  faisant  revêtir  plusieurs  fois  des 
couleurs  les  plus  diverses;  ils  avaient  même  dissimulé,  sous 
une  couche  de  plâtre,  ce  qui  faisait  son  originalité  ;  les  traits 
de  la  figure  avaient  pris  un  air  disgracieux  sous  le  pinceau 
grossier  qui  avait  voulu  les  accentuer;  enfin,  le  démon  qu'elle 
foule  aux  pieds  était  dans  une  posture  peu  décente. 

M.  l'abbé  Gergaud,  curé  actuel  de  la  paroisse,  sagement 
préoccupé  de  mettre  le  mobilier  de  son  église  en  harmonie 
avec  la  gracieuse  décoration  de  l'édifice  dû  à  sa  persévérance, 
ne  pouvait  pourtant  pas  penser  à  la  reléguer  dans  un  coin, 
si  laide  qu'elle  fût;  il  savait  trop  bien  que  sa  conduite  lui  eût 
attiré  le  blâme  de  tous  ses  paroissiens.  Leur  statue  leur  est 


(')  Arch.  départ.  H  77-80. 


—  17  — 

aussi  chère  que  Notre-Dame  de  Fourvières  aux  Lyonnais.  Il 
prit  le  parti  de  la  confier  au  bon  goût  d'un  artiste  nantais 
qui,  en  lui  rendant  l'aspect  des  œuvres  correctes,  a  remis  au 
jour  sa  conformation  primitive. 

Les  archéologues  regretteront  que  les  doigts  de  la  main, 
au  lieu  d'indiquer  simplement  le  tabernacle,  tiennent  main- 
tenant une  branche  de  lys,  addition  qui  n'était  pas  dans 
l'original,  et  que  le  corps  du  démon  soit  tronqué.  Ils  auraient 
raison,  s'il  s'agissait  d'un  objet  de  curiosité  destiné  à  un 
musée,  mais  ici  le  cas  est  différent.  La  statue  est  destinée  à 
occuper  une  place  d'honneur  dans  un  édifice  moderne  et  à 
recevoir  surtout  les  hommages  de  la  piété.  Imprudent  serait 
celui  qui  proposerait  de  la  changer  contre  une  autre,  il 
encourrait  la  réprobation  universelle. 

—  Connaissez-vous  la  Vierge  de  Sainte-Marie  ?  disais-je 
un  jour  à  une  jeune  fille  originaire  de  la  côte  de  Pornic. —  Je 
crois  bien,  me  dit-elle,  elle  a  fait  des  miracles.  —  Lesquels? 
—  Je  n'ai  pu  le  savoir. 

C'est  donc  un  objet  sacré  au  premier  chef;  si  elle  en  était 
séparée,  la  population  se  croirait  exposée  aux  plus  grands 
malheurs.  Quand,  pour  une  raison  quelconque,  pendant  des 
réparations,  la  statue  se  trouvait  descendue  de  son  siège 
habituel,  s'il  arrivait  quelque  accident  dans  la  paroisse,  on 
s'empressait  de  la  remettre  au  plus  vite  où  la  coutume 
ancienne  l'avait  placée.  La  Vierge  a  choisi  elle-même  son 
séjour,  dit-on,  une  main  impie  seule  oserait  l'en  détrôner. 

Dans  l'état  où  elle  est  aujourd'hui,  il  est  bien  difficile  de 
dire  si  elle  appartient  au  XIVe  siècle  plutôt  qu'au  XVe;  elle 
a  perdu  le  cachet  de  son  époque  ;  cependant,  en  considérant 
uniquement  la  destination  spéciale  qui  lui  fut  donnée,  il  est 
possible  d'arriver  à  lui  assigner  un  âge.  On  sait,  d'une  part, 
qu'au  temps  de  la  fondation  de  l'abbaye,  la  custode  se  pla- 
çait dans  un  meuble  du  chœur  et  jamais  sur  l'autel.  L'usage 
des  tabernacles  ne  s'est  introduit  qu'au  XIVe  siècle.  De 
l'autre ,  l'idée  de  rappeler  la  maternité  de  la  Vierge ,  en 
1885.—  2*Sem.  2 


—  18  — 
ouvrant  un  sacraire  dans  le  corps  de  sa  statue,  ne  peut 
appartenir  à  l'art  de  la  Renaissance  ;  c'est  une  invention 
naïve  et  charnelle  qui  ne  pouvait  germer  que  dans  le  cerveau 
tout  à  la  fois  mystique  et  réaliste  des  générations  du  moyen 
âge. 

D'après  ces  inductions,  l'artiste  qui  a  conçu  la  structure 
de  Notre-Dame  de  Pornic  serait  du  XIVe  siècle.  Dans  tous 
les  cas,  il  est  certain  qu'elle  a  servi  de  tabernacle  au  moins 
pendant  trois  siècles,  et  c'est  déjà  une  belle  antiquité  qui 
mérite  considération.  Deux  témoignages  empruntés  aux  titres 
de  la  fabrique  ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard. 

Voici  le  premier  :  c'est  un  concordat  de  1554  dans  lequel 
les  religieux,  fixant  les  charges  qui  leur  incombent,  s'en- 
gagent à  entretenir  une  lampe  ardente  devant  l'image  de 
Notre-Dame  «  auquel  est  le  sacraire.  »  Le  second  est  la 
déposition  insérée  dans  une  enquête  de  1678.  Le  septuagé- 
naire Picaud  vient  déclarer  que,  toutes  les  fois  qu'il  est  allé 
faire  ses  prières  à  l'église  de  Sainte-Marie,  «  il  a  vu  les  vicaires 
de  la  paroisse  prendre  le  saint  sacrement  dans  V image  de  la 
sainte  Vierge  qui  est  au  dos  et  au-dessus  dudit  autel,  pour 
le  porter  et  administrer  aux  paroissiens.  » 

On  ne  peut  pas  demander  d'attestation  plus  positive. 

Au  point  de  vue  de  l'art,  comme  au  point  de  vue  religieux, 
la  statue  de  Sainte-Marie  de  Pornic  est  donc  un  monument 
précieux  et  tout  à  fait  rare,  qui  n'a  peut-être  pas  son  pareil 
en  France  ;  c'est  un  type  qui  ne  paraît  pas  avoir  été  repro- 
duit à  plusieurs  exemplaires.  En  fait  d'analogues,  j'ai  entendu 
citer  une  représentation  de  sainte  Anne  dans  le  corps  de 
laquelle  on  voit  la  sainte  Vierge  portant  elle-même  l'Enfant 
Jésus.  Je  n'ai  pas  retenu  le  nom  de  la  province  à  laquelle 
elle  appartenait,  mais  j'inclinerais  fortement  à  croire  que 
l'invention  est  d'un  méridional  ou  d'un  Espagnol. 

Après  la  description  de  la  statue  de  Notre-Dame  et  de  la 
tombe  du  croisé,  je  suis  forcé  de  m'arrêter  :  ces  deux  objets 
étaient  les  seules  curiosités  à  mentionner  dans  le  mobilier. 


—  19  — 

Ni  la  chaire,  ni  les  stalles  du  chœur  ne  ressemblaient,  même 
de  loin,  à  ces  riches  sculptures  de  chêne  qu'on  admire  géné- 
ralement dans  les  vieilles  abbayes.  Il  ne  paraît  pas  que  les 
chanoines  de  Pornic  aient  jamais  reçu  une  dotation  assez 
forte  de  domaines  et  de  rentes  pour  pouvoir  décorer  pom- 
peusement leur  chœur.  Après  avoir  dépensé  de  grosses 
sommes  pour  édifier  leur  cloître,  ils  s'étaient  trouvés  sans 
ressources  pour  faire  les  voûtes  de  l'église.  Leur  temporel 
primitif,  à  peine  suffisant  pour  subvenir  à  l'entretien  du 
personnel  des  pères  et  des  novices,  au  lieu  de  s'accroître 
peu  à  peu  par  une  affluence  de  dons  et  une  bonne  adminis- 
tration, fut  au  contraire  amoindri  de  bonne  heure  par  la 
mauvaise  volonté  des  descendants  de  leurs  bienfaiteurs. 

A  la  faveur  des  troubles  occasionnés  par  la  guerre  de 
Cent  Ans,  les  débiteurs  de  l'abbaye  s'emparèrent  des  domaines 
dont  ils  n'étaient  que  les  tenanciers  (').  On  le  sait,  parce  que 
Charles  Davaugon,  dixième  abbé  connu,  fut  chargé  de  pro- 
céder contre  les  usurpateurs  en  1464.  Au  siècle  suivant,  la 
situation  n'était  pas  meilleure.  Lorsque  l'abbé  Jean  Heaulme 
vint,  en  1554,  faire  sa  déclaration  pour  l'assiette  des  décimes, 
il  annonça  que  le  patrimoine  de  l'abbaye  ne  fut  jamais 
affermé  plus  de  400  livres  tournois,  que  depuis  trente  ans 
aucune  enchère  supérieure  ne  s'est  rencontrée.  Il  ajouta  que 
désormais  le  revenu  serait  moindre  encore,  attendu  que  la 
mer  avait  submergé  deux  cent  quarante  aires  de  marais 
salants  et  plus  de  cinq  journaux  de  pré.  Les  rentiers  débi- 
teurs de  l'abbaye,  dit-il,  montrent  peu  d'empressement  à 
s'acquitter  et  les  chanoines  n'ont  pas  de  procureur  fiscal  qui 
puisse  les  poursuivre.  L'entretien  d'un  siège  de  justice,  avec 
sénéchal  et  assesseurs,  les  aurait  ruinés. 

Pour  comble  de  malheur,  les  titres  justificatifs  des  aumônes 


(')  Arch.  départ.  H  77-80. 


—  20  — 

avaient  été  perdus  ou  détruits  pendant  les  dernières  guerres  ; 
les  ennemis  de  la  France  relevaient  toujours  la  tête  et,  quand 
ils  recommençaient  leurs  entreprises,  l'abbaye,  par  suite  de 
la  proximité  de  la  côte,  était  exposée  à  leurs  insultes  ou  à 
leurs  déprédations.  En  1554,  Sainte-Marie  était  une  véritable 
place  de  guerre.  Non  seulement  les  chanoines  entretenaient 
un  arsenal  composé  de  quatre  arquebuses  à  crocs  et  d'arque- 
buses à  points,  d'arbalètes  et  de  bâtons,  avec  leurs  munitions, 
mais  encore  ils  donnaient  asile  à  tous  les  gentilshommes 
envoyés  par  le  gouverneur  de  Bretagne  pour  surveiller  la 
côte,  organiser  la  défense  et  passer  les  revues.  A  chaque 
alarme,  leurs  dortoirs  se  remplissaient  de  gens  de  guerre, 
improvisés  ou  enrégimentés,  qui  venaient  de  quatre  et  cinq 
lieues,  parfois  au  nombre  de  cent  cinquante,  et  vivaient  sur 
la  mense  des  chanoines.  Il  fallait  bien  les  héberger  pour  être 
sûr  d'avoir  leur  assistance  à  chaque  menace. 

Tel  était  le  sort  de  la  plupart  des  abbayes  de  tout  ordre. 
Pendant  le  moyen  âge  et  jusqu'à  une  époque  très  récente, 
les  voyageurs  et  les  gens  de  guerre  n'ont  pas  connu  d'autres 
hôtelleries  que  celles  que  leur  offraient  les  religieux. 

Au  XVIe  siècle,  le  personnel  se  composait  de  six  prêtres, 
d'un  novice  et  de  deux  jeunes  clercs.  L'abbé  résidait  et  gou- 
vernait lui-même  la  communauté.  Le  Roi  n'y  introduisit  la 
commende,  l'un  des  plus  tristes  abus  du  pouvoir  personnel, 
qu'en  1601,  en  nommant  l'abbé  Gaspart  du  Gay.  Les  mœurs 
admettaient  alors  qu'un  ecclésiastique  pouvait  posséder  plu- 
sieurs bénéfices,  réguliers  ou  séculiers,  en  toucher  les  revenus 
et  se  faire  remplacer,  dans  l'exercice  de  chaque  charge,  par 
un  prieur  ou  un  vice-gérant,  qui  devenait  pour  ainsi  dire  son 
fermier.  Quand  il  habitait  très  loin  de  ses  bénéfices,  il  arri- 
vait que  de  grandes  négligences  se  commettaient.  C'est  ce 
que  nous  avons  la  tristesse  de  constater  ici  :  dès  que  l'abbé 
ne  fut  plus  astreint  à  la  résidence,  l'entretien  des  bâtiments 
fut  abandonné,  la  régularité  des  offices  cessa,  les  chanoines 
se   dispersèrent,  les  toitures  s'effondrèrent,  la  maison   prit 


-  21  — 

l'aspect  d'une  ruine  ouverte  à  tout  venant,  et  les  habitants 
se  désaffectionnèrent  de  leur  collégiale.  Les  vicaires  perpé- 
tuels, chargés  des  fonctions  paroissiales  dans  la  nef  de 
l'église,  devant  un  autel  érigé  sous  l'invocation  de  saint 
Jean,  s'étaient  déjà  fortement  émancipés  au  siècle  précédent 
pendant  les  troubles  de  la  Ligue.  Quand  ils  virent  les  reli- 
gieux hors  du  pays,  ils  s'habituèrent  bien  vite  à  se  considérer 
comme  les  maîtres  de  la  paroisse  et  les  héritiers  légitimes 
de  ceux  qui  abdiquaient.  Ils  rompirent  donc  toutes  les  bar- 
rières et  s'installèrent  dans  ce  chœur  où  les  chanoines  avaient 
chanté  l'office  pendant  trois  siècles. 

L'abbaye  fut  mise  littéralement  au  pillage  :  on  emporta 
les  fenêtres,  les  portes,  les  gonds  et  toutes  les  ferrures,  les 
ardoises  et  les  plus  belles  pierres  pour  construire  d'autres 
logements.  Ou  fondit  les  deux  cloches,  et  le  bois,  qui  servit 
dans  cette  circonstance,  fut  pris  dans  les  charpentes.  Le 
carrelage  du  four,  l'échelle  du  colombier,  tout  fut  emporté. 

Le  chanoine  Pierre  Busnel  ne  soupçonnait  pas  cette 
situation  quand  il  vint  de  Geneston  à  Pornic,  avec  le  titre  de 
prieur  claustral,  pour  y  rétablir  la  conventualité  (1674).  Il 
avait  poursuivi  la  collation  de  ce  bénéfice  jusqu'en  Cour  de 
Rome,  et  il  arrivait  avec  la  ferme  résolution  d'en  prendre 
possession.  Grande  fut  sa  déception  en  présence  des  ruines 
amoncelées.  Il  crut  qu'avec  le  secours  du  Présidial  de  Nantes 
et  du  Parlement  de  Rennes  il  parviendrait,  à  coups  d'assi- 
gnations, d'enquêtes  et  d'arrêts,  à  rétablir  ce  que  le  temps 
avait  renversé  ;  il  ne  réussit  qu'à  irriter  tout  le  monde  contre 
lui  et  fut  forcé  d'abandonner  son  poste  malgré  le  concordat 
conclu  avec  son  abbé  Balthazar  de  Rousselet,  de  Château- 
Renaud.  Les  prêtres  séculiers,  qu'il  avait  installés  pour  chan- 
ter l'office,  ne  tinrent  pas  longtemps  la  place  après  son 
départ  et  le  chœur  redevint  silencieux.  Quand  le  XVIIIe  siècle 
s'ouvrit,  le  personnel  desservant  se  trouvait  réduit  au  seul 
vicaire  perpétuel. 

Pendant  toute  la  durée  du  XVIIIe  siècle,  la  paroisse  eut  à 


—  22  — 

souffrir  de  l'extinction  de  la  collégiale  et  de  l'indifférence  des 
abbés  commendataires  qui,  presque  tous,  résidaient  trop  loin 
pour  entendre  les  plaintes  que  soulevait  le  changement  des 
mœurs  ecclésiastiques.  Jean-Baptiste  Lanux  était  chanoine 
de  Tulle,  l'abbé  de  Querversio  était  chanoine  officiai  de 
Nantes,  l'abbé  du  Pargo,  le  dernier,  était  vicaire  général  du 
diocèse  de  Rennes.  Des  7.000  livres  de  revenu  que  valait 
l'abbaye,  les  paroissiens  ne  retiraient  aucun  profit,  si  ce 
n'est  quelques  aumônes,  80  livres  environ,  pour  les  pauvres. 

La  portion  congrue  de  300  livres,  que  beaucoup  d'abbayes 
payaient  au  vicaire  perpétuel,  n'était  même  pas  à  la  charge 
de  l'abbé  de  Sainte-Marie.  Grâce  aux  générosités  des  parois- 
siens, celui  de  Sainte-Marie,  qui  prit  le  nom  de  recteur  après 
le  départ  des  chanoines,  vivait  au  bord  de  la  mer,  dans  un 
presbytère  entouré  d'un  vaste  pourpris,  sur  la  récolte  de 
quatorze  boisselées  de  terre,  avec  l'appoint  de  divers  traits  de 
dîmes  qu'il  prélevait  sur  trente-sept  boisselées  disséminées 
dans  plusieurs  quartiers  et  de  quelques  offrandes  en  nature. 
La  fabrique  elle-même  avait  un  temporel  qui  se  composait 
de  neuf  boisselées  trente-huit  sillons,  de  29  livres  en  rentes 
foncières,  de  rentes  en  nature  s'élevant  à  un  quarteau  deux 
boisseaux  de  froment  et  un  demi-boisseau  de  seigle,  sans 
compter  la  moitié  des  offrandes  qui  se  déposaient  sur  l'autel 
de  Saint-Nicolas.  En  1790 ,  le  compte  se  soldait  ainsi  : 
recettes,  287  livres;  dépenses,  168  livres.  Le  nombre  des 
anniversaires  fondés  était  de  trente-sept.  Avec  un  patrimoine 
si  modeste,  il  n'était  pas  possible  d'entretenir  plusieurs 
prêtres. 

Ailleurs,  on  voyait  beaucoup  de  chapellenies  et  de  légats 
bien  rentes  qui  faisaient  vivre  un  certain  nombre  de  prêtres  de 
chœur,  dont  le  concours  était  précieux  pour  le  curé  et  les 
fidèles.  A  Sainte-Marie,  cette  ressource  n'existait  pas.  La 
seule  fondation  était  celle  de  la  messe  du  dimanche  matin, 
établie,  en  1614,  par  l'abbé  Jean  Guichard,  au  moyen  d'une 
rente  de  135  livres,  et  encore  n'était-elle  pas  régulièrement 


—  23  — 

desservie.  En  1783  le  titulaire,  nommé  l'abbé  Conain,  n'avait 
pas  été  remplacé,  bien  qu'il  fût  parti  depuis  longtemps  pour 
les  missions  de  la  Chine. 

Au  milieu  d'une  population  aussi  deshéritée,  la  foi,  loin 
de  se  maintenir,  ne  pouvait  que  décroître  et  s'éteindre.  On 
le  remarquait  en  1759  :  «  //  n'est  pas  étonnant,  dit  un  con- 
temporain, qu'au  milieu  dun  tel  abandon,  il  ne  se  fasse  des 
hérétiques  (*).  » 

Le  recteur,  affligé  de  son  impuissance,  indiquait  un  remède 
dans  ses  brevets  :  il  émettait  le  vœu  de  voir  un  desservant 
auxiliaire  à  la  chapelle  de  la  Madeleine  située  au  nord,  au 
milieu  des  landes  du  Tablier,  dans  le  canton  le  plus  retiré 
de  la  paroisse  ;  mais  bien  des  obstacles  s'y  opposaient. 

D'abord  l'édifice  était  en  ruines  et  on  ne  lui  connaissait 
pas  de  dotation.  Cette  ancienne  chapelle,  attenante  à  une 
léproserie,  n'était  plus  desservie  depuis  l'époque  éloignée  où 
la  lèpre  avait  disparu  du  pays.  En  1664,  la  pierre  d'autel 
avait  été  enlevée  et  transportée  dans  la  chapelle  du  Bois- 
Macé,  et,  aujourd'hui,  c'est  à  peine  si  on  retrouverait  son 
emplacement.  Dans  un  temps  où  les  chemins  n'étaient  pas 
entretenus,  il  eût  fallu,  au  contraire,  que  la  Madeleine  fût 
transformée  en  chapelle  de  secours  (2). 

«  Car,  disait  le  dernier  curé,  aller  à  la  messe,  à  vêpres  et 
»  au  catéchisme  par  pluie,  verglas,  neige,  glace  et  mauvaises 
»  routes,  à  une  grande  lieue  de  distance,  c'est  une  chose 
»  pitoyable  qui  crie  au  ciel  pour  avoir  du  secours  (3).  La 
»  chapelle  du  Tabier,  rétablie  et  desservie,  donnerait  une 
»  nouvelle  vie  au  canton  des  Landes  qui  est  dans  un  état  de 
»  langueur.  On  verrait  des  maisons  s'élever  et  l'agriculture 


(i)  Arch.  départ.  L  suppl. 

(2)  M.  Dubois,  propriétaire  à  Sainte-Marie,  a  acheté  les  ruines  de  la  cha- 
pelle du  Tabier  pour  les  sauver.  Il  faut  l'en  féliciter. 

(3)  Arch.  départ.  L  suppl. 


—  24  — 

»  prendre  faveur,  car,  faute  de  chapelle  et  de  messe,  rien 
»  n'encourage  à  bâtir  loin  de  l'église.  » 

Le  service  religieux  était  bien  autrement  organisé  au 
moyen  âge. 

Auprès  de  l'anse  qu'on  nomme  le  Porteau,  les  seigneurs 
du  Plessis-Grimaud  avaient  fondé  un  prieuré  qui  était  sous 
le  gouvernement  des  religieux  de  Blanche-Couronne  ('). 
C'était  une  habitude  courante,  au  XIIIe  siècle,  de  placer  une 
chapelle  et  une  maison  hospitalière  sur  tous  les  passages 
fréquentés,  près  des  rivières,  le  long  des  routes,  sur  les  côtes, 
partout  enfin  où  les  voyageurs  pouvaient  aborder  et  réclamer 
un  secours.  Le  malade  y  trouvait  un  lit,  et  le  pèlerin  fatigué 
la  nourriture  dont  il  avait  besoin.  Au  Porteau,  cette  institu- 
tion avait  sa  raison  d'être.  Tous  les  échanges  de  la  paroisse 
de  Sainte-Marie  avec  l'île  de  Noirmoutier  se  faisaient  déjà 
par  là  à  une  époque  reculée  :  les  insulaires  y  apportaient 
leurs  engrais  et  les  habitants  de  la  terre  ferme  leurs  fagots 
et  leurs  vins. 

Il  y  a  bien  longtemps  que  la  vigne  fleurit  sur  les  bords  de 
la  baie  de  Bourgneuf.  Dans  les  dons  faits  à  l'abbaye  de 
Buzay,  au  XIIe  siècle,  on  voit  que  cette  culture  tenait  une 
place  sérieuse  dans  le  pays.  Raoul  de  Cheméré  céda  aux 
Cisterciens,  dit  un  vieux  titre,  ses  droits  de  copropriété  sur 
des  vignes,  des  terres,  des  vassaux  et  sur  un  pressoir,  plus 
ses  tonneaux  et  ses  ustensiles  de  vendange,  et  l'évêque  Mau- 
rice de  Blason  ratifia  la  cession.  Malgré  l'éloignement  de 
leur  monastère,  les  moines  conservèrent  leur  clos  de  Sainte- 
Marie,  en  raison,  sans  doute,  de  l'excellence  de  ses  récoltes 

Dans  un  contrat  de  1405,  leurs  tenanciers  s'engagent  à 
entretenir  à  Sainte-Marie  une  maison  et  une  cuve,  à  loger 
les  vendangeurs  et  à  payer  une  rente  de  3  sous,  à  la  seule 


(i)  Arch.  départ.  H  10. 


—  25  — 

condition  d'avoir  la  râpe  et  le  gros  vin  de  la  récolte.  La 
plantation  de  la  vigne  réussit  toujours  sur  la  côte.  Depuis 
1860,  bien  des  clos  nouveaux  se  sont  créés,  mais  leur  nombre 
n'augmente  plus  depuis  que  les  étrangers  recherchent  ces 
terrains  pour  construire  des  chalets. 

Une  transformation  complète  s'est  opérée  dans  le  pays, 
depuis  1855  surtout.  A  l'exemple  de  M.  Papot  qui  commença 
à  construire  pour  les  baigneurs  ,  les  habitants  ont  utilisé 
leurs  terrains  de  la  même  manière.  Là  où  les  moutons  pais- 
saient une  herbe  maigre,  ils  ont  fait  grandir  des  massifs  de 
verdure  qui  réjouissent  l'œil  du  passant.  Le  bourg,  qui 
comptait  à  peine  douze  maisons  de  laboureurs  et  de  marins, 
il  y  a  cent  ans,  en  renferme  maintenant  plus  de  cinquante,  et 
les  marchands  n'y  manquent  plus.  Il  est  facile  de  s'y  appro- 
visionner sans  aller  jusqu'à  Pornic. 

Ne  sont-ce  pas  là  des  gages  de  prospérité  pour  l'avenir  ? 
Evidemment  oui.  Tous  les  étrangers  qui  sont  venus  passer 
une  saison  à  Sainte-Marie  y  reviendront.  Ceux  qui  ont  vu 
s'élever  successivement  la  nef  et  le  chœur  qui  composent  la 
gracieuse  église,  que  nous  devons  au  talent  de  M.  Boismen, 
l'éminent  architecte  diocésain,  voudront  la  revoir  quand 
elle  aura  tous  ses  ornements  intérieurs,  car  ils  ont  tous  con- 
tribué, par  leur  générosité,  à  la  perfection  du  monument. 
Malgré  l'harmonie  de  ses  belles  lignes,  l'heureuse  proportion 
de  sa  hauteur  avec  sa  largeur,  l'édifice  ne  satisfait  pas  encore 
complètement  l'œil  du  visiteur.  La  nudité  de  ses  murs  appelle 
des  boiseries  ;  quelques  peintures  à  fresque  sont  nécessaires 
pour  donner  du  relief  aux  autels  ;  des  bancs,  une  chaire  et 
des  stalles  sont  indispensables.  Une  église  gothique  ne  peut 
être  complète  sans  tous  ces  accessoires;  elle  ne  peut,  du 
moins,  produire  ses  grands  effets,  qu'à  la  condition  de  possé- 
der tout  ce  qui  rappelle  l'harmonie,  l'ordre  et  la  vie  surna- 
turelle. C'est  une  scène  sur  laquelle  s'accomplit  tous  les 
jours  un  grand  drame.  Il  faut  donc  que  l'ensemble  des 
vitraux  et   du   mobilier,  sans  la  distraire,  réchauffe  l'âme 

1884—  2<>Sem.  3 


—  26  — 

d'une  tiède  atmosphère,  l'éclairé  d'un  jour  tempéré,  en  un 
mot  la  prépare  aux  impressions  qu'elle  vient  recueillir. 


Liste  des  abbés  de  Sainte-Marie. 


1.  André,  vers  1170. 

2.  G. 

3.  Ai  gober  t. 

4.  Geoffroy. 

5.  Guillaume. 

7.  Pierre  Moisan. 

8.  Pierre  Sauvaing. 

9.  Olivier  Sauvaing. 

10.  Charles  Davaugon. 

11.  Olivier  Appert. 

12.  Jacques  Corbeau. 

13.  Jean  Heaulme. 

14.  Jean  Hubert. 

15.  Guillaume  Giroust. 

16.  Gaspard  du  Gay. 

17.  Guillaume  Pineau. 

18.  Robert  de  Conigan. 

19.  Albert  de  Rousselet,  de  Château-Renault. 

20.  Ralthazar        »  » 

21.  Henri  »  » 

22.  Louis  Orceau. 

23.  Christophe  Menier. 

24.  J.-B.  de  Lanux,  chanoine  de  Tulle. 

25.  Berthou  de  Kerversio,  chantre,  officiai  de  Nantes. 

26.  N.  du  Pargo,  vicaire  général  de  Rennes. 


—  27  — 


Seigneurs  de  I»  Tocnaig. 


Boterel  ou  Botereau,  Olivier  (1429). 

Boterel  (Hilaire). 

Bougrenet  (Pierre  de),  ép.  d'Anne  Boterel  (1563). 

»  »  ép.  de  Perrine  Borgnet  (1590). 

»  (René  de),  ép.  de  Jacq.  Le  Borgne  (1668). 

»  (Joseph  de),  ép.  d'Ant.  Raimbaud  (1681). 

»  (Joseph-Pierre),  ép.  de  Gabrielle  de  Ruays  (1714). 

»  (Jacques -Pierre),  1732. 


Seigneurs  du  Bois-Macé. 


Thebaud  de  la  Roullière  (1429). 
Jeanne  »  (1526). 

Groheau  (Marguerite). 
Goheau  (Louis),  1614. 

»       (Yves) ,  ép.  de  Louise  de  Saffré,vend  la  seigneurie  en  1648  à 
Boisorhant  (René  de),  ép.  de  Françoise  Bourgogne. 

»  (René  de),  ép.  d'Anne  Flustre  (1680). 

Chevigné  du  Bois-Chollet  (1775). 


-  28  - 


Seigneurs  de  l'Angle. 


Perdrix  (Guillaume  de  la),  1616. 

»       (Mathurin  de  la),  ép.  de  Gabrielle  Gharbonneau  (1651). 
Rolland  (Georges),  ép.  de  Marie  Drouet  (1700). 


Léo  y   Maître. 


FONDATIONS  PIEUSES  A  NANTES 

1549-1691 

Sainte-Croix.  —  Les  Jacobins.  —  La  chapelle  de  Miséricorde. 

Le    Sanitat. 


TITRES    ÉGARÉS 


HETHOUVLÏS   ET  MIS  AU  JOUR 


PAR  LE     M'S     DE     GRANGES     DE     SURGÈRES 

Vice-Président  de   la  Société  archéologique   de  Nantes  et   de  la  Loire-Inférieure. 


Les  pièces  que  nous  publions  ici  ne  nous  paraissent  pas  récla- 
mer de  longs  préambules.  Personne  n'ignore,  en  effet,  l'intérêt 
qui  s'attache  aux  anciens  titres  de  fondations  dans  les  églises 
paroissiales,  ainsi  que  dans  les  maisons  religieuses  ou  hospita- 
lières d'une  cité.  L'historien  et  le  chroniqueur  y  puisent  maints 
renseignements  cherchés  vainement  ailleurs;  le  canoniste  etl'ha- 
giographe  y  peuvent  trouver  plus  d'une  précieuse  donnée,  et  le 
simple  curieux  ne  laisse  pas  d'y  rencontrer  lui-même  bien  des 
détails  dignes  de  retenir  son  attention.  Enfin,  rien  ne  révèle  avec 
plus  de  force  la  foi  vive  et  ardente  de  nos  pères,  ainsi  que  le 
souffle  de  puissante  charité  dont  leurs  œuvres  étaient  inspirées. 

Disons  cependant  quelques  mots  sur  le  recueil  qui  contient  ces 
titres  et  mettons  brièvement  en  relief  leur  importance. 
1885.    -2*Sem.  4 


—  30  — 

Ce  recueil  manuscrit,  cahier  petit  in-folio,  recouvert  d'une 
reliure  molle  en  parchemin,  et  intitulé  incomplètement  d'ail- 
leurs, —  Titres  de  fondations  aux  Jacobins  et  au  Sanitat,  a 
été  formé,  au  XVIIe  siècle,  par  la  réunion  de  copies  notariées 
ou  expéditions,  les  unes  sur  parchemin,  les  autres  sur  papier  tim- 
bré, assemblées  pêle-mêle,  en  dépit  de  l'ordre  chronologique  et 
sans  souci  de  la  distinction  de  leur  origine.  Les  hasards  d'une 
vente  publique  l'ont  fait  tomber  entre  nos  mains,  à  Paris,  il  y  a 
environ  deux  ans. 

Il  n'est  certes  pas  besoin  de  l'examiner  longuement  pour  se  con- 
vaincre que  toutes  les  ampliations  notariées  qu'il  contient  ont  dû 
être  réunies  pour  un  membre  de  la  famille  de  Charette,  car  toutes 
les  fondations  qu'elles  relatent  ont  été  faites  par  quelque  repré- 
sentant de  cette  famille,  sont  tombées  à  leur  charge  ou  deve- 
nues leur  apanage  par  succession  ou  autrement. 

Ainsi,  par  exemple,  les  obligations  de  la  fondation  faite  à 
Sainte  Croix,  en  1549,  par  Guillaume  Symon,  sieur  de  la  Pillar- 
dière  et  de  la  Folliette,  notaire  à  Nantes,  incombèrent  à  Jacques 
Charette  de  Montbert,  par  suite  d'un  acte  de  transaction  de  1589, 
dont  la  copie  est  conservée  aux  Archives  départementales,  ainsi 
qu'on  le  verra  dans  la  note  que  nous  avons  placée  à  la  suite  de 
notre  acte  original  (*). 

Quant  aux  fondations  faites  en  faveur  de  la  maison  conven- 
tuelle des  Jacobins,  ou  Dominicains,  établis  à  Nantes,  près  du 
Château,  depuis  1228,  toutes,  à  l'exception  d'une  seule,  émanent 
directement  de  membres  de  cette  famille.  Les  Charette  étaient 
véritablement  les  bienfaiteurs  de  ces  humbles  frères  prêcheurs, 
leurs  voisins;  leurs  libéralités  e. vers  ces  religieux  sontnombreuses 
et  importantes:  les  Archives  départementales  en  font  foi.  Aussi, 
avaient-ils  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Pitié  située  «  du 
du  coustè  dextre  en  allant  au  coeur  »  de  l'église  de  ce  couvent, 
leur  enfeu  spécial  «  en  particulière  prohibition  à  tous  aultres  »(2), 


(>)  Voyez  note  41,  p.  2. 

(s)  Voyez  ci-après  l'acte  du  M  juin  1613. 


-  31  — 

et  Madame  la  Présidente  de  Montbert,  la  veuve  de  Jacques 
Charetie,  pouvait-elle,  dans  l'acte  du  17  janvier  1685,  appeler 
cette  chapelle  «  sa  chapelle  de  Notre-Dame  de  Pytié  ('). 

Quant  à  cette  «  damoizeile  Marie  Bouillon  »,  la  signataire  de 
l'importante  fondation  de  1678,  nous  ne  savons  vraiment  com- 
ment la  rattacher  à  la  famille  de  Charette.  Et  cependant  pour 
que  l'acte  qu'elle  a  signe  se  trouve  dans  ce  recueil,  il  faut,  de 
nécessité,  que  d'une  façon  ou  d'une  autre,  les  clauses  qu'il  con 
tient  aient  regardé  cette  famille,  que  concernent  toutes  les  autres 
pièces  du  recueil. 

L'acte  lui-même  ne  fournit  aucun  renseignement  à  cet  égard. 
Pour  en  obtenir  quelques  uns,  nous  avons  voulu  savoir  si  cette 
demoiselle,  d'une  si  grande  générosité  envers  les  Jacobins,  n'avait 
point  fait  quelque  autre  fondation,  où  nous  pourrions  trouver  ses 
liens  de  parenté,  mais  Y  Inventaire  des  Archives  du  déparlement 
de  la  Loire-Inférieure,  si  consciencieusement  rédigé  par  l'archi- 
viste, M.  Léon  Maître  ne  cite  même  pas  une  fois  le  nom  de  made- 
moiselle Marie  Bouillon.  Nous  avons  alors,  aidé  par  l'obligeant 
archiviste  de  la  ville  de  Nantes,  M.  de  la  Nicollière-Teijeiro,  re- 
cherché ses  actes  de  naissance  et  de  décès  dans  les  registres 
de  la  paroisse  de  Sainte-Croix,  où  elle  habitait  en  1678;  nous 
avons  aussi  cherché  ces  actes  dans  les  paroisses  avoisinantes,  et, 
bien  que  nous  ayons  poursuivi  nos  recherches  pendant  une  pé- 
riode presque  centenaire,  non  seulement  nous  n'avons  rencontré 
nulle  part  d'acte  concernant  Marie  Bouillon,  mais,  —  chose  cu- 
rieuse —  nous  n'avons  même  pas  lu  une  seule  fois  ce  nom  de 
Bouillon. 

Il  nous  sera  donc  impossible  de  dire  comment  cet  acte  de  fon- 
dation est  devenu  la  propriété  de  la  famille  de  Charette. 

Pour  la  fondation  faite  à  la  chapelle  de  Miséricorde,  par  Jean 
Régnier,  en  1672,  la  chose  nous  sera  plus  facile.  Elle  vint  à  la 
charge  des  Charette  par  la  famille  de  Montullé,  laquelle  était 


(*).  En  1710,  la  présidente  de  Montbert  faisait  encore  aux  Jacobins  un 
con.-.timt  de  83  livres  de  rentes.  (Voyez  l'Inventaire  des  Archives  départe- 
mentales.) 


—  32  — 

alliée  à  la  famille  Régnier.  Un  François  de  Montullé  avait,  en 
effet,  épousé  Marie  Régnier,  la  sœur  de  Jean  Régnier  ('). 

Au  reste,  à  défaut  d'autres  données,  les  actes  de  notre  recueil 
concernant  l'hôpital  du  Sanitat  nous  renseigneraient  suffisam- 
ment sur  ce  dernier  point,  puisque  Jeanne  de  Montullé,  la  veuve 
de  Jacques  Charette  de  Montbert,  y  prend  les  titres  et  qualité 
d'héritière  en  partie  de  feu  Jean  Régnier. 

Nous  croyons  donc  avoir  surabondamment  démontré  que  notre 
registre  a  dû  être  formé  pour  la  famille  de  Charette,  et,  hâtons- 
nous  de  le  dire,  le  fait  n'est  pas  indifférent  au  point  de  vue  de  notre 
histoire  locale,  car  cette  maison,  honorablement  représentée 
encore  aujourd'hui  dans  notre  ville,  est  foncièrement  nan- 
taise et  ses  membres  y  ont  rempli  à  de  très  nombreuses  re- 
prises, les  plus  importantes  fonctions.  «  Le  nom  de  Charette, 
«  écrivent  les  auteurs  du  Livre  doré  de  l'Hôtel  de  ville  de 
«  Nantes,  le  nom  de  Charette,  popularisé  par  le  général  yen- 
ce  déen,  est  celui  d'une  famille  essentiellement  nantaise  et  entiè- 
«  rement  associée  à  notre  histoire  municipale  et  judiciaire.  Sept 
«  maires  de  Nantes,  des  échevins,  des  prévôts,  des  sénéchaux, 
«  de  nombreux  députés  aux  États  de  Bretagne,  prouvent  que 
«  cette  maison,  qui  paraît  à  la  réformation  de  Fégréac,  en  1440, 
«  est  honorablement  liée  aux  fastes  de  la  ville  i2).  » 

Nous  disions  au  commencement  de  cette  notice  que  l'intérêt 
de  ces  actes  de  fondations  n'échappait  à  personne  ;  il  nous  paraît 
inutile  d'insister  sur  ce  point. 

Nous  ne  détaillerons  donc  point  tous  ces  actes,  qu'on  cher- 
cherait en  vain  dans  nos  dépôts  publics,  à  l'exception  de  deux 
ou  trois  des  moins  importants,  et  nous  ne  nous  mettrons  pas  en 
peine  de  démontrer  quel  précieux  appoint  ils  apportent  à  l'his- 
toire religieuse  et  hospitalière  de  notre  ville.  Nous  demanderons 


(')  Nous  connaissons  une  fondation  faite  à  Nort  par  François  de  MoniulhS 
et  Marie  Regoier,  son  épouse,  en  1052.  (Archives  départementales,  G.  529.) 

(2)  Le  livre  duré  de  l'Hôtel  de  ville  de  Nantes  avec  les  armoiiies  cl  les 
jetons  des  maires,  par  Alexandre  Perthuis  et  S.  de  la  Nicollirre-Teijeiro. 
Nantes,  imprimerie  Jules  Griosard,  1873,  2  vol.  in-4".  Cf.,  p.  212. 


—  33  - 

cependant  à  insister  sur  la  fondation  faite  à  la  chapelle  de  Mi- 
séricorde, la  pièce  capitale,  le  titre  le  plus  précieux  de  notre 
recueil. 

L'histoire  de  cette  chapelle,  de  l'origine  de  cette  chapelle, 
aujourd'hui  détruite,  sise  autrefois  en  la  paroisse  de  Saint-Si- 
niilien,  près  de  l'emplacement  occupé  actuellement  par  le  cime- 
tière de  Miséricorde,  forme  un  des  chapitre?  les  plus  curieux  de 
l'histoire  de  Nantes.  La  légende  pieuse  «  de  cette  bête  féroce 
de  forme  extraordinaire  que  l'on  croit  cependant  tenir  un  peu  du 
crocodile.  »  -  comme  la  définit  le  recteur  de  Saint-Similien, 
Lebreton  de  Gaubert,  (»)  —  qui  se  trouvait  dans  la  forêt  occu- 
pant, jadis  la  partie  nord  des  environs  de  la  cité  des  Nam- 
netes  et  qui  dévora  pendant  deux  ou  trois  ans  un  grand 
nombre  de  personnes;  de  cette  bête  monstrueuse,  enfin,  vaincue 
par  l'intervention  toute  puissante  de  la  Vierge  Mère,  en  l'hon- 
neur de  laquelle  fut  alors  élevée  cette  chapelle,  a  vivement 
frappé  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  d^s  origines  de  cette  cité. 

Et  cependant  on  sait  peu  de  choses,  on  a  relativement  peu  de 
titres  et  de  documents  concernant  cette  chapelle.  Plusieurs 
fondations  ont  dû  y  être  faites,  on  n'en  connaît  que  quelques- 
unes  et  encore  ne  les  connaît-on  que  d'une  manière  incomplète. 
L'importanie  fondation  faite  par  Jean  Régnier,  en  1672,  que  nous 
reproduisons  ci-après,  n'est  connue  que  par  une  courte  analyse. 
«  L'acte  de  fondation  est  perdu  ,»  écrivait  avec  douleur,  en  1880, 
feu  M.  l'abbé  Gallard,  qui  s'était  spécialisé  par  ses  recherches 
sur  la  paroisse  Saint-Similien  et  sur  la  chapelle  de  Miséricorde, 
qui  en  dépendait  (2). 


(4)  Manuel,  ou  livre  contenant  différentes  prières,  instructions,  la  vie  et 
les  litanies  de  Saint  Similien  :  avec  des  Noies  historiques  sur  l'église  de  ce 
saint  et  la  station  solennelle  de  la  chaptdh-  de  Notre  Daine-de-iMiséricorde; 
dédiés  aux  paroissiens  de  Saint-Similien  de  Nantes  par  V.  (vénérable)  et  D. 
(Discret)  Messire  René  Lebreton  de  Gaubert.  Nantes,  chez  Valar  fils  aîné, 
1773.  lu-12  de  232  p.  et  2  f. 

(2)  Notre-Dame  de  Saint-Similien.  Extrait  de  l'histoire  de  la  paroisse 
Saint  Similien  de  Nantes  (par  l'abbé  Gallard).  Nantes,  imprimerie  de  l'Ouest, 
1880.  In- 12,  cf.,  p.  112. 


—  34  — 

Ce  n'est  donc  pas  sans  une  légitime  satisfaction  que  nous  pu- 
blions aujourd'hui  la  teneur  intégrale  de  ce  titre,  que  l'on  avait 
tout  lieu  de  croire  perdu  sans  retour. 

Puisse  la  mise  au  jour  de  cet  acte  appeler  d'une  façon  plus 
spéciale  l'attention  des  chercheurs  sur  cette  partie  de  notre  ville 
et  sur  cette  ancienne  et  vénérée  chapelle  !  Ce  coin  de  notre  his- 
toire locale  a-t-il  été,  en  effet, complètement  fouillé?  A-t- on  fait 
tout  ce  qu'il  fallait  pour  être  fixé  complètement,  par  exemple,  sur 
la  villa  gallo-romaine  signalée,  dès  1806,  à  Miséricorde,  par  l'ins- 
pecteur voyer  de  la  ville,  Fournier  ?...  Et  cependant,  de  nos 
jours  encore,  les  fossoyeurs,  en  creusant  les  tombes  du  cimetière 
de  Miséricorde,  ramènent  fréquemment  avec  la  terre  des  débris 
gallo-romains  assez  significatifs.  N'y  aurait-il  pas  là  de  cu- 
rieuses recherches  à  faire  ? 

Quoiqu'il  en  puisse  être,  nous  voulons  borner  ici  ces  con- 
sidéra lions,  et  nous  exprimons,  en  terminant,  l'espoir  que  cet 
ensemble  de  pièces  plaira  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'his- 
toire de  notre  ville. 

Elle  est  exacte  et  belle  cette  pensée  que  contient  l'épigraphe 
choisie  par  Brun,  en  1765,  pour  ses  Antiquités  et  anecdotes  de 
Nantes  :  «  Noscere  patriam  civis  est.  » 


§  I.  —  Paroisse  Sainte-Croix. 

1549,  10  novembre.  —  Fondation  par  Guillaume  Symon,  «iew  de  la  Pillar- 
dière  et  de  la  Folliette,  notaire  royal  à  Hautes,  d'une  metse  de  Requiem, 
le  mardi  de  chaque  semaine,  à  l'autel  de  la  Madeleine,  moyennant  une 
renlt  annuelle  de  30  livres,  monnaie  de  Bretagne. 

A  l'issue  de  la  messe  dominicalle,  ce  jour  de  dismanche  dixiesme 
jour  de  nouembre,  l'an  mil  cinq  cens  quarante  neuff,  dicte  et 
célébrée  en  l'eglize  parochiale  de  Saincte  Croix  dud.  Nantes,  par 
douant  nous  notaires  royaulx  jurez  et  establiz  en  la  comté  et 
seneschaussée  dudict  Nantes,  se  sont  comparus  et  représentez 
en  la  chappelle  deSainct  Martin,  contigue  a  la  dicte  eglize  Saincte 


—  35  — 

Croix,  missire  Jehan  Cormeraye,  vicaire  soubz  curé  de  larîicie 
église  Saincte  Croix,  nobles  gens,  m\s$\mFrançoys  Gabard,  docteur 
en  droicts,  sr  de  la  Maillardière,  Maistre  Gilles  Spadinc,  sr  de  la 
Nycolliere,  Pierre  Gyraud,  sr  de  Clermont,  Je/^m  Allaire,  Mathu- 
rin  Viuien,  Jacques  Gnurdet,  maistre  Pierre  Bodin,  Eslienne 
Bouschcr,  maistre  Bertrand  Lebret,  Yues  Pigeaud,  Guillaume 
Gourdet,  Robert  Delahaye,  Jehan  Lemercier,  Guillaume  Gaul- 
tier, Germain  Maufaye,  Guillaume  de  Bouguenaye,  Jehan  Luce, 
Pierre  Rocher  on,  Geoffroy  Goguet,  Jehan  Boytleau,  Pierre  Bi- 
seul,  Pierre  Prost,  les  tous  parroyssiens  de  la  dicte  parroysse, 
Raymond  Genesle,  Christofle  Allys  et  Yuon  Couppenje,  à  présent 
procureurs  fabricqueurs  et  paroyssiens  de  l'eglize  parochiale  de 
Saincte  Croix  et  plusieurs  aultres  parroyssiens  et  habitans  de  la 
dicte  parroysse,  ensemble  congregez  et  assemblez  en  forme  de 
corps  politicque,  représentons  la  plus  saine  et  maire  partye  des 
parroyssiens  d'icelle  parroysse.  Sur  la  remonstrancefaictepar  syre 
Pierre  Bernard,  sr  de  la  Houdiniere  ausdietz  parroyssiens  et  ha- 
bitans d'icelle  parroysse,  comme  maistre  Guillaume  Symon,sT  de 
ia  Pillardiere  et  de  laFollietle,  notaire  royal  et  procureur  juré  en 
la  court  de  Nantes  et  l'un  des  dicts  parroyssiens,  détenu  de  lon- 
gueur de  malladie  long  temps  et  sain  toulteffuiz  d'entendement, 
voullanl  disposer  de.  sa  conscience  et  des  biens  que  Dieu  luy  a 
prestez,  auoyt  délibéré  et  ordonné,  moyennant  le  bon  voulloir 
dejdits  curé  et  parroyssiens  de  la  dicte  parroysse,  erriger  et  dotter 
en  ice.le  parroysse,  ù  l'autier  delà  Magdelaine,  une  messe  de  /te- 
quiem  h  nulle.,  a  diacre  et  soubz  diacre,  àjamays  au  temps  adue- 
nir,  à  chaincun  jour  de  mardy,  par  les  prebtres  du  cooeur  de  la 
dicte  eglize  presens  et  aduenir,  queulx  seront  tenuz  y  assister 
assemblement  in  aïbis,  à  la  dicte  messe  du  commencement  juc 
à  la  fin,  à  commencer  le  dict  seruice  Séjour  de  la  vigille  de  Noël 
prochain  venant  ;  et  seront  lesd.  prebslres  qui  célébreront  lad. 
messe,  chaincun  en  son  endroict  ou  celui  qui  fera  le  diacre  à  lad. 
messe,  tenuz  de  frire  prier  pour  l'âme  dud.  Symon  et  ses  père  et 
mère,  parans  et  amys  trespassez  ;  et  à  l'issue  d'icelle  messe,  seront 
lesd.  prebstres  tenuz  aller  inalbis,  sur  la  tombe  et  sépulture  dudict 


—  36  — 

Si/mon,  dire  lesaulme  de  de  profundis  et  aultres  oraisons  acous- 
tumées.  Oultre,  fournyront  les  dicts  parroyssiens  de  deux  cierges 
allumez  sur  ledict  aultier,  durant  ladicle  messe,  auec  et  tous 
aornemens  d'église  requis  et  nécessaires  pour  faire  ledict  ser- 
vice. Ilcm,  a  ledict  Symon  délibéré  d'ordonner,  fonder  et  dotter, 
à  jamais  en  l'aduenir  et  h  perpétuité,  en  la  dicte  église,  ung 
cierge  de  cire  compectante  et  honneste,  quel  sera  allumé  pour 
seruir,  chaincun  an,  au  temps  aduenir  et  a  perpétuité,  dempuis 
la  vigille  de  la  feste  du  sacre,  tant  de  jour  que  de  nuict,  au 
deuant  la  saincte  et  sacrée  hostie,  —  corpus  domini  —  reposante 
en  ladicte  église,  toutes  les  octaues  après  et  jusqu'ad  ce  que  la 
dicte  saincte  hostie  soyt  remise  au  sacraire  de  la  dicte  église.  En 
oultre,  inconlinant  après  le  salut  dict,  chaincun  soir  desdicts 
jours,  en  la  dicte  église,  estre  dict  et  chanté  par  lesd.  prebstres 
du  cueur  d'icelle  Libéra  me  Domine,  l'oraison  de  De  profundis, 
Fidelium  et  aultres  oraisons  acousfumées,  audeuant  du  dict  aul- 
tier de  la  Magdelainc  et  en  l'endroict  ou  sera  la  sépulture  dud. 
Symon,  durant  lad.  vigille,  jours  et  octaues  dud.  Sainet  Sacre- 
ment, en  commémoration  de  ses  parans,  bienfaicteurs  et  amys 
trespassez  et,  après  le  à\ct  Libéra  et  oraisons  estre  dictes  et  para- 
cheuées,  soyt  baillé,  chaincun  desdicts  jours,  ausd.  prebstres 
dudict  cueur  deux  pains  blancs  de  quatre  deniers  pièce  et  deux 
potz  de  vin  d'Orléans  ou  Anjou  et  du  creu  de  hors  pays,  bons  et 
compéetants,  par  les  procureurs?  et  fabricqueurs  de  ladicte  église. 
Et,  pour  la  dottation  et  fundation  perpétuelle  desquelles  choses, 
led.  Symon  auoyt  baillé,  ceddé,  quicté,  délaissé  et  transporté 
ausdicts  parroyssiens  et  fabricque  d'icelle  parroysse  le  numbre  de 
trente  liures  monnoye  de  Brelaigne  de  annuelle  et  perpétuelle 
rante,  pour  estre,  iceluy  numbre  de  trente  liures  monnoye  de 
rente,  baillé  et  distribué  par  les  mains  des  fabricqueurs  et  pro- 
cureurs d'icelle  parroysse,  par  chaincun  dict  an,  de  la  forme  et 
manière  qui  ensuist  :  Sçauoir,  ausdicts  vicaire  et  prebstres  du 
cueur  de  la  dietc  église,  pour  le  service  et  enlrelenement  de 
lad.  messe  o  notte,  suffrages  et  oraisons,  quinze  liures  tournois; 
auxd.  recteur  et  vicaires,  pour  l'assurance  dudict  seruice,  douze 


—  37  — 

sous  dicte  monnoye  de  rente  ;  au  secretain  de  ladicte  église,  pour 
ses  paines  et  vacations  de  attaindre  les  aornemens,  allumer  les 
cierges,  sonner  ladicte  messe  et  faire  auitres  seruices  requis  vingt 
sous  tournoy  chaincun  dict  an.  Et  le  parsur  dud.  numbre  de 
trente  liures  monnoye  de  Bretaigne  de  rente,  les  dictes  choses  cy 
dessus  fou'rnyes  et  entretenues  et  acomplyes,  vieult  et  ordonne 
ledict  Symon  qu'il  tourne  au  profilt  et  utillité  desdiets  parroys- 
siens  et  fabricque  d'icelle  parroysse,  pour  la  seureté  de  Faire  les 
acquêts  et  fournir  lesdicts  denyers  ausdicls  seruiteurs  cy  deuant 
nommez  par  chaincun  dict  an  en  l'aduenir.  Et  pour  estre  aux 
prières  et  oraisons  desd.  parroyssiens  et  habitans  d'icelle  par- 
roysse  et  pour  seureté  et  assurance  perpétuelle  de  ce  que  dessur, 
le  dict  Symon  dict  et  déclare  voulloir  bailler  et  obliger  du  poye- 
ment  et  continuation  d'iceluy  numbre  de  trente  liures  monnoye 
de  rente  une  maison  en  laquelle  il  est  demourant  à  présent, 
contenant  deux  corps  de  logis  joignant  l'un  l'aullre,  auec  leurs 
apartenances  et  dépendances,  situés  en  cesle  dicte  ville  de 
Nantes,  l'un  d'iceulx  haboulant,  par  le  deuant,  à  la  rue  de  la 
Poyssonnerye  de  cesle  dicte  ville  et  l'aultre,  par  le  derrière,  a  la 
rue  et  paué  qui  conduist  à  la  lecterie  de  la  dicte  ville,  au  Bouflay 
dudicl  Nantes,  des  deux  boults,  d'un  couslé  maison  apartenante 
à  la  veuffve  et  héritiers  Mathurin  Bernard  et  a  noble  homme 
missire  Allain  de  la  Bouexière,  sgr  dudict  lieu,  garde  naturel  de 
ses  enffans  du  mariaige  d'il  et  damoyselle  Françoise  Spadinc,  sa 
compaygne,  d'une  et  auitres  partyes.  Et  gencrallement  sur  l'obli- 
gation et  ypothecque  de  tous  et  chaincuns  ses  biens  meubles, 
heritaiges  presans  et  futurs  quéulxconcques,  chamcune  partye 
d'iceulx  a  ce  specificquement  ypothecquez  et  obligez  et  sans 
diuision  en  quelque  fief,  lieu,  terres  et  jurisdiction  qu'ils  soient 
sys  et  situez,  au  choys  et  élection  desd.  parroyssiens,  qui  se 
pouront  prendre  sur  les  biens  dudict  Symon,  pour  le  seruicc 
et  continuation  de  la  dicte  rente,  en  tel  lieu  et  endroict  que  bon 
leurs  semblera ,  neantmôins  especiale  ypothecque  cy  dessus 
assigne  sur  la  dicte  maison.  Laquelle  remonstrance  ouye  et  après 
lesdicts  nommez  et  chaincun  cy  dessus  ensemble  congregez  et 


—  38  - 

assemblez  en  forme  de  corps  polliticque  et  représentais  la  plus 
saine  et  maire  parlye  desd.  parroyssiens  et  habitans  d'icelle  par- 
roysse,  auoir  ouy  et  entaudu  ce  que  dessus,  ont  d'un  commun 
assentement  accepté  et  acceptent  lesdicts  dotation  et  fundation 
de  la  forme  deuant  dicte  ;  ledict  Symon  fournissant  à  ses  offres 
et  promesses  et  non  aultrement;  et,  à  ce  faire  tenir  et  acomplir 
se  sont  obligez  lesd.  parroyssiens  en  forme  de  corps  polliticque 
sur  tous  et  chaincuns  les  biens  de  la  dicte  fabrique.  Et  suyuant 
lequel  voulloir  et  consentement  des  dicls  parroyssiens  et  habitans, 
après,  nous  dicts  notaires  soubzcripts,  nous  estre  en  présence 
dudict  Bernard  et  mesme  de>dits  Chrislofle  Allys  et  Raymond 
Geneste,  à  présent  procureurs  fabricqueurs  de  ladicte  parroysse 
de  Saincte  Croix,  ou  dict  jour  transportez  au  loger  et  maison 
dudict  maistre  Guillaume  Symon,  en  ceste  dicte  ville,  cy  deuant 
bournée  et  describte,  lequel  après  s'estre  submys  il,  ses  biens, 
par  son  serment,  au  pouuoir  distroict,  jurisdiction,  coerction, 
seigneuries  et  obéissance  de  notre  dicte  Cour  et  y  auoir,  pour  il 
et  ses  dicts  hoirs,  prorogé  jurisdiction  à  y  estre  troictez,  pour- 
suivis et  convenus,  comme  par  leur  propre  barre  et  jurisdiction 
ordinaire,  sans  auchune  exception  et  que  luy  a  esté  leu  et  au 
long  donné  entandre  le  voulloir  et  consentement  desd.  vicaires, 
parroyssiens  et  habitans  de  ladicte  parroysse  de  Saincte  Croix,  a, 
en  présence  de  Margarite  Gérard,  sa  femme  et  compagne 
espouse,  promys  et  s'est  obligé,  promect  et  s'oblige,  par  son 
serment  et  sur  l'obligation  et  ypothecque  diuisement  et  expres- 
sément de  la  dicte  maison,  o  ses  cave,  ediffice  et  super fice,  apar- 
tenances  et  dépendances  queulxconcques,  sytués  es  parroysses 
de  Saint  Saturnyn  et  Saincte  Croix,  en  ceste  ville  de  Nantes  et 
generallement  de  tous  et  chaincuns  leurs  aullres  biens  meubles 
et  aultres  héritaiges,  presens  et  futurs,  chaincune  partie  d'iceulx 
obliger  pour  le  tout,  au  choix  et  élection  desdicts  parroyssiens, 
sans  que  la  spécialité  desroge  à  la  generallité,  poyer,  seruir  et 
continuer,  par  chaineun  dict  an,  en  l'adueuir,  ausdits  parroys- 
siens, procureurs  et  fabricqueurs,  qui  seront  pour  l'aduenir  et  à 
la  fabricque  d'icelle  parroysse  ;  lesdicts  Geneste  et  Allys,  à  pre- 


—  39  - 

sent  procureurs  et  fabricqueurs  et  nous  notaires  soubzsignez, 
pour  lesdicts  parroyssiens,  acceptans  ledict  numbre  de  trente 
liures  monnoye  de  Bretaigno,  de  annuelle  et  perpétuelle  rente, 
par  les  termes  et  feste  de  Noël  et  Sainct  Jehan  Baptiste  prochaine 
venante,  par  ce  que  le  dict  seruice  sera  commencé  estre  faict  et 
dict  à  ladicte  feste  de  Noël  prochaine  venante  et  continuer  à 
l'aduenir,  de  la  forme  deuant  dicte.  Et,  en  deffault  de  poyement 
par  chaincun  terme,  a  le  dict  Symon  voullu  et  consenty  que 
lesdicts  parroyssiens,  procureurs  et  fabricqueurs  d'icelle  par- 
roysse  et  chaincun  puissent  faire  procéder  à  exécution  sur 
ses  biens  meubles  et  heritaiges  et  de  ses  hoirs  ou  detempteurs 
d'icelle  maison  et  de  ses  aultres  heritaiges,  en  deffault  dudict 
poyement  et  iceulx  faire  vendre  et  explecter  somairement,  comme 
gaiges  tous  ju^ez  et  suffisamment  gardez  et  o  jugement  de  cour 
et  de  ce  jour  d'heure  en  aultre  et  sans  aultre  moyen  ne  mistère 
(sic)  de  justice  et  mesme  d'en  pouuoir  demander  et  auoir  assiepte, 
à  faulte  que  la  dicte  rente  ne  seroyt  bien  et  deueme:it  poyée  et 
continuée.  Et  oultre  que  au  deffault  de  poyement  et  par  chaincun 
dict  terme,  lesdicts  procureurs  et  fabricqueurs  d'icelle  parroysse, 
qui  seront  pour  l'aduenir,  pouront  faire  procéder  par  voye  d'ar- 
rest,  neantmoins  la  coustume  de  ce  pays,  tant  sur  les  louaiges 
des  detempteurs  de  la  dicte  maison,  que  sur  les  fruicts  et  leuées 
de  ses  aultres  heritaiges  ou  iceulx  heritaiges  faire  meptre  en 
cryées  et  saisyes,  en  faire  vante  et  ce  sans  aultre  decrect  de 
juge,  moyen  ne  mistère  de  justice,  tant  pour  areraiges  ou  de  ce 
que  en  restera  et  sera  deu,  que  mises  ensuys  et  qui  en  suiurontà 
cause  de  ce. 

Dict  et  conuenu  entre  les  dictes  parties,  que  lesd.  Symon, 
ses  hoirs  ou  cause  ayant,  se  pouront  lors  et  esfoiz  que  bon  leur 
semblera,  franchir  et  libérer  dud.  numbre  de  trente  liures  mon- 
noye de  Bretaigne  de  rente,  poyant  et  baillant  ausdicts  parroys- 
siens et  fabricque  de  ladicte  parroysse  de  Saincle  Croix,  par 
chaincun  douze  deniers  monnoye  de  rente,  vingt  sous  dicte 
monnoye,  auec  les  areraiges  d'iceluy  numbre  de  rente,  s'auchun 
sont  dus  lors  dudict  franchissement,  mises  des  contracts  preal- 


—  40  — 

lablcment  poyés  et  aultres  mises  raisonnables  s'aulchunes  sont, 
le  tout  par  ung  seul  et  unicque  poyement.  Oultre,  a  promys  et 
s'est  obligé  ledict  Symon,  sur  l'obligation  et  ypothecque  de  tous 
chaincuns  ses  biens  meubles  et  heritaiges,  présans  et  futurs 
queulxconques,  faire  ausdiels  parroyssiehs  fabricqueurs  el  habi- 
tans  d'icelle  parroysse  bon,  loyal  et  vallable  deffaus,  garantaigé 
et  jouissance  dudict  numbre  de  trente  liures  de  rente,  h  jamays 
par  heritaiges  et  au  temps  aduenir,  nonobstant  droict,  usement 
ou  coustume  de  pays  à  ce  contraires  ou  desrogatoires.  Et  tout 
ce  que  dessus,  ont  les  dictes  partyes  et  chaincune,  pour  ce  que 
à  elle  touche  et  est  leurs  faict,  promys  et  juré,  par  leurs  sermens 
et  sur  l'obligation  de  leurs  biens  predicls,  tenir,  fournir  et  acom- 
plir,  sans  jamais  reuocation  en  faire,  ne  en  contreuenir  par  plè- 
gement,  opposition,  aueu,  arrestz,  ne  aultrement,  en  aulchune 
manière.  A  quoy  elles  ont  expressément  renoncé  et  renoncent 
et  nous,  de  leur  assentement  et  à  leurs  requestes,  les  y  auons 
par  le  jugement  de  nostre  dicte  cour,  jugez,  condempnez,  les  y 
jugeons  et  condempnons.  En  tesmoing  de  ce,  nous  auons  faict 
meptre  et  apposer  le  scel  eslably  aux  contracts  de  notre  dicte 
cour  à  cests  présentes,  qui  ont  été  octroyées  et  consenties  en  la 
dicte  chappelle  de  Sainct  Martin  et  mesmes  en  la  maison  dudict 
Symon,  les  dicls  jour  et  an. 

Signé  :  Richard  (Prcscns  fui)  et  Mouraud  (Passe),  notaires 
royauix. 

En  marge  est  écrit  :  Maistre  M.  Richard  passe  et  le  registre 
vers  moi  Mouraud.  Receu  pour  le  présent  contrat,  registre  et 
minute  deux  fois  mis  au  netxL  st.  (sous  tournois.) 

Receu  pour  mes  vacations  du  présent  acte  et  avoir  signé  le 
registre  et  grosse  dix  soulz  tournois.  (Parchemin). 

1675,  5  mars.  —  Reçu  par  la  fabrique  do  S'e  Croix  à  Jacques  Charette, 
Sgr  de  Mnntcbert,  de  la  somme  de  36  livres  tournoi-;,  montant  de  la  fonda- 
tion contenue  <larn  l'acte  q<ii  précède. 

Ce  jour  cinquième  de  mars  mil  six  cent  soixante  et  quinze, 
après  midy,  par  nostre  cour  de  Nantes,  auec  soumission  et  pro- 


—  41  — 

rogation  de  jurisdietion  y  jurée,  a  esté  presant  noble  homme 
Rolland  Guiton,  aduoeat  en  la  cour,  premier  fabricqueur  Tau 
dernier  du  la  paroisse  de  Saincte  Croix  de  Nantes,  demeurant 
dite  paroisse,  lequel  a  receu  contant  et  réellement  devant  nous, 
an  louis  d'argent  ayant  cours,  de  haut  et  puissant  seigneur  Mes- 
sire  Jacques  Charette,  seigneur  de  Monlcbcrt  *  et  autres  lieuxs 
Conseiller  du  Roy  et  son  premier  président  en  la  chambre  des 
Comptes  de  Bretagne,  demeurant  à  son  hostel,  rue  du  chasteau, 
paroisse  de  Sainct  Denis,  sur  ce  presant  et  acceptant,  la  somme 
de  trante  six  liures  Tournois,  pour  une  année  eschuë  à  la  feste 
de  Noël  dernier,  de  pareil  nombre  de  rante,  deuë  chacun  an, 
par  ledit  seigneur  de  Montebert,  à  la  fabricque  de  Saincte  Croix 
du  dit  Nantes,  sur  un  logier  au  dit  seigneur  apartenant,  sçitué 
rue  du  chasteau  2,  au  terme  de  l'acte  de  cet  effect,  qui  est  aux 


(»)  Jacques  Charette,  fils  d'écuyer  René"  Charette,  sieur  delà  Brelonnière 
et  de  Charlotte  de  Cornulier,  né  à  Nantes  le  23  octobre  1637,  baptisé  en 
l'église  paroissiale  de  Saint-Denis,  le  15  novembre  suivant,  eut  pour  parrain 
Jacques  Ilaoul  de  la  Guibourgère,  alors  évêque  de  Saintes. 

(2)  On  a  vu  dans  l'acte  de  fondation  de  1549  que  le  sieur  Symon  avait, 
pour  sûreté  du  paiement  de  la  rente  de  30  livres  de  Bretagne  ce  qui  équi- 
vaut à  36  livres  tournois),  hypothéqué  une  maison  sise  près  du  Bouffay.  Un 
acte  du  11  juin  1589.  conservé  aux  Archives  départementales  de  ta  Loire  - 
Inférieure  (Arch.  eccl.  Sjrie  G.  467  —  Liasse)  portant  transaction  entre  le 
général  de  Sainte-Croix  et  les  successeurs  de  feu  le  dit  sieur  Symou,  nous 
apprend  que  cette  hypothèque  fut,  à  cette  date,  transportée  sur  une  autre 
maison  rue  du  château.  Au  dos  de  cet  acte,  on  lit  ces  lignes,  qui  donnent 
de  l'affaire  un  résumé  intéressant  et  clair  et  montrent  comment  celte  fonda- 
tion était  tombée  dans  la  famille  de  Charette  :  «  Le  <iit  Guillaume  Symon 
«  aïant  fondé,  le  10  novembre  1549,  une  messe  de  Requiem,  chantée  à  diacre 
«  et  soudiacre,  tous  les  mardis  de  l'année,  a  l'autel  de  la  Madelaine  en  Sainte- 
«  Croix  de  Nantes,  avec  un  cierge  ardent  pi  <cé  au  chœur  de  la  dite  église, 
«  devant  le  Saint-Sacrement  pendant  l'Octave  du  Sacre,  pour  tout  quoi  il 
«  assigna  30  livres  monoie  ou  36  livres  tournois  à  la  fabrique  de  rente 
«  annuelle  sur  Fhipothèque  spéciale  d'une  sienne  maison  près  le  Bouffay, 
«  laquelle  ayant  été  dans  la  suite  vendue  par  la  veuve  et  enfans  de  François 
«  Simon,  fis  du  fondateur,  sans  charger  l'acquéreur  de  païer  ladite  rente, 
«  les  paroissiens  s'opposèrent  à  l'appropriemenl,  ce  qui  donna  occasion  à  la 


—  42  — 

archiucs  de  la  dite  paroisse,  de  laquelle  dite  somme  de  trante  six 
liures,  pour  la  dite  année  escheuë,  le  dit  sieur  Guiton  se  tient 
contant  et  en  quitc  le  dit  sieur,  sauve  préjudice  de  l'année  cou- 
rante. 

Fait  a  Nantes,  en  l'hostel  du  dit  seigneur  de  Montebert,  sous 
son  seing  et  dn  dit  sieur  Guilon^  les  dits  jour  et  an.  Ainsy  signé 
au  registre  :  Jacques  Charetle,  Rolland  Guilon  fabriqueur,  Moc~ 
quard,  notaire  royal  et  Delalande,  notaire  royal  qui  a  le  dit 
registre.  (Cop.  nol.  pap.  Un  double  de  cette  quittance  se  trouve 
aux  Archives  départementales.  Archives  ecclésiastiques,  série  G. 
467.  —  (Liasse), 

1689,  3  janvier.  —  Franchissement  par  dame  Jeanne  de  Montulé,  veuve  de 
Jacques  Charette,  de  la  rente  fondée  eu  1549. 

Le  troisiesme  jour  de  Januier  mil  six  cens  quatre  vingts  neuf, 
auant  midy,  par  la  cour  de  Nantes,  avec  submission  et  proroga- 
tion de  jurisdiction  y  jurée  par  sermant,  ont  comparus  noble 
homme  Bonnauenture  Démarques,  sieur  de  la  Canterye,  aduocat 


«  présente  transaction,  par  laquelle  ladite  veuve  reporte  ladite  rente  sur  une 
«  autre  maison,  rue  du  chàieau  à  elle  appartenant  alors  et  depuis  venue  à 
«  Mrs  Charnue  de  Montebert.  dont  la  ve>.ve  du  1er  président  de  la  chambrfl 
«  des  comptes  de  ce  nom  fit  le  franchissement  a  la  paroisse  en  1688  (par 
«  l'acte  imprimé  ci-apres  qui  ne  fui  rédigé  que  le  3  janvier  1689),  et  dont 
«  les  deniers  furent  touchas  par  M.  de  Valleton,  Prévfll  de  Nantes,  créancier 
«  de  la  paroisse,  à  l'occasion  de  l'empiunt  l»»r»  de  la  réédification  de 
€  l'église.  » 

Dans  le  même  dépôt,  même  liasse  se  trouve  un  exploit  du  2  juillet  1597, 
par  le  sergent  roynl,  à  la  demoiselle  Gour  Jet,  dame  de  la  Folliette,  Vvc  de 
Francoys  Simon,  en  demande  d'arrérages  de  la  rente  constituée  par  l'acte 
de  1549. 

Ajoutons,  pour  compléter  ces  renseignements,  que  la  maison  de  la 
rue  du  Château,  tur  laquelle  fut  transportée  l'hypothèque,  par  l'acte  du 
Il  juin  1589,  existe  encore  HUjourd  hui  Elle  forme  le  no  10  de  la  rue  Bxsse- 
du  Château  et  est  encore  connue  sous  le  nom  d'Hôtel  deMoutberl.  Occupée 
il  y  a  quelques  années  par  un  fabricant  d'ornements  d'église,  elle  a  servi 
depuis  d'entrepôt  de  chiffons.  Quelle  déchéance! 


—  43  — 

en  la  Cour,  maistres  Claude  Geslin,  sieur  de  la  Geslinière,  procu- 
reur au  prezidial  et  prouoslé  de  Nantes  et  Guillaume  Lemoyne, 
sieur  de  la  Jarrye,  l'an  presant,  procureurs  fabricqueurs  de  la 
paroisse  de  Saincte  Croix  de  cette  ville  de  Nantes,  y  demeurans, 
lesquels,  en  consequance  de  l'acte  du  chapitre  et  délibération  ca- 
pitullaire  des  parroissiens  de  la  dicte  parroisse,  du  vingt  six  dé- 
cembre dernier,  raporté  par  Lrjay  et notaires  royaux,  sur 

le  papier  des  chapitres  et  délibérations  de  la  dicte  parroisse,  ont 
receu  contant  et  réellement  de  dame  Janne  de  Montullé,  veufvue 
de  deffuuct  missire  Jacques  Charette,  viuant  cheualier,  seigneur 
de  Montebert  et  autres  plasses,  conseiller  du  roy,  premier  prezi- 
dant  en  sa  chambre  des  comptes  de  Bretagne,  demeurante  à  son 
hostel,  audict  Nantes,    rue   du    Chasteau,  paroisse,    de  Sainct 
Denis,  sur  ce  presante,  la  somme  de  sept  cens  vingt  liures  de 
principal,  en  espèces  de  louis  d'argeant  et  autres  monnoyes  ayant 
cours,  jusques  à  la  concurance,  pour  lefranchissemant  et  admor- 
tissemant  enthier  et  perpétuel  du  nombre  de  trente  six  liures 
tournois  de  rante,  contenue  en  Pacte  de  fondation  faicle  par  def- 
funct  maistre  Guillaume  Symon,  viuant  sieur  de  la  Pillardière, 
pour  le  fond,  dottation  et  entretien  d'une  messe  de  Requiem  à 
haulte  voix,  à  diacre  et  soubzdiacre,  à  l'hostel  de  la  Madelaine, 
tous  les  jours  de  mardy  de  chascune  sepmaineet  autres  prières  et 
oraisons  y  contenues  en  la  dicte  esglize  parroichiale  de  Saincte 
Croix  ;  icelle  fondation  raportée  par  Muuraud  et  Richard  passez, 
le  dix  de  nouembre  mil  cinq  cens  quarante  neuf,  représentée  par 
lesdicts  sieurs  fabricqueurs,  par  lequel  il  apert  que  la  dicte  rante 
est  franchissable,  toulies  fois  et  qualités,  à  raison  du  denier  vingt; 
de  la  quelle  dicte  somme  de  sept  cens  vingt  liures  de  principal, 
les  dicts  sieurs  fabriqueurs  se  sont  contantes  et  en  ont  quitté  et 
quittent  la  dicte  dame  de  Montebert,  laquelle  a  encore  payé  à 
maistre  Gilbert  Vatrin,  aussy  procureur  ausdicts  prezidial  et  pro- 
uosté  dudicl  Nantes,  l'an  dernier  fabricqueur  de  la  dicte  paroisse 
de  Ste  Croix,  sur  ce  presant,  la  somme  de  trante  six  liures  tour- 
nois, aussy  en  louis  d'argeant  ayant  cours,  pour  une  année  de  la 


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dicte  rante  eschue  à  la  îeste  deNouel  dernière  passée,  de  laquelle 
somme  de  trante  six  îiur^s  le  dict  Vatrin  s'est  pareillement  con- 
tante et  a  quitté  et  quitte  la  dicte  dame  de  Monlebert  et  promis 
acquitter  vers  ses  consorts,  Tan  dernier  fabricqueurs  de  la  dicte 
parroisse  de  Saincte  Croix,  au  moyen  desquels  paymans  le  dict 
nombre  de  trente  six  liurcs  de  rante  foncière  demeure  franchy  et 
admorty  en  principal  et  arrérages  de  rante,  et  ont  les  dicts  sieurs 
Démarques,  Geslin  et  Lcmoyne  rendu  et  desliuré  presantemant 
une  grosse  sur  parchemin  dudict  acte  de  fondation,  signée  des 
dits  Mouraud  et  Richard,  comme  sollue  et  payée,  franchye  et 
admortye,  vers  les  lesdits  fabricqueurs  et  parroissiens  de  ladicle 
parroisse  de  Saincte  Croix,  en  principal  et  arrérages  de  rante, 
generallemant  et  enthieremant,saus  nulle  ny  aucune  reseruation, 
promeltans,  lesdicls  sieurs  fabricqueurs  en  charge,  de  faire  seruir 
et  dire  les  messes,  seruices,  prières,  oraisons  et  autres  charges, 
clauses  et  conditions  speeiflyées  par  la  dicte  fondation,  en  l'eglize 
parroichiale  de  Saincte  Croix,  à  jamais  à  perpétuité,  suiuant  et 
conformemant  à  la  dite  fondation,  promis,  juré,  renoncé,  obligé, 
condempné,  etc.  Faict  et  passé  audit  Nantes,  eslude  de  Lebrcton, 
notaire  royal,  soubs  les  seings  desdites  partycs;  ainsy  signé  au 
registre  :  Jannede  Montullc,  B.  Démarques,  C.  Geslin,  Guillaume 
Lemoyne,  Vatrin,  Verger,  nore  royal  et  Lebrcton,  nrc  royal  regis- 
trateur.  Signé  :  Verger  et  Lebrcton.  fCop.  not.pwp.J 


§  II.  —  Couvent  des  Jacobins. 


1613,  14  juin.  —  Fondation  par  René  Cliaretle  et  Renée  de  !a  Rouexière.,  fa 
femme,  de  trois  messes  basses,  en  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Pitié, 
moyennant  une  rente  annuelle  de  50  livres  tournois. 

Devant  nous  notaires  tabellions  royaulx  héréditaires  jurez  de 
la  cour  de  Nantes  soubz  signez,  ont  esté  presans  Escuier  René 


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Charette{1),  naguères  seneschal  et  maire  dudîct  Nantes  et  darnoi- 
zelle  Renée  de  la  Bouexiere,  sieur  et  dame  de  la  Bretonniere,  la 
Guydonniere  et  a  Ja  dicte  damoizelle  deubmant  à  sa  requeste  auo- 
torizée  de  son  dict  mary,  demeurant  audict  Nantes,  paroisse 
Saincte  Radegonde,  lesquelz  après  s'eslre  deubmant  submis  à 
nostre  cour  dudict  Nantes  et  y  auoir  pour  eulx,  leurs  hoirs  et 
successeurs,  prorogé  de  jurisdiction,  sans  enpouuoir  décliner  ny 
excepter,  ne  vouilant  estre  ingratz  du  bien  temporel  quil  a  plu  a 
Dieu,  père  de  miséricorde,  duquel  procède  tout  bien,  leur  donner 
en  ceslc  mortelle  vie,  cognoissant  que  des  dicts  biens  ils  ne  sont 
que  dispensateurs,  desquels  il  fault  rendre  compte  deuant  sa 
sacrée  diuinilé  et  majesté,  désirant  de  tout  leur  cœur  faire  chose 
laquelle  soict  à  l'honneur  souverain  de  la  sacro  saincte  trinitté, 
espérant  paruenir  à  la  gloire  perdurable  et  pour  demourer  en  la 
mémoire  et  bonne  souuenance  et  auoir  part  aux  sainctes  prières 
qui  se  feront  à  l'aduenir  par  les  prieurs  religieux  et  couuent  des 
frères  prescheurs  Jacobins  de  Nantes  et  en  celles  qui  se  font  jour- 
nellement en  toutte  l'eglize  calholicque,  appostolicque  et  romaine, 
ont  de  leur  bonne  et  pure  vollonté,  fondé,  dotté  et  légué  à  l'église 
dudict  couuent  des  Jacobins  de  Nantes,  (roys  messes  à  basse  voix, 
à  estre  dictes  et  célébrées,  à  jamais  et  perpeluitté,  en  l'honneur 
de  ladicte  sacro  saincte  trinitté,  scauoir,  une  au  jour  de  lundy  de 
l'office  du  saiuct  esprict,  jusques  au  décès  du  dict  sieur  et  après 
son  decex  de  l'office  de  Requiem,  une  aultre  au  jour  de  mercredy 
de  l'office  de  Nostre  Darne  etl'aultreaujourde  vendredy  de  l'office 
de  la  passion  de  Nostre  Seigneur  Jésus  Christ  de  chacune  sepmaine 
de  l'an,  à  l'aduenir,  à  l'heure  de  huict  à  neuf  heures  du  matin,  par 
les  Religieux  du  dict  couuent,  pour  prier  Dieu  pour  lesdiclz  sieurs 
et  damoizelle,  leurs  deffuncls  pères  et  mères  et  aultres  leurs  pa- 


(*)  René  Charette  était  fils  de  Jean  et  de  Jeanne  de  Ruais.  H  avait  épousé  : 
1°  Anne  Martin  ;  2<>  Renée  de  la  Bouexiere.  Il  fut  maire  de  la  ville  de  Nantes 
de  i6ll  à  1613,  et  fut  inhumé  aux  Jacobins,  dans  1  enfeu  de  sa  famille,  le 
26  mars  1621. 

1885.  -  2°  Sim.  5 


—  46  — 

reins  et  amyz,  tant  viuants  que  trépassez  et,  à  la  fin  de  chacune 
dicelles,  sera  par  le  religieux  qui   la  dira  et  célébrera  dict  le 
psalmede  De  profundis  el  l'oraison  Fidelium  elle  tout  en  la  cha- 
pelle de  nostre  dame  de  pitié,  qui  est  vis  à  vis  de  la  chappelle 
de  Nostre  Dame,  du  cousté  dextre  en  allant  au  coeur  de  la  dicte 
eglize,    dans  laquelle  chappelle,   les  dietz    sieur  et  damoizelle 
feront  clore  et  accommoder  à  leur  disposition,  lorsque  bon  leur 
semblera  el  y  feront  ung  enfeu  qui  sera  pour  eulx  et  les  leurs 
en  particulière  prohibition  à  tous  aullres,  s'il  plaist  au  prieur  et 
religieux  dudict   couuent  le   permettre.   Et  pour  ce  faire  leur 
donnent  lesdietz  sieur  et  damoiselle  de  la  Bretonniere  la  somme 
de  cinquante  Liures  Tournois,  chacun  an  de  rante,  payable  par 
main  sur  tous  leurs  biens  et  meubles  et  heriltaigers,  presans  et 
futurs  et  speciallement  sur  une  maison  leur  appartenant  sytuée 
derrière  l'eglize  des  Carmes,  paroisse  de  Saincte  Croix,  bournée 
d'ung  cousté,  au  maistre  (le  nom  de  baptême  est  resté  en  blanc) 
Paris,  Pierre  de  la  Haye,  venelle  entre  deux,  d'aultre  couslé,  au 
sieur  Anthoine  Bariller,  payable  au  terme  de  Sainct  Jan  Batiste, 
par  une  main  et  ung  seul  payemant,  sans  diuision   de  personnes 
et  biens,  ce  que  les  diclz  Prieur  et  Religieux  dudict  couuent  au- 
roient  accordé  et  accepté,  en  leur  ehappitre  chai  pitrant  et  chap- 
pitre  tenant   pour  cest  etîect,  après   le  son  de  leur  cloche  capi- 
tullaire,  ou  entre  aultres  estoient  presans,  frères  Nirollas  Richard, 
docteur  en  théologie  et  prieur,  Guillaume  Durand,  Jacques  Lon- 
guespêc,  aussy  docteur   en  théologie,  Jacques  Ragot,  souprieur, 
Francoys  Masson,   Charles  Thibaud,  bacheliers,  Pierre  Masson 
et  Louis  Binard,  prebtres,  les  tous  religieux  et  profeetz    dudict 
couuent,   représentais  la  plus  grande,  maire  et  saine  partye  de 
tous  les  religieux  d'icelluy  et  faisant  pour  eulx  et  leurs  succes- 
seurs, prieurs,  religieux  dudict  couuent  et  ont  promis   garantir 
eux  tous  ladicte  chappelle  et  enffeu  sans  que  personne  y  puisse 
estre  enterré  que  les  dietz  sieurs  et  damoizelle  et  les  leurs  et  pro- 
mettent aussy  faire  célébrer  lesdietz  seruices  de  troyes  messes 
aux  jours  et  offices  cy  dessus  déclarez,  en  leur  payant  chacun  an 
ladicte  somme  de  cinquante  liures  tournois,  audict  terme  de 


—  47  - 

Sainct  Jan  baptiste  de  chacun  an,  à  commancer  à  dire  la  pre- 
mière messe,  lundy  prochain  et  continuer  à  l'aduenir  auxdictz 
jours  et  heures  et  le  premier  payemant  au  terme  de  Sainct  Jan 
Baptiste  prochain,  en  ung  an  prochain  venant  à  continuer  à  l'ad- 
uenir, chacun  an,  ainsy  quilz  eschoieront;  et  seront  tenuz  lesdictz 
religieux  auparauant  commencer  les  dictes  messes  faire  sonner 
une  cloche  dudict  couuent,  pour  aduertir  lesdictz  sieurs  et  da- 
moizelle  et  les  leurs  d'assister  ausdictes  messes,  si  bon  leur 
semble,  laquelle  chappelle  contiendra  en  longueur  environ  vingt 
ung  pied  et  de  largeur  douze  pieds  environ  et  en  icelle  pourront 
lesdictz  sieur  et  damoizelle  de  la  Bretonniere  ou  les  leurs,  à  leurs 
despans,  faire  appozer  leurs  armoyries  en  telz  endroictz  de  la 
chappelle  que  bon  leur  semblera  et  en  la  muraille  d'icelluy  en- 
grauer  une  table  d'airain  ou  sera  rapporté  sommairement  l'efiect 
des  presantes  conuentions  ad  perpétuant  rei  memoriam.  Et  à  faire 
fournir  ad  ce  que  dessus,  les  dictes  partyes  Font  ainsy  de  cha- 
cune part  vuullu  et  consanty,  promis  et  juré  tenir  par  leur  foy  et 
sermant  et  les  dicts  prieur  et  Religieux  par  leurs  sainctes  ordres, 
sur  l'hippoteeque  et  obligation  de  tous  et  chacuns  les  biens  et 
reuenus  du  dict  couuent,  sans  jamais  aller  ny  faire  au  contraire 
en  aulcune  manière,  à  quoy  elles  ont,  de  chacune  part,  renoncé, 
mesme  la  dicte  damoizelle,  au  droict  Villeian,  à  Tespittre  Diui 
Adriani  et  aultres  droictz  introduictz  en  faueur  des  femmes,  luy 
desclaré  que  s'est  à  dire  qui  est  que  femme  ne  peult  s'obliger 
pour  aultruy  ni  mesme  pour  son  mari,  sans  l'expresse  reuoutia- 
tion,  aultrement  en  pourroict  estre  relleuée,  ce  quelle  a  dict  bien 
entendre,  et  lesdits  prieur  et  religieux,  aux  droicts  canonicques 
et  eclesiasticques  quils  pourroient  alléguer,  empeschants  l'exé- 
cution des  presantes  ;  partant  y  ont  esté  par  nous  notaires  souhz 
signez,  de  leur  consentemant,  auecque  le  jugement  de  nostre 
dicte  court,  jugées  et  condempnées,  les  y  jugeons  et  condemp- 
nons,tesmoing  le  scely  estably.  Faict  et  consenty  audict  couuent, 
au  chappitre  dudict  lieu,  conuenu  entre  partyes  que  lesdictz  prieur 
et  damoizelle  pourront  neantmoyns,  eux  ou  leurs  heriltiers,  après 
leur  decex,  bailler  aultre  hippotecque  spécial  ausd.  religieux,  si 


—  48  — 

bon  semble  à  iceulx  prieur  et  damoizelle  et  leurs  herittiers,  après 
leur  deces,  sans  que  ladicte  rente  se  puisse  franchir  pour  quelque 
cause  que  ce  soit,  par  ce  que  les  dits  prieur  et  religieux  ne  pour- 
ront aussy  discontinuer  à  faire  îesdictz  seruices,  aultremant  sera 
la  dicte  rente  employée  à  faire  pareils  services  en  aultres  eglizes 
que  les  dicts  sieurs  et  damoizelle  ou  les  leurs  aduiserout.  Consenty 
comme  deuant  soubz  les  seings  desd.  partyes,  le  quatorziesme, 
jour  de  juiug  mil  six  cent  treze  après  midy.  Aiusy  signé  au 
registre,  René  Char 'cte ;  Renée  delà  Bouessiere;  Richard  prieur; 
Durand  docteur,-  Longuespée  docteur  ;f.  I.  Ragon,  souprieur  ; 
frère  François  Masson  bachelier;  Thibault  bachelier;  Biiiard  ; 
f.  Masson;  Ionneaux,  notaire  royal  et  Guihard,  notaire  royal,  qui 
a  le  dict  registre.  {Cop.  not.  pap.  —  Un  double  de  cet  acte  aux 
Archives  départementales,  Série  H.  304.) 

1619,  28  mai.  —  Seconde  fondation,  par  le  même,  d'une  messe  de  Requiem 
moyennant  une  rente  annuelle  de  70  livres  tournois. 

Gomme  ainsy  soict  que  dès  le  quatorziesme  de  juign  mil  six 
cens  treze,  escuyer  René  Charele  et  damoizelle  Renée  de  la 
Bouexiere,  sa  compagne,  sieur  et  dame  de  Ut  Bretonniere  et  d'Ai- 
grefeille,  auroient  fondé,  enl'eglize  des  Jacobins  de  Nantes,  troys 
messes  à  basse  voix,  à  eslre  dictes  et  célébrées  à  jamais  à  perpé- 
tuité, en  l'honeur  de  Dieu,  sçauoir,  une  au  jour  de  lundy  de 
l'office  du  Sainct  esprict,  une  le  mercredy  (le  l'office  de  nostre 
Dame  et  une  aultre  au  jour  de  vendredy  de  l'office  de  la  Saincte 
passion  de  nostre  Seigneur  Jt-sus  Christ,  de  chacune  sepmaine 
de  l'an,  par  les  religieux  dudil  couuent,  pour  prier  Dieu  pour  les 
âmes  desdils  sieur  et  darne  de  la  Bretonniere  fondateurs,  leurs 
deffunetz  père  et  mère  et  autres  parans  et  amys  trépassez,  en 
outre,  à  la  charge  qu'à  la  fin  de  chacune  d'icelle,  il  seroit  par  les 
religieux  qui  diront  et  célébreront  lesdites  messes,  dict  ung  De 
profundis  ou  l'oraison  Fidelium,  le  tout  en  la  chappelle  de  Nostre 
dame  de  pitié,  du  coslé  dexlre,  en  allant  au  cœur  de  ladite  eglize, 
auquel  enlleu  ne  pourront  estre  enterrez  aultres  que  lesdits 
sieurs  de  la  Bretonniere  et  compagne  et  les  leurs  yssus  d'eulx  et 


—  49  — 

hoirs  principaux  dudit  sieur  delà  Bretonnicre,  ains  rîemoureroit 
iceluy  enffeu  prohibitif  à  tou;  autres  du  voulloir  et  consantemant 
desd.  prieur  et  religieux  dud.  eouuent.  En-faueur  de  quoy,  auroient 
lesdits  sieur  et  dame  de  la  Bretonnicre  donné  audits  eouuent  et 
religieux  la  somme  de  cinquante  liures,  chacun  an,  de  rante, 
payable  par  main,  sur  tous  leurs  biens  meubles  et  herittaiges, 
presans  et  futurs,  et  spetiallemant  sur  une  maison  appartenante 
audit  sieur  de  la  Bretonnicre,  sytuéeen  la  rue  des  Carmes,  par- 
roisse  de  Saincte  croix,  ainsy  qu'elle  est  plus amplemant  contenue 
et  déclarée  par  ledit  acte  de  fondation,  sans  que  ladite  rante  se 
puisse  franchir  pour  quelque  cause  que  ce  soit.  De  ce  jour,  par 
nostre  court  de  Nantes,  auecque  deue  submission  cle  personnes 
et  biens  et  prorogation  de  juridiction  y  jurée  par  sermantpar  les 
partyes  cy  après,  pour  elles  et  les  leurs,  sans  en  pouuoir  décli- 
ner ny  excepter,  en  droit  a  esté  presant  ledit  sieur  de  la  Breton- 
niere,  demourant  audit  Nantes,  paroisse  de  Saincte  Radegonde, 
tant  en  son  nom,  que  comme  procureur  de  deffunctes  damoi- 
zelles  Anne  Martin,  sa  première  femme,  et  damoizelle  Renée  de 
la  Boucxicre,  sa  segoude  femme  et  compagne,  d'une  part,  et 
humbles  religieux  et  deuots  orateurs,  les  prieurs  et  religieux  du 
eouuent  des  Jacobins  de  Nantes,  estant  congregez  et  assemblez 
en  leur  chappitre  et  entre  aultres  Nicollas  Richard,  docteur  en 
théologie,  prieur  dudit  eouuent,  Jacques  Longucspée,  aussy  doc- 
teur en  ladite  faculté  de  téologie,  Jacques  Ragot,  soubz  prieur, 
Louys  Binard,  Bominicque  Robert,  Iuon  Puinaud,  Pierre 
Rigouays,  Guillaume  Chaslet  et  Bernard  Becot,  faisans  iceulx  prieur 
et  religieux,  tant  pour  eulx,  que  pour  leurs  successeurs,  prieur 
et  religieux  dudit  eouuent,  d'autre;  lequel  sieur  de  la  Brcton- 
niere  et  ou  dict  nom,  augmentant  sa  deuotion  et  conformemant 
à  l'intention  et  vollonté  de  ladite  deffuncte  damoizelle  Anne  Mar- 
tin, sa  première  femme,  laquelle  ledit  sieur  de  la  Bretonnicre 
auroit  désiré  accomplir,  ayant  faict  bastir  et  constougre  ladicte 
chappelle  cy  dessus  suyuant  la  promesse  qu'il  luy  auroict  faicte 
et  depuis  à  damoizelle  Renée  de  la  Bouexivre,  sa  segonde  femme 
et  compagne  et  qui  de  ce  ï'auroient  chacunes  d'elles  prié  et  chargé 


—  50  — 

sur  sa  consciance,  lors  de  leurs  deces,en  presance  de  plussieures 
personnes,  a  fondé  à  perpétuité,  chacun  de  tous  les  aultres  jours 
de  l'an,  oultre  ceux  cy  dessus  mentionnez,  en  la  fondation  de 
l'année  mil  six  cens  treze,  en  la  dicte  eglize  des  Jacobins,  en 
la  dicte  chapelle  de  Nostre  Dame  de  pitié,  ung  De  profanais  ni 
l'oraison  Fidelium,  parce  que  la  messe  à  basse  voix  du  Sainct 
esprit,  qui  se  debuoit  dire  le  lundy  par  la  première  fondation, 
se  dira  le  dimanche  à  basse  voix  et  le  lundy  celle  de  Requiem,  le 
lendemain  de  la  feste  des  morts  et  le  quatriesme  de  juillet  mil  six 
cens  sept,  que  decebda  damoizelle  Anne  Martin,  sa  première 
femme  et  le  mercredy  sixiesme  de  décembre  mil  six  cens  dix 
sept,  que  decebda  damoizelle  Renée  de  la  Bouexiere,  segonde 
femme  dudit  sieur  de  la  Bretonniere,  ou  le  jour  qu'il  decebdera, 
au  lieu  des  basses  messes  cy  dessus  fondées  ausdits  jours,  se 
diront  aultant  de  grandes  messes  de  Requiem  et,  à  la  fin  ce  cha- 
cune d'iceiles,  Libéra  me  domine,  De  profundis  et  l'oraison  Fide- 
lium, sur  leur  tombeau  et  enffeu  le  plus  deuottemant  que  faire  ce 
pourra,  pour  estre  dictes  et  célébrées  par  les  dits  religieux  dudit 
couuent  et  lesdites  grandes  messes  seruyes  de  diacre  et  soubz- 
diacre,  le  tout  pour  prier  Dieu  pour  leurs  âmes  et  de  leurs  parans 
et  amys  trespassez  et  le  jour  de  la  feste  de  Noël,  les  troys  messes, 
à  basse  voix  aussy,se  diront  à  l'intention  des  fondateurs  et  touttes 
lesdites  messes  cy  dessus  entre  les  dix  et  unze  heures.  Et  fourni- 
ront à  dire  lesdites  messes  lesdits  religieux,  sçauoir,au  jour  que 
se  diront  les  dites  messes  à  basse  voix,  d'ung  cierge  seullemant 
et,  aux  jours  que  se  diront  les  grandes  messes,  deux  cierges,  et 
pour  le  dict  effect,  oultre  la  somme  de  cinquante  liures  mention- 
nez en  la  fondation  de  l'an  mil  six  cens  treze,  ledit  sieur  de  la 
Bretonniere  et  audict  nom  a  donné  la  somme  de  soixante  et  dix 
liures,  chacun  an  de  rante,  qui  est,  pour  les  deux  fondations,  la 
somme  de  six  vinglz  liures  tournois  de  rante,  chacun  an,  payable 
à  la  feste  de  Noël  et  Sainct  Jan,  par  moiclié,  pour  estre  la  dicte 
somme  de  six  vingtz  liures  de  rante,  prinse  et  payée,  sçauoir,sur 
les  biens  dudit  sieur  de  la  Bretonniere,  la  somme  de  cinquante 
liures  et  sur  les  biens  des  dites  damoizelles  Martin  et  la  Bouexiere, 


-  51  - 

la  somme  de  soixante  et  dix  Mures  par  moitié.  Ce  que  ledit  sieur 
de  la  Brelonniere  auroict  amsy  egallé  et  departy  pour  bonnes 
considérations,  quoyque  chacune  ficelles  damoizelles  de  la 
Bouexiere  et  Martin  eussent  voullu  et  désiré  payer  chacune  une 
moitié  de  ladicte  fondation,  mesmes  de  ce  que  cousteroitla  cons- 
truction de  ladicte  chappelle,  des  frays  de  laquelle  construction 
ledit  sieur  de  la  Brelonniere  veult  et  entend  leur  succession  de- 
meurer déchargée,  parce  que  ne  pourront  estre  enterrez  en  ladicte 
chappelle  et  enffeu  aultres  que  lesdits  sieurs  de  la  Brelonniere, 
ses  enffans  et  leurs  hoirs  principaux.  A  quoy  Faire  et  audict  nom 
ledit  sieur  de  la  Brelonniere  a  obligé  tous  et  chacuns  ses  biens 
presans  et  futurs,  mesmes  ceux  desdites  damoizelles  à  la  conti- 
nuation et  payemantde  ladite  rante  de  six  vingtz  liures  par  cha- 
cun an  et  spetiallemant  oultre  la  maison  mentionnée  en  la  pre- 
mière foudation  la  mestayrie  de  la  Barbiere,  deppendant  de  la 
maison  de  la  Bretonuiere,  syluée  en  la  paroisse  de  Vigneu,  sans 
que  la  rante  se  puisse  franchir,  pour  quelque  cause  que  ce  soit, 
sauf  que  ledit  sieur  delà  Brelonniere,  ses  enffans  et  héritiers,  pour- 
ront donner  aultre  hippotecque  cy  après,  si  bon  leur  semble, 
soit  sur  les  biens  dudit  sieur  de  la  Brelonniere,  ou  sur  les 
biens  desdites  damoizelles,  quoy  que  soict,  à  la  proportion  que 
chacun  est  fondé  au  payemaut  de  ladite  rante,  pareeque  aussy 
lesdits  prieur  et  religieux  ne  pourront  discontinuer  à  faire  lesdits 
seruices  cy  dessus,  aultremant  sera  ladicte  rante  employée  à  faire 
lesdits  seruices  en  aultres  eglizes  que  lesdits  sieur  et  ses  enffans 
et  héritiers  aduiseront.  Et  sera  en  la  volonté  dudit  sieur  de  la 
Brelonniere,  enffans  et  ses  héritiers,  de  faire  engrauer  une  table 
d'airain  au  dedans  de  ladicte  chappelle  et  enffeu  et  en  icelle  la 
teneur  de  la  presante  fondation  ad  perpeluam  rei  memoriam  et 
au  dessus  ses  armes  et  desdites  damoizelles,  ses  femmes,  le  tout 
sans  desroger  aux  aultres  poinetz  et  conditions  de  la  première 
fondation.  Et,  à  faire  et  fournir  le  contenu  ;tux  presanles,  lesdites 
partyes  l'ont  ainsy  voullu  et  consanly,  promis  et  juré  tenir  par 
leur  foi  et  sermantet  les  dits  prieur  et  religieux  par  leurs  sainctes 
ordres,  sur  l'hippotecque  et  obligation  de  tous  et  chacuns  leurs 


-  52  - 

biens  et  reuenus  dudit  couuent,  sans  aller  ny  venir  à  jamais  au 
contraire,  à  quoy  elles  ont,  fie  chacune  part,  renoncé,  mesmes  ledit 
sieur  de  la  Bretonniere,  audit  nom  de  procureur  clesdites  damoi- 
zelles  de  la  Boucxiere  et  Martin,  suiuanl  le  pouuoir  luy  donné 
par  elles  au  droict  velleian,  à  l'espitre  Diui  Adriani  et  aullres 
droiclz  faictz  et  introduictz  en  faueur  des  femmes,  leur  déclaré 
et  faict  entendre  lors  desdits  veux  respectifîz  et  deuotion  à  faire 
et  consantir  la  dicte  fondation  et  auroict  les  enffans  desdits  sieur 
de  la  Bretonniere,  Martin  et  de  la  Bouexiere  et  hoirs  principaux 
dudit  sieur  delà  Bretonniere  et  de  ses  enffans,  soit  de  faire  conti- 
nuer lesdits  seruices  bien  et  deubmant  et  pour  ledit  effect  inter- 
poser l'auctorité  de  Monsieur  le  Senechal  ou  de  Monsieur  son 
lieutenant  et  de  Monsieur  le  procureur  du  roy  à  Nantes,  parce  que 
ledit  sieur  de  la  Bretonniere  dabondant,  autant  que  besoign  est, 
et  lesdits  prieur  et  religieux  et  couuent,  tant  pour  eux  que  pour 
leurs  successeurs,  prieurs  et  religieux,  pour  l'effroi  despresautes, 
se  sont  submis  et  ont  prorogé  de  juridiction  à  la  cour  de  Nantes, 
pour  y  estre  conuenuz,  traictez  et  poursuiuiz,  comme  par  leurs 
propres  barre  et  juridiction,  sans  en  pouuoir  décliner  et  excepter, 
pour  quelque  cause  que  ce  soit,  renonçant  lesdits  prieur  et  reli- 
gieux à  leurs  priuillaiges,  faictz  et  introduictz  pour  et  en  faueur 
des  ecclesiasticques.  Partant,  ont  esté  lesdites  partyes  cy  dessus, 
par  nous  notaires  soubz  signez,  de  leurs  consantemant,  auecque 
le  jugement  de  nostre  dicte  cour,  jugez  et  condempnez,  les  y 
jugeons  et  condempnons,  tesmoing  le  secl  y  estably.  Faict  et 
consanty,  audict  couuent  et  chappitre  dudit  lieu,  le  vingt  qua- 
triesme  jour  de  may  mil  six  cens  dix  neutî,  après  midy,  soubz 
les  seings  desdites  partyes  et  de  nous  notaires  soubz  signans. 
Ainsy  signé  au  registre,  René  Charc/e;  Richard  prieur  ;  Longues- 
pee  docteur,-  f.  J.  Ragot;  Binard;  f.  Yves  Primaud  ;  f.  D.  Ro- 
bert; Caris  Charles  Rigouaist;  f.  le  Becot  ;  Chauveau,  notaire 
royal  et  P.  Guihard,  notaire  roy;d,qui  a  led.  registre. 

Signé,  Guihard. 

(Cop.  not.  parch.  —  Un  double  aux  Archives  départementales 
de  la  Loire-Inférieure.) 


—  53 


1678,  2  octobre.  —  Fondation  par  damoizelle  Marie  Bouillon,  d'une  messe 
haute,  tous  les  lundis,  moyennant  la  somme  une  fois  payée  de  1600  livres 
tournois. 

Daultant  que  damoizelle  Marie  Bouillon,  demeurant  en  ceste 
ville  de  Nantes,  Grande  rue,  paroisse  de  Sainte  Croix,  considé- 
rant autant  quelle  le  peult  faire,  les  grâces  quelle  a  reçeues  et 
reçoit  journellement  de  l'adorable  main  du  Tout  Puissant,  auroit, 
pour  témoignage  et  recognoissance,  et  aussy  pour  prier  Dieu  pour 
le  repos  de  son  âme  et  de  ses  parents  et  amis  trespassez,  formé 
dessein  de  fonder  et  léguer,  en  l'église  conuentuelle  des  révérends 
pères  Jacobins  dudict  Nantes,  où  elle  a  une  deuotion  particulière, 
une  messe  haulle,  tous  les  lundis  de  l'année,  quy  sera  ordinaire- 
ment  du  Saint  Sacrement  et,  en  cas  que  ce  jour  la,  il  y  ayt  feste 
double,  elle  sera  du  jour,  un  salut  d'exposition  du  saint  sacre- 
ment pendant  vespres  ou  compiles,  selon  le  temps,  auquel  seront 
chantées  l'hymne  Pange  linrjua  et  l'antienne  Sub  luom  (sic)  auec 
les  oraisons  du  saint  sacrement  et  de  la  vierge,  et  ensuit  Depro- 
fundis  et  Fidel/'um  et  le  Stabat,  après  complies,  dans  la  chapelle 
de  Nostre  dame  de  pitié,  quy  est  dans  la  dicte  église,  à  commancer 
demain  prochain,  tenant  lundi  troisiesme  du  présent  mois  et  con- 
tinuer de  la  manière  à  perpétuité,  et  qu'elle  auroit  déclaré  aux 
Reuerands  pères,  prieur,  procureur  et  religieux  Jacobins  dudit 
Nantes  et  iceux  priez  d'accepter  la  dite  fondation,  offrant  leur  paier, 
une  fois  payée,  la  somme  de  seize  cens  livres  tournois,  sur  quoy 
lesdits  Reuerands  Pères,  prieur,  procureur  et  religieux  Jacobins 
dudit  Nantes  s'estant  assemblez  capitulairemant,  auroient  arresté 
l'acceptation  delà  dite  fondation.  Et  pour  ce,  deuant  nous  notaires 
roiaux  de  la  cour  de  Nantes  soussignez,  auec  sumission  et  proro- 
gation de  jurisdiction  à  la  cour  dudit  lieu,  sans  en  pouuoir  décli- 
ner ni  excepter  par  les  parlyes  cy  après,  pour  quelques  causes 
que  ce  soit  et  puissent  estre,  ont  comparus  les  dits  Reuerands 
pères,  prieur,  procureur  et  Religieux  Jacobins  dudit  Nantes,  repré- 
sentés es  personnes  de  Frère  Jan  Honj,  humble  prieur,  frère 


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Estienne  Lory  souprieur,  frère  Gabriel  Guerry,  frère  Julien 
Guillou,  professeur  en  théologie,  frère  Yves  Cosson,  professeur  en 
théologie,  frère  Isaac  Duplessix,  procureur,  frère  Michel  Le 
Marchand,  frère  François  Billccoq,  frère  Rodolphe  Gendrol, 
frère  Jacc/ues  du  Boishardy,  frère  Jan  Hyacinthe  Lebel,  frère 
Pierre  Martin,  frère  Jan  Rosselin,  frère  Jacques  Le  Vaillant, 
frère  George  Simow,  sacriste,  frère  Claude  Lapostolle  et  frère  Jan 
Vanderhorst,  faisant  la  plus  saine  parlye  des  dits  religieux,  d'une 
part  et  ladite  demoiselle  Bouillon,  d'autre  part,  entre  lesquels  le 
nom  de  Dieu  tout  premier  invocqué,  a  esté  accordé  et  arresté  ce 
qui  ensuilt  :  Quy  est  que  lesdits  Reuerands  pères,  prieur,  procu- 
reur et  religieux  Jacobins  dudit  Nantes  ont  promis,  promettent 
et  s'obligent,  pour  eux  et  leurs  successeurs,  prieur  procureur  et 
religieux  de  leur  couuent,  de  dire  et  cellebrer  a  jamais  à  l'adue- 
nir,  dans  leur  église,  une  messe  haute,  tous  les  lundis  de  l'année, 
quy  sera  ordinairement  du  saint  sacrement,  et  en  cas  que  ce  jour 
là  il  y  aist  feste  double,  elle  sera  du  jour,  un  salut  d'exposition 
du  saint  sacrement,  pendant  vespres  ou  complies,  selon  le  temps, 
auquel  seront  chantées  l'hymne  Pange  lingua  et  l'antienne  Sub 
tuum  avec  les  oraisons  du  saint  sacrement  et  de  la  vierge  et  en- 
suite De profondis  et  Fidelium  et  le  Stabat,  après  complies,  dans 
la  chapelle  de  Nostre  dame  de  pitié,  quy  est  dans  la  dite  église, 
le  tout  à  l'intention  de  ladite  damoiselle  Bouillon  et  de  ses  parents 
et  amis  trépassés,  à  commencer  demain  lundi  prochain  troisiesme 
du  présent  mois,  à  perpétuité,  sans  qu'ils  puissent  s'en  dispenser, 
au  moien  de  quoy,  la  dite  damoiselle  Bouillon  a  presenlemant 
comptant  et  réellement,  deuant  nous  dits  notaires,  payé  ausdils 
prieur,  procureur  et  Religieux  Jacobins  dudit  Nantes  ladite 
somme  de  seize  cens  liures  tournois,  quy  l'ont  ^iie  en  paiement 
de  louis  d'argent  et  autres  monnoies  aiant  cours,  suiuant  le  dit 
du  Roy,  nostre  sire,  jusques  à  la  concurance  de  la  dite  somme, 
dont  ils  en  quittent  ladite  damoiselle  Bouillon.  Tout  ce  que  deuant 
a  esté  par  les  dites  parties  ainsy  voullu  et  consenty,  promis,  juré 
tenir,  sans  y  contreuenir,  sçauoir  ladite  demoiselle  Bouillon,  sur 
tous  ses  biens  présents  et  futurs,  et  en  tend  que  besoin  a  renoncé 


—  55  — 

u  droit  Villeian,  à  Pespitrn  Diui  adriani,  à  l'autantique,  si  qu'à 
Mulier  et  à  tous  autres  droits,  faits  et  introduits  en  faueurde  son 
sexe,  luy  donné  à  entendre  par  nous  dits  notaires  au  long  et  quelle 
a  dit  bien  entendre,  et  les  dits  prieur,  procureur  et  Religieux  Ja- 
cobins de  Nantes,  sur  le  temporel  de  leur  dit  couuent,  partant 
de  leurs  consentements  et  requestes  y  ont  estes  par  nous  dits 
notaires,  jugés  et  condemnés  du  jugement  et  condemnation  de 
noslie  ditte  cour.  Et  pour  omologuer  1rs  présentes  par  tout  ou 
estre  deuera,  ils  ont  nommés  et  constitués  leurs  procureurs  gé- 
néraux et  spéciaux,  sçauoir,  la  dite  damoiselle  Bouillon,  rnaitre 
(le  nom  est  resté  en  blanc)  et  les  dits  prieur,  procureur  et  Reli- 
gieux Jacobins  dudit  Nantes,  maistre  (le  nom  est  resté  en  blane), 
auec  tout  pouuoir  pertinand  quand  à  ce. 

Fait  et  passé  audit  couuent  desdits  Reuerands  pères,  prieur  et 
Religieux  Jacobins  de  Nantes,  pour  leur  respect,  et  en  la  demeure 
de  la  dite  damoiselle  Bouillon,  pour  son  respect,  sous  les  seings 
desdites  parties,  le  deuxiesme  jour  d'octobre,  mil  six  cens 
soixante  dix  huit,  après  midi.  Ainsy  signé  en  l'original  frère  Jan: 
Hory,  humble  prieur  ;  f.  Estienne  Lory,  souprieur  ;  frère  Gabriel 
Guerry  ;  frère  Julien  Gui/lou,  professeur  en  théologie;  f.  Ives 
Cosson,  professeur  en  théologie;  frère  Isaac  Duplesseix,  procu- 
reur ;  f.  Michel  Lemarchand  ;  f.  François  Bi'lecoq  ;  f.  Rodolphe 
Gendroii  f.  Jacques  du  Boishardy;  LJeanhyac.  Lebel;  f.  Pierre 
Martin  ,•  f.  Jan  Rosselin  ,•  f.  Jacques  Levaillant  ;  f.  George 
Simon,  sacriste  ;  fr.  Claude  Lapostolle  ,•  fr.  Jan  Vanderhorst  ; 
Marie  Bouillon,-  Lrjay,  notaire  royal  et  Ducoin,  notaire  royal,  quy 
a  le  dit  original.  Signé  :  Lejay  et  Ducoin,  notaires  royaux.  (Cop. 
noU  sur  pet.  pap.) 


1685,  17  janvier.  —  Concession  par  madame  la  Présidente  de  Montebert 
pour  abatlrr  la  l«alustrade  d^  tuiTau  qui  enclos  sa  chapelle  de  Ne  De  de 
Pitié,  dans  lYglise  des  Jacobins. 

Le  dix  septiesme  de  januier  mil  six  cens  quatre  vingts  cinq, 
auant  midy,  deuant  les  notaires  royaux  de  la  cour  de  Nantes 


—  56  — 

soubsignés,  auecq  submission  et  prorogation  de  juridiction  y 
jurée  par  serinant,  a  comparu  dame  Janne  de  Montullé,  voulue  de 
deffunt  messire  Jacques  Charete,  viuant  Chevalier,  seigneur  de 
Montebert,  la  Guidoire,  la  Bretonnière  et  aultres  lieux,  conseiller 
du  Roy,  premier  présidant  en  la  chambre  des  comptes  de  Bre- 
taigne,  tutrixe  de  leurs  enfans,  demeurante  à  son  hostel  au  dit 
Nantes,  rue  du  chasleau,  paroisse  de  Sainct  Denys,  la  quelle  es 
dits  noms  et  quallités,  en  l'honneur  de  Dieu,  pour  l'ambellisse- 
mant  de  son  (ample  et  à  sa  plus  grandre  (sic)  gloire,  a  permis  et 
permet,  par  ses  prisantes,  que  les  humbles  et  deuots  Religieux 
Jacobins  de  cette  ville  de  Nantes  fassent  abastre  et  desmolir, 
quand  bon  leur  semblera,  la  balustrade  de  luffeau,  quy  est  à 
clore  sa  chapelle  de  Nostre  Dame  de  Pityé,  dans  leur  Eglize, 
par  ce  que  lesdits  Religieux  seront  obligés  d'en  faire  faire  inces- 
samant  une  aultre  de  bois  de  chesne  ou  de  noyer,  de  pareille 
longueur  et  largeur,  que  celle  de  tuffeau,  portant  les  armes  en 
trois  endroits  dudit  feu  seigneur,  premier  présidant,  son  mary, 
laquelle  permission  et  consanlemant  a  esté  par  les  Reuerants 
pères  Charles  Guihart  prieur  et  François  Le  Metaer,  procureur 
dudict  conuant,  sur  ce  presant,  de  la  manniere  acceptée  aux  sus 
dites  conditions  et  promis  l'exécuter  et  accomplir  sans  y  contre- 
uenir,  sans  aucunement  desroger,  preiudicier  ny  faire  nouation 
aux  actes  faits  entre  les  autheurs  dudict  feu  Seigneur,  premier 
présidant  et  les  dits  Religieux  au  subject  de  la  ditte  chapelle  et 
fondation  y  speciffyée. 

Fait  et  passé  audit  Nantes,  en  la  demeure  de  la  ditte  dame 
première  présidante,  soubs  son  seing  et  desdits  prieur  et  procu- 
reur du  dit  conuant  les  dits  jour  et  an.  Ainsy  signé  au  registre  : 
Janne  de  Monlulé;U\  Charles  Guihart,  humble  prieur,  fr.  Fran- 
çois Le  Metaer,  faisant  pour  le  procureur,  Petit,  notaire  royal 
et  Lcbrclon,  notaire  royal  regislraleur. 

Signé  :  Petit  et  Lebrcton  urc»  royaux. 
(Cop.  not.  pap.) 


—  57 


§  III.  —  Chapelle  de  Miséricorde. 

1672,  15  mars.  —  Fondation  par  Jean  Régnier,  écuyer,  d'un  saint  dans  la 
chapelle  de  Notre-Dame  de  Miséricorde,  mitel  de  la  Vierge,  eu  la  paroisse 
de  Saint-Similien,  aliàs,  Saint-Sembin. 

Sur  ce  que  Escuier  Jan  Regnyer(*),  conseiller  du  Roy,  audi- 
feur  et  secrétaire  en  sa  chambre  des  Comptes  de  Bretagne,  prieur 
corn  manda  taire  du  prieuré  de  Saincte  croix  en  Sainct  Martin  et 
la  Madeleine  en  bois,  auroit  déclaré  à  Messieurs  les  Recteur  et 
prostrés  de  chœur  de  l'eglize  pariochialle  de  Sainct  Similien, 
allias  Sainct  Sembin,  de  Nantes,  qu'il  est  dans  le  desseign  de 
fonder  et  léguer  à  jamais  à  perpétuité,  dans  la  chappelle  Nostre 
Dame  de  miséricorde,  asise  en  la  paroisse  de  Sainct  Sembin,  à 
l'autel  de  la  vierge,  un  salut  pour  estrc  chanté  par  ledit  sieur 
Recteur  et  prestres  de  chœur  et  sacriste  dudit  Sainct  Sembin, 
tous  les  jours  de  l'octaue  de  Pasque  de  chacun  an,  à  l'heure  de 
six  heures  du  soir  ou  enuiron,  composé  de  la  prose,  suffrage 
et  oraison  de  chaque  jour  dudit  octaue,  comme  ils  eschoiront, 
ainsi  qu'il  se  dit  en  l'eglize  cathedralle  de  Sainct  Pierre  de  cette 
ville  de  Nantes,  sans  neantmoins  estre  chanté  autrement  que  de 
leur  plaiii  chant  acoustumé,  l'antienne  Salue  regina,  verset  et 
oraison,  en  suille  a  haulte  voix,  et  appres  un  De  profundis  aucc 
un  Resquiescanl  (sic)  inpaceh  haulte  voix  et,  à  la  fin,  la  Salutation 
angelique  répétée  par  trois  fois,  aussy  à  haulte  voix,  pendant 
lequel  salut,  il  y  aura  deux  cierges  de  cir  blanche  alumez  sur 
ledit  autel  qu'ils  fourniront  à  leurs  frais  ;  et  outre,  seront  obligez 
de  dire  ou  faire  dire  une  messe  à  basse  voix  a  l'intention  dudit 
fondateur,  tous  les  ans,  le  lundy  dudit  octaue.  de  Pasque,  enuiron 


(')  Jean  Regnyer,  sieur  de  la  Souchais,  maire  de  Nantes  de  1673  à  1675. 


—  58  — 

les  huict  heures  du  matin  et  encor,  à  la  fin  dudit  octaue,  une 
autre  messe  aussy  à  basse  voix,  chacun  dit  an  et  de  se  fournir 
d'ornemens  et  autres  choses  nécessaires  à  cet  effect  et  le  dit  sa- 
criste  deura  faire  tirer  les  cloches  de  ladite  eglize  pariochaille (sic) 
de  Sainct  Sembin,  enuiron  les  cinq  heures  et  demye  du  soir  de 
chacun  jour  dudit  octaue,  pour  assembler  les  prebtres  dans  ladite 
eglize,  affin  d'aller  tous  ensemble  en  surplis,  chanter  ledit  salut, 
comme  aussy,  de  sonner  en  ariuant  la  cloche  de  ladite  chapelle 
de  Miséricorde,  pour  appeller  les  prebtres  audit  Salut,  et,  à  la  fin, 
la  faire  tirer  trois  fois  pendant  qu'on  chantera  VAue  Maria  et  d'y 
assister  en  surplis,  ainsy  que  les  prebtres  de  chœur,  parce  qu'il 
aura  pareille  distribution  qu'eulx  et  qu'il  sera  loisible  audit  sieur 
fondateur  de  faire  afficher,  si  bon  luy  semble,  une  petite  placque 
de  cuiure,  en  laquelle  seront  descritz  les  termes  de  ladite  fonda- 
tion ;  pour  dot  et  sallaire  duquel  seruice  et  fondation  ledit  sieur 
Regnyer  auroit  offert  la  somme  de  quinze  liures  par  chacun  an 
de  rante  foncière,  de  quoy  les  dits  sieur  recteur  et  prebtres  ayant 
donné  aduis  ausdils  parroissiens,  ils  auroient  par  leur  chapitre  et 
assemblée  capitullaire  du  treziesme  du  présent  mois,  pour  l'hon- 
neur et  gloire  de  Dieu,  accepté  ladite  fondation,  ainsy  que  les 
sieurs  recteur  et  prebtres  de  chœur  et  sacriste  et  nomé  ledit  sieur 
recteur  et  les  fubriqueurs  à  présent  en  charge,  pour  en  passer 
l'acte  auee  ledit  sieur  Régnier.  A  ces  causes,  ont  comparu  deuant 
les  notaires  gardenotles  du  roy,  en  sa  cour  de  Nantes  soubz 
signez,  auec  submission  et  prorogation  de  jurisdiction  y  jurée,  le 
dit  sieur  Regnyer,  demeurant  en  cette  ville  de  Nantes,  paroisse 
de  Nostre  Dame,  d'une  part,  et  noble  et  vénérable  et  discret  mis- 
sire  Julien  Gendron,  prebtre  recteur  deladite  paroisse  de  St  Sem- 
bin, vicaire  gênerai  de  Monseigneur  l'euesque  de  Nantes  et  véné- 
rables et  discretz  missires  Jan  Guillou,  Jan  Moruan,Jan  Arnault, 
Pierre  Loquet  et  Pierre  Reynaud,  prebtres  du  chœur  et  ledit 
Rtgnault,  sacriste  de  la  dite  eglize  de  Sainct  Sembin  et  honorables 
personnes  Jan  Leduc  et  Daniel  Dulion,  fabriqueurs  l'an  présent 
de  la  dite  paroisse  de  Si  Sembin,  à  ce  nouiez  auec  ledit  sieur 
recteur  par  le  gênerai  desdits  paroissiens,  par  ledit  chapitre  cy 


i 


—  59  — 

dessus  datte,  aparu  et  par  eux  retenu,  d'autre  part,  entre  lesquels 
a   esté  faict  et  accordé  l'acte  quy  ensuilt,  par  lequel  ledit  sieur 
Régnier,   percislant  en  son  intention,  a  fondé  et  légué  en  ladite 
chapelle  de  miséricorde,  audit  autel  de  la  vierge,  le  salut  et  ser- 
uice  cy  deuant  speciffiez.  que  ledit  sieur  recteur,  prebtres  de  chœur 
et  sacristes,  pour  eulx  et  leurs  successeurs  aus  dites  charges,  à 
jamais  à  l'aduenir,   promettent  et  seront  tenuz  de  dire  et  célé- 
brer pontuellement,  suivant  et  conformément  aux  clauses  et  con- 
ditions cy  dessus  déclarées  et  désignées,  à  fournir  de  tous  lumi- 
naires et  ornemens  requis  à  leurs  frais,  à  commencer  au  jour  de 
Pasques  prochaine  venante  et  continuer  à  jamais  à  l'aduenir  dans 
un  an,  comme  ils  eschoiront,  sans  pouuoir  délaisser  ny  retrancher 
ledit  seruice  pour  quelque  cau^e  que  ce  soit,  a  quoy  ladite  fabrique 
et  paroissiens  de  Si  Sembin  demeurent  tenus  et  obligez  d'auoir 
l'œil  a  faire  obseruer  et  exécuter  de  poinct  ladite  fondation,  selon 
l'intention  dudit  sieur  fondateur  et  d'y  obliger  les  prebtres  de 
chœur  et  sacristes  de  ladite  eglize,  lors  de  leurs  réceptions  par 
cy-apres.  Ladite  fondation  faite  et   accordée  moyennant  ladite 
somme  de  quinze  liures  de  rente  foncière  annuelle  et  perpétuelle 
offerte  par  ledit  sieur  Régnier  pour  sallaire  dudit  seruice,  laquelle 
somme  il  et  ses  successeurs  demeurent  obligez  payer  annuelle- 
ment es  mains  des  fabriqueurs  deladite   paroisse  de  St  Sembin 
lors  en  charge,  au  premier  jour  d*'  juillet  de  chacun  an,  à  com- 
mencer le  premier  payement  au  premier  jour  de  juillet  prochain 
et  de  la  manière  continuer  par  lesdits  termes  d'an  un  an,  comme 
ils  eschoiront,  à  perpétuité,  de  laquelle  somme  il  demeurera  qua- 
rante solz  au  profils  de  ladite  fabrique  et  le  surplus  quy  est  treze 
livres  pour  lesdits  service  ;  laquelle  dite  somme  de  quinze  livres 
de  rente  ledit  sieur  Régnier  a  des  à  presant  assignée  et  affectée 
sur  ung  logis  luy  appartenant,  sillué  à  la  fosse  dudit  Nantes,  pa- 
roisse de   Saincl-Nicollas,  au  derrière  d'un  autre  logis  apparte- 
nant au  sieur  Verrin,  marchand,  demeurant  en  la  rue  de  la  Cas- 
serie  et  cy  devant  au  sieur  Régnier,  dans  lequel  logis  affecté  à  la- 
dite rente,  demeure  l'appelé  Aguesse,  affermé  deux  cent  cinquante 
livres  par  an,  parce  qu'en  cas  de  vente  dudit  logis  par  ledit  sieur 


re 


—  60  — 

Régnier  ou  ses  héritiers,  il  leur  sera  loisible  de  porter  ladite 
rente  sur  ung  autre  tond,  bon  et  vallable,  situé  soubz  trois  lieues 
de  cette  ville  de  Nantes. 

Tout  ce  que  deuant  a  esté  ainsy  et  de  la  manière  accordé, 
voullu  et  consenty,  promis  et  juré  tenir  par  les  dites  partyes  ous- 
dits  noms  et  quallitez,  sans  y  contrevenir  ;  à  ce  faire  se  sont 
obligez,  chacun  en  ce  que  le  faict  touche,  sur  tous  leurs  biens, 
rantes  et  revenus  et  ceux  de  la  dite  fabrique,  pour,  en  cas  de 
deffault,  estre  exécutez,  saisis  et  vandus,  suivant  les  ordon- 
nances royaux,  dont  et  parlant  y  ont  esté  jugez  et  condamnez  du 
jugement  et  aulhorité  de  noslre  dite  cour. 

Faict  et  passé  audit  Nantes,  en  la  sacristie  de  Féglize  du  dit 
S.  Sembin,  le  quinziesme  jour  de  mars,  mil  six  cent  soixante  et 
douze  et  ont  signé  ainsy.  Signé  au  registre,  J.  Gendron;  J.  Guïllou, 
pbre  du  chœur  ;  /.  Morvan,  pbre;  Arnaud,  pbrc  du  chœur; 
P.Locquet,  pbre  du  chœur;  P.  Rcgnaud,  pbrc  sacriste  ;  Jan 
Leduc;  Dulion;  J.  Régnier;  J.  BrelcschëA\ùxe  royal  et  Petit,  no 
royal  quy  a  led.  registre.  Signé  :  /.  Breteschê  et  Petit. 

(Cop.  not.  parch.) 


1073,  15  juin.  —  Quittance  d'une  annuité  de  la  rente  fondée  par  l'acte 

qui  précède. 

Gomme  l'un  des  fabricqueurs  l'an  dernier  de  la  paroisse  de 
Sainct  Simillien,  j'ay  reçeu  dcMons.  Regnierh  somme  de  quinze 
liures,  pour  une  année  de  la  fondation  par  luy  faite  à  la  chapelle 
de  Nostre  Dame  de  Miséricorde,  en  la  de  paroisse  de  Saint  Si- 
milieu,  pour  le  sallut  chanté  en  la  dite  chapelle,  par  Messieurs 
les  recteur  et  prebtres  de  ladite  paroisse,  le  soir  du  jour  de 
Pasques  et  pendant  l'octaue  ladite  année  finie  à  ladite  octaue  de 
pasques  dernière,  dont  je  quite  ledit  sr  Régnier  et  promet  l'ac- 
quitter vers  lesdits  s1'  recteur  et  prebtres.  A  Nantes,  ce  quinziesme 
juin  mil  six  cens  soixante  et  traize.  Signé  :  Bretonncau. 

{Pièce  originale  sur  papier.) 


—  61  — 

1675,  ii  juillet.  —  Autre  quittance. 

Nous  soubz  signez,  procureurs  fabricqueurs  de  l'églize  de 
Saint  Simillien  de  Nantes,  confessons  auoir  ce  jour  receu  de  Mon- 
sieur Régnier,  maire  de  la  Ville  dudit  Nantes,  la  somme  de 
quinze  Hures,  pour  une  année  de  la  fondation  par  luy  faite  du 
sallut  pandant  l'octaue  et  la  feste  de  Pasque,  à  la  chapelle  de 
Nostre  Dame  de  Miséricorde,  despendante  de  ladite  eglize  de 
Saint  Simillien,  desquelles  quinze  liures  nous  quitons  ledit  sieur 
Régnier  et  promettons  l'acquiter  vers  tous. 

Fait  au  dit  Nantes,  ce  jour  unziesme  juillet  mil  six  cent  soixante 
quinze. 

Signé  :  Guillard  et  Sargent. 

(Orig.  pap.) 

4680,  {9  novembre.  —  Autre  quittance. 

Je  soubsigne  et  confesse.,  comme  un  des  fabriqueurs  de  la  pa- 
roisse de  Sb  Similien,  auoir  receu  de  Monsieur  Régnier,  l'un 
des  antiens  maires  de  Nantes,  la  somme  de  quinze  liures,  pour 
la  fondation  qu'il  auroit  faict,  pour  le  salut  célébré  dans  la  cha- 
pelle de  Nostre  Dame  de  Miséricorde,  pendant  l'octaue  de 
Pasques  dernière,  dont  je  le  quitte. 

Fait  ce  19me  nouembre  1680. 

Signé  :  A.  Fouchard. 

(Orig.  pap.) 

§  IV.  —  Hôpital  du  Sanitat. 

(685,  30  juin.—  Quittance  par  la  direction  de  l'hôpital  à  Jeanne  de  Montullé 
veuve  de  Jacques  Charette  de  Montebert,  de  la  somme  de  2000  livres  lé- 
guée audit  hôpital  par  Jean  Régnier. 

Le  trantiesme  Jour  de  Juin  mil  six  cens  quatre  vingts  cinq, 
après  midy,  deuant  nous  Notaires  Royaux  de  la  Cour  de  Nantes 
1885.  —  2°  Sem.  6 


—  62  — 

soubz  signez,  aueq  submission  et  prorogation  de  Jurisdiction  y 
jurée,  ont  comparu  Monsieur  M0  Pierre  Guyot,  sieur  de  la  Poi- 
teuinière,  conseiller  du  roy,  Juge  magistrat  au  siège  presidial  de 
Nantes  et  honnorable  homme  Pierre  Viau,  marchand  audit  Nantes, 
député  de  Messieurs  les  autres  directeurs  des  pauvres  renfermez 
de  l'hospital  gênerai  du  Sanitatde  cette  ville  de  Nantes,  demeu- 
rant en  cette  ville  de  Nantes,  sçauoir,  ledit  sieur  de  la  Poiteui- 
nière,  grande  rue  paroisse  de  Saint  Saturnin,  lesquels  ont  re- 
cogneu  et  confessé  auoir,  tant  ce  jour  que  cy  deuant,  eu  et  reçeu 
de  dame  Janne  de  Montullé,  veufue  de  messire  Jacques  Qharette, 
viuant  Gheuallier,  Seigneur  de  Montebert  et  autres  lieux,  conseiller 
du  roy  et  premier  présidant  en  la  chambre  de  ses  comptes  en 
Bretagne,  faisant  tant  pour  elle  que  pour  le  Seigneur  de  Mon- 
tullé,  conseiller  au  parlement  de  Paris  et  pour  la  dame  de  Langan, 
ses  frère  et  sœur,  héritiers  de  feu  escuyer  3 an  Regnyer,  con- 
seiller du  roy  et  auditeur  en  la  chambre  de  ses  comptes  en 
Bretagne,  presant  et  acceptant,  la  somme  de  deux  mille  liures, 
par  ledit  feu  sieur  Regnyer  léguée  à  ladite  direction  des  pauures 
renfermez,  par  son  testament  et  ordonnances  de  dernière  vol- 
lonté  du  neufuiesme  jour  de  may  mil  six  cens  quatre  vingts  un  ; 
de  laquelle  somme  lesdits  sieurs  Guyot  et  Viau  se  tiennent  con- 
tants et  en  quittent  la  dite  dame  de  Montebert;  et,  en  cas  que  la 
dite  direction  et  Sanital  des  pauures  renfermez  cesseroit  et  ne 
subsisteroit  plus,  en  ce  cas,  sera  ladite  somme  de  deux  mil 
liures deliurée  aux  pauures  de  l'hostel  Dieu  de  ceste  ville,  suiuant 
l'intention  dudit  feu  sieur  Régnier.  Et,  pour  plus  grande  assu- 
rance de  ce,  ont  lesdits  sieurs  Guyot  et  Viau,  et  ou  susdits 
noms,  promis  d'employer  ladite  somme  de  deux  mil  liures  à  la 
construction  d'une  maison  qu'ils  font  bastir  de  neuf,  en  la  rue  de 
la  Gasserye  de  cette  ville,  dont  remplacement  a  esté  donné  à  la- 
dite direction  par  les  sieurs  et  dame  Despinoze,  laquelle  maison 
ils  ont  affectée  et  hipotéquée  speciallement  pour  la  surette  du 
fond  de  ladite  somme  de  deux  mille  liures  à  restitution  d'icelle, 
en  cas,  comme  dit  est,  que  ledit  hospital  gênerai  du  Sanitat  ces- 
seroit et  à  cette  tin  seront  lesdits  sieurs  directeurs  tenus  de  faire 


—  63  — 

déclaration,  dans  les  quittances  des  payemens  qu'ils  feront  aux 
artizans  quy  construisent  ladite  maison,  qu'il  y  en  a  la  somme 
de  deux  mil  liures,  prouenant  du  don  fait  à  ladite  direction  par 
le  feu  sieur  Régnier,  sans  toutteffois  que  la  speciallité  desroge  à  la 
généralité  des  autres  biens  de  ladite  direction  ;  ce  quy  a  esté 
ainsy  voullu  etconsenty.  Et,  à  ce  faire  et  iouir,  y  ont  lesdits  sieurs 
Guyot  et  Viau  obligez  et  affectez  tous  et  chacunsles  biens  meu- 
bles et  immeubles,  rantes  et  revenus  de  ladite  direction,  presant 
et  aduenir,  dont  et  partant  y  ont  Iesdites  partyes  esté  jugées  et 
condamnez  du  jugement  et  condamnation  de  nostredite  cour. 
Fait  et  passé  audit  Nantes,  en  la  demeurance  de  ladite  dame  de 
Montebert,  rue  du  Chasteau,  paroisse  de  Saint  Denis,  lesdits  jour 
et  an.  De  laquelle  somme  de  deux  mil  liures,  il  en  est  demeuré 
quinze  cens  liures  entre  les  mains  dudit  Viau,  les  cinq  cens 
liures  ayant  esté  cy  deuant  payé  aux  artizans  qui  construisent  la 
susdite  maison. 

Ainsy  signé  au  registre:   Guyot;  Viau;  dame  de  Montullé; 
Bretesche,  nre  royal  et  Petit,  nre  royal  quy  a  ledit  Registre. 

Signé  :  Bretesche  et  Petit. 
(Cop.  not.  pap.) 


i69i,  il  avril.  —  Donation  par  la  même  audit  hôpital  d'une  maison,  sise 
à  Nantes,  pour  afranchissement  d'une  rente  de  cent  onze  livres,  2  sols,  2 
deniers,  fondée  par  Jean  Régnier. 

D'aultant  que  feu  escuyer  Jan  Régnier,  vivant  conseiller  du 
roy,  secrétaire  et  auditeur  en  sa  chambre  des  comptes  de  Bre- 
tagne, auroit  par  son  testament  et  ordonnance  de  dernière  vol- 

lonté  du mil  six  cent  soixante...,  ordonné  qu'il  seroit 

pris  sur  tous  ses  biens  un  fond  qui  peult  produire  de  rente  an- 
nuelle la  somme  de  cent  onze  Livres,  deux  solz,  deux  deniers, 
laquelle  dicte  somme  de  cent  onze  livres  deux  solz  deux  deniers 
de  rente,  le  dict  feu  sieur  Régnier  voulloit  estre  employée  pour 
l'apprentissage  d'un  jeune  garçon  ou  fille,  comme  il  est  plus  am- 


—  64  — 

plement  porté  au  dict  testament,  laquelle  clause  de  testament 
dame  Janne  de  Montulé,  veufve  du  deffunct  messire  Jacques 
Charette,  vivant  Chevalier,  seigneur  de  Monthebert,  conseiller 
du  roy,  premier  président  en  sa  chambre  des  Comptes  de  Bre- 
tagne, héritière  en  partye  du  dict  feu  sieur  Régnier,  voullant 
exécuter  et  accomplir  en  la  meilleure  et  plus  seure  manière  qu'il 
se  peult,  et  considérant,  que  dans  la  suitte  des  temps,  il  se  pourroit 
faire  que  le  dict  fond  et  rente  pouroit  estre  dissipé  et  perdu,  s'il, 
n'estoit  à  quelque  lieu  certain  et  la  vollonté  du  dict  feu  sieur  Ré- 
gnier demeurer  inexecutée  et  voyant  d'ailleurs  la  dicte  dame 
de  Monthebert  que  dans  l'hôpital  gênerai  de  cette  ville,  estably 
au  sanitat  de  la  fosse  de  Nantes,  on  reçoit  des  garçons  et  des 
filles,  pour  estre  instruitz  dans  la  crainte  de  Dieu,  et  y  apprendre 
touttes  sortes  de  mestiers,  pour  gaigner  leurs  vyes,  elle  a  proposé 
à  messieurs  les  Directeurs  du  dict  hospital  général  de  voulloir 
accepter  un  logis  situé  à  la  fosse  de  Nantes,  paroisse  de  Sainct- 
Nicolas,  vallant  de  revenu  la  dicte  somme  de  cent  onze  livres, 
deux  solz,  deux  deniers  et  plus,  pour  tenir  lieu  de  fond,  pour 
satisfaire  aux  intentions  du  dict  feu  sieur  Régnier;  ce  que  les 
dictz  sieurs  directeurs  ont  accepté  par  delliberation  du  bureau 
du  neufviesme  jour  du  presens  mois  et  an  et  se  sont  chargez 
pour  eux  et  leurs  successeurs,  à  jamais,  soubz  les  clauses  et  con- 
ditions seullement  quy  seront  marquées  au  presant  acte.  Pour 
ces  causes,  devant  les  notaires  royaux  de  la  cour  de  Nantes 
soubzsignez,  auecq  submission  et  prorogation  de  jurisdiction  y 
jurée  par  serment,  ce  dix  septiesme  jour  d'apuril  mil  six  cent 
quatre  vingt  onze,  après  midy,  ont  comparus  ladicte  dame  de 
Monthebert,  demeurant  à  sa  maison,  au  dict  Nantes,  rue  du 
chasteau,  parroisse  de  S1  Denys,  d'une  part,  et  escuyer  Jan  Cha- 
rette, seigneur  de  la  chapelle  Gascherye  et  monsieur  maistre 
Pierre  Gwjot,  sieur  de  la  Poicteviniere,  conseiller  du  roy,  doyen 
de  messieurs  les  conseillers  du  presidial  de  Nantes,  députez  de 
la  dicte  direction  du  dict  hospital  gênerai  par  la  susdicte  conclu- 
sion du  bureau  du  dict  jour  neufviesme  des  dictz  presant  moys 
et  an,  demeurant  en  cette  ville  de  Nantes,  au  paroisses  de  S1  Vin- 


—  65  — 

cent  et  S*  Denys,  d'autre  part  ;  entre  lesquelles  partyes  et  esdictz 
noms  et  quallitez  a  esté  faict  l'acte  quy  ensuilt,  par  lequel  ladicte 
dame  de  Montebert  et  oudict  nom  a  donné,  ceddé,  quitté,  del- 
laissé,  et  de  faict,  par  ces  présentes,  donne,  cède,  quitte  et  de- 
laisse,  par  fond  et  assiepte,  ausdicts  sieurs  directeurs,  acceptans 
pour  la  dicte  direction  du  dict  hospital  gênerai,  à  jamais  au  temps 
aduenir,  sçauoir,  en  la  dicte  maison  sittuée  au  bas  de  la  dicte 
fosse  de  Nantes,  rue  de  la  Herroniere,  composée  de  salle  basse, 
cave  au  dessoubz,  deux  chambres  haultes,  un  grenier  au  dessus, 
et  autres  apartenances  et  despendances,  comme  en  jouist  à  pre- 
sant  Henry  Auger,  maistre  de  vaisseau,  generallement  et  enthie- 
rement,  sans  réservation,   bournée  par  le  hault,  un  logement 
semant  de  maguasin,  apartenant  aux  héritières  du  feu  sieur  \alle- 
ton,  d'autre  bout,  par  le  bas,  autre  logis  apartenant  au  sieur  Oua- 
fert  et  ses  enfans,  d'un  costé,  par  le  derrière  à  (le  nom  est  en 
blanc)  et  par  le  deuant,  la  dicte  rue  de  la  Heronniere,  conduisant 
à  l'eschelle  Maschet,  pour  les  dictz  sieurs  directeurs  et  hospital 
gênerai  entrer  en  jouissance  à  la  feste  de  S1  Jan  Baptiste  pro- 
chaine, et  en  jouir  et  disposer  comme  de  leurs  autres  biens 
reutes  et  revenus,  à  jamais,  à  perpetuitté,  parce  que  la  dicte  dame 
de  Monthebert  et  les  siens  pouront  aussy  à  jamais,  à  perpetuitté, 
nommer  de  deux  ans  en  deux  ans,  à  commencer  de  la  feste  de 
S1  Jan  Baptiste  prochaine  en  deux  ans,  un  jeune  garçon,  ou  une 
jeune  fille  de  l'aage  de  dix  ans  au  moins,  pour  estre,  iceux  gar- 
çon  ou  fille ,  reçeus  par   les  dictz  sieurs   directeurs   dans  le 
dict  hospital  gênerai,  noris,  habillez  et  instruictz,  tant  dans  la 
religion  catholicque,  apostolicque  et  romaine,  que  dans  un  mestier 
convenable  à  leur  estât,  jusques  à  ce  qu'ilz  le  scachent  parfaite- 
ment, tout  ainsy  que  les  autres  enfans  quy  y  sont  admis,  et, 
oultre  ce,  les  dictz  sieurs  directeurs  feront  chanter  un  Libéra, 
dans  la  chapelle  dudict  hospiial,  par  les  petitz  enfans,  tous  les 
premiers  jours  de  dimanche  des  douze  moys  de  l'année,  à  l'issue 
de  la  messe  le  matin,  à  l'intention  et  pour  le  repos  de  l'âme 
dudict  feu  sieur  Régnier  et  celles  de  ses  parans  et  amys  tré- 
passes ;  et  sera  le  nom  dudict  sieur  Régnier  escript  sur  les 


—  66  — 

registres  de  la  dicte  maison,  parmy  ceux  des  bienfaiteurs,  et 
mesme  poura  la  dicte  dame  de  Montebert  faire  afficher,  si  elle 
veult,  une  plaque  d'airain,  au  chœur  de  ladicte  chapelle  de  la 
dicte  maison,  qui  portera  l'inscription  en  abrégé  du  presant  acte, 
pour  servir  de  mémoire  à  la  postérité.  Et,  en  cas  que  le  dict 
hospital  général  ne  subsisleroit,  la  dicte  dame  de  Monthebert, 
pour  elle  et  les  siens,  reserue  de  disposer  dudicl  don  et  de  le 
transporter  en  tel  autre  endroict  qu'ilz  voiront  bon  estre.  Tout 
quoy  a  esté  ainsy  et  de  la  manière  accordé,  voullu  et  consenty 
par  les  dictes  partyes,  promis,  juré  tenir  faire  et  accomplir  respec- 
tiuement  les  unes  aux  autres,  chascune  en  ce  que  le  faict  touche, 
sans  jamais  y  contrevenir.  Parlant  de  leurs  consentemens  et 
requestes,  nous  dictz  notaires,  les  avons  jugez  et  condempnez 
par  le  jugement  et  condempnation  de  nostre  dicte  cour.  Faict  et 
passé  au  dict  Nantes,  en  lademeurance  de  la  dicte  dame  de  Mon- 
thebert, soubz  les  seings  desdictes  partyes.  De  plus,  promet  la 
dicte  dame  de  Monthebert  de  faire  agréer  et  ratiffier  les  présentes 
à  monsieur  de  Montullé,  conseiller  au  Parlement  de  Paris  et  à 
madame  de  Montullé,  sa  sœur,  veufue  de  deffunct  messire. ... 
du  Boisbaudry,  vivant  seigneur  de  Langan,  aduocat  gênerai  au 
parlement  de  Bretagne,  aussy  héritiers  dudict  deffunct  sieur 
Régnier,  et  a  fournir  acte  de  ratiffication  valiable  dans  deux  moys 
prochains  venans  ;  et,  en  cas  qu'ilz  ne  les  voudroient  ratiffier, 
elles  demeureront  nulles  et  sans  effect,  sans  que  la  dicte  dame 
de  Monthebert  soict  subjecte  à  aucuns  domages  et  interestz.  Les 
ditz  jour  et  an,  ainsy  signé  au  registre,  Jannede  Montulè,  Jan 
Charette,  Guyot,  Verger,  notaire  royal  et  Lebreton,noTe  royal 
registrateur.  —  Signé  :  Verger  et  Lebreton.  {Cop.  not.  pap.) 

■*- 
1691,  6  juin.  —  Ratification  de  l'acte  qui  précède  par  Jacques  de  Montullé. 

Pardcuant  les  conseillers  notaires  gardenoltes  du  roy  en  son 
chnstelet  de  Paris  soubzsignez,  fut  presant  messire  Jan  Joseph 
de  Montulé,  conseiller  du  roy  en  sa  cour  de  Parlement  et  com- 
missaire aux  requestes  du  pallais,  demeurant  rue  de  la  Harpe, 


-  67  — 

paroisse  de  Sainct  Severin,  héritier  en  partye  de  feu  JanRegnier, 
vivant  escuyer,  conseiller  du  roy,  secrétaire  et  auditeur  en  sa 
chambre  des  comptes  de  Bretagne,  lequel  ayant  pris  communic- 
quation  du  contrat  passé  entre  dame  Janne  de  Montullé,  veufue 
de  messire  Jacques  Charette,  vivant  cheualier,  seigneur  de  Mon- 
thebert,  conseiller  du  roy  en  ses  conseils,  premier  présidant  en 
sa  chambre  des  comptes  de  Bretagne,  d'une  part,  et  les  sieurs  ad- 
ministrateurs de  l'hospital  gênerai  estably  au  Sanitat  de  la  fosse 
de  Nantes,  d'autre  part,  par  Verger  et  Lebreton,  notaires  royaux 
audict  Nantes,  le  dix  sept  apuril  dernier,  portant  donnation  et 
délaissement  faict  par  la  dicte  dame  deMontebert,  aussy  héritière 
en  partye  dudict  feu  sieur  Régnier,  au  profilt  dudict  hospital  gê- 
nerai de  Nantes,  d'un  logis  sittué  à  la  fosse  dudict  Nantes,  par- 
roisse  de  St  Nicolas,  vallant  de  reuenu  par  an  la  somme  de  cent 
unze  livres,  deux  solz,  deux  deniers,  pour  satisfaire  au  testament 
et  ordonnance  de  dernière  vollonté  du  dict  deffunct  sieur  Régnier, 
duquel  contract  de  donation  coppye  est  cy  dessus  et  des  autres 
parts  transcripte,  a  ledict  sieur  de  Montullé  déclaré  auoir  eu  et  a 
le  dict  contract  de  donnation  et  deliaissement  pour  bien  agréable, 
le  ratiffye,  confirme  et  approuve,  veult,  consent  et  accorde,  en 
tant  qu'à  luy  est,  comme  héritier  en  partye  dudict  feu  sieur  Ré- 
gnier, qu'il  sorte  son  effect  et  soit  exécuté  selon  sa  forme  et 
teneur,  promettant  etc.,  obligeant  etc.,  renonsant,  etc..  Faict 
et  passé  en  la  demeure  du  dict  sieur  de  Montulé  sus  déclarée, 
l'an  mil  six  cens  quatre  vingtz  onze,  le  sixiesme  juin,  et  a  signé, 
ainsy  signé  /:  de  Montulé,  Lesecq,  Delaunay  et  Raglan. 

Gollationné  sur  la  dicte  ratiffication  cy  dessus  demeurée  an- 
nexée à  la  minute  de  l'acte  de  donation  des  autres  partz  escripte 
quy  est  veue  Lebreton,  l'un  des  notaires  soubz  signez.  Signé  : 
Verger  et  Lebreton. 

(Cop.  not.  pap.) 


—  68  — 


i691,  2  juillet.  —  Déclaration  par  la  même  de  la  ratification  du  même  acte 
par  Monsieur  de  Montullé,  conseiller  au  Parlement  de  Paris  et  Marie- 
Anne  de  Montullé,  veuve  de  Gilles  de  Bois!>audry. 

Et  depuis,  ce  jour  deux  de  juillet,  mil  six  cens  quatre  vingt 
onze,  auant  midy,  a  comparu  deuant  les  notaires  royaux  de  la 
Cour  de  Nantes  soubzsignez,  la  dicte  dame  Janne  de  Montulé, 
dame  douairière  de  Monthebert,  dénommée  en  l'acte  de  traicté 
cy  dessus,  datte  du  dix  sept  d'apuril  dernier,  laquelle  a  déclaré 
que  son  intention  a  toujours  esté  de  passer  le  dict  acte,  tant  pour 
elle  que  pour  Monsieur  de  Montullé,  conseiller  au  parlement  de 
Paris,  et  dame  Marye-Anne  de  Montullé,  veufue  de  deffunct  mes- 
sire  Gilles  du  Boisbaudry,  viuant  seigneur  de  Langan,  conseiller 
du  roy  et  son  aduocat  gênerai  au  parlement  de  Bretagne,  aussy 
héritière  dudict  feu  sieur  Régnier,  leur  oncle,  ausquelz  elle  se 
seroit  obligée  de  le  faire  agréer  et  ratiffier  ;  et,  de  faict,  ledict 
seigneur  de  Montulé  l'auoit  approuué  et  ratiffyé,  par  acte  passé 
au  Chastelet  de  Paris  deuant  Lesecq,  Belaunay  et  Baglan,  con- 
seillers notaires  gardenottes  du  roy,  le  sixiesmejour  de  juin 
dernier,  que  ladicte  dame  de  Monthebert  a  présentement  apparu 
et  retenu,  pour  y  auoir  recours,  lorsque  besoin  sera,  et  a  signé  en 
son  hostel  audict  Nantes,  rue  du  Chasteau,  paroysse  de  St  Denis, 
lesdictz  jour  et  an  ;  ainsy  signé  au  registre,  Janne  de  Montulé, 
Verger,  notaire  royal  et  Lebreton,  notaire  royal  qui  a  le  registre. 
Signé  :  Verger  et  Lebreton. 

(Cop.  not.  pap.) 


169i,  24  juillet.  —  Ratification  de  l'acte  du  17  avril  1691  par  Marie  Anne  de 
Montullé,  veuve  de  Gilles  de  Boisbaudry,  douairière  de  Langan. 

L'an  mil  six  cens  quatre  vingtz  unze,  le  vingt  quatriesme  jour 
du  moys  de  juillet,  auant  midy,  par  deuant  nous,  notaires  royaux 
héréditaires  à  Rennes  soubzsignez,  fut  presante  en  sa  personne, 
ladicte  dame  Marye  Anne   de  Montulé,  dame  douairière   de 


—  69  - 

Langan,cy  dessusnommée, demeurante  audict Rennes  5  sa  maison, 
rue  du  four  du  Chapitre,  paroisse  de  St  Estienne,  laquelle,  après 
auoir  elle  mesme  pris  lecture  des  actes  dont  les  copyes  sont  des 
autres  partz,  tant  qu'elle  a  dict  les  bien  sçauoir  et  entendre  et  de 
la  dicte  lecture  se  contanter,  elle  les  a  volontairement  loué,  ra- 
tiffyé  et  confirmé,  veult,  consent  et  entend  qu'ilz  ayent  leur  force 
et  vertu,  et  sortent  leur  plein  et  entier  effect,  circonstances  et 
despendances,  tout  ainsy  et  de  la  manière  que  sy  elle  auoit  esté 
presante  lors  de  la  passation  d'iceux,  et  ainsy  elle  Ta  voulu.  A  ce 
faire  nous  l'auons  jugée  par  l'authorité  de  nostre  cour  de  Rennes, 
à  laquelle  elle  s'est  soubmise.  Faict  au  dict  Rennes,  à  nos  estudes 
et  à  la  dicte  daine  signé  ;  ainsy  signé,  Marianne  de  Montulé,  Bou- 
tin,  no! aire  royal  et  Berlhelot,  notaire  royal.  Gollationné  sur  la 
dicte  ratification  cy  dessus  demeurée  annexée  à  la  minute  de 
l'acte  de  donnaiion  des  autres  partz  escripte,  quy  estveue  Lebre- 
ton,  l'un  des  notaires  soubz  signez  et  la  presante  coppye  deliurée 
à  la  dicte  dame  de  Montliebcrt  y  desnommée,  ce  premier  jour 
d'aoust  mil  six  cens  quatre  vingt  unze.  Signé,  Vergé  et  Lebrcton. 
fCop.  not.  pap.J 

Le  Mi3  de  Granges  de  Surgères. 


1885.—  2«Sem. 


UNE    VISITE    A    CHAMPTOCEAUX 

3  juin  1885. 


Les  excursions  archéologiques  exercent  une  heureuse  influence 
sur  les  Sociétés,  qui  devraient  souvent  avoir  recours  à  ce  genre 
d'exploration.  Elles  resserrent  les  liens  qui  unissent  entre  eux  les 
membres,  donnent  une  nouvelle  impulsion  aux  travaux,  déve- 
loppent le  goût  des  antiquités  et  permettent  d'apprécier  avec 
connaissance  de  cause  les  lieux  et  les  monuments  visités. 

Malheureusement,  la  Société  de  Nantes  et  du  département  de 
la  Loire-Inférieure  a  trop  rarement  recours  à  ces  voyages  d'agré- 
ment. Le  sol  du  vieux  comté  nantais  est  pourtant  riche  en 
ruines  de  toutes  sortes,  et  laisse  une  grande  latitude  dans  le  choix 
des  points  à  déterminer  comme  but  d'une  excursion.  La  der- 
nière dont  il  nous  souvienne  eut  lieu,  il  y  a  quelque  vingt  ans, 
à  Saint-Phiibert-de-Grand-Lieu,  au  tombeau  de  ce  saint  abbé, 
à  l'époque  où  la  nouvelle  église  se  construisait  pour  remplacer 
l'ancienne. 

Voulant,  non  sans  motifs,  renouer  celte  excellente  tradition, 
le  président  actuel  eut  la  bonne  idée  d'organiser  un  petit  voyage 
à  Champloceaux,  aujourd'hui  du  département  de  Maine-et-Loire, 
mais  jadis  du  diocèse  de  Nantes. 

Le  3  juin,  1885,  seize  membres  de  la  Société,  répondant  à 
l'appel  de  leur  président,  M.  de  Brernond  d'Ars,  se  trouvèrent 
réunis  à  la  gare  de  Nantes,  vers  huit  heures  et  demie  du  matin. 
C'étaient  MM.  de  Surgères,  vice-président,  qui  prépare  avec  soin 
et  persévérance  l'iconographie  bretonne  ;  Régis   de  l'Estour- 


—  71  - 

beillon,  secrétaire  général,  inspecteur  de  la  Société    française, 
secrétaire  de  la  Revue  historique  de  l'Ouest-,  Henri  Lemeignen, 
bibliophile  érudit,  vice-président  de  la  Société  des  Bibliophiles 
bretons;   Léon  Maître,  archiviste  du  département,  le  successeur 
désigné  de  M.  Bizeul  dans  l'exploration  des  gisements  gallo-ro- 
mains ;  Alcide   Leroux,  archéologue,  poète   élégant  et  gracieux 
a  ses  heures  ;  baron  des  Jamonnières,  collectionneur  de  faïences 
et  d'estampes;    baron   Bertrand-Geslin,  fils  d'uu  géologue  dis- 
tingué, dont  la  magnifique  collection  enrichit  notre  Musée  d'his- 
toire naturelle,  fondé  par  son  aïeul,  le  maire  de  Nantes,  auquel  la 
ville  est  redevable  de  l'Ecole  de  dessin  et  du  Musée  des  tableaux  ; 
docteur  Anizon  ;  Poirier  ;  Alexandre  Perlhuis,  possesseur  d'une 
magnifique  série  de  jetons  des  maires  de  Nantes  et  des  Etats  de 
Bretagne,  de  plaquettes  rares  et  d'armes  du  moyen  âge;  S.  deia 
Nicollière-Teijeiro,  l'un  des  quatre  survivants  des  fondateurs  de 
la  Société  en  1845  ;  Ludovic  Gormerais;  René  Blanchard  ;  Jules 
Montfort,  architecte,  dessinateur  habile,  qui  n'avait  point  oublié 
son   appareil  photographique,  et  enfin  Henri  Lapeyrade,   secré- 
taire du  comité. 

Un  rapide  résumé  de  l'histoire  du  lieu  choisi  comme  but  d'ex- 
ploration trouve  naturellement  ici  sa  place,  pendant  que  les  tou- 
ristes prennent  leurs  billets  aller  et  retour  et  se  serrent  amica- 
lement la  main  en  se  donnant  le  bonjour. 

«  Charnptoceaux,  bourg  de  France  (Maine-et-Loire),  chef-lieu 
de  canton,  arrondissement  et  à  47  kil.  N.-O.  de  Cholet,  sur  un 
coteau  de  la  rive  gauche  de  la  Loire;  pop.  aggi.  375  hab.,  pop. 
totale  1559  h.  Vignobles  blancs  très  étendus,  mais  médiocres; 
chanvre,  lin  ;  commerce  de  bestiaux. 

«  Ce  bourg  était  autrefois  une  petite  ville  assez  importante,  dé- 
fendue par  un  château  fort.  Elle  fut  successivement  prise  par 
Henri  II,  roi  d'Angleterre,  en  1173  ;  par  saint  Louis,  en  1230; 
par  Jean,  duc  de  Normandie,  en  1341  ;  enfin,  le  duc  de  Bretagne, 
en  1420,  s'en  empara  et  fit  détruire  la  ville,  le  château  et  les 
fortifications. 
«  On  peut  suivre  sous  les  broussailles  et  dans  les  taillis  les  murs 


—  72  — 

de  l'ancienne  enceinte.  A  l'extrémité  d'une  espèce  de  parc,  un 
chemin  étroit  tracé  sur  un  roc  taillé  à  pic  conduit  à  travers  les 
ronces  au  sommet  d'une  masse  informe  de  débris  de  murs  et  de 
tours  effondrées,  ruines  du  château,  autrefois  séparé  de  la  place 
par  un  large  fossé  cl  par  une  double  enceinte,  dont  les  fonda- 
lions  épaisses  couvrent  les  flancs  du  monticule.  Ce  lieu  a  vu  jadis 
de  terribles  combats,  et  le  peuple  l'appelle  encore  le  Champ  de 
bataille.  » 

Tel  est  l'article  du  Grand  Dictionnaire  universel  du  XIXe  siècle, 
de  Pierre  Larousse.  Malgré  sa  concision  et  certaines  inexacti- 
tudes, suites  inévitables  de  l'abondance  des  matières  traitées  par 
l'auteur,  il  est  néanmoins  de  nature  à  piquer  la  curiosité  d'ar- 
chéologues en  quête  de  documents,  a  la  piste  de  vieilles  cons- 
tructions, avides  des  choses  du  passé,  amateurs  ou  collectionneurs 
de  tout  ce  qui  se  rattache  à  l'histoire. 

Aussi  nous  allons  essayer  d'esquisser  à  grands  traits  les  faits 
les  plus  saillants  des  annales  de  cette  localité  qu'on  pourrait 
nommer  une  ville  morte  de  la  Loire,  qui  mérite  en  effet  d'avoir 
été  choisie  comme  but  d'une  exploration  à  laquelle  elle  a  des 
titres  tout  particuliers,  et  qui  faisait  autrefois  partie  de  l'évôché 
de  Nantes. 

Champtoceaux,  ou  mieux  Chateauceauîx,  est  un  lieu  qui,  par 
son  assiette  exceptionnelle,  dut  être  de  tout  temps  remarqué  et 
habité.  Peut-être  les  premiers  terrassiers  qui  élevèrent  des  rem- 
parts sur  ses  flancs  abruptes  et  sauvages  touchèrent-ils  de  leurs 
pioches  une  de  ces  curieuses  cavernes  à  ossements  remontant 
aux  temps  préhistoriques?  .. 

Les  Gaulois  y  résidèrent  certainement.  La  partie  supérieure 
d'un  lampion,  portant  une  bobèche,  et  conservée  dans  le  cabinet 
du  propriétaire  actuel,  ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égard.  Ce 
point,  situé  sur  la  frontière  des  Namnetes,  des  Andegavi  et  des 
ïeifalcs,  fut  peut-être  alors  le  théâtre  de  grands  événements, 
comme  ceux  qui  s'y  passèrent  à  l'époque  féodale. 

Un  joli  denier  en  argent,  de  l'empereur  Tibère,  même  prove- 


—  73  — 

nance,  vient  attester  à  son  tour  que  les  Romains  surent  égale- 
ment apprécier  une  position  aussi  remarquable. 

Nous  voici  maintenant  en  pleine  période  mérovingienne,  et 
c'est  Grégoire  de  Tours,  le  père  de  notre  histoire,  que  nous 
citons. 

Il  rapporte,  que  l'un  des  officiers  du  roi  Glotaire  Ier,  le  duc 
Austrapius,  quitta  la  cour  vers  les  années  556  à  561,  et  entra 
dans  le  clergé,  apud  Sellence  castrum,  au  diocèse  de  Poiliers/où 
il  fut  ordonné  évêque,  avec  promesse  de  la  future  succession  de 
Pientius,  qui  gouvernait  alors  l'Église  poitevine.  Glotaire  précéda 
dans  la  tombe  cet  évoque,  à  la  mort  duquel  Charibert,  celui  de 
ses  fils  auquel  échut  le  Poitou,  désigna  Pascentius  pour  occuper 
le  siège  épiscopal,  malgré  les  vives  réclamations  cT  Austrapius. 
L'ancien  duc  retourna  en  qualité  d'évèque  dans  son  castrum.  Là 
il  dut  faire  face  à  la  rébellion  des  Teifales  (habitants  de  Tiflauges) 
et  fut  mortellement  blessé  d'un  coup  de  lance. 

Continuant  notre  citation  empruntée  à  l'auteur  érudit  de  la 
Géographie  de  la  Gaule  au  VI0  siècle  (1),  nous  voyons  qu'au 
début  de  l'année  768,  «  la  reine  Bertrade  passe  à  Orléans,  d'où, 
s'embarquant  sur  la  Loire,  elle  va  usque  ad  Sellus  castrum  super 
fluvium  ipsius  Ligeris.  Pépin  vient,  peu  de  temps  après,  s'y  re- 
poser près  d'elle,  et  il  y  reçoit  les  ambassadeurs  d'Almanzor,  calife 
de  Bagdad.  Tous  ces  faits,  ajoute  notre  auteur,  sont  également 
rapportés,  bien  qu'avec  moins  de  détails,  par  tout  un  groupe 
d'annales  franques,  dont  les  Annales  dites  d'Eginhard  offrent  la 
rédaction  la  plus  élevée,  et  qui  ne  nomment  le  castrum  Sellus 
qu'une  seule  fois,  à  l'occasion  de  la  fêle  de  Pâques  de  l'année  768, 
célébrée  par  le  roi  Pépin,  disent-ils,  in  Castro  quod  diciliir  Sels.  » 

Telle  est  donc  la  forme  primitive  de  ce  nom,  assez  souvent  dé- 
figurée dans  les  chartes  du  moyen  âge  par  celle  de  Castrum 


(*)  Géographie  de  la  Gaule  au  VI*  siècle,  par  Auguste  Longnon.  Paris, 
Hachette,  1878;  article  SELLENSG  castrum,  pp.  572-576. 


—  74  — 

cchum.  Elle  persiste  cependant,  comme  nous  le  voyons  dans  la 
ratification  du  don  de  l'église  de  Chateauceaux  à  l'abbaye  de  Mar- 
moutiers  par  l'archevêque  de  Tours  en  1144,  qui  s'adresse  «  di- 
lectisfiliis  Amalrico  et  Theobaudo  Crisinni,clero  et  populo  Caslri 
Celsiacensi  (l)  ».  Bien  plus  rapprochés  de  nous,  LeBaud  et  d'Ar- 
gentré  disent,  sans  aucune  autre  explication,  qu'en  1224,  Pierre 
Mauclerc  fit  le  siège  du  château  de  CeNières  (a).  M.  Longnon  est 
donc  parfaitement  dans  le  vrai,  lorsqu'il  écrit  :  «  On  ne  pourra  dé- 
sormais reconnaître  dans  la  seconde  partie  du  nom  de  Chanteau- 
ccaux  qu'un  vocable  gaulois  dont  le  sens  n'est  pas  encore 
défini.  » 

Vers  la  fin  du  Xe  siècle,  le  comte  évoque  de  Nantes,  Guerech, 
mort  en  987,  revenant  d'une  expédition  dans  le  pays  de  Mauges, 
rencontra  un  certain  Renaud,  surnommé  le  Thurringien  (Turrin- 
guen)  qui  chassait  les  ours,  les  sangliers  et  les  cerfs,  avec  ses 
chiens.  L'ayant  fait  prisonnier,  il  le  conduisit  à  Nantes,  où  il 
l'emprisonna,  sous  la  menace  formelle  de  ne  jamais  lui  rendre  la 
liberté.  Mais  l'intrépide  chasseur  trausigea  avec  le  comte  en  lui 
promettant  la  moitié  du  gibier  qu'il  prendrait,  et  obtint  de  cons- 
truire à  Chateauceaux  une  demeure  pour  s'y  reposer  :  «  ...  Pe- 
tivit  ut,  apud  Castrum  Gelsum,  domum  sibi  propter  commodita- 
tem  Ligeris  ad  hospitandum  facere,  coucederet.  Qui  vero  minime 
ei  credens  omnino  ilium  denegavit.  Attamen  post  morlem  Ful- 
conis,  fiîii  Goffredi  Grisonellge,  concessionem  hanc  firmam  et 
omni  presidio  munitam  perfecit(').  » 

Il  y  a  bien  loin  delà  à  conclure,  comme  le  fait  M.  Port,  que  ce 
Renaud  fut  le  premier  qui  fortifia  Champteauceaux. 

En  1224,  nous  dit  Le  Baud  (*),  «  assiégea  le  duc  Pierre  le 
chnstel  de  Cclières,  et  l'assaillit.  Mais  Thibaut  Crespin,  seigneur 


(*)  D.  Morice,  Pr.,  I,  col.  590. 

(»)  D.  Morice,  Pr.,  J,  col.  108;  Chron.  briOC,  etc. 

(3)  D.  Morice,  Pr,  I,  col.  33. 

(*)  Lebautl,  Histoire  de  Bretagne,  chap.  30. 


—  75  — 

d'icelui  chastol  lui  résista,  et  le  répugnât  vertueusement,  »  c'est- 
à-dire  avec  courage.  Le  Chronicon  britannicum  nous  apprend 
que  ce  fut  le  21  septembre,  veille  de  la  Saint-Maurice,  que  Pierre 
Mauclerc  entra  dans  le  château  de  Cellières  anéanti:  «  castrum 
Cellarum  diversis  machinarum  apultibusmaceratum.  »  D'Argentré 
emploie  le  même  nom,  et  c'est  la  dernière  fois  que  le  vocable 
celtique,  qu'il  serait  difficile  de  reconnaître  si  l'on  n'y  portait 
une  certaine  attention,  paraît  pour  cette  localité  (*). 

Thibaut  Crespin  était  un  véritable  détrousseur  de  grands  che- 
mins. Retranché  dans  son  aire  inaccessible,  il  avait  ravagé  toutes 
les  terres  environnantes  et,  depuis  vingt-cinq  ans,  dépouillait 
les  pauvres  nautonniers  delà  Loire,  «  desnudaverat,  »  et  les  laissai1 
pourrir  dans  ses  cachots  pour  étouffer  leurs  plaintes.  C'était  donc 
un  acte  de  justice  et  d'humanité.  Aussi  le  roi  Louis  VIII  donna 
au  vainqueur  du  brigand,  qui  fut  conduit  en  exil,  Champteau- 
ceaux,  Montfaucon,  avec  toutes  les  terres  de  leurs  dépendances, 
octobre  1224,  sous  condition  de  foi  et  hommage  lige. 

Cependant,  la  famille  de  l'ancien  seigneur  ne  s'éteignit  pas  avec 
lui.  En  1363,  nous  voyons  un  Thibaut  Crespin  qui,  «  tant  en  son 
nom  que  comme  curateur  de  Jehan  Crespin  son  frère,  se  reconnaît 
homme  de  foi  lige,  pour  raison  de  sa  rente  de  Loire  et  de  tout 
son  domaine  du  fief  Hallier...  (2).  » 

Chantoceaux  resta  ainsi  dans  le  domaine  de  Charles  de  Bloiset 
de  ses  enfants,  jusqu'à  ce  qu'il  fui  acheté  par  Olivier  de  Clisson, 
avec  la  seigneurie  de  Montfaucon.  Marguerite  de  Clisson,  fille 
du  connétable,  le  fit  rentrer  dans  la  famille  des  Penthièvre  en 
épousant  le  fils  aîné  de  Charles  de  Blois. 

Toutefois,  vers  1390,  la  place  eut  encore  à  soutenir  un  assaut, 
car  Jean  IV  la  fit  saisir  sur  le  connétable,  ce  qui  valut  au  duc  de 
Bretagne  la  lettre  suivante  du  roi  Charles  VI  : 


0)  Chronicon  britannicum.  D.Morice,  Pr.  I,  col.  108. 

(*)  Arch.  départ ,  E.,  245.  Inventaire  de*  titres  de  Champtoceaux. 


—  76  — 

«  De  par  le  Roy. 

«  Très  chier  cousin,  Nous  avons  sceu  que  vos  gens  ont  pris 
naguêres  le  ehastel  de  Chasteauceaulx  ,  que  noire  amé  et  féal 
connestable  tenoit ,  et  qui  est  de  l'eritage  de  notre  très  chère 
tante  la  Royne  de  Sécillo,  et  du  roy  Loys  son  iilz,  contre  l'orden- 
nance  que  faite  avions  sur  les  discors  d'entre  vous  et  nolredit 
connestable.  Pour  laquelle  melre  à  exécucion  avons  autresfoiz 
envoie  par  plusseurs  foiz  à  nos  grans  fraiz  et  despens,  noz  mes- 
sages devers  vous  et  devers  lui ,  et  aussi  devers  noire  cousin  le 
comte  de  Paintievre.  Par  la  relacion  desquelx  noz  messages  qullz 
nous  firent  a  leur  retour,  cuidions  que  vous  et  eulx  deussiez  eslre 
briesvement  en  bon  acort.  Si  vous  faisons  savoir  que  de  la  prise 
dudit  Chasteauceaulx,  sommes  bien  merveillez ,  et  y  avons  pris 
très  grant  desplaisir  pour  les  inconveniens  qui  de  ce  pourront 
ensuir,  se  pourveu  n'y  estoit.  Considéré  que  par  plusseurs  foiz 
vous  aions  delfendu  toute  voye  de  fait ,  comme  fait  avons  à 
uotredit  cousin  de  Pentievre,  et  à  notredit  connestable.  Et  pour 
y  obvier  et  vous  dire  et  exposer  notre  entencion  et  volante  sur 
celte  matière,  et  pour  l'entretenement  de  l'exécution  de  notre 
dite  ordennance,  avons  ordonné  envoier  noz  messaiges  solennelz 
par  devers  vous  et  devers  nos  dits  cousin  de  Pentievre  et  connes- 
table, qui  prochainement  seront  devers  vous  et  devers  eulx  à 
l'aide  de  Dieu.  Si  vous  mandons  bien  expressément  sur  la  foy  et 
la  loyauté  que  vous  nous  devez,  et  sur  quanque  vous  vous  povez 
meffaire  envers  nous ,  que  entre  eux  ne  procédez  ne  faites  ou 
souffrez  procéder,  par  vos  gens  par  voye  de  fait  contre  nolredit 
connestable,  ne  ses  subgitz  et  amis,  ne  aussi  contre  notre  cher 
cousin  de  Pentievre  ne  ses  subgitz  et  amis  ;  sachans  que  se  vous 
faisiez  riens  au  contraire  nous  y  prandrions  grant  desplaisir.  Et 
pareillement  deffendons  nous  toute  voye  de  fait  a  notre  dit 
connestable  et  à  notre  dit  cousin  de  Pentievre.  Et  comme  notre 
très  cher  et  très  amé  oncle ,  le  duc  de  Berry,  nous  ait  monstre 
deux  paires  de  lettres  que  vous  lui  avez  envoiées,  contenant  que 
avant  la  prise  dudit  Chasteauceaulx,  avez  ordenné  envoier  vers 
nous  vos  messages,  c'est  assavoir  votre  chancelier,  Jehan  d'Acigné 


—  77  — 

et  Jehan  de  Tréal ,  chevaliers ,  Bernart  de  Keroneuf  voire  prési- 
dent, et  maistre  Robert  Brochereul,  votre  senneschal  de  Rennes, 
pour  nous  dire  aucunes  choses  de  votre  volante  ;  et  que  pour 
cause  de  ladite  prise,  et  pour  double  d'aucuns  dont  voz  dites 
lettres  font  mention  ne  se  sont  voulu  mètre  en  chemin  ,  et  que 
nous  leur  voulsissions  ottroyer  noz  lettres  de  sauve  garde ,  si 
qu'ilz  y  puissent  venir  plus  seurement.  Si  vous  faisons  savoir  que 
nous  avons  les  dessus  nommez  pris  en  notre  sauvegarde  espécial 
et  protection  en  venant  devers  nous  y  demourer,  et  retournant 
devers  vous,  comme  notre  dit  oncle  nous  a  requis  de  par  vous, 
et  vous  en  envoions  noz  lettres  ouvertes  sur  ce  ;  et  ce  escrivons 
nous  à  notre  dit  cousin  de  Pentievre  et  à  notre  dit  connestable. 

«  Donné  à  Meleun,  le  iiii°  jour  de  décembre  (millésime  resté  en 
blanc),  signé  :  Charles  et  Marihac. 

Et  sur  la  suscription  :  A  notre  très  cher  cousin  le  duc  de 
Hretaigne.  » 

La  copie  est  datée  du  château  de  l'Hermine ,  à  Vannes ,  le  12 
décembre  1390  (»). 

La  mort  du  duc  Jean  III,  le  30  avril  1341,  allait  plonger  le 
duché  de  Bretagne  dans  les  horreurs  d'une  longue  guerre  civile. 
Par  son  importance,  Charnpteauceaux  était  une  place  enviée  par  les 
prétendants.  Jean  de  Montfort  s'en  saisit  immédiatement,  en  fit 
augmenter  les  défenses  et  la  confia  à  des  soldats  éprouvés.  Lorsque 
le  roi  envoya  le  duc  de  Normandie  au  secours  de  Charles  de  Blois, 
il  réunit  ses  troupes  à  Angers.  «  Et  y  avoit  en  ceste  armée  quinze 
mille  combaltans  de  France  et  quatre  mille  Genevoys.  Et  fut 
l'armée  mise  aux  champs  en  bel  ordre.  Et  tirèrent  droit  a  Nantes, 
par  le  costé  de  Poictou,  joignant  la  rivière  de  Loire,  et  assiégèrent 


(4)  Arch.  départ.,  série  E.,  no  t04, 

C'est  probablement  à  cet  événement  que  se  rapporte  la  menlion  suivante 
de  l'inventaue  analytique  des  archives  anciennes  de  la  mairie  d'Angers,  par 
M.  C.  Port,  1861,  p.  179,  CC.  3;  frais  du  guet  «  pour  cause  de  l'esmovement 
de  la  prinse  du  chastel  de  Chastoceaux.  » 


— r78  — 

la  ville  de  Chantoceaulx,  qui  est  en  l'héritage  du  duc  de  Bretagne. 
Ceux  de  ia  place,  qui  de  par  le  comte  de  Montfort  en  avoient  la 
garde,  donnèrent  moult  affaire  aux  Francoys  ;  mais  en  la  parfui 
ils  la  prindrent  et  y  entrèrent,  et  y  commit  le  duc  de  Normandie 
bonne  garnison.  *  » 

Il  est  facile  de  comprendre  ce  que  pouvait  valoir  une  place  qui 
«  donnait  moult  affaire  »  à  près  de  vingt  mille  hommes  et  comptait 
parmi  ses  tenanciers  des  chevaliers  tels  que  Robert  de  Beauma- 
noir.  Il  existe,  en  effet,  l'analyse  d'un  aveu  rendu  par  ce  vaillant  le 
17  septembre  13G3,  «  par  lequel  il  se  recongnoist  estre  homme 
de  foy,  lige  de  force  et  d'ayde  du  seigneur  de  Chantoceaulx,  pour 
raison  de  ce  qu'il  tient  en  ladite  terre  de  Chantoceaulx,  et  qu'il 
doit  le  tiers  d'un  an  et  d'un  jour  de  ligeuce,  et  la  tierce  partye 
d'une  paire  d'éperons  dorez,  renduz  par  chacune  veille  de 
Noe!  (2).  » 

Rien  de  saillant  à  noter  pour  les  premières  années  du  XVe  siècle. 
Mais  dans  les  mains  de  Marguerite  de  Clisson,  comtesse  de  Pen- 
thièvre,  toujours  guidée  par  sa  haine  contre  les  Montfort,  la  place 
dut  être  l'objet  de  soins  tout  particuliers  destinés  à  augmenter 
encore  la  force  de  ses  remparts. 

Elle  médita  longuement  un  projet  dont  l'exécution  devait, 
comme  le  lui  avait  prédit  son  père,  aboutir  à  la  ruine  de  sa 
maison. 

Dans  les  premiers  jours  de  février  1420,  feignant  une  réconci- 
liation, elle  fit  inviter  Jean  V,  alors  à  Nantes,  à  venir  la  visiter. 
Le  jeune  prince,  trop  confiant,  ne  tint  pas  compte  de  plusieurs 
avertissements  qui  lui  furent  donnés.  Il  se  rendit,  avec  son  frère 
Richard,  le  maréchal  de  Bretagne  et  quelques  seigneurs,  à  l'invi- 
tation de  sa  cousine  qui,  au  pont  de  la  Divatte,  le  fit  arrêter  et 
séquestrer  dans  ses  châteaux  de  Poitou. 

L'aventure  est  trop  connue  pour  en  reproduire  les  détails.  Mais 


(*)  Alain  Bonchart,  le  quiiri  livre. 

(»)  Arch  départ.,  série  E,  245.  Inventaire  des  titres  de  Chantoceaulx. 


-  79  — 

aussitôt  la  Bretagne,  soulevée  d'indignation  a  la  voix  de  la  du- 
chesse, met  sut-  pied  une  année  formidable  qui  vient  assiéger 
Ghantoceaulx. 

La  place,  nous  dit  Alain  Bouchart,  «  Fut  battue  moult  aspre- 
ment  on  plusieurs  endroits.  Et  sans  cesser  de  icelle  battre  et  en- 
dommager, y  fut  le  siège  pendant  plus  de  trois  moys  et  plus.  Et 
de  jour  en  jour  se  augmentoit  le  nombre  des  gens  de  guerre  du 
siège,  et  leur  venoit  de  toutes  parts  vivres,  finances  et  secours. 
Et  estoient  ceux  qui  estoient  dedans  la  place  en  telle  nécessité, 
que  personne  n'en  eut  sceu  sortir.  Et  estoient  contrains  de  eux 
tenir  aux  caves  basses,  pour  les  grosses  boulles  de  fer  et  de  pierre 
que  l'on  faisoit  cheoir  par  engins  sur  leurs  logis,  qui  tuoit  et  en- 
dommageoit  tellement  que  à  grant  peine  pouvoient-ils  aller  l'ung 
loo-is  en  l'autre,  sans  danser  de  mort  ou  d'eslre  navrez  lourde- 
ment. 

«  Quand  la  coutesse  de  Panthevre  vit  la  persévérance  et  la 
continuation  de  ceste  rigoureuse  guerre,  que  la  place  estoit  ainsi 
battue,  et  la  mort  de  plusieurs  hommes  et  femmes  qui  occis 
avoient  esté  dedans,  et  chacun  jour  y  en  tuoit  l'on...  »,  elle 
comprit  que  toute  résistance  était  impossible,  et  qu'il  fallait  se 

rendre. 

Elle  fit  prévenir  son  fils,  qui  amena  le  duc  à  l'armée  assié- 
geante,  le  jeudi  avant  l'Ascencion  1420,  suivant  les  uns;  le  7 
juillet,  suivant  les  autres.  Il  avait  donc  fallu  trois  mois  à  une 
armée  nombreuse  et  agguérie ,  non  pas  pour  prendre  la  place, 
mais  pour  ramener  à  composition. 

Et,  continue  notre  chroniqueur,  «  la  contesse,  ses  enfans  et 
autres  gens,  estans  dedans  Chantoceaulx ,  vuidèrent  la  place 
avecques  leurs  bagues  et  joyaulx,  et  les  laissa-t'on  passer  paisi- 
blement ainsi  que  promis  avoit  esté,  et  n'y  laissèrent  vaillant 
ung  fer  d'esguillecte.  » 

Jean  V  voulut  revoir  le  théâtre  de  ses  souffrances  et  de  ses 
angoisses,  puis  se  retira  immédiatement  a  Nantes.  «  Le  surplus 
des  Bretons,  estans  au  siège,  entrèrent  dedans  la  place,  laquelle 
ils  abatirentet  arasèrent,  ensemble  toutes  les  maisons,  esglises 


—  80  — 

et  plusieurs  aultres  bons  édifices ,  sans  en  rien  laisser ,  tellement 
qu'il  n'y  démolira  closture,  logis  ne  habitation  qui  ne  fust  total- 
ement ruiné  jusques  à  la  plaine  terre  !...  » 

L'aspect  actuel  du  plateau  confirme  de  tout  point  ces  détails. 

Depuis  cette  ruine  complète,  Chantoceaux  n'a  plus  d'histoire, 
notons  cependant  deux  ou  trois  faits  : 

En  1565,  le  roi  Charles  IX,  venant  visiter  sa  ville  de  Nantes , 
fut  splendidement  reçu  à  Champtoceaux  par  le  connétable  de 
Montmorency,  qui  en  était  le  seigneur. 

Les  Ligueurs,  qui  s'y  étaient  fortifiés,  sous  le  commandement 
de  La  Courbe  du  Bellay,  y  tinrent  jusqu'à  la  fin  ;  et  c'est  de  là, 
probablement,  que  partit  le  dernier  coup  de  feu  de  la  Ligue  . 

Une  pièce  des  archives  municipales  de  Nantes  (*)  nous  apprend, 
en  effet,  que  Jean  Carris,  envoyé  par  la  Communauté  de  ville  à 
Angers,  pour  y  traiter  différents  points  relatifs  à  l'entrée 
d'Henri  IV  à  Nantes,  et  particulièrement  pour  obtenir  des  passe- 
ports ,  reçut  quarante  écus  au  soleil  pour  ces  passeports ,  et 
«  pour  recompenser  ung  tambour,  qui  auroit  esté  blécé ,  reve- 
nant avec  luy,  par  les  soldartz  de  la  garnison  de  Chanlou- 
ceaulx.  » 

A  neuf  heures  moins  un  quart,  le  sifflet  strident  de  la  locomo- 
tive donne  le  signal  du  départ.  Un  soleil  splcndide  promet  une 
journée  magnifique  aux  excursionnistes  placés  dans  les  trois  com- 
partiments d'un  wagon  réservé,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  Resal, 
ingénieur  de  la  Compagnie,  et  l'un  de  nos  confrères.  A  Sainte  - 
Luce,  les  yeux  cherchent  les  feuillages  des  grands  arbres  au 
milieu  desquels  se  cache  le  petit  manoir  de  Chassay,  maison  de 
plaisance  des  évoques  de  Nantes  chantée  par  Fortunat,  apparte- 
nant aujourd'hui  à  M.  le  comte  de  Bondy.  Puis  voici  Thouaré  et 
son  château,  Mauves  avec  ses  coteaux  escarpés,  dont  les  rochers 


(*)  Arch.  municip.,  série  CC,  n°  346. 


—  81  — 

pittoresques  ont  peut-être  fourni  des  grottes  aux  populations  pri- 
mitives. «  Ici,  nous  dit  M.  Maître,  voilà  le  clos  Saint- Clément; 
dans  la  coulée,  le  chemin  des  Romains,  nom  caractéristique;  le 
clos  de  Rome,  pavé  de  ruines  romaines.  »  A  neuf  heures  et  demie 
nous  laissons  le  train  à  Oudon,  et,  pendant  que  tranquillement 
nous  longeons  à  la  queue  leu  leu,  par  un  étroit  sentier,  la  douve 
de  la  voie  ferrée,  pour  atteindre  la  Loire,  MM.  Bertrand-Geslin 
et  Maître  vont  prévenir  le  gardien  de  la  lourde  la  visite  au  monu- 
ment pour  quatre  heures. 

Bientôt  chacun  prend  place  dans  le  bac,  large  toue  plate  dirigée 
par  trois  marins,  dont  une  femme  chargée  du  gouvernail,  système 
mécanique  peu  compliqué,  aux  allures  primitives,  et  remontant 
loin  dans  le  cours  des  âges.  L'un  des  matelots  fait  sur  la  rive 
l'office  de  cheval  de  halage  pour  remorquer  l'embarcation,  que, 
sans  cette  précaution,  le  courant  entraînerait  trop  bas;  l'autre, 
armé  d'une  gaffe,  dirige  l'esquiff  tant  bien  que  mal,  lançant  par- 
fois à  son  copain,  d'une  voix  dolente  et  monotone,  l'avertisse- 
ment :  En  mer  !  pour  mollir  sur  la  corde.  Le  bateau  quitte  la 
rive  avec  son  chargement  scientifique  et  littéraire;  la  voile  se  dé- 
ploie, et  l'ami  Montfort,  en  véritable  canotier  expert,  aide  à  la 
manœuvre  en  tirant  la  bouline,  dont  il  explique,  marinièrement 
parlant,  le  jeu  et  le  rôle  à  ses  confrères  les  terriens.  La  traversée 
s'effectue  sans  incidents  notables  ;  les  archéologues  débarquent 
en  titubant  sur  les  planches  mal  assurées  établissant  une  com- 
munication passagère  entre  le  bac  et  la  terre  ferme.  Les  laveuses 
ouvrent  de  grands  yeux  ébahis  et  laissent  tomber  leurs  badras 
pour  contempler  cette  invasion  d'habits  noirs. 

M.  Henri  de  la  Touche,  propriétaire  de  Champtoceaux,  atten- 
dait les  pèlerins.  Les  présentations  ont  lieu,  et  les  visiteurs  se 
mettent  en  marche,  suivant  les  sinuosités  de  la  route  tracée  sur 
le  flanc  est  de  la  «  montaignette,  »  pour  atteindre  le  plateau. 

Dans  une  anfracluosité,  un  châtaignier  immense  élève  ses  ra- 
meaux puissants,  dont  la  cime  verdoyante  n'atteint  pas  la  hauteur 
de  l'escarpement.  C'est  lu,  nous  dit  M.  de  la  Touche,  l'escalier 
des  Bretons,  par  lequel  ceux-ci  entrèrent  dans  la  forteresse.  Pen- 


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dant  l'un  des  sièges  nombreux  qu'elle  subit,  vraisemblablement 
lorsque  Jean  de  Monlforl  s'en  empara,  en  1841,  aussitôt  après 
la  mort  du  duc  Jean  III,  son  frère,  un  religieux  de  Marmouliers, 
attaché  au  prieuré  de  Champtoceaux,  livra  l'escalier  aux  assié- 
geants. En  punition  de  sa  félonie,  raconte  la  légende,  le  moine 
vient  errer  la  nuit  sous  l'arbre  témoin  de  sa  trahison  ;  et  parfois 
le  passant  attardé  aperçoit  de  loin  le  blanc  fantôme  de  celui  qu'un 
instant  de  faiblesse  condamne  à  hanter  éternellement  le  théâtre 
de  son  crime. 

En  montant  toujours,  les  visiteurs  découvrent  les  parties  basses 
de  la  vieille  enceinte  de  la  ville  de  Châteauceaulx,  qu'une  ortho- 
graphe par  trop  fantaisiste  a  transformé  en  Ghamptoceaux.  Ça  et 
là  apparaissent  des  pierres  disposées  en  feuilles  de  fougères,  des 
briques  romaines,  des  pierres  taillées  provenant  du  petit  ou 
moyen  appareil,  attestant  la  haute  antiquité  de  ces  remparts. 
Leur  épaisseur  dépasse  parfois  quatre  mètres  ;  et  ces  assises,  dé- 
couronnées de  leurs  créneaux,  bravent  les  efforts  du  temps,  revê- 
tues d'un  large  manteau  de  lierre  et  de  plantes  parasites. 

Nous  sommes  sur  le  plateau.  Devant  nous,  à  gauche,  s'étend  le 
bourg  moderne  de  Ghamptoceaux,  avec  ses  constructions  blanches 
et  ses  roules  bien  percées.  A  droite  se  profilent  les  fortifications 
de  la  ville,  dont  l'entrée  est  indiquée  par  un  pont-levis  jeté 
devant  une  porte  en  ogive,  flanqué*;  des  soubassements  de  deux 
tours,  datant  au  moins  du  XIVe  siècle. 

Certes,  elle  devait  avoir  grand  air,  cette  porte,  lorsque,  par  ses 
lettres  de  1350,  le  roi  Jean  en  confia  la  garde  «  à  ung  nommé 
Alphonse,  dict  Peirès,  de  Hispania,  à  huict  deniers  de  gaiges  pour 
jour,  en  considération  des  services  qu'il  avoit  faictz  à  Jehan,  duc 
de  Bretaigne  (*).  » 

Une  simple  grille  en  fer,  moderne,  remplace  les  lourds  panneaux 


(')  Arch.  départ.,  E.,  245,  cass.  88.  Inventaire  des  titres  de  Cham|>loceaux, 
délivrés  au  duc  de  Montmorency.  L'analyse  de  ces  lettres,  qui  ligure  à  l'In- 
ventaire sous  la  cote  XXX,  est  du  9  décembre  1350. 


—  83  — 

de  chêne  massif,  bardés  de  fer,  du  moyen  âge.  Au  delà,  s'étend 
le  parc,  admirablement  vallonné,  dont  les  37  hectares  com- 
prennent remplacement  de  la  ville  et  du  château.  En  longeant  la 
muraille  est,  M.  Montfort  fait  remarquer  la  construction  formée  de 
pierres  posées  à  froid,  le  mortier  versé  par  dessus  s'infiltrant 
dans  tous  les  joints,  et  la  chaux,  suivant  l'ancienne  méthode, 
éteinte  sur  le  mur  même  qu'elle  doit  relier. 

Non  loin  de  là  se  voient  les  ruines  du  prieuré  de  Champto- 
ceaux,  fondé  au  milieu  du  XIe  siècle,  sous  le  coime  de  Nantes 
Hoël,  en  faveur  des  religieux  de  Marmoutiers.  A  un  certain  point 
de  vue,  elles  forment  comme  le  premier  plan  d'un  vase  aux  bords 
déchiquetés,  du  sein  duquel  surgit  la  nouvelle  habitation,  avec 
ses  nombreux  clochetons  et  ses  oppositions  de  tuf  et  de  briques, 
charmant  coup  d'œil,  que  reproduit  le  tableau  de  cette  jolie  de- 
meure peint  par  Gustave  Marquerie. 

C'est  dans  ce  prieuré  que  le  malheureux  Jean  V,  après  avoir 
été  promené  par  les  Pemhièvre,  a  Clisson,  à  Palluau  et  autres 
forteresses,  afin  de  faire  perdre  ses  traces,  ramené  à  Champto- 
ceaux  mourant  de  faim  et  de  fatigue,  fut  reçu  par  les  moines  qui 
lui  présentèrent  une  tranche  de  jambon,  suivant  les  uns,  un 
morceau  de  lard,  suivant  les  autres. 

Une  porte  ogivale  est  décorée  d'un  timbre  sculpté  ,  dont 
l'écusson  martelé,  surmonté  d'une  crosse  et  accosté  de  quatre 
quatre-feuilles ,  laisse  entrevoir  une  croix.  Dans  les  bâtiments, 
veufs  de  leur  toiture,  se  voient  encore  les  restes  de  deux  ou  trois 
vastes  cheminées  du  xvie  siècle,  aux  moulures  élégantes,  sous  le 
manteau  desquelles  se  rangeaient  aisément  huit  ou  dix  personnes. 
L'église ,  fortifiée  au  temps  de  la  Ligue,  porte  les  traces  des 
meurtrières  ouvertes  à  cette  époque. 

Plus  heureux  que  Jean  V  et  ses  infortunés  compagnons,  les 
excursionnistes  sont  gracieusement  accueillis  dans  les  salons  du 
moderne  châtelain  de  Champtoceaux.  Des  fenêtres  se  déroule  un 
panorama  splendide  formé  par  les  îles  de  la  Loire  et  les  rives 
pittoresques  de  ce  beau  fleuve,  dont  les  eaux  scintillantes  tracent 
un    ruban  argenté    qui    peut  se  suivre  jusqu'à  Montjcan.  Un 


—  84  — 

déjeuner  élégamment  servi,  assaisonné  de  verve  et  d'entrain,  du 
à  l'urbanité  de  M.  et  Mme  de  la  Touche ,  permet  à  chacun  de 
se  reposer  des  fatigues  de  la  traversée,  et  de  faire  appel  aux  con- 
naissances historiques  de  notre  amphitryon,  qui  raconte  a  ses  au- 
diteurs attentifs  les  scènes  émouvantes  que  vit  Champtoceaux. 

Après  le  repas ,  l'excursion  est  reprise  sous  la  conduite  de 
notre  hôte,  dont  la  conversation  intéresse  au  plus  haut  point  en 
rappelant  agréablement  les  faits  et  les  souvenirs  de  son  beau 
domaine,  sur  le  lieu  même  où  ils  s'accomplirent.  Lorsqu'en 
sortant  de  l'habitation  moderne,  le  visiteur  se  dirige  vers  l'ouest, 
le  tracé  des  murs  de  la  ville  apparaît  au  ras  de  terre  ;  et  bientôt, 
les  trois  enceintes  successives  de  douves  larges  et  profondes 
ceignant  les  trois  remparts  de  la  forteresse  viennent  attester  par 
leurs  vestiges  encore  visibles  et  leurs  vastes  proportions  la  redou- 
table importance  de  ce  château  imprenable.  Un  épais  tapis  de  ver- 
dure recouvre  ces  ruines  amoncelées.  Le  lierre,  les  plantes  les 
plus  variées  enchevêtrent  leurs  tiges  fouillées  et  fleuries  dans  les 
interstices  des  pierres.  Belle  moisson  pour  nos  amateurs  de  bota- 
nique, qui  les  recueillent  avec  soin  et  précaution,  tout  en  admirant 
les  effets  d'ombre  et  de  lumière  que  produisent  les  grands  arbres 
au  pied  desquels  un  inextricable  fouillis  rappelle  un  instant 
l'aspect  des  forêts  vierges  d'Amérique.  Ça  et  là  un  pilier  éboulé, 
l'arête  aiguë  d'une  pierre  blanchie  perce  la  mousse,  comme  pour 
indiquer  l'ossature  de  l'immense  squelette  qui  gît  démembré 
depuis  l'an  1420. 

Ici,  dans  la  douve  de  la  première  enceinte,  un  énorme  frag- 
ment de  la  tour  principale,  tombé  tout  d'une  pièce,  atteste,  par 
sa  masse  informe,  la  solidité  de  la  construction  et  l'effort  gigan- 
tesque qu'il  fallut  pour  le  renverser. 

Là,  c'est  le  mur  des  Sarrazins,  c'est-à-dire  des  Romains,  rap- 
pelant le  murum  sanacenicum  de  Saint-Léonard  de  Nantes. 
Voici  l'escalier  par  lequel  descendit  un  soldai,  revêtu  d'un  cos- 
tume de  Jean  V,  qu'on  dit  avoir  été  tué  en  arrivant  sur  la  rive, 
afin  de  dérouter  les  assiégeants  et  de  les  décourager. 

Un  long  et  étroit  escalier,  foulé  sans  doute  par  de  nombreuses 


—  85  - 

générations  ainsi  que  par  les  personnages  marquants  qui  vinrent 
à  Champtoceaux,  donne  accès  au  donjon,  dont  les  piliers  sup- 
portant le  dernier  pont-levis  sont  encore  en  place,  laissant  deviner 
la  largeur  des  énormes  fossés. 

Gomme  elle  devait  être  belle  et  fière  de  ses  créneaux  altiers, 
orgueilleuse  de  ses  trois  enceintes  de  remparts  défendus  par  des 
douves  infranchissables,  la  vieille  forteresse,  lorsque  par  ses 
lettres  datées  du  12  septembre  1365,  «  Loys,  fils  du  roi  France, 
duc  d'Anjou,  institue,  établit  et  ordonne  cappitaine  et  garde 
dudit  chastel  de  Ghantoceaulx  messire  Guillaume  Mauvygnet, 
pour  ung  an  seullement,  à  vingt  combattans,  pour  l'entretene- 
ment  desquels  et  pour  celuy  dudit  Mauvygnet,  à  lui  ordonne 
pour  ledit  temps  deux  mille  francs  d'or,  à  prendre  sur  les  recettes 
de  la  rivière  de  Loire,  audit  Ghantoceaulx,  et  autres  lieux  portés 
par  lesdites  lettres  (').  » 

Là,  sur  ces  arasements  étages,  nous  sommes  à  80  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  Loire.  Quelle  altitude  devaient  donc 
atteindre  les  créneaux  de  la  haute  tour,  dont  un  fragment,  vio- 
lemment arraché  de  son  circuit,  gît  pantelant  à  nos  côtés?  L'es- 
pace renfermé  dans  ce  donjon  mesure  certainement  plus  du 
double  de  celui  occupé  par  le  château  de  Nantes,  qui,  pourtant, 
excitait  l'admiration  du  roi  Vert-Galant.  Gomment  eût-il  donc 
caractérisé  celte  magnifique  position  que  les  rois,  les  ducs,  les 
plus  riches  soigneurs  se  disputaient  à  l'envi  les  uns  des  autres? 

La  vue  est  admirable,  l'horizon  immense.  A  l'est,  Ancenis, 
Saint-Florent,  Monljean;  devant  soi,  au  nord,  la  Loire  et  ses 
chalands,  qui  paraissent  des  nacelles;  la  tour  d'Oudon,  qui  semble 
perdue  dans  le  fond  de  sa  vallée;  Clermont,  et,  dans  le  lointain, 
Nantes,  avec  ses  toits  d'ardoises  éclairés  par  le  soleil,  dont  les 
chauds  rayons  accompagnent  nos  pas  alourdis  par  la  chaleur. 

Ici,  à  la  gauche  du  spectateur  se  voient  les  champs  de  bataille 


(»)  Arch.  départ.,  série  E,  245  ;  inventaire  des  pièces  délivrées  au  duc  de 
Montmorency. 

1885.  -  2e  Sem.  8 


—  86  — 

couverts  de  moissons  et  de  verdure.  C'était  là  que  l'artillerie  an- 
glaise et  bretonne  faisait  pleuvoir  sur  la  ville  et  le  château,  à  l'aide 
des  massives  bombardes,  ces  lourds  boulais  de  pierre  et  de  fer 
dont  le  poids  énorme  crevait  les  toitures  et  démolissait  les  mu- 
railles. De  nombreux  échantillons  de  ces  projectiles  sont  groupés 
dans  le  parc. 

Il  faut  s'arracher  à  ce  spectacle  et  redescendre  jeter  un  coup 
d'œil  a  la  tour  du  Diable  ou  de  la  Trahison,  le  cachot  de  Jean  V, 
l'escalier  que  descendit  le  malheureux  prince,  qui,  effrayé  de  sa 
captivité,  répétait  un  jour  à  sa  cousine,  se  faisant  un  jeu  de  le 
tourmenter  :  point  ne  me  chau  de  ma  seigneurie  /...  Triste  aveu 
auquel  l'implacable  et  altière  Marguerite  de  Clisson,  ajoutant  la 
raillerie  à  sa  vengeance,  répondait  par  ce  verset  du  Magnificat  : 
Deposuit  potentes  de  sede !!!... 

Un  grand  four  de  boulangerie  a  été  récemment  découvert. 
A  côté,  on  en  voit  un  second,  beaucoup  plus  petit,  dans  lequel 
les  nobles  châtelaines,  la  vindicative  Marguerite,  faisaient  cuire 
les  gâteaux  qu'elles  pétrissaient  de  leurs  nobles  mains.  Les  visi- 
teurs se  réunissent  dans  les  ruines  de  la  chapelle,  et  l'ami  Mont- 
fort  qui,  après  avoir  photographié  avec  bonheur  divers  points  de 
vue,  nous  a  rejoints,  croque  en  une  minute  la  troupe  entière, 
pittoresquement  groupée. 

Un  dernier  adieu  au  château,  où,  par  suite  d'une  chaleur 
intense,  un  léger  rafraîchissement  était  des  plus  nécessaires  ; 
puis  nous  redescendons  par  un  chemin  étroit  et  rapide  qui  con- 
duit à  la  rive,  devant  l'ancien  pont  a  péage.  Une  immense  digue 
transversale  barrant  le  fleuve  amenait  forcément  les  bateliers  a 
ce  point.  Ces  péages  ou  Irespas  de  Loyre  formaient  un  des  plus 
riches  revenus  du  domaine,  et  étaient  sujets  a  beaucoup  d'abus. 
Ainsi,  Olivier  de  Clisson,  ses  gens  et  officiers  «  de  la  terre  de 
Champtoceaux,  au  duché  de  Bretagne,  prélevaient  sur  les  mar- 
chandises passant  par  la  rivière  diverses  sommes  de  deniers 
plus  élevées  qu'elles  ne  sont  dues,  notamment  sur  chaque  inuid 
de  sel,  de  bled  :  dix  sols  tournois  au  lieu  de  cinq  \  laquelle  per- 
ception s'opère  avec  vexations,  saisie  de  marchandises,  voies  de 


-  87  - 

tait  et  arrestations,  au  mépris  de  la  sauvegarde  du  Roi  et  au  grand 
préjudice  des  marchands  et  de  la  chose  publique  (').  •> 

Un  sergent  fut  chargé  d'ajourner  Glisson  devant  le  Parlement. 
Il  fut  saisi ,  battu  et  obligé  de  s'enfuir  au  plus  vite,  pour  ne  pas 
être  jeté  dans  les  cachots. 

Après  l'abolition  des  péages  (1631),  un  moulin  à  eau  fut  établi 
sur  ce  pont ,  qui  ,  par  la  forme  de  ses  deux  arches  en  ogives, 
pourrait  bien  remonter  au  XIVe  siècle. 

Notre  visite  à  Champtoceaux  était  une  véritable  révélation.  Le 
voyageur,  de  son  wagon,  aperçoit  le  site;  du  bateau  à  vapeur,  le 
touriste  admire  la  position  ;  les  Guides  Jeanne  ou  Nantais  con- 
tiennent quelques  lignes.  Mais  combien  peu  connaissent  le  gise- 
ment et  l'intérêt  de  ces  ruines  ! 

Merci  donc,  au  nom  de  l'histoire,  a  M.  le  président  de  la 
Société. 

Merci,  au  nom  de  l'archéologie,  à  M.  de  la  Touche,  notre  hôte 
d'un  instant,  notre  complaisant  cicérone. 

Il  y  a  là  tous  les  éléments  possibles  de  la  reconstitution  com- 
plète d'une  place  forte  du  moyen  âge,  dont  le  rôle  fut  des  plus 
importants  et  des  plus  dramatiques.  Le  châtelain,  du  reste,  est 
tout  disposé  à  réunir  les  éléments  de  l'histoire  du  domaine  dont 
il  apprécie  la  valeur.  Chaque  jour  il  cherche  à  faire  revivre  ce 
passé  historique  auquel  les  grands  noms  de  Pépin,  Pierre  Mau- 
clerc,  saint  Louis,  Glisson,  Jean  V,  servent  de  date,  en  exhumant 
de  ce  vaste  tombeau  les  restes  qui  attestent  sa  grandeur. 

Le  bac  reçoit  de  nouveau  sa  cargaison  d'archéologues,  et,  des- 
cendant le  fleuve,  porté  par  un  courant  presque  insensible,  les 
dépose  en  face  d'Oudon.  Ce  beau  monument  du  XVe  siècle,  acquis 
par  le  département  sous  l'administration  de  M.  le  comte  de 
Brosses,  a  été  classé  parmi   les  monuments  historiques,  par  les 


(')  Histoire  de  la  Communauté  des  Marchands  fréquentant  la  rivière  de 
Loyre,  uar  Mautellier.  —  Orléans,  1877,  p.  75. 


—  88  — 

soins  et  l'initiative  de  notre  regretté  confrère  Armand  Guéraud, 
qui  en  avait  fait  une  étude  complète,  devenue  assez  rare  aujour- 
d'hui. Il  vient  d'être  l'objet  d'une  intelligente  restauration. 

Ghamptoceaux  fut  fatal  aux  sires  d'Oudon.  Geoffroi,  grièvement 
blessé  devant  cette  place,  dans  l'armée  du  comte  d'Anjou,  au 
XIIe  siècle,  ne  survécut  pas  à  ses  blessures.  Un  autre  de  ses  sei- 
gneurs, emprisonné  avec  Jean  V,  endura  de  telles  privations  et 
tant  de  misères,  qu'il  mourut  peu  après  avoir  recouvré  sa  liberté. 
Jean  et  Julien  de  Malestroit,  frères,  firent  de  leur  château  un 
atelier  de  fausse  monnaie,  qu'ils  forçaient  ensuite  leurs  vassaux 
d'accepter.  Le  roi  François  Ier  les  fit  assiéger,  prendre,  juger  et 
exécuter  à  Nantes. 

M.  Montfort  établit  son  appareil  devant  la  vieille  tour  et  en 
prend  une  ou  deux  vues,  tandis  que  d'autres  visiteurs,  intrépides 
et  infatigables,  gravissent,  à  l'aide  d'échelles,  les  étages  inférieurs, 
et  montent  jusque  sur  la  plate-forme. 

Mais  tout  a  un  terme,  même  les  excursions  archéologiques  les 
plus  instructives.  Le  train  arrive  à  la  station  ;  les  excursionnistes 
y  prennent  place,  échangeant  entre  eux  les  agréables  impressions 
de  celte  journée  charmante  qui  restera  classée  parmi  celles  dont 
on  aime  à  conserver  le  gai  souvenir. 

S.  DE  LA  NiCOLLIËRE-TEIJEmO. 


LA  TERRE  DE  SION  ET  SES  SEIGNEURS 


Il  est  des  bourgades  et  des  noms  qui  aujourd'hui  semblent 
d'assez  peu  d'importance,  et  qui,  pendant  un  bon  nombre  de 
siècles,  ont  eu  néanmoins  leur  histoire  :  tel  nous  a  paru  la  loca- 
lité de  Sion,  située  à  l'extrémité  Nord  de  notre  département,  dans 
le  canton  de  Derval. 

L'histoire  de  Sion  n'est  autre  que  celle  des  familles  seigneu- 
riales qui  se  sont  succédé  dans  la  possession  de  la  terre  de  ce 
nom  ;  à  elles  revient  l'honneur  d'avoir  donné  de  l'éclat  à  Sion  aux 
yeux  de  l'historien  et  de  l'archéologue. 

On  sait  qu'avant  le  Xe  siècle,  il  est  très  difficile  de  distinguer  la 
généalogie  des  familles  ;  les  seigneurs  n'avaient  guère  que  leur 
nom  propre  ;  mais  à  cette  époque,  ils  prennent  déjà  le  nom  de 
leurs  fiefs  ou  de  leurs  seigneuries.  Dès  le  Xe  siècle,  on  voit  le 
nom  des  seigneurs  de  Sion  figurer  avec  celui  des  grandes  familles 
du  pays,  comme  Ghàleaubriant,  Rougé,  etc.  ;  on  le  trouve  dans 
toutes  les  grandes  affaires  du  duché  de  Bretagne,  à  la  cour,  à 
l'ost,  dans  les  guerres. 

La  riche  et  puissante  famille  de  Sion  paraît  descendre  des 
vicomtes  de  Dongcs,  lesquels  jouissaient  d'une  fortune  immense  ; 
elle  était  en  même  temps  propriétaire  de  la  terre  de  Frossay. 

Le  premier  seigneur  de  Sion,  dont  le  nom  nous  est  connu,  est 
Gavallon  de  Sion  ;  il  signe  comme  témoin,  en  1070,  dans  une 
donation  faite  en  faveur  de  Marmoutters  parGuiheneucd'Ancenis. 

En  1144,  Hervé  était  seigneur  de  Sion.  Le  Dictionnaire  d'Ogée, 
à  l'article  Redon,  insinue  que  le  seigneur  de  Sion  était  puissant 
ou  au  moins  redoutable  pour  ses  voisins;  il  dit  qu'en  1144,  le 


—  90  - 

seigneur  de  Villarblez,  craignant  les  déprédations  d'Hervé,  sei- 
gneur de  Syon,  s'était  mis  sous  la  sauvegarde  de  l'abbaye  de 
Redon,  et,  pour  ce  service,  s'était  engagé  à  lui  payer  une  rente 
annuelle  de  13  deniers. 

En  1153,  on  trouve  Alfred  de  Syon,  témoin  dans  une  donation 
faite  à  l'abbaye  de  Fontevrault  par  Hoël,  comte  de  Nantes  ;  il 
signe  :  Alfredus  de  Syon  prepositus  Ecdcsiœ  Nannetcnsis. 

En  l'année  1172,  c'est  Guillaume  de  Syon,  témoin  dans  une 
donation  faite  à  l'abbaye  de  Buzay  par  Harscoët  de  Haiz. 

Dom  Lobineau  rapporte  qu'eu  1201,  ce  même  Guillaume  de 
Syon  fit,  de  son  propre  fonds,  une  donation  à  l'abbaye  de  Buzay. 

Auffroy  de  Syon,  chevalier  plus  connu,  possédait  les  terres  de 
Syon,  Dornuèche  et  leurs  dépendances,  lesquelles  étaient  consi- 
dérables. On  croit  que  le  château  de  Dornuèche  dans  la  forêt  de 
ce  nom  n'était  guère  qu'un  rendez-vous  de  chasse.  Auffroy  faisait 
sa  résidence  habituelle  au  château  de  Syon. 

Gequi  recommande  ce  seigneur,  ce  sont  ses  fondations  pieuses. 
Trois  de  ces  fondations  nous  sont  connues. 

La  première  eut  lieu  en  1226,  en  faveur  du  monastère  de  la 
Roë,  dans  la  forêt  de  Craon. 

La  deuxième  fut  faite,  en  1248,  en  faveur  du  moine  deVillepot, 
—  dépendant  delà  Roë,  —  à  la  charge  de  desservir  la  chapelle 
de  Brillingaud,  dans  la  forêt  de  Domnôche,  en  Syon.  Voici 
comment  on  raconte  l'origine  de  cet  établissement.  Au  XIe  siècle, 
un  solitaire  nommé  Gorin  avait  une  retraite  au  lieu  nommé  :  le 
Breil;  ayant  entendu  parler  de  la  vie  exemplaire  des  moines  de 
la  Roë,  il  demanda  a  être  admis  parmi  eux.  Il  leur  abandonna 
l'ermitage  que  lui  avaient  donné  Jean  de  Breil -Ingaull,  Boter- 
Bernard,  Marquis  et  Gueznée,  sa  sœur;  ce  don  du  solitaire  fut 
fait  en  présence  d'Albéric.  On  sait  que  les  moines  de  la  Roë 
avaient  une  prédilection  pour  les  établissements  situés  dans  les 
forèis;  presque  toutes  les  forêts  d'Anjou  et  de  Bretagne  peuvent 
le  témoigner. 

C'est  en  faveur  de  ce  premier  sanctuaire  que  Auffroy  fit  une 
fondation.  Voici  ce  qu'en  rapporte  dorn  Lobineau  : 


—  9i  — 

«  Aufredus  de  Syon,  miles,  etc..  capellaniae  meae  juxta 
herbergamentum  meum  de  Domnèche  in  feodomo  quod  dicitur! 
herber  Mariae,  dedi  etc...  quod  ut  ratum  et  stabiie  permaneat, 
sigillimei  et  sigilli  Ducani  ejusdem  loci  feci,  munimine  roboravi, 
anuo  1248.  » 

Louise,  femme  d'Auffroy,  assura  aussi  audit  moine  un  revenu 
annuel  de  10  sous  sur  sa  terre  de  la  Ghauvière,  en  Sion. 

La  troisième  fondation  d'Auffroy  fut  en  faveur  des  moines  de 
Béré,  en  1248.  M.  Léon  Maître  dit  que  cette  fondation  eut  lieu 
en  1226  ;  ce  serait  alors  la  même  année  que  celle  du  monastère 
de  la  Roë. 

Cette  fondation  avait  deux  objets  :  le  premier,  d'ériger  une 
chapelle  apnd  Syon,  auprès  de  Syon,  vraisemblablement  auprès 
du  château  de  Syon  ;  le  second,  de  donner  une  maison  avec  une 
vigne,  au  moine  chargé  de  desservir  la  susdite  chapellu.  Voici 
l'acte  de  fondation  tel  qu'il  a  été  copié  sur  les  registres  de 
Marmoutiers  :  «  Aufredus  de  Syon  dédit  monachis  majoris 
monaslerii  domum  et  vincam  sacerdotis;  Prior  vero  de  Béré 
unum  de  monachis  suis  presbyterum  apud  Syon,  qui  celcbrabit 
in  capellâ,  quae  consiruilur  in  honorem  Dei ,  beatae  Mariae  Vir- 
giniset  sancti  Jacobi.  » 

Cette  chapelle  devint  l'église  paroissiale  après  la  destruction 
de  l'antique  chapelle  du  Breil,  qui  a  dû  être  le  berceau  de  l'église 
de  Sion.  D'après  les  termes  de  la  donalion,  le  Prieur  de  Béré  y 
envoya  un  de  ses  moines,  et  les  moines  de  Béré  devinrent  rec- 
teurs de  Sion.  Ils  administrèrent  d'abord  la  paroisse  par  eux- 
mêmps;  plus  tard  ils  confièrent  ce  soin  à  des  vicaires,  dont 
quelques-uns  furent  fermiers  du  bénéfice  de  Sion.  Le  Concile 
de  Trente  ayant  défendu  aux  moines  de  conserver  des  bénéfices  à 
charge  d'âmes,  celui-ci  fut  vendu,  en  1564,  à  Monsieur  de 
Channe,sire  du  Bignon  ;  des  prêtres  séculiers  administrèrent  alors 
la  paroisse  en  qualité  de  curés.  Toutefois,  l'abbé  de  Marmou- 
tiers conserva  longtemps  le  droit  de  présentation  à  la  cure  de 
Sion  ;  il  en  jouissait  encore  en  l'année  1722. 

Auffroy  de  Sion  ne  pourrait-il  pas  être  regardé  comme  le  père 


—  92  — 

de  la  paroisse  de  Sion,  le  fondateur  du  bourg,  puisque  c'est  autour 
de  cette  chapelle  qu'ont  été  bâties  ses  maisons.  Cette  fondation 
ne  serait-elle  pas  le  testament  d'Auffroy,  avant  son  départ  pour 
la  croisade  avec  saint  Louis  ?  Le  commencement  du  XIII0  siècle, 
c'est  bien  l'époque  où  les  seigneurs  faisaient  à  l'envi  dos  fon- 
dations pieuses  :  églises,  chapelles,  prieurés,  maladries  ! 

Nous  nous  permettons  de  dire,  avec  M.  Léon  Maître,  que  cette 
fondation  ne  peut  être  étrangère  a  la  léproserie  située  tout  près 
du  bourg  de  Sion,  à  l'endroit  appelé:  Maladrie.  Ce  savant  ajoute  : 
a  Après  la  disparition  des  lépreux ,  les  seigneurs  en  firent  une 
maison  noble  avec  un  pressoir  banal ,  où  tous  les  sujets  de  la 
châtellenie  étaient  contraints  de  porter  leurs  pommes  à  cidre.  » 

L'héritier  d'Auffroy  fut  Guillaume  de  Sion.  Il  était,  croyons- 
nous,  son  frère;  il  eut  deux  enfants:  un  garçon  nommé  Gcffroy  et 
une  fille,  dont  le  nom  nous  est  resté  inconnu. 

Au  commencement  de  janvier  1276,  on  trouve  Geffroy  de 
Sion,  chevalier,  avec  les  autres  seigneurs  bretons,  qui  acceptent 
les  propositions  du  duc  de  Bretagne. 

En  1294,  il  est  à  l'ost  du  duc  de  Bretagne.  Le  19  août,  les 
nobles  de  Bretagne  s'étant  réunis  a  Ploërmeî,  chacun  des 
seigneurs  fit  la  déclaration  des  hommes  qu'il  devait  fournir  a 
l'armée  du  duc,  lequel  avait  embrassé  le  parti  d'Edouard,  roi 
d'Angleterre.  Le  seigneur  de  Sion  signe  avec  les  autres  seigneurs 
du  bailliage  de  Nantes  et  reconnaît  devoir  au  duc  le  quart  d'un 
chevalier  d'ost  pour  ce  qu'il  tient  dudit  duc  en  Saint-Père-en- 
Raiz  et  10  livres  d'ost  pour  chaque  mesure  de  terre  pour  son  do- 
maine de  Frosseau  ou  Frossay. 

Cette  même  année  1294,  Geffroy  fonda  le  prieuré  de  Guermi- 
ton  en  la  paroisse  de  Frossay  et  le  donna  à  l'abbaye  de  Sainle- 
Marie-de-Pornic. 

Geffroy  fut  condamné  par  le  duc  de  Bretagne  dans  un  procès  ; 
les  rois  de  France,  par  plusieurs  lettres  patentes,  avaient  réglé 
que  les  appels  des  Bretons  ne  seraient  reçus  a  la  Cour  qu'en  cas 
de  jugement  injuste,  et  déni  de  justice,  ou  dans  les  cas  qui  regar- 
daient directement  la  supériorité  royale.  Geffroy  de  Sion  et 


—  93  — 

Rolland  de  Dinan  en  avaient  appelé  injustement  au  Parlement  de 
Paris  en  1326  ;  ils  avaient,  par  différentes  chicanes,  fait  traîner 
leur  affaire  jusqu'en  1330.  Cette  même  année,  ils  furent  ren- 
voyés devant  leur  duc  et  furent  condamnés  à  l'amende. 

Geffroy  ne  laissa  point  d'enfants,  ses  deux  nièces  Jeanne  et 
Anne  héritèrent  de  ses  biens. 

Jeanne,  dame  de  Syon,  dut  se  marier  deux  fois;  en  1345,  elle 
était  mariée  avec  Armel  de  Châteaugiron,  seigneur  de  Chàteau- 
briant. 

Et  en  l'année  1358  elle  était  veuve  de  Jean  II,  sire  de  Ricux  ; 
elle  mourut  en  1360. 

De  ce  dernier  mariage  naquit  une  fille,  Jeanne  de  Rieux,  la- 
quelle se  maria  à  un  seigneur  de  Coulonces,  en  Normandie,  et 
mourut  jeune  encore  le  8  septembre  1395. 

Anne  de  Syon  devint  héritière  de  la  terre  de  ce  nom  en  1360  ; 
elle  se  maria  avec  Alain  de  Saffré,  chevalier  de  renom,  qui  nous 
est  connu  par  une  donation  qu'il  fit  en  l'église  de  Saffré  ;  son  fils 
Alain  ratifia  cette  donation  en  1394.  En  voici  du  reste  les  disposi- 
tions :  «  Allain  de  Saffré,  seigneur  de  Syon,  époux  de  Philippe  de 
Laval,  de  Chaloyan  et  de  Retz,  fils  d'Anne  de  Syon  et  d' Allain  de 
Saffré;  le  samedi  après  (effacé)  1394  ;  comme  autrefois  M.  Allain 
de  Saffré,  père  de  M.  Allain  de  Saffré,  chevalier  pour  le  temps  pré- 
sent, seigneur  de  Saffré  et  de  Syon,  eût  fondé  une  chapellenic  de 
Sainte-Marguerite,  annexée  à  l'église  parochiale  de  Saffré  et 
ordonné  en  y  celle  trois  messes  être  dites,  servies  et  célébrées 
en  ladite  chapelle,  par  chaque  semaine  comme  dit  est,  es  chapelle- 
ries,,.  serviteurs  d'icelle  chapellonïe  et  eut  ledit  M.  Allain  défunt, 
promis  soi  obliger  au  temps  de  sa  vie,  bailler  et  asseyer  en  ses 
héritages,  c20  livres  de  rente,  héritages  qui  les  pourront  valoir  par 
chacun  an  en  perpétuel  héritage,  sachent  tous,  etc.. 

Avec  Anne  de  Syon,  ou  plutôt  avec  Geffroy,  se  termine  la 
série  des  seigneurs  portant  le  nom  de  seigneurs  de  Sion,  après 
quatre  siècles  d'existence  dans  l'histoire. 

L'union  des  deux  terres  de  Syon  et  do  Saffré ,  selon  le  père 
du  Paz,  eut  lieu  par  le  mariage  du  seigneur  de  Saffré  avec  l'héri- 


-  94  - 

tière  de  Sion.  Le  château  de  Syon  fut  détruit  à  cette  époque, 
les  seigneurs  du  lieu  fixèrent  leur  résidence  à  Saffré  et  en  prirent 
le  nom.  Aussi,  désormais,  les  noms  de  ces  deux  familles  sont 
constamment  confondus. 

Saffré  n'était,  à  cette  époque,  qu'une  simple  chàtellenie  relevant 
de  Fresnay  en  Plessé. 

Allain  de  Saffré  laissa  comme  héritière  une  fille  du  nom  de 
Jeanne;  elle  était  née  en  1410,  elle  mourut  le  28  octobre  1460. 

Elle  épousa  Jehan  Tournemine  :  il  était  second  du  nom  et  fils 
de  Jehan  Tournemine  et  d'Isabeau  de  Beaumanoir.  Le  nom  de 
Tournemine  est  un  sobriquet  donné  dans  le  XIIe  siècle  au  comte 
Guillaume,  de  la  famille  des  princes  d'Anjou.  Jehan  Tournemine 
et  Jeanne  de  Saffré  s'intitulaient  :  sire  et  dame  de  Barratz  ou 
Barrache,  de  Syon,  de  Saffray,  de  Bouloy,  de  la  Hunaudaye. 
—  La  Hunaudaye  est  située  dans  la  foret  de  Lanmeur,  près  Lam- 
balle. 

Le  fils  de  Jehan  fut  Gilles  Tournemine,  sire  de  la  Hunaudaye, 
de  Bouloy,  de  Syon,  de  Saffray  ;  il  était  aussi  seigneur  deFrossay, 
deBrains,de  Bouguenais,  de  Saint-Léger,  de  Saint-Aignan.  Il 
épousa  Marguerite  de  Belleville  ,  dame  de  Fresnay  en  Plessé,  de 
Ruffec  etc. 

En  l'année  1449,  nous  voyons  Gilles  Tournemine  avoir  le  com- 
mandement de  l'armée  bretonne  en  Normandie.  Deux  ans  plus 
tard,  en  1451,  Gilles  disputa  la  préséance  aux  États  de  Bretagne: 
il  fit  recevoir  son  opposition  contre  les  seigneurs  de  Derval,  de 
Quintin  et  de  Maleslroit,  dont  les  terres  venaient  d'être  érigées  en 
baronnie  par  Pierre,  duc  de  Bretagne. 

Saffré,  qui  n'était  qu'une  simple  chàtellenie,  fut  créée  chàtel- 
lenie bannerrette  en  1451. 

La  mort  de  Georges  Tournemine  arriva  en  1474. 

François  Tournemine,  son  fils,  eut  pour  curateur  Pierre  Tourne- 
mine,  seigneur  de  Barratz.  —  En  1477 ,  il  s'intitulait  :  seigneur  de 
la  Hunaudaye,  de  Bouloy,  de  Syon,  de  Saffré.  En  1494,  il  acquit 
la  ehâtellenie-bannerrette  deFresoay,  supérieure  à  la  châtellenie- 
bannerrette  de  Salïré.  Sa  mort  arriva  le  3  février  1500. 


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C'est  do  son  temps  qu'eut  lieu  ce  trop  fameux  procès  des  Tour- 
nemine  de  la  Guerche.  Un -duel  avait  ou  lieu  sur  la  place  du 
Bouffay  de  Nantes,  le  20  décembre  1486,  entre  Robert  de  Beau- 
manoir  et  Pierre  Tournemine;  ce  dernier  fut  vaincu  et  mourut 
peu  après.  Dans  la  même  année,  Beaumanoir  rechercha  In  veuve 
de  Tournemine,  Marie  de  Viiliers,  et  le  mariage  eut  lieu  malgré 
les  oppositions  très  vives  des  enfants  de  la  douairière,  Georges 
et  Jean.  Pour  se  venger,  ils  résolurent  de  tuer  le  seigneur  de 
Beaumanoir,  Jean  Eder,  leur  beau-père.  Pour  réussir  dans  leur 
entreprise,  ils  feignirent  de  se  réconcilier  avec  Eder,  allèrent  au 
Hommet,  —  le  Hommet  est  en  Normandie  et  Marie  de  Villiers 
était  dame  du  Hommet  ;  —  puis,  à  leur  tour,  ils  invitèrent  Ederet 
leur  mère  à  venir  a  la  Hunaudaye.  Pendant  plusieurs  jours  on  s'y 
divertit:  une  partie  de  chasse  au  sanglier  fut  résolue.  Mais  bientôt 
le  bâtard  de  la  Hunaudaye,  Georges,  seigneur  du  Hommet,  Jean, 
seigneur  de  Syon,  et  Jean  Dubreil  attaquèrent  Eder  par  trahison, et 
lui  donnèrent  plusieurs  coups  mortels  a  travers  le  corps.  En  vain 
Eder  cria  et  demanda  confession,  il  fut  achevé  sur  place.  Son 
corps  fut  traîné  sur  le  bord  du  chemin  et  resta  là  toulo  la  nuit  ; 
le  lendemain  les  auteurs  du  crime  avertirent  eux-mêmes  la  jus- 
tice de  Lamballe.  Après  la  levée  du  corps  et  le  procès-verbal  dos 
juges,  le  seigneur  de  la  Hunaudaye  fit  enterrer  le  corps  dans 
l'abbaye  de  Saint-Aubin- des-Bois.  Le  bâtard  de  la  Hunaudaye  et 
du  Breil  se  retirèrent  aussitôt  dans  la  cité  de  Lantreguier  pour 
jouir  du  droit  de  Minihy  de  Saint -Tugdual;  sur  leurs  décla- 
rations, le  lieutenant  du  prévôt  deTréguicr  accorda  l'asile;  néan- 
moins, le  bâtard  ne  se  trouvant  pas  en  sûreté  passa  la  mer. 

Le  duc,  instruit  de  cette  lâche  action, ordonna  qu'on  poursuivît 
les  coupables.  Après  sa  mort,  Anne  de  Bretagne  fit  continuer  les 
procédures.  Georges  Tournemine  se  défendit  quelque  temps,  par 
son  procureur,  Rolland  deBréhand  ;  mais  à  la  fin  il  se  laissa  con- 
tumacer,  ses  biens  furent  confisqués.  Jean  Tournemine,  seigneur 
de  Syon,  eut  probablement  le  même  sort.  On  ne  mit  point  en 
cause  la  dame  douairière,  quoiqu'elle  eût  témoigné  plusieurs  fois 
le  regret  de  s'être  remariée. 


—  96  — 

Le  fils  de  François  Tournemine  fut  Georges  ;  il  lui  succéda 
en  1501.  Il  était  baron  de  Rays,  sire  de  la  Hunaudaye,  de  Bouloy, 
baron  du  Hommet,  seigneur  de  la  Béraudière,  de  La  Hardaye,  de 
Sion,  de  Saffïé,  de  Fresnay. 

11  eut  une  fille,  Françoise  Tournemine;  elle  se  maria  avec 
Claude  d'Annebault,  maréchal  de  France. 

Claude  d'Annebault,  sieur  de  Saint-Pierre,  de  la  Hunaudaye, 
du  Hommet,  époux  de  Françoise  Tournemine,  fille  et  héritière 
principale  et  noble  de  Georges  Tournemine,  vendit,  le  25 
avril  1526,  le  lieu  noble,  château,  pièce,  terre,  seigneurie  et  châ- 
tellenie,  nommé  Syon,  etc.,  pour  la  somme  de  6,000  livres,  à 
noble  et  puissant  Mathurin  de  la  Chapelle,  sietir  de  la  Roche- 
Giffard,  du  Plessix,  etc. 

Ainsi,  comme  on  le  voit,  la  terre  de  Sion,  pendant  près  de 
deux  siècles,  a  appartenu  aux  seigneurs  de  Safiïé,  et  est  passée 
aux  mains  de  la  famille  de  la  Chapelle  de  la  Roche-Giffard,  par 
acquisition  du  25  avril  1526. 

La  famille  de  la  Chapelle  est  originaire  de  la  basse-Bretagne  ; 
elle  existait  dès  le  XIIe  siècle  et  habitait  Sérent  ou  la  Chapelle  de 
Sérent  à  Molac,  à  6  lieues  de  Vannes  ;  elle  était  propriétaire  de 
la  Roche-Giffard,  qui  n'était  alors  qu'un  rendez-vous  de  chasse. 

Mathurin  de  la  Chapelle,  qui  fit  l'acquisition  de  la  terre  de  Sion, 
était  seigneur  de  la  Roche-Giffard.  Désormais  les  deux  noms  de 
Sion  et  de  la  Roche-Giffard  se  trouveront  souvent  ensemble. 

René  do  la  Chapelle  exerça  une  très  malheureuse  influence  sur 
tout  le  pays  de  Sion  et  les  environs.  C'est  avec  la  protection  des 
grands  que  le  protestantisme  réussit  à  pénétrer  dans  la  catholique 
Bretagne  ;  c'est  la  famille  de  la  Chapelle  qui  implanta  de  très 
bonne  heure  l'hérésie  de  Calvin  dans  le  pays  de  Sion  ;  elle  était 
soutenue  par  les  ducs  de  Rohan  et  les  princes  de  Condé.  L'his- 
toire rapporte  que  le  seigneur  de  la  Roche-Giffard,  quelques  sei- 
gneurs de  Sion  et  du  voisinage  s'unirent  pour  faire  un  corps 
d'église  ;  ils  appelèrent  un  pasteur,  s'emparèrent  d'une  chapelle 
de  l'église  pour  faire  leur  prêche  ;  les  habitants  de  la  localité  pro- 
testèrent, force  fut  aux  protestants  de  choisir  un  autre  local:  ils 


—  97  — 

se  servirent  alors  des  maisons  et  dépendances  de  Ja  Roche  pour 
l'exercice  de  leur  culte.  Disons  en  passant  que  bien  des  auteurs 
ont  confondu  cette  maison  de  la  Roche,  située  dans  le  bourg  môme 
de  Sion,  avec  la  Roche-Giffard. 

René  de  la  Chapelle  était  marié  avec  Renée  Thierry,  dame  de 
Pocé.  Ils  eurent  deux  enfants:  Louis  et  Judith,  laquelle  fut  baptisée 
en  octobre  1569  ;  elle  avait  pour  parrain  M.  Bonaventure  Chauvin, 
sieur  de  la  Muce,  et  pour  marraine  Françoise  Tournemine  de  la 
Hunaudaye. 

René  était  propriétaire  de  Fougeray.  —  Fougeray  était  divisé 
en  deux  châtellenies  principales:  celle  du  château  de  Fougeray, 
siège  du  marquisat,  et  celle  de  Port-de-Roche,avecLaunay-Bazoin, 
Cherhal,  la  Venourie  et  le  Lovray.  —  C'est  de  la  première  dont 
René  était  propriétaire,  Ainsi,  le  12  mai  1567,  noble  homme 
Guillaume  Perreau  et  Julienne  Dutertre,  son  épouse,  rendent 
aveu  pour  la  terre  de  la  Galotière  a  haut  et  puissant  seigneur 
René  de  la  Chapelle,  chevalier,  gentilhomme,  pensionnaire  du  roi, 
seigneur  de  la  Roche-Giffard,  Fougeray,  Sion,  etc.,  et  confessent 
de  lui  tenir  la  maison  et  la  métairie  de  la  Galotière,  paroisse 
de  Derval,  feuillette  de  Luzanger. 

René  de  la  Chapelle  était  un  enthousiaste  protestant  qui  ne  res- 
pectait guère  les  catholiques.  L'histoire  rapporte  qu'en  1562,  les 
émissaires  du  seigneur  de  la  Roche-Giffard  envahirent  le  couvent 
des  Cordeliers  de  Saint-Martin  situé  dans  la  forêt  de  Teillaye. 
Les  frères  purent  se  sauver,  a  l'exception  de  deux,  le  P.  Droua- 
doyne,  gardien,  homme  vénérable,  très  exact  observateur  de  sa 
règle  et  remarquable  par  son  érudition,  et  le  F.  François  Butault, 
laïque.  Le  premier  fut  cruellement  massacré,  le  F.  Butault  fut  jeté 
sur  des  charbons  ardents,  puis  assassiné.  Quelques  années  plus  tard, 
d'autres  religieux  de  Saint-François  étant  venu  habiter  Saint- 
Martin,  les  hérétiques  recommencèrent  leur  œuvre  d'iniquités. 
Le  P.  Jean  Tissier,  gardien,  homme  très  recommandable  par  ses 
vertus,  fut  tué  et  son  corps  jeté  dans  le  puits.  Le  martyrologe 
franciscain  fait  mémoire  de  ces  trois  saints  martyrs  au  premier 
août. 


—  98  -- 

René  demeura  obstiné  dans  sa  religion  jusqu'à  sa  mort;  en  vain 
M.  de  Montpensier  envoya-t-il  une  garnison,  sous  les  ordres 
du  capitaine  Havardière,  pour  solliciter  le  sieur  et  la  dame  de  la 
Roche  d'aller  à  la  messe;  au  contraire,  le  seigneur  de  la  Roche  se 
rendit  en  cour  pour  se  plaindre  de  la  garnison  qui  avait  été  mise 
à  la  Roche  par  M.  de  Montpensier,  sans  ordre  de  Sa  Majesté;  la 
garnison  demeura  1<2  jours  ;  Madame,  de  son  côté,  resta  constante. 

René  mourut  le  16  décembre  1577  en  protestant;  il  fut  enterré 
dans  l'église  du  Temple  de  Fougeray. 

Renée,  sa  femme,  dame  de  Pocé,  mourut  quatre  ans  plus  tard, 
en  1581  ;  elle  fut  enterrée  à  Saint-Sulpice,  près  la  Roehe-Gifiard. 

Il  ne  faut  pas  conclure  par  ces  lieux  d'inhumation  que  René 
et  Renée  de  la  Chapelle  soient  morts  catholiques;  les  seigneurs 
de  la  religion  réformée  jouissaient  encore  du  droit  de  se  faire 
enterrer  dans  les  enfeux  des  églises  paroissiales  dont  ils  étaient 
seigneurs. 

Du  reste,  l'enregistrement  de  leur  sépulture  est  fait  de  la 
main  du  ministre  protestant  de  l'église  de  Sion,  le  célèbre 
Guinaud,  dans  l'ancien  papier  de  Sion  ;  n'est-ce  pas  une  preuve 
évidente  que  René  et  Renée  de  la  Chapelle  sont  morts  protes- 
tants ? 

Le  fils  de  René,  Louis  de  la  Chapelle,  hérita  de  son  bien;  en 
janvier  1581,  il  était  marié  avec  une  fille  de  la  Touche -Morcau, 
Marguerite  du  Tillon.  Louis  de  la  Chapelle  était  ardent  prolestant, 
ainsi  que  sa  femme. 

Le  3  et  le  7  avril  1583,  des  aveux  lui  furent  rendus,  par 
François  de  Castellan  et  Renée  de  Bellouan,  son  épouse,  pour  la 
terre  et  dépendances  de  la  Fouaye  en  Sion. 

Les  Ligueurs  s'étant  emparés  par  ruse  de  son  château  de 
Fougeray,  il  voulut  le  reprendre  et  en  fit  le  siège,  mais  il  fut  tué 
d'un  coup  d'arquebuse  tiré  des  remparts.  Sa  mort  arriva  en 
1595. 

Il  laissa  plusieurs  enfants  :  deux  garçons,  Samuel  et  Ben- 
jamin, et  une  fille,  Renée,  laquelle  épousa  René  d'Avangour,  sei  - 
gneur  de  Saffré,  et  de  Kergrois  ;  nous  venons,  du  reste,  d'autres 


—  99  — 

alliances  entre  les  familles  de  Saffré  et  celles  de  la  Roche-Gifr'ard, 
qui  avaient  donné  toutes  les  deux  dans  le  protestantisme. 

Samuel  de  la  Chapelle  enleva  l'héritière  de  Montbarot,  Fran- 
çoise de  Marec,  fille  de  René  de  Marec  de  Montbarot,  gou- 
verneur de  Rennes  de  1589  à  1598;  il  était  protestant.  Il  fut 
tué  à  la  chasse  en  1625.  Deux  aveux  rendus  à  sa  mère  et  à  sa 
veuve  nous  sont  connus  ;  en  1626,  c'est  un  contrat  en  rachat  du 
fief  de  Limesle  en  Luzauger  entre  le  propriétaire  de  la  Galotière 
et  haute  et  puissante  dame  Françoise  de  Marec,  douairière 
de  la  Roche-Giffard,  Fougeray,  Sion,  etc.,  veuve  de  haut  et 
puissant  seigneur  Samuel  de  la  Chapelle  et  tutrice  de  ses  enfants 
mineurs.  Le  19  octobre  1633 ,  c'est  un  aveu  rendu  par  Marie 
de  Carriou,  veuve  de  Jehan  de  Castellan,  mort  le  29  mars  1633, 
et  tutrice  de  leurs  enfants ,  à  fin  de  rachat  pour  la  partie 
de  leur  terre  de  la  Fouaye,  dépendant  de  la  châtellenie  de  Dom- 
nèche,  relevant  de  Fougeray,  à  haute  et  puissante  dame  Margue- 
rite du  Tillon. 

Henri  de  la  Chapelle,  fils  de  Samuel  et  de  Françoise  de 
Marec,  fit  ériger  en  marquisat  les  terres  de  la  Roche-Giffard  et 
de  Fougeray  en  1645  ou  46.  Les  aveux  rendus  avant  cette  époque 
ne  lui  donnent  point  le  titre  de  marquis.  Il  s'était  marié  a  Margue- 
rite de  Chamballan.  Un  historié.1,  rapporte  qu'Henri  de  la  Cha- 
pelle mourut  en  Hollande  ,  où  il  s'était  retiré  pour  cause  de 
religion.  Il  est  dit  aussi  dans  l'acte  de  cession  du  monastère  de 
Saint-Sauveur  de  Béré  aux  religieuses  Ursuliues,  que  cette  vente 
eut  lieu  par  l'entremise  de  l'abbé  de  la  Chapelle-Glain,  prêtre  de 
i'Oratoire,  et  oncle  du  marquis  de  la  Roche-Giffard,  mort  depuis 
peu  en  Hollande,  où  il  s'était  retiré  comme  calviniste.  Un  autre 
historien,  au  contraire,  dit  qu'il  fat  tué  à  la  bataille  du  faubourg 
Saint- Antoine,  le  2  juillet  1652.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  versions, 
il  est  certain  qu'il  ne  vivait  plus  en  1655. 

Il  eut  trois  enfants  :  Henri,  Marguerite  et  Henriette. 

Son  fils  Henri  II  de  la  Chapelle  prit  possession  de  la  forêt 
de  Teillaye  en  1651  ;  il  épousa,  en  l'année  1656,  Marguerite  de 
Machecoul,  fille  de  Gabriel  de  Machecoul  ou  de  la  Lande  et  de 


—  100  — 

Renée  d'Avaugour.  Henri  II  de  la  Chapelle  était  la  teneur  du 
pays  :  on  est  stupéfait  de  l'atrocité  de  ses  crimes.  Pour  n'en  citer 
qu'un  exemple,  il  envoya  son  châtelain ,  premier  officier  de  sa 
maison,  piller  l'église  de  Sion  et  profaner  les  saintes  Espèces  ren- 
fermées dans  le  tabernacle.  On  en  trouve  la  preuve  dans  un 
vieux  registre  de  la  paroisse  de  Sainl-Sulpice  :  «  Le  huictième 
de  janvier  1661,  les  sieur  et  dame  delà  Roche,  accusez  d'avoir 
bruslé  ou  faict  brusler  la  chapelle  de  Sainct-Léonard  et  le  couvent 
de  Sainct-Martin  lurent  mis  en  arretz,  leur  chapelain  convaincu 
du  vol  et  emport  du  sainct  Ciboire  et  du  Sainct-Sacrcment  de 
Sion,  fut  bruslé  vif,  »  C'est  à  lui  évidemment  qu'il  faut  attri- 
buer ce  fait  raconté  dans  le  Dictionnaire  de  Bretagne  :  «  Le  mar- 
quis de  la  Roche-Giffard,  un  jour  de  Fête-Dieu,  se  rendant  au 
prêche  des  protestants,  arrive  auprès  de  l'église  des  catholiques, 
au  moment  de  la  procession  de  ces  derniers.  Il  ordonne  à  son 
cocher  de  fouetter  les  chevaux  et  de  passer  a  travers  la  proces- 
sion des  catholiques  ;  ceux-ci  lui  barrent  le  passage.  Le  cocher, 
sur  les  instances  du  marquis,  continue  de  presser  les  chevaux  ; 
les  marguilliers  et  les  prêtres,  armés  des  pieds  de  croix,  frappent 
a  coups  redoublés  sur  les  chevaux  et  le  postillon,  lequel  tombe 
mort  sur  le  terrain.  Force  fut  au  marquis  de  rebrousser  chemin.  » 
Le  Dictionnaire  de  Bretagne  dit  que  ce  fut  Jean  Duboy,  vicaire, 
qui  frappa  le  postillon ,  mais  la  tradition  du  pays  est  que  les 
marguilliers  et  les  prêtres  eurent  une  égale  part  à  cet  accident. 

En  1664,  le  marquisat  de  la  Roche-Giffard  et  de  Fougcray  fut 
mis  sous  le  séquestre,  vendu  aux  requêtes  du  Palais  à  Paris  et 
adjugé  au  maréchal  de  Créqui.  Henri  et  sa  femme  quittèrent  le 
pays,  emportant  des  sommes  considérables  ;  en  1672,  ils  étaient 
séparés  de  corps  et  de  biens  pour  cause  de  religion.  Henri ,  en 
1679,  reud  aveu  au  roi  pour  la  baronnie  de  la  Roche  en  Nort; 
Françoise  de  Marec ,  veuve  de  Samuel  de  la  Chapelle ,  avait 
échangé  cette  terre  avec  Louis  de  Rohan  contre  la  terre  de  la 
Chapelle  de  Sérent  ;  Jean-Baptiste  de  Cornulier  l'acheta  en 
1686. 

Henri  II  de  la  Chapelle  avait  deux  sœurs  ;  après  la  vente 


—  101  — 

du  marquisat  de  Fougeray  et  de  la  Roche-Giffard  en  1664, 
Marguerite  et  Henriette  vinrent  se  fixer  au  château  de  la 
Masserie,  dans  le  bourg  de  Sion  ;  elles  eurent  pour  apanage 
la  châtellenie  de  Sion,  laquelle  fut  irrévocablement  séparée 
de  Fougeray  et  de  la  Roche-Giffard,  à  l'exception  des  forges 
de  la  Hunaudière,  des  forêts  de  Domnèche  et  de  Thiouzé,  de  la 
Cour  de  Limezle  et  des  fiefs  en  dépendant.  Dès  1665,  Mar- 
guerite fit  au  roi  la  déclaration  de  la  terre  de  Sion.  Tous  les 
aveux  rendus  dans  la  châtellenie  de  Sion  depuis  1666  jusqu'en 
1681  sont  rendus  à  Marguerite  de  la  Chapelle;  le  dernier  acte 
signé  de  sa  main  est  du  4  mai  1683.  En  mourant,  elle  laissa  sa 
succession  à  sa  sœur  Henriette.  Henriette  de  la  Chapelle  avait 
épousé,  en  1680,  René  Duboays,  chevalier,  comte  de  Saint-Gilles, 
en  Vendée,  lequel  était  protestant,  ainsi  que  sa  femme  et  sa 
belle-sœur.  Henriette  mourut  en  1687  ou  peut-être  même  aupa- 
ravant. Avec  Henriette  disparaît  le  nom  de  la  Chapelle  ;  cette 
famille  de  la  Chapelle,  pendant  un  siècle  et  demi,  a  exercé  l'in- 
fluence la  plus  malheureuse  sur  le  pays.  Observons  aussi  que 
les  trois  derniers  seigneurs  du  nom  ;de  la  Chapelle  sont  morts 
d'une  manière  violente. 

Gédéon-Henri  Duboays  était  fils  de  René  Duboays,  il  naquit 
en  1681  ;  il  est  désigné  communément  sous  le  nom  de  comte  de 
Meneuf,  —  la  châtellenie  de  Meneuf  est  en  Saint-Armel,  près  de 
Rennes  ;  —  il  avait  aussi  le  titre  de  seigneur  de  Saint-Erblon, 
nom  d'une  terre  de  ce  nom  dans  la  paroisse  de  Saint-Erblon,  à 
la  porte  de  Rennes.  Son  mariage  eut  lieu  avec  Charlotte-Polixène 
de  Goulaine,  le  21  avril  1703. 

C'est  lui  qui  fit  bâtir  le  château  actuel  de  la  Masserie,  dans  le 
bourg  de  Sion,  avec  les  pierres  de  l'ancien  château  de  Sion.  Il  ne 
négligea  rien  pour  rendre  cette  habitation  agréable.  Ses  dépenses 
extraordinaires  le  rendirent  exigeant  envers  ses  vassaux;  les 
vexations  envers  les  voisins  dont  il  voulait  se  procurer  les  ter- 
rains pour  sa  propre  commodité  ont  rendu  son  nom  odieux;  il 
fit  faire  les  chaussées  des  étangs  du  Mottay  et  de  Launay  ;  les  eaux 
des  étangs  couvrirent  les  terrains  des  voisins  :  de  là  encore  mur- 
1885.  —  2«  Sem.  9 


—  102  — 

mures  et  procès;  il  accorda  aux  voisins  lésés  le  droit  de  paccage 
dans  l'étang.  Il  contraignit  les  gens  du  bourg  a  venir  moudre  a 
ses  meules  moyennant  certaines  redevances.  Le  prêtre  Fournet, 
au  nom  de  la  population,  lui  intenta  un  procès.  Il  fit  construire 
la  halle  sur  la  place  du  Martray,  établit  un  marché,  lequel  se  tenait 
le  mardi  de  chaque  semaine,  et  obligea  les  gens  de  la  seigneurie 
à  venir  y  vendre  leurs  denrées.  Il  avait  aussi  le  droit  de  faire 
tenir  quatre  foires. 

Lors  de  la  vente  de  la  Fouaye,  en  1716,  le  comte  de  Meneuf, 
comme  premier  seigneur,  exerça  son  droit  de  retrait  sur  la  ferme 
noble  de  la  Lande  et  toutes  ses  dépendances  ;  vers  1750,  il  céda 
cette  ferme  pour  800  livres  à  Julien  Judais,  qui  avait  été  son  do- 
mestique et  de  qui  il  avait  emprunté  cette  somme. 

Monsieur  et  Madame  de  Mejoeuf  furent  parrains  de  la  petite 
cloche  de  Sion,  le  13  mai  1720  ;  ils  l'avaient  fait  refondre  à  Sion 
même,  par  un  fondeur  de  Rennes. 

Sur  la  fin  de  sa  vie,  le  comte  de  Meneuf  se  convertit  à  la  reli- 
gion catholique  ;  la  comtesse  ne  fut  pas  étrangère  a  sa  conversion, 
elle  fut  toute  sa  vie  très  fervente  et  très  pieuse.  Après  avoir  fait 
son  abjuration  à  la  Masserie,  le  comte  fit  des  fondations  pieuses  ; 
il  fonda  une  rente  pour  les  pauvres  de  la  paroisse  de  Sion,  c'est 
ce  que  l'on  est  convenu  d'appeler  aujourd'hui  le  bureau  de  bien- 
faisance; il  acheta  le  droit  d'un  lit  pour  un  pauvre  de  Sion  à 
l'hospice  de  Saint-Méen  de  Rennes.  Ce  droit  a  été  perdu  à  la  Ré- 
volution. La  comtesse  avait  fondé  auparavant,  vers  1732,  une 
rente  de  50  livres  pour  une  mission  à  donner  dans  l'église  de 
Sion.  La  paroisse  a  joui  trois  fois  du  bienfait  de  la  mission,  puis 
à  la  Révolution  celte  rente  s'est  perdue.  La  mort  de  la  comtesse 
de  Meneuf  arriva  en  1736  ;  son  corps  fut  enterré  dans  l'église 
devant  le  grand  autel,  proche  la  sainte  table.  Le  comte  do  Meneuf 
survécut  bon  nombre  d'années  ;  en  1741,  il  se  retira  à  Rennes. 

Il  n'est  peut-être  pas  sans  quelque  intérêt  de  donner  ici  les 
droits  du  comte  de  Meneuf  et  de  ses  successeurs  ;  presque  sem- 
blables étaient  les  droits  de  beaucoup  de  petits  seigneurs  quelques 
années  avant  la  Révolution «  les  avouants  s'obligent  à  l'office 


—  103  — 

de  sergcntiso,  eueuillelle  et  amas  des  rentes  dues  à  chacun  des 
dits  rolles  et  fiefs  sous  lesquelles  ils  possèdent  leurs  héritages  à 
son  tour  et  rang  des  autres  consorts  et  d'en  payer  le  contenu,  et 
quinzaine  après  son  institution ,  en  un  seul  paiement ,  sauf  le 
droit  de  revendu? ,  que  tous  ceux  qui  sont  domiciliés  dans  ladite 
châtellenie  —  de   Sion  —  sont  obligés  d'aller  moudre  leurs 
grains  de  toutes  espèces  aux  moulins  d'y  celle  châtellenie  étant 
dans  la  banlieue  desdits  moulins  et  d'y  payer  le  droit  de  mouture 
à  raison  du  seizième,  que  dans  ladite  seigneurie,  ledit  seigneur  a 
droit  de  haute,  moyenne  et   basse  justice,  droit  de  gruerie, 
créations  d'officiers,  sénéchal,  alloué-lieutenant,  procureur  fiscal, 
procureurs  postulants ,  greffier,  notaire,  sergent  et  tous  autres 
officiers  pour  exercer  ladite  juridiction  ,  droit  de  sceau,  pour- 
voyance  de  mineurs  ,  inventaires ,  lots  et  ventes ,  épaves ,  déshé- 
rence de  lignes,  succession  de  bâtards,  taux,  amendes  et  confis- 
cation, droit  de  faire  prendre  un  chêne  avec  tête  sur  le  fief  de 
Lorrae ,  de  le  faire  traîner  dans  une  charette  par  les  sergents 
balayers  qui  sont  chaque  année  institués  et  planter  à  la  place 
publique  dudit  bourg  de  Sion  le  lendemain  de  la  Pentecôte  de 
chaque  année  ;  droits  de  quatre  foires  par  an  et  de  marché  au 
bourg  dudit  Sion  auquel  les  hommes  et  sujets  de  ladite  seigneurie 
sont  tenus  d'aller  vendre  et  acheter  leurs  denrées  et  de  prendre 
le  droit  de  coutume  et  de  primauté  sur  toutes  sortes  de  mar- 
chandises qui  y  seront  apportées  également  que  toutes  celles  pas- 
sant sur  ladite  seigneurie;  droits  de  prison  et  geôliers  pour  la 
garde  des  prisonniers,  de  justice  patibulaire ,  piliers  et  ceps  et 
poteau  armoyés  de  ses  armes  avec  collier  à  y  mettre  les  délin- 
quants; que  les  bois  de  la  seigneurie  sont  forestablcs;  droit  en 
toute  l'étendue  d'icelle  de  Me ,  garenne ,  chasse  à  toutes  sortes 
de  bêtes  et  de  pêche  prohibitive  avec  droit  d'établir  des  sergents 
forestiers  nécessaires  pour  la  poursuite  des  délits  qui  arriveront 
d'y  être  faits  ;  droit  de  prééminence  et  de  fondation  avec  lisière 
de  ses  armes  au  dedans  et  au  dehors  de  l'église  paroissiale  dudit 
Sion  et  tous  fermes  droits  comme  appartient  à  seigneur  châte- 
lain, haut  justicier  et  fondateur.  » 


—  104  — 

A  la  mort  du  comte  do  Meneuf,  sa  succession  passa  à  des  héri- 
tiers assez  éloignés  ;  les  biens  dépendant  de  la  succession  furent 
possédés  en  commun  jusqu'en  1780,  c'est  alors  qu'eut  lieu  la 
liquidation  de  la  succession.  Le  principal  héritier  fut  le  marquis 
de  Juigné;  les  autres  héritiers  furent  M.  de  la  Garrelave,  pro- 
priétaire de  Lorme,  en  Sion,  et  M.  de  Gouyon. 

Le  marquis  de  Juigné  eut,  pour  sa  part,  le  château  de  la  Mas- 
serie  et  ses  dépendances,  les  étangs,  la  Maladrie,  la  Gouloire  avec 
les  bois.  C'est  en  son  nom  que  se  rendait  la  justice. 

Louis  Leclerc,  appelé  le  Marquis  de  Juigné,  faisait  sa  résidence 
ordinaire  au  château  de  Montaigu,  en  Vendée.  Des  aveux  rendus 
en  1782, 83,  84,  85,  lui  donnent  de  nombreux  titres  :  «  Très-haut 
et  très-puissant  seigneur  Monseigneur  Jacques-Gabriel- Louis 
Leclerc,  chevalier,  marquis  de  Juigné  et  de  Montaigu,  baron  de 
Champagne  et  de  la  Lande,  seigneur  de  Vieillevigne,  Roche- 
Servière,  Touvois,  le  Bois-Rouaud,  le  lac  de  Grand-Lieu,  Sion, 
la  Chapelle-Basse-Mer,  Bodel,  le  Plessix-Auteuil,  Neuchelles, 
Blarolles,  Bretigny,  Bellière,  les  Loges,  la  Baleine,  lieutenant 
général  des  armées  du  roi,  ci-devant  son  ministre  plénipo- 
tentiaire près  l'Impératrice  de  toutes  les  Russies.  » 

La  terre  de  Sion  changea  de  mains  en  1785  ou  86,  soit  par 
acquisition,  soit  par  échange;  le  prince  de  Condéen  devint  le  pro- 
priétaire. On  sait  que  ce  prince  avait  déjà,  en  l'année  1713,  un 
droit  de  deux  sous  par  livre  ou  de  dix  pour  cent  sur  les  forges 
situées  en  Anjou ,  Maine,  Poitou,  Bretagne,  et  qu'en  1776,  il 
avait  acheté  de  M.  de  Granvillc  la  forge  de  la  Hunaudière  et  avait 
fait  bâtir  la  fonderie.  Voici  les  titres  du  prince  de  Condc  tels 
qu'ils  nous  sont  connus  :  «  prince  du  sang,  pair  et  grand-maître 
de  France,  gouverneur  et  lieutenant-général  pour  le  roi  en  ses 
provinces  de  Bourgogne  et  de  Bresse,  colonel-général  de  l'infan- 
terie française  et  étrangère,  duc  d'Enguien,  de  Guise  et  de  Bour- 
bonnais, baron  de  Châteaubriant,  Dcrval,  etc.  » 

La  terre  de  Sion  fut  confisquée  en  1790  et  vendue  par  la 
nation  ;  elle  comprenait  alors  :  le  château  de  la  Masserie,  ses 
vergers  et  jardins ,  le  Domaine ,  l'Auditoire ,  le  cimetière  des 


—  105  — 

Huguenots ,  la  maison  où  se  rendait  la  justice ,  la  prairie  de  la 
foire,  les  étangs  de  Leuseraye,  du  Mottay  et  de  Launay,  les  mou- 
lins de  Queneuc,  du  Pont-Godalin,  du  Château  et  du  Glaray,  les 
fermes  de  la  Couloire  et  de  la  Maladrie. 

Depuis  lors,  ces  biens  ont  été  divisés,  ont  passé  en  beaucoup 
de  mains,  ont  eu  en  un  mot  le  sort  de  presque  tous  les  biens 
achetés  à  celte  époque. 

Pour  terminer,  nous  ajouterons  ici  le  nom  des  propriétaires 
du  marquisat  de  Fougeray  et  de  la  Roche-Giffard,  parce  que, 
une  partie  de  la  paroisse  de  Sion  en  faisait  partie,  même 
après  1644,  année  ou  la  seigneurie  de  Sion  fut  séparée  du 
marquisat  de  Fougeray  et  de  la  Roche-Giffard.  Ce  fut  le  maré- 
chal de  Créqui,  marié  à  Catherine  de  Rougé,  qui  acheta  alors 
le  marquisat,  auquel  appartenaient,  en  Sion,  les  forges  de  la 
Hunaudière,  les  forêts  de  Domnèche,  de  Thiouzé,  la  Cour  de 
Limezle  et  les  fiefs  en  dépendant.  Voici  quels  étaient  les  titres 
du  maréchal  de  Créqui  :  «  très  haut  et  très  puissant  seigneur 
François  de  Bonne,  sire  de  Créqui,  maréchal  de  France,  général 
des  armées  du  roi,  gouverneur  pour  Sa  Majesté  des  pays  et  duchés 
de  Lorraine,  Barroyer  et  Luxembourg,  marquis  de  Marennes, 
Fougeray  et  la  Roche-Giffard.  »  —  Il  mourut  en  février  1687.  La 
maréchale  de  Créqui  demeurait  à  la  Roche-Giffard;  elle  y  vécut  en 
protestante  malgré  la  révocation  de  FÉdit  de  Nantes,  et  exerça  une 
influence  malheureuse  au  point  de  vue  religieux.  Elle  mourut  en 
1714.  Catherine  de  Rougé  n'avait  point  eu  d'enfants.  Sa  succession 
passa  aux  enfants  de  Gilles  de  Rougé,  son  frère,  décédé  avant  elle; 
Gilles  de  Rougé  eut  deux  enfants,  Louis  et  Innocente.  Louis 
mourut  jeune  encore,  laissant  un  enfant,  Marie -Charles-François 
de  Rougé,  marquis  du  Plessix  Bellière.  Innocente-Catherine  de 
Rougé  devint  héritière  de  son  frère  Louis  ;  elle  épousa  en  pre- 
mières noces  le  marquis  de  Coët-au-Fao,  homme  violent,  aux 
mœurs  dissolues,  la  terreur  du  pays,  protestant  de  cœur.  Ayant 
été  mandé  à  la  Cour  pour  rendre  compte  de  sa  conduite,  il  se 
donna  la  mort  vers  l'année  1740.  Innocente  épousa  en  secondes 


—  106  — 

noces  le  duc  d'Elbœuf,  qui  de  concert  avec  elle  vendit  le  mar- 
quisat de  Fougeray  et  de  la  Roche-Giffard  en  1748.  Ainsi, 
dans  l'espace  d'un  siècle,  ce  marquisat  fut  vendu  deux  fois, 
la  première  fois  en  1644,  la  seconde  en  1748.  Deux  proprié- 
taires en  firent  l'acquisition.  M.  Loquet,  riche  négociant  de 
Grandville,  en  Normandie,  acheta  la  terre  de  Fougeray  pour  la 
somme  de  550,000  fr.  -,  il  avait  été,  auparavant,  fermier  de  cette 
terre.  Elle  comprenait  la  forge  de  la  Hunaudière  et  ses  dépen- 
dances, les  deux  fonderies  avec  les  marais  de  Quéneuc,  les  forêts 
de  Domnèche  et  de  Thiouzé,  la  Cour  de  Limezle  et  les  fiefs  en 
dépendant.  Disons  aussi  que  la  terre  de  Fougeray  avait  deux  sièges 
de  justice,  l'un  à  Fougeray,  l'autre  à  Pierric.  La  châtellenie  de 
Sion,  après  1664,  faisait  encore  contrôler  ses  actes  à  Fougeray. 
M.  de  Grandville  eut  5  enfants,  un  garçon  et  quatre  filles  :  le 
fils  fut  guillotiné  dès  le  commencement  de  la  Révolution  ; 
deux  de  ses  filles  épousèrent  successivement  M.  Dumas;  une 
autre  épousa  M.  de  la  Rosière,  de  Saint-Malo;  la  quatrième, 
M.  Picot  de  la  Gaudinelais.  Depuis  1853,  une  grande  partie  de  la 
terre  de  Fougeray  en  Sion  appartient  à  la  famille  Poydras. 

La  terre  de  la  Roche-Giffard,  de  sou  côté,  fut  achetée  par 
M.  Delavau,  directeur  des  forges  de  la  Hunaudière,  pour  la  somme 
de  72,000  fr.  Par  cet  achat,  la  Roche-Giffard  devint  une  simple 
châtellenie  avec  deux  sièges  de  justice,  l'un  à  Saint-Sulpicc,  l'autre 
à  Ercé-en-la-Mée,  du  ressort  de  Bain.  M.  Delavau  était  marié  à 
Marie-Anne  Baugin,  de  Nantes,  laquelle  mourut  à  Saint-Sulpice, 
regrettée  des  pauvres,  dont  elle  était  la  Providence.  Ils  n'eurent 
qu'un  garçon,  qui  épousa  Mademoiselle  Charct,  de  Nantes.  Ils 
eurent  deux  filles  :  l'aînée  se  maria  avec  M.  Foulon,  de  Rennes  ; 
la  seconde,  appelée  Sophie,  épousa  M.  Guérin,  négociant  de 
Bordeaux,  lequel  mourut  en  1816.  Il  y  eut  trois  enfants  de  ce 
mariage  :  Sophie,  l'aînée,  mourut  jeune  encore  en  1836  ;  José- 
phine, qui  a  épousé  M.  Lanjamet  de  Vieuvillc;  Auguste,  à  qui  la 
Roche-Giffard  échut  en  partage.  Il  se  maria  avec  Mademoiselle 
d'Andigné,  d'Angers,  morte  depuis  a  Rennes.  Mais  M.  Auguste 


—  107  — 

Guérin  ,  tout  en  faisant  de  l'Agriculture  en  grand  et  du 
commerce,  vit  une  grande  partie  de  sa  fortune  s'en  aller,  et  la 
Roche-Giffard  fut  de  nouveau  vendue  à  M.  Récipon,  qui  en 
est  actuellement  possesseur. 

Abbé  Josnin. 


TABLE   DES   MATIERES 

DU  DEUXIÈME  SEMESTRE  DE  1885. 


Procès-verbaux  des  séances va  xvm 

Sainte- Marie  de  Pornic,  par  M.  Léon  Maître 1 

Fondations  pieuses  à  Nantes  (1549-1691),  par  M.  le  marquis 

de  Granges  de  Surgères 29 

Une  visite  à  Champtoceaux.  3  Juin  1885,  par  M.  S.  de  la 

Nigollière-Teijeiro 70 

La  terre  de  Sion  et  ses  seigneurs,  par  M.  I'abbé"  Josnin  ...  89 


EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX 

DES  DEUX.  SEMESTRES  DE  L' ANNÉE  1885. 


Séance  du  1S  janvier  1885.  —  Nécrologie  de  M.  le  docteur 
Merland.  —  Admission  de  MM.  André  Leraut,  Félix  Ghaillou,  le 
comte  Amédée  de  Béjarry  et  Paul  Eudel.  —  Notice  sur  le  Pont 
de  VEcliellerie,  par  M.  Louis  Petit*  —  Communications  de 
M.  Léon  Maître  sur  les  fouilles  faites  à  Nort,  et  de  M.  Pitre  de 
Lisle  sur  des  ruines  gallo-romaines,  près  de  Bois-de-Cené,  chez 
M.  Gustave  de  la  Brosse.  —  Objets  divers  donnés  au  Musée  ar- 
chéologique, par  M.  le  baron  Bertrand-Geslin,  et  communication 
de  M.  du  Champ-Renou  au  sujet  d'une  pierre  polie. 

Séance  du  3  février.  —  Lettre  de  remerciement  de  M.  Paul 
Eudel.  —  Communications  de  MM.  l'abbé  Chevillard  et  Alcide 
Leroux. 

Séance  du  S  mars.  —  Admission  de  M.  le  vicomte  Frotier  de 
Bagneux  qui,  avec  l'abbé  Augereau,  a  publié  les  Mémoires  de 
Pierre  Devaud  sur  les  guerres  de  la  Vendée.  —  Communica- 
tions de  MM.  Léon  Maître,  de  l'Estourbeillon  et  Félix  Chaillou. 

Séance  du  21  avril.  —  Nécrologie  de  M.  le  marquis  de  la 
Bretesche,  par  M.  le  marquis  de  Surgères.  —  Admission  de 
M.  Adelson  Nogues,  fils.  -  M.  de  l'Estourbeillon  rend  compte 
verbalement  du  dernier  congrès  de  la  Sorbonne. 

Séance  du  12  mai.  —  Admission  de  M.  Alfred  de  Veillechèze. 
—  Communications  de  MM.  Pitre  de  Lisle  et  Paul  Poirier.  — 
Notes  de  M.  Alexandre  Perthuis  sur  d'anciennes  cartes  à  jouer. 

Séance  du  2  juin.  —  Admission  de  MM.  Olivier  de  Gourcuff 
et  François  Le  Ghauff  de  Kerguenec.  —  Le  Président  fait  une 
courte  analyse  de  la  brochure  de  M.  Charles  Baret  sur  les  mi- 


—  112  — 

néraux  de  la  Loire-Iûférieure,  ei  entretient  la  Société  de  la 
nouvelle  publication  la  Revue  historique  de  l'Ouest,  fondée  par 
MM.  Gaston  de  Carné  et  Régis  de  l'Estourbeillon.  —  Ce  dernier 
propose  que  la  pierre  tombale  de  Louis  d'Avaugour,  qui  se 
trouve  dans  la  paroisse  de  Mauves,  soit  demandée  pour  le  musée 
de  Nantes. 

Séance  du  7  juillet.  —  Admission  de  MM.  Anthime  Menard  fils, 
Henri  Roumain  de  la  Touche  et  le  comte  Alphonse  de  la  Guère. 
—  Nécrologie  de  M.  Hippolyte  Maugras.  —  Communications  de 
MM.  Alexandre  Perthuis  et  le  docteur  Anizon. — Notes  de  M.  Louis 
Petit  sur  une  vue  de  la  Bourse  de  Nantes,  par  Volaire,  et  de 
M.  Félix  Chaillou  sur  une  ancienne  flûte  champêtre  trouvée  aux 
Cléons. 

Séance  du  S  novembre.  —  Admission  de  M.  le  commandant 
Léon  Dieu.  —  M.  de  la  Nicollière-Teijeiro  lit  deux  intéressantes 
notices  :  1°  Une  rixe  dans  la  rue  de  Briord  au  XVI6  siècle  ; 
2°  Une  épave  de  la  place  Bretagne.  —  M.  le  Président  et  M.  de 
l'Estourbeillon,  en  annonçant  la  prochaine  arrivée  à  Nantes  de 
M.  le  comte  de  Marsy,  directeur  de  la  Société  Française  d'Ar- 
chéologie, entretiennent  la  Société  du  futur  Congrès  et  des 
différentes  excursions  projetées.  —  Communications  de  MM.  Léon 
Maître,  Charles  Perrion,  de  l'Estourbeillon  et  Emile  Grimaud. 

Séance  du  îdr  décembre.  —  Compte  rendu  par  M.  de  la  Nicol- 
lière-Teijeiro de  l'ouvrage  italien  Li  Abitazioni  lacustri,  offert 
par  M.  le  commandant  Léon  Dieu.  —  M.  Léon  Maître  soumet  à 
l'assemblée  le  plan  des  fouilles  faites  à  Petit-Mars,  Mauves  et 
Saint-Gêréon.  —  M.  Henri  Lemeignen  parle  de  la  nécessité  d'or- 
ganiser le  prochain  Congrès. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


PAR  NOMS  D'AUTEURS 


De  Granges  de  Surgères  (Mis).  —  Fondations  pieuses  à 

Nantes  (/549-/6'9/).  —  28  semestre 29 

Josnin  (l'abbé).  —  La  Terre  de  Sion  et  ses  seigneurs.  — 

2e  semestre 89 

De  la  Nicollière-Teijeiro  (S.)  —  Une  visite  à  Champ- 

toceaux.  —  3  juin  1885.  —  2e  semestre 70 

De  Lisle  du  Dreneuc  (Pitre). —  Dictionnaire  archéolo- 
gique de  la  Loire-Inférieure  {arrondissement  de 
Paimbœuf).  —  1er  semestre 1 

Maître  (Léon).  —  1°  Grand-Champ  et  ses  origines.  — 

1er  semestre 91 

2°  La  station  gallo-romaine  de  Vieille-Cour  à 

Mauves.  —  1er  semestre 101 

3°  Sainte-Marie  de  Pornic.  -*•  2e  semestre 1 


—  114  — 

Montfort  (Jules).  —  Compte  rendu  d'un  Mémoire  sur 
les  clochers  du  Finistère,  de  M.  Bigot,  architecte 
diocésain.  —  1er  semestre 108 

Poirier  (Paul).  —  De  l'antiquité  de  la  connaissance  du 

fer.  —  1er  semestre 82 


gantes.  —  Imp.  V'acent  Fwest  et  Emile  Grimaud,  place  du  Commerce,  4. 


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